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Jurisprudence : E-commerce

vendredi 19 juillet 2013
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Tribunal de grande instance de Paris 3ème chambre, 2ème section Jugement du 28 juin 2013

M. X… / M. Y…

constat - contrefaçon - dessins et modèles - directeur de la publication - droit d'auteur - preuve - site internet - validité - vente en ligne

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Monsieur X. exerce depuis le 1er novembre 2010, sous le statut d’auto-entrepreneur l’activité de vente d’étuis, housses et coques de téléphones portables, exclusivement par l’intermédiaire de plateformes de vente en ligne sur internet sous le nom de compte « Ia … ».

Il expose avoir été mis en demeure par lettre du 12 septembre 2012 par Monsieur Y. d’avoir à cesser la mise en vente de ses produits, ce dernier lui reprochant de commettre des actes de contrefaçon de dessins et modèles.

Ayant pu constater quelques jours plus tard que Monsieur Y. avait par courrier du 17 septembre 2012 déposé une réclamation auprès de la société Amazon Services Europe pour violation de ses droits de propriété intellectuelle, et avant reçu par courrier du 1er octobre 2012 notification de la fermeture de son compte sur la plate forme de vente en ligne amazon.fr, Monsieur X. a par une lettre de son avocat du 25 octobre 2012, fait savoir à Monsieur Y. qu’il contestait la validité des dessins et modèles opposés et qu’il lui demandait de retirer sa plainte, avant de solliciter du président du tribunal de grande instance de Paris l’autorisation de l’assigner à jour fixe pour s’entendre dire qu’il ne détenait aucun droit de propriété opposable et lui permettre de procéder à la réouverture de son compte sur Amazon et reprendre la distribution de ses produits sur internet.

C’est dans ce contexte, qu’autorisé par ordonnance en date du 31 janvier 2013 Monsieur X. a, par acte d’huissier du 6 février 2013, fait assigner Monsieur Y. pour voir prononcer la nullité des dessins et modèles et dire et juger qu’ils ne peuvent bénéficier de la protection au titre des droits d’auteur et obtenir, outre des mesures d’interdiction et de publication le retrait des plaintes de ce dernier auprès de la société Amazon et l’indemnisation des préjudices subis.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 18 avril 2013, Monsieur X., après avoir réfuté les arguments présentés en défense et au terme d’une série de constats qui ne constituent pas des demandes en justice au sens du code de procédure civile, demande au tribunal, de :
– prononcer la nullité de l’intégralité des dépôts n°… 309 du 30 juin 2011 et n°… 689 au 29 septembre 2011 pour défaut de nouveauté et de caractère propre.
– ordonner l’inscription de l’annulation des dépôts au Registre National des Dessins et Modèles tenu par l’Inpi sur réquisition du greffier ou requête de l’une des parties,
– constater qu’il a qualité à agir pour demander qu’il soit jugé que les dessins ou modèles opposés par Monsieur Y. ne sont pas protégés par le droit d’auteur,
– juger que ces dessins ne sont donc pas protégés par le droit d’auteur, Monsieur Y. ne justifiant pas de sa qualité d’auteur et les dessins ne présentant aucune originalité,
– ordonner la publication du jugement à intervenir en entier ou par extraits dans cinq périodiques ou journaux en lignes de son choix et aux frais avancés du défendeur dans la limite d un coût global de 10 000 € hors taxes pour l’ensemble des insertions,
– interdire à M. Y. de se prévaloir des dessins litigieux auprès du demandeur et de toutes tierces personnes,
– dire et juger que le comportement de Monsieur Y. constitue une faute au sens de l’article 1382 du code civil,
– dire et juger que le comportement de M. Y. constitue une faute au sens de l’article 1383 du code civil,
– dire et juger que le comportement de M. Y. lui a causé un préjudice direct,
– en conséquence condamner Monsieur Y. à retirer toutes ses réclamations adressées aux sites appartenant à la société Amazon, particulièrement les sites www.amazon.fr et www.amazon.it, sous astreinte de 200 € par jour de retard 8 jours après la signification du présent jugement et dire que Monsieur Y. devra en justifier auprès de lui,
– condamner Monsieur Y. à retirer toutes réclamations qui auraient été portées par ce dernier sur d’autres sites internet, sans qu’il ne le sache, sous astreinte de 200 € par réclamation constatée et par jour de retard 8 jours après la signification du présent jugement,
– condamner Monsieur Y. à s’abstenir d’opposer de quelconques droits sur les dessins et modèles objet du litige auprès de tous tiers et particulièrement de toutes plateformes de ventes sur internet sous astreinte de 500 € par réclamation constatée auprès d’un site internet tiers et par jour de retard, 8 jours après la signification du présent jugement.
– condamner Monsieur Y. à lui verser à titre de dommages et intérêts la somme de 3700 € par mois et ce de manière rétroactive depuis le 1er octobre 2012, date de fermeture de son compte sur le site www.amazon.fr, jusqu’à la réouverture de son compte sur le site www.amazon.fr liée au retrait des réclamations de M. Y.
– condamner Monsieur Y. à lui verser à titre de dommages et intérêts la somme de 1800 € par mois et ce de manière rétroactive depuis le 17 décembre 2012, date de fermeture de son compte sur le site www.amazon.it, jusqu’à la réouverture de son compte sur le site www.amazon.it liée au retrait des réclamations de M. Y.,
– condamner Monsieur Y. à lui verser à titre de dommages et intérêts la somme forfaitaire de 9000 € en réparation du préjudice subi lié au manque à gagner résultant de l’impossibilité de vendre sur les sites Amazon durant la période de fin d’année 2012,
– condamner Monsieur Y. à lui verser à titre de dommages et intérêts, la somme forfaitaire de 160 € en réparation du préjudice subi lié au frais de déstockage des produits entreposes chez Amazon,
– condamner Monsieur Y. à lui verser à titre de dommages et intérêts, la somme forfaitaire de 1000 € en réparation du préjudice subi lié au blocage durant 90 jours des sommes conservées par Amazon,
– sur les demandes reconventionnelles de M. Y. :
– dire et juger que le constat d’huissier réalisé le 26 mars 2013 à la demande du défendeur (pièce adverse n°8) est dépourvu de force probante et en conséquence, écarter des débats la pièce adverse n°8,
– dire et juger qu’en l’absence de protection des dessins et modèles déposés (notamment le dessin n° 201 14689) par le défendeur, aucune contrefaçon ne peut être caractérisée,
– débouter en conséquence M. Y. de ses demandes, en contrefaçon de dessins et modèles,
– à titre subsidiaire débouter Monsieur Y. de ses demandes en contrefaçon de dessins et modèles de marques n°…615 et …817, la matérialité n’étant pas établie,
– débouter Monsieur Y. de toutes ses demandes,
– dire etj en raison des circonstances de la cause et vu l’urgence que la décision à intervenir sera assortie de l’exécution provisoire,
– condamner Monsieur Y. à lui verser la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Delphine Maratray-Baccuzat avocat de Monsieur X., en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes des dernières conclusions signifiées par voie électronique le 15 mai 2013 Monsieur Y. demande au tribunal de :
– dire et juger qu’il est recevable et bien fondé en ses demandes fins moyens et prétentions y faire droit,
– en conséquence dire à juger que les pièces de Monsieur X. n° 14 et 15 versées aux débats et les impressions écrans reproduites dans son assignation délivrée le 6 février 2013 sont dépourvues de valeur probante et en conséquence les écarter des débats,
– dire et juger valides les enregistrements à I’INPI des dessins n°… 309-001, 309-002, 309-003 et …689-001 dès lors qu’ils répondent aux conditions de fond de protection énoncées aux articles L 511-1 a L 511-8 du code de la propriété intellectuelle,
– dire et juger que les dessins objets des dépôts de dessins et modèles n°… 309-001, 309-002, 309-003 et …689-001 sont protégeables par le droit d’auteur, conformément aux articles L111-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
– dire et juger qu’il n’a pas commis de faute à l’égard de Monsieur M. X.,
– dire et juger que M. X. ne justifie d’aucun préjudice à raison de ses agissements.
– en conséquence, débouter Monsieur X. de l’ensemble de ses demandes fins moyens et prétentions ,
– reconventionnellement, dire et juger qu’en reproduisant la marque française U. n° ….817 et en imitant la marque communautaire semi figurative U.-…., n° 615 pour commercialiser des étuis et housses de téléphone portables identiques à ceux sises par lesdites marques dans des conditions portant atteinte à la fonction d’identification de ces marques Monsieur M. X. a commis des actes de contrefaçon de marques au sens des articles L713-2 L713-3, L716-1 et L717-1 du code de la propriété intellectuelle ainsi qu’au sens de l’article 9 du règlement (CE) n°207/2009,
– dire et juger qu’en mettant sur le marche et en offrant à la vente des étuis de téléphone portable incorporant le dessin et modèle n°…689 ou à tout le moins ne produisant pas sur l’observateur averti une impression visuelle d’ensemble différente Monsieur X. a commis des actes de contrefaçon de dessin et modèle au sens des articles L.513-4, L.513-5 et L.521-1 du code de la propriété intellectuelle;

En conséquence,
– interdire à Monsieur X. tout usage des marques U. n°…817 et U. n°…615 seules ou en association avec 4 autres termes, à quelque titre que ce soit, ainsi que de toute dénomination susceptible de créer un risque de confusion avec les marques U. n°…817 et U. n°…615 dans un délai de 48 heures à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte passe ce délai de 100 € par jour de retard et par infraction constatée,
– interdire à Monsieur X. toute fabrication, offre, la mise sur le marche, importation, exportation utilisation ou détention à ces fins d’un produit incorporant le dessin et modèle n°…689, dans un délai de 48 heures à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte, passe ce délai, de 100 € par jour de retard et par infraction constatée,
– ordonner à Monsieur X. de supprimer toute annonce, sur toute plate-forme commerciale en ligne et notamment sur la plate-forme amazon.fr, de supprimer toute annonce reproduisant le dessin et modèle n°…689, dans un délai de 48 heures à compter de la signification de la décision à intervenir sous astreinte passe ce délai de 100 € par jour de retard et par infraction constatée,
– condamner Monsieur X. à lui payer à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, sauf à parfaire la somme de 15 000 € en réparation des préjudices causes par les actes de contrefaçon de marques et de dessins et modèle, avec intérêt légal à compter des présentes conclusions, en application de l‘article 1153-1 du code civil,
– dire que l’ensemble des astreintes prononcées à l’encontre de Monsieur X. commencera à courir passer le délai de 48 heures de la signification de la décision à intervenir sur les condamnations assorties de l’exécution provisoire et, à défaut d’exécution provisoire, à compter de l’expiration du délai d’appel et seront productrices d’intérêts au taux légal,
– ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil,
– se réserver expressément le pouvoir de liquider les astreintes prononcées,
– condamner Monsieur X. à lui payer la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, X. aux entiers dépens dont distraction au profit de la société Alain Bensoussan Selas en application de l’article 699 du code de procédure civile.

L’affaire a été entendue à l’audience des plaidoiries tenue le 16 mai 2013 et mise en délibéré au 28 juin 2013.

DISCUSSION

Sur le rejet des pièces n° 14 et n° 15 du demandeur et sur le rejet de la pièce n° 8 du défendeur

Le défendeur conteste les prétendues dates de mise en ligne des produits figurant dans le procès-verbal de constat dressé le 21 décembre 2012 à la requête de Monsieur X., il prétend que le constat reproduirait des pages tirées des sites internet comportant des annonces prétendument datées en 2010 ou 2011 alors que s’il est établi que les contenus constatés figuraient effectivement à la date du 21 décembre 2012, rien ne permettrait de dire que les annonces et vidéos constatées ont bien été mises en ligne aux dates indiquées sur les pages internet.

Par ailleurs, il indique que les “impressions écrans” reproduites dans l’assignation du 6 février 2013 ne sont pas issues du procès verbal du 21 décembre 2012 et seraient de la sorte dénuées de toute force probante. De la même façon il demande à ce que soit écartés des débats les documents commerciaux constitués d’impressions écrans obtenues dans des conditions inconnues.

Pour sa part Monsieur X. critique la force probante de la pièce adverse n° 8 correspondant au procès verbal de constat du 26 mars 2013 produit par Monsieur Y. pour caractériser des actes de contrefaçon de marques commis par le demandeur.

Cependant le défaut allégué de force probante d’une pièce destinée à établir la prétention d’une partie ne constitue pas un motif de rejet de ladite pièce dont la portée reste également soumise au tribunal.

Sur la validité des dessins et modèles de Monsieur Y.

Monsieur Y. est titulaire de droits au titre d’un dessin et modèle intitulé « étui pour appareil électronique », enregistré le 30 juin 2011 auprès de l’Inpi sous le n°…309 et comportant trois figures :
– n°…309-001
– n°… 309-002
– n°…309-003

Monsieur Y. se prétend également titulaire de droit au titre de dessin et modèle déposé le 29 septembre 2011 et enregistré sous le n° …689 intitulé « Etui pour téléphone portable et tablette multimédia”, ainsi représenté :

[…]

Monsieur X. sollicite à titre principal la nullité de ces dessins et modèles pour défaut de nouveauté et de caractère propre.

Il justifie d’un intérêt à agir dès lors que ces dessins lui ont été opposés par M. Y. pour lui interdire la vente en ligne sur internet de certains produits ayant conduit à la fermeture de son compte sur Amazon.

Sa demande est donc recevable.

Au soutien de celle-ci, il fait valoir qu’avant la date de ces dépôts, de très nombreuses coques de téléphones portables étaient commercialisées en France et en veut pour preuve une série d’images d’étuis provenant de vidéos diffusées sur internet et dont l’existence a été constatée par huissier. II fait observer que certaines d’entre elles datent de plus d’une année avant les dépôts et que Monsieur Y. outre qu’il n’en remplit aucune des conditions ne pourrait donc bénéficier des dispositions prévues par l’article L 511-6 du code de la propriété intellectuelle, lequel prévoit la possibilité de divulgation à des tiers dans les douze mois précédent le dépôt des dessins.

Monsieur X. soutient ensuite que ces dépôts ne révéleraient pas par rapport aux créations divulguées antérieurement des différences suffisamment marquées de sorte que l’impression visuelle d’ensemble n’en serait pas modifiée.

Pour s’opposer à la demande de nullité ainsi formée, Monsieur Y. conteste essentiellement le caractère probant du constat d’huissier produit par le demandeur en affirmant, comme il a été dit plus haut que les dates de mise en ligne des vidéos sur internet ne présenteraient aucune garantie de fiabilité dès lors qu’il serait possible à celui qui publie la vidéo, de les modifier à tout moment.

Il ajoute que si le constat était retenu comme moyen de preuve, son contenu n’apporterait aucune antériorité de toute pièce divulguant ses dessins et modèles aucune des photographies représentées ne reproduisant selon lui l’ensemble des caractéristiques

Enfin, s’agissant de leur caractère propre, Monsieur Y. a fait saloir que les modèles précités produisent pour l’utilisateur averti une impression visuelle d’ensemble différente de ceux versés aux débats par le demandeur les différences ne pouvant pas s’expliquer selon lui par de simples considérations techniques.

Aux termes de l’article L511-2 du code de la propriété intellectuelle, seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un « caractère propre”.

Selon l’article L 511-3 du même code un dessin ou modèle a un caractère propre lorsque l’impression visuelle d’ensemble qu’il suscite chez l’observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date du dépôt de la demande d’enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée.

Au soutien de sa demande de nullité Monsieur X. verse aux débats une série d’annonces publicitaires extraites de vidéos diffusées sur internet présentant des étuis de téléphone portable, datées des 10 mai 2011, 5 octobre 2010, 4 septembre 2010, 12 juillet 2010, 23 mai 2011 et 13 juillet 2010, soit antérieurement aux dépôts revendiqués des 30 juin et 29 septembre 2011.

Sans contester la date à laquelle ces impressions d’écrans ont été réalisées par l’huissier de justice, soit en 2012, Monsieur Y. remet en cause la fiabilité des dates de mise en ligne qui y sont indiquées, affirmant comme il a été dit précédemment qu’elles ont pu être modifiées par les auteurs de ces publications et prétend qu’il ne lui appartiendrait pas de rapporter la preuve de la date de mise en ligne.

S’il est exact comme il le rappelle d’ailleurs à juste titre qu’il incombe à celui qui se prévaut d’un fait juridique d’en rapporter la preuve, il appartient en revanche à celui qui conteste la force probante d’une pièce versée aux débats à cet effet – a fortiori s’agissant du contenu d’un procès-verbal de constat d’huissier- de produire des éléments permettant de douter de la fiabilité d’une telle preuve.

Or en l’espèce, alors qu’il remet en cause les dates de mise en ligne pour toutes les publications relevées par l’huissier de justice dans son constat du 21 décembre 2012 (pièce demandeur n°14), ainsi que pour toutes les impressions écrans réalisées par le demandeur lui-même (objet de la pièce n°15 documents commerciaux ), Monsieur Y. ne fournit aucun indices sérieux laissant supposer qu’un seul des auteurs de ces publications aurait pu modifier les dates de mise en ligne des dites publications.

A supposer ces modifications possibles sur un plan technique – ce qui n’est pas démontré dans le dossier et reste contesté par le demandeur – aucune anomalie ou incohérence qui pourrait laisser croire que l’un de ces diffuseurs de vidéos ait pu procéder à des modifications des dates de mise en ligne, ne sont mises en exergue par le défendeur.

Par conséquent dès lors que l’huissier de justice a respecté les pré-requis pour tout constat sur internet et que pas le moindre élément ne vient jeter un doute sur les dates de mise en ligne de ces images, la force probante du procès-verbal de constat du 21 décembre 2012 reste entière.

Or sans qu’il soit besoin de se référer aux « documents commerciaux » également versés aux débats par le demandeur qui présentent une moindre valeur probante que le procès-verbal d’huissier, les constatations de cet officier ministériel suffisent à démontrer qu’un grand nombre de coques de téléphone divulguées antérieurement au dépôt des dessins et modèles du défendeur comportaient dans des caractéristiques identiques.

Il en va ainsi de la housse pour Motorola Defy mis en ligne le 10 mai 2011 et sur laquelle on retrouve la forme du S des figures 001 et 002 du dessin n° 309 la même ondulation et les deux arcs de cercle débutant et finissant sur les extrémités gauche et droite de l’étui, positionnés face à chaque creux de la courbe, créant l’impression de vagues qui ne se mélangent pas.

De même, la vidéo de présentation d’un coque pour Iphone 4 achetée par un consommateur et postée sur Youtube le 4 septembre 2010 donne à voir un modèle très proche de celui enregistré sous le n°… 689-001 le 29 septembre 2011 puisqu’il comporte lui aussi une ligne courbe, composée de deux droites parallèles reliées entre elles par une troisième droite orthogonale les angles rejoignant les différentes droites étant arrondis un rectangle en haut à gauche et un rond situé dans la partie haute du rectangle.

Si ce dernier ne comporte pas en revanche les deux rectangles longilignes apposés aux côtes droit et gauche du cadre alors qu’ils figurent sur le dessin enregistré sous le n° 689-001 ou que les autres coques apparaissant sur ces images comportent quelques différences avec les trois figures du dessin n°…309 de telle sorte que ces modèles de coques ne peuvent pas constituer des antériorités de toute pièce susceptible de combattre le caractère de nouveauté des dessins et modèles opposés, force est de constater cependant que l’impression d’ensemble que ces derniers suscitent chez l’observateur averti se retrouve dans les antériorités divulguées cette impression tenant au fait que l’on est en présence des mêmes éléments caractérisant les dessins revendiqués, à savoir, la forme en S partant d’un angle vers l’autre du rectangle les deux S qui partent chacun d’un angle pour se retrouver au milieu du rectangle, les deux S qui se rejoignent autour d’un rond qui rappelle la forme ovale du dessin n° …689 du 29 septembre 2011 ainsi que les deux demi-cercles du dessin n°… 309.

Les dessins et modèles déposés par Monsieur Y. et enregistrés sous les n° 309 et 689 ne présentent donc pas un caractère propre et ne sont pas en conséquence susceptibles de protection au titre des dessins et modèles.

Il y a lieu en conséquence de faire droit à la demande en nullité de ces modèles en application de l’article L 512-4 du code de la propriété intellectuelle.

Sur la protection par le droit d’auteur

Monsieur X. souhaite voir juger que Monsieur Y. ne peut se prévaloir pour les dessins et modèles évoqués ci-dessus de la protection par le droit d’auteur prévue par les articles L 111-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle.

Il sera préalablement indique qu’il justifie de son intérêt à agir dès lors qu’il a été jugé recevable à agir à titre principal en nullité des dessins et modèles et que rien ne s’oppose à ce qu’il puisse contester l’éligibilité de ces derniers à la protection par le droit d’auteur ne serait ce qu’en vertu du principe de l’unité de l’art – et ce, dans le but légitime de faire disparaitre un monopole pour lui permettre d‘exploiter librement ses produits.

Sa demande à ce titre est donc recevable.

En vertu de l’article L.113-1 du code de la propriété intellectuelle, la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée.

Par ailleurs las dispositions de l’article L 112-1 du code de la propriété intellectuelle protègent par le droit d’auteur toutes les œuvres de l‘esprit, pourvu qu’elles soient des créations originales.

A supposer que Monsieur Y. soit le créateur des deux dessins et modèles déposés à son nom ce qui est au demeurant conteste force est de constater qu’il ne caractérise pas leur originalité puisqu’il se contente d’affirmer dans ses écritures :

« Si le travail de Monsieur Y. parait simple il n’en demeure pas moins que l’ensemble des formes et courbes présentent indéniablement un caractère original. En effet il ne peut être contesté que les dessins présentent des caractéristiques ornementales et esthétiques. Le tribunal ne manquera pas de constater toute la créativité dont Monsieur Y. a su faire preuve par l’accumulation de formes artistiques, qui rendent ses dessins originaux ».

Ce faisant, il ne dit pas en quoi une combinaison d’éléments aussi généraux que « des formes et des courbes », ou des caractéristiques ornementales et esthétiques ou encore « l’accumulation de formes artistiques » que présenteraient les dessins, résulterait d’un processus créatif qui leur conférerait une physionomie propre et traduirait un parti pris esthétique qui porterait l’empreinte de sa personnalité.

Par conséquent, les quatre représentations d’étuis pour téléphone portable objets des deux enregistrements à titre de dessins et modèles n°…309 et n°…689 ne peuvent’ pas bénéficier de la protection instaurée par le Livre I du code de la propriété intellectuelle.

Il n’y a pas lieu en revanche de faire droit aux demandes d’interdiction et à la demande de publication subséquente.

Sur responsabilité délictuelle de Monsieur Y.

Monsieur X. fait grief à Monsieur Y. d’avoir déposé une réclamation auprès du site Amazon en septembre 2012 en vue d’obtenir le retrait d’une annonce de coque de téléphone, en ayant parfaitement conscience que cette plainte entraînerait le retrait de tous les produits qu’il a mis en vente sur le site www.amazon.fr.

Il fait observer que le défendeur aurait ensuite multiplié les plaintes non seulement auprès du site français mais également auprès du site italien www.amazon.it alors qu’il ne disposait d’aucun droit à lui opposer en Italie et que ce comportement fautif aurait contraint à stopper toute activité commerciale sur internet et le priver de l’essentiel de ses revenus.

Cependant, il n’est pas établi que M. Y. ait demandé à la société Amazone la fermeture du compte de M. X., sa seule démarche s’étant limitée à la mise en œuvre de la procédure prévue par la plate forme de vente en ligne, en cas de violation d’un droit de propriété intellectuelle.

Or en l’espèce Monsieur Y. qui était titulaire de droits au titre de dessins et modèles enregistres a pu croire, de manière légitime, à la violation de ses droits.

Dès lors, il ne peut lui être reproché d’avoir formé des réclamations auprès du site français de vente en ligne de la société Amazon la fermeture du compte étant une mesure décidée par cette dernière et à laquelle il est étranger sa requête se limitant au retrait des contenus illicites et en particulier des produits argués de contrefaçon.

Par ailleurs il n’est pas non plus établi que Monsieur Y. ait demande la fermeture du compte sur le site italien puisqu’il ressort du courrier de notification de fermeture de ce compte du 16 décembre 2012 que cette décision est la conséquence directe de la fermeture du compte ouvert en France, laquelle, comme il vient d’être dit ne relève que de la politique de gestion des violations des droits de propriété intellectuelle menée par la société Amazon et non de l’initiative de Monsieur Y.

Ce dernier qui a pu légitimement se méprendre sur l’étendue de ses droits au titre des dessins et modèles, a donc agi sans malveillance dès lors qu’il a seulement demandé le retrait des produits litigieux du site de vente en ligne et non la fermeture dès comptes du demandeur.

Par conséquent aucune faute n’étant caractérisée à son encontre les demandes indemnitaires formées à ce titre, seront rejetées.

Sur les demandes reconventionnelles de Monsieur Y.

* sur la contrefaçon des marques

Monsieur Y. reproche à Monsieur X. d’avoir commercialisé, sur son compte Amazon sous le nom de « …gsm » des étuis pour téléphones portables par le biais d’annonces reproduisant ou imitant deux marques dont il est titulaire :
– la marque semi-figurative U. qui serait apposée directement sur les photographies des produits commercialisés,
– la marque verbale U. sous les formes suivantes :
« Référence constructeur … » et « … original pour téléphone et S2 Distributeur exclusif… ».

Monsieur Y. justifie en effet, être titulaire de la marque française verbale U. n°…6817, désignant les « housses et étuis spéciaux destinés aux appareils d’enregistrement, de transmission, de reproduction du son ou des images » et de la marque communautaire semi-figurative U. n°…615, désignant notamment les « étuis de transport pour dispositifs électroniques portables ; étuis de transport pour ordinateurs ; étuis spéciaux pour appareils et instruments photographiques ; étuis pour appareils photographiques ».

Il rappelle que le nom de vendeur utilise par Monsieur X. sur les plateformes de vente sur internet est « …gsm » ce que le demandeur ne conteste pas, et s’appuie sur plusieurs procès verbaux de constat d’huissier sur internet pour démontrer que sous ce nom, associé à l’adresse de messagerie ….@gmail.com, Monsieur X. proposerait à la vente des housses de téléphones en référence à la marque verbale U. et dont les photographies comporteraient la marque semi-figurative U.

En réplique Monsieur X. conteste être l’auteur de ces mises en ligne, rappelant qu’elles sont postérieures à la fermeture de son compte sur Amazon et faisant observer sur ce point que ces annonces litigieuses comporteraient le même code ASIN que les annonces de la société C. ayant des liens avec le défendeur et laissant supposer qu’elles pourraient être le fait de ce dernier.

Il n’est pas contestable qu’un compte sur Amazon ayant pour nom de vendeur « …gsm » , propose à la vente des coques de téléphones portables comportant sur les photographies les représentant, l’inscription « U. » , et qu’au vu notamment du procès verbal établi à la requête de Monsieur Y. le 13 mai 2013 le compte-vendeur « …gsm » a un lien avec l’adresse e-mail …@gmail.com..

Force est de constater cependant qu’il n’existe aucune certitude quant à l’identité réelle du de celui qui a publié les annonces commerciales figurant sur ce compte.

Il n’a en effet pas de preuve formelle établissant que Monsieur X. serait à l’origine des publications sur ce compte, et ce d’autant qu’il est fermé depuis le 1er octobre 2012 et qu’il existe une équivoque sérieuse quant aux numéros EAN et ASIN que ces annonces présentent et qui sont les mêmes numéros que ceux des annonces publiées par la société C. laquelle est liée à Monsieur Y.

Si Monsieur Y. prétend que ce point serait sans incidence dès lors que selon lui deux vendeurs différents peuvent mettre en ligne des produits avec un code EAN identique attaché au produit vendu et que l’identité de code ASIN serait liée au fonctionnement de la plate forme Amazon et aux conditions de mise en ligne des produits, il apparaît pourtant à la lecture du procès verbal de constat du 28 mars 2013 que le code ASIN est défini par la société Amazon comme une référence unique donnée à chaque article figurant sur le catalogue d’un site.

Aussi, il existe un doute sérieux quant à l’identité de l’auteur des publications litigieuses, rien n’établissant de manière formelle qu’il s’agisse de Monsieur X..

Par conséquent les demandes formées au titre de la contrefaçon de marques seront rejetées.

* sur la contrefaçon de dessins et modèles

Les dessins et modèles enregistrés sous les n° 309 et 689 sur lesquels Monsieur Y. fonde son action en contrefaçon ayant été annulés la demande formée à ce titre est devenue sans objet et ne sera pas examinée.

Sur les autres demandes

Il y a lieu de condamner Monsieur Y. partie perdante aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile avec distraction au profit de Maître Delphine Maratray-Baccuzat.

En outre il doit être condamné à verser à Monsieur X., qui a du exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 5000 €.

Il ne saurait dès lors lui-même prétendre à une quelconque indemnisation sur ce fondement.

Les circonstances de l’espèce justifient le prononcé de l’exécution provisoire, qui est en outre compatible avec la nature du litige.

DÉCISION

Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
– Dit n’avoir lieu au rejet des pièces n° 14 et n° 15 du demandeur et de la pièce n° 8 du défendeur ;
– Déclare les demandes de Monsieur X. recevables ;
– Prononce la nullité des dessins et modèles enregistrés sous les n°…309 et …689 pour défaut de caractère propre ;
– Dit que la décision une fois devenue définitive sera transmise à l’Inpi à la requête de la partie la plus diligente pour inscription au registre national des dessins et modèles ;
– Dit que les étuis de téléphones portables représentés sur les dessins et modèles enregistrés sous les n° …309 et …689 ne bénéficient pas de la protection au titre des droits d’auteur, prévue au titre du livre I du code de la propriété intellectuelle ;
– Déboute M. X. de l’action en responsabilité délictuelle à l’encontre de Monsieur Y. ;
– Déboute Monsieur X. de l’ensemble des demandes indemnitaires formées à ce titre ;
– Déboute Monsieur Y. de toutes ses demandes reconventionnelles, tant au titre de la contrefaçon de marques que de dessins et modèles ;
– Condamne Monsieur Y. à payer à Monsieur X. la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Déboute Monsieur X. de toutes ses autres demandes plus amples ou contraires ;
– Ordonne l’exécution provisoire du jugement ;
– Condamne Monsieur Y. aux dépens.

Le tribunal : M. Eric Halphen (vice président), M. Arnaud Desgranges (vice président), Mme Valérie Distinguin (juge)

Avocats : Me Delphine Maratray-Baccuzat, Me Bruno Carbonnier, Me Alain Bensoussan

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.