Jurisprudence : Marques
Tribunal de grande instance de Paris 3ème chambre, 4ème section Jugement du 03 mars 2011
Mutuelle civile de la défense / Cabinet Wilhelm
marques
FAITS ET PROCEDURE
La Mutuelle civile de la défense est une personne morale de droit privé à but non lucratif qui offre une protection sociale complémentaire essentiellement aux personnels civils du ministère de la Défense et des entreprises actives dans le secteur de la défense.
Elle a déposé en 1999 et renouvelé en 2009, la marque “Mutuelle Civile de la Défense MCDef » enregistrée sous le n° 99 711 610 pour les assurances, affaires financières, affaires monétaires, affaires immobilières, en classe 36.
La société Cabinet Wilhelm est un Cabinet de courtage en assurance. Il exploite deux sites internet www.courtage.com et www.mutuelle.com. Sur ce dernier site créé en 2009, il propose des prestations de mutuelle santé, complémentaire et assurance santé en établissant des devis notamment pour les mutuelles Myriade, MPGS et France Mutuelle.
Le 27 février 2009, la Mutuelle civile de la défense a fait dresser un procès-verbal de constat par un huissier de justice en vue d’établir que le Cabinet Wilhelm faisait un usage non autorisé de sa marque et de son identité afin de conduire des clients potentiels à s’intéresser aux tarifs d’entreprises concurrentes.
Dans le même temps, seize mutuelles ont fait assigner en référé le Cabinet Wilhelm afin de faire cesser des actes de concurrence déloyale. Par une ordonnance du 2 avril 2009, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a constaté que la défenderesse avait mis fin à l’utilisation du nom des mutuelles concernées et il l’a condamnée à payer la somme provisionnelle d’un euro à chacune des demanderesses, tout en rejetant la demande tendant à lui voir interdire l’usage du mot “mutuelle” dès lors qu’il ne dissimulait pas une entreprise n’ayant pas cette qualité.
Le 26 août 2009, la Mutuelle civile de la défense a fait dresser un second procès-verbal de constat afin de démontrer la persistance des faits commis à son encontre.
Le 31 août 2009, elle a fait assigner la société Cabinet Wilhelm devant le tribunal de grande instance de Paris sur le fondement de la contrefaçon de sa marque et sur celui de la concurrence déloyale et du parasitisme. Elle réclame, outre des mesures d’interdiction et de publication de la décision judiciaire, le paiement de la somme de 20 000 € en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon et d’une somme identique en réparation du préjudice résultant de la concurrence déloyale et parasitaire. Enfin, elle sollicite l’exécution provisoire du jugement et une indemnité de 5000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures du 23 décembre 2010, la Mutuelle civile de la défense explique tout d’abord qu’elle a intérêt à agir en faisant valoir qu’elle agit pour la défense de sa marque et de ses intérêts personnels dans le cadre d’une action en concurrence déloyale et non pas pour la défense d’un intérêt collectif. Elle déclare ainsi avoir un intérêt légitime, né et actuel à faire cesser le comportement fautif de la défenderesse à son égard et notamment à obtenir la cessation de l’emploi du mot “mutuelle” pour identifier son site internet, qui engendre un risque de confusion dans l’esprit du consommateur.
S’agissant de la contrefaçon, la Mutuelle civile de la défense déclare que le procès-verbal du 26 août 2009 révèle que sa marque est reproduite sans son autorisation, afin d’être utilisée comme une sorte de balise conduisant le consommateur vers les produits d’autres marques et afin de servir à la promotion des offres commercialisées par le Cabinet Wilhelm pour le compte notamment de Myriade, MGPS et France mutuelle. Elle déclare également que la marque “Mutuelle Civile de la Défense MCDef” est utilisée pour accéder au site www.mutuelle.com. Elle considère que le référencement de ce site à partir d’une requête sur sa marque, constitue un acte de contrefaçon et elle invoque l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 23 mars 2010 ainsi que les arrêts de la Cour de cassation du 10 juillet 2010.
Elle soutient, en outre, que l’utilisation abusive de sa marque est aggravée par le fait qu’elle se produit sur un site dont le nom de domaine est lui-même litigieux. Elle rappelle que le mot “mutuelle” est un terme protégé par l’article L112-2 du Code de la mutualité, que le Cabinet Wilhelm n’est pas une mutuelle mais une société anonyme exerçant une activité de courtier en assurance et que l’usage par lui du nom de domaine www.mutuelle.com est de nature à créer une confusion et conforter les effets de la contrefaçon dans l’esprit du public. Elle ajoute que le fait que le Cabinet Wilhelm se livre à du courtage au profit de mutuelles ne l’autorise pas à se substituer à celles-ci pour utiliser le terme “mutuelle” mais uniquement à proposer leurs offres. Ainsi, elle conclut au caractère fautif et contrefaisant de la combinaison de l’utilisation abusive de sa marque et de celle tout aussi abusive du mot “mutuelle” dans le nom de domaine du défendeur.
S’agissant de la concurrence déloyale et parasitaire, la Mutuelle civile de la défense soutient que sa marque est une marque de renommée au sens de l’article L713-5 du Code de la propriété intellectuelle et que le Cabinet Wilhelm commet des actes de concurrence déloyale ou parasitaire en s’introduisant sur un marché en utilisant une valeur économique appartenant à un tiers, constituée en l’espèce à la fois par la renommée de sa marque et celle de sa dénomination sociale. Elle ajoute que les deux entreprises sont en concurrence directe et que le site litigieux n’est pas un site informatif et comparatif mais un site commercial ayant pour vocation de vendre des offres émanant de concurrents directs de la demanderesse.
Elle invoque le risque de confusion pour un consommateur d’attention moyenne orienté vers le site www.mutuelle.com et des offres concurrentes à partir d’une requête composée des mots “Mutuelle civile de la défense” et alors que le nom de domaine laisse croire que le site est exploité par une entité ou un groupement mutualiste. Elle ajoute que le site internet en cause est dédié à l’activité du Cabinet Wilhelm et non pas à celle de ses clients et que par l’emploi de ce nom de domaine, le Cabinet Wilhelm travestit son activité de courtage. Elle rappelle que la protection attachée au mot “mutuelle” a pour objectif d’assurer une information sans équivoque des consommateurs sur l’objet et les finalités des organismes auxquels ils s’adressent. Enfin, elle reprend les termes de l’ordonnance de référé du 2 avril 2009 et soutient que le procédé abusif de la défenderesse est renforcé par une utilisation probable de la marque en tant que meta tag du site “mutuelle.com”.
S’agissant du parasitisme, la Mutuelle civile de la défense déclare que le Cabinet Wilhelm utilise la réputation de sa marque et de sa dénomination sociale pour faire connaître ses produits directement concurrents, en entretenant la confusion pour capter la clientèle initialement intéressée par les produits et services de la Mutuelle civile de la défense. Elle relève que le site mutuelle.com n’est pas un site comparatif et n’a pas vocation à renseigner l’internaute sur ses services. Elle ajoute que la mention “nous ne travaillons pas avec cette mutuelle” ne suffit pas à surmonter l’effet produit par l’instrumentalisation de son nom et de sa marque. Elle indique enfin qu’il importe peu que les termes Mutuelle civile de la défense ne se trouvent pas sur le site même mais sur le lien apparaissant sur Google et intitulé “comparer votre devis Mutuelle civile de la défense avec les mutuelles santé qui sont sur mutuelle.com” et elle rappelle les constations effectuées par l’huissier de justice les 27 février et 26 août 2009. Elle précise que les devis élaborés en son nom sont effectués de façon arbitraire et hasardeuse alors que le courtier ne connaît pas ses critères.
La Mutuelle civile de la défense déclare que par sa stratégie de captation de clientèle, le Cabinet Wilhelm a anéanti l’impact de sa campagne de communication et elle explique avoir dû augmenter de façon significative son budget développement et communication pour pouvoir remédier à l’atteinte subie. Elle réclame 150 000 € à titre de dommages intérêts.
La société Mutuelle civile de la défense expose également qu’elle subit un préjudice moral tenant à la présentation sans soin particulier de sa marque et de ses prestations. Elle réclame la somme de 20 000 €.
Enfin, elle sollicite l’interdiction d’utiliser sa marque et sa dénomination sociale ainsi que l’interdiction d’utiliser le nom de domaine www.mutuelle.com.
Dans ses dernières écritures du 1er décembre 2010, le Cabinet Wilhelm fait valoir que la demanderesse agit au soutien de l’intérêt collectif des mutuelles lorsqu’elle demande l’interdiction d’user du mot “mutuelle” sur tous supports. Il ajoute que cette demande repose sur une interprétation erronée de l’article L112-2 du Code de la mutualité qui n’a pas lieu à s’appliquer dès lors que Cabinet Wilhelm ne crée pas de confusion dans l’esprit du public sur sa qualité et qu’agissant en tant qu’intermédiaire de mutuelles, il est bien obligé d’utiliser le mot “mutuelle”. Il ajoute que dans le langage courant, le terme “mutuelle” est devenu synonyme de complémentaire santé et est utilisé de façon généralisée par les sites présentateurs ou comparateurs de mutuelle ainsi que par la presse sans créer de confusion dans l’esprit du public sur la qualité de l’assureur.
Sur le fond, le Cabinet Wilhelm conteste la renommée dont la demanderesse se prévaut. Il déclare ensuite qu’en sa qualité d’intermédiaire de mutuelles, il doit mettre en valeur les prestations de ses clientes et utiliser le terme “mutuelle” sans cependant créer de risque de confusion sur sa qualité. Il précise qu’à aucun moment il ne se présente comme étant un correspondant de la Mutuelle civile de la défense, qu’il indique au contraire ne pas avoir de lien avec cette mutuelle et propose seulement de comparer ses devis avec ceux de ses clientes. Il fait valoir que cette activité n’est pas critiquable mais au contraire participe de la libre concurrence,
Le Cabinet Wilhelm invoque par ailleurs l’ordonnance de référé du 2 avril 2009 qui a constaté la fin des actes de concurrence déloyale et il ajoute qu’il ne crée aucune confusion puisqu’il prend le soin d’indiquer qu’il ne travaille pas avec la Mutuelle civile de la défense et qu’il propose uniquement une comparaison entre les prestations de différentes mutuelles, ce qui est licite. Il conclut donc au rejet des demandes et réclame la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
DISCUSSION
Sur la recevabilité de la demande tendant à voir interdire l’usage du terme “mutuelle” sur tous supports
Il convient tout d’abord de relever que la Mutuelle civile de la défense ne réclame pas une interdiction de l’usage du terme “mutuelle” sur tous supports mais l’interdiction d’exploiter le nom de domaine www.mutuelle.com.
Cette demande est fondée sur la violation des dispositions de l’article L112-1 du Code de la mutualité mais s’insère dans des demandes fondées sur la contrefaçon de marque et la concurrence déloyale et parasitaire en ce que l’utilisation de la marque et de la dénomination sociale de la Mutuelle civile de la défense sur un site internet au nom de domaine litigieux aggrave le risque de confusion dans l’esprit du consommateur et participe aux comportements fautifs reprochés au défendeur.
Dans ces conditions, il apparaît que la Mutuelle civile de la défense ne défend pas un intérêt collectif mais un intérêt personnel en cherchant à obtenir protection de ses signes distinctifs et empêcher une captation de son image et de sa clientèle par des moyens déloyaux.
Il y a donc lieu de la déclarer recevable à agir.
Sur les demandes fondées sur la contrefaçon de la marque
Le procès verbal de constat du 27 février 2009 explique que :
– l’huissier de justice saisit les mots” mutuelle civile de la défense” sur le moteur de recherche Google puis clique sur le cinquième lien de la page de résultats “MCDF mutuelle civile de la défense avis de consommateurs” (annexe 2)
– cette opération fait apparaître une page du site www.mutuelle.com avec un titre “mutuelle.com” et en dessous les sous-titres :
“devis mutuelle santé complémentaire et assurance santé mutuelle-liste mutuelle-fonction publique-mutuelle civile de la défense Mutuelle civile de la Défense” cette page porte la mention “nous ne travaillons pas avec cette mutuelle mais nous vous proposons un article sur cette mutuelle de qualité” puis suit une présentation de la Mutuelle civile de la défense. (annexe 3)
– l’huissier de justice clique sur “mutuelle santé” et arrive sur une page sous titrée
“devis mutuelle santé complémentaire et assurance santé mutuelle-liste mutuelle-fonction publique
Mutuelles de la fonction publique
Les différentes mutuelles de la fonction publique”, (annexe 4)
Il clique ensuite sur un rectangle “liste des mutuelles” ce qui fait apparaître une liste de mutuelles (annexes 4, 5, 6).
Il clique sur “mutuelle civile de la défense” et apparaît une page de présentation identique à l’annexe 3 (annexes 8, 8-1, 8-2)
– dans le corps du texte, l’huissier de justice clique sur “offre mutuelle santé collective” ce qui fait apparaître une page sous titrée “mutuelle santé 22 garanties santé à votre disposition” qui ne correspond pas à des garanties de la Mutuelle civile de la défense (annexes 9 à 9-8).
– il clique ensuite sur une des propositions Mutuelle santé MS7 et apparaît une page sous titrée” garanties mutuelle santé formule ms7” (annexes 10 à 10-4) puis sur un rectangle jaune “contact” et il obtient une page sous titrée” contact mutuelle, mutuelle et assurance dans ma ville” avec les coordonnées du Cabinet Wilhelm. (annexe 11)
– de la même façon, l’huissier de justice revient sur la page sous-titrée
“mutuelle civile de la défense” (annexe 12= annexe 3) et en cliquant sur
“contact” arrive à la page des coordonnées du Cabinet Wilhelm (annexe 13 = annexe 11).
Il ressort de ces opérations qu’à partir de la saisie d’une requête “mutuelle civile de la défense” sur le moteur de recherche Google, l’huissier de justice parvient sur une page du site internet www.mutuelle.com sous titrée “mutuelle civile de la défense” avec la mention “nous ne travaillons pas avec cette mutuelle mais nous vous proposons un article sur cette mutuelle de qualité” suivie d’une présentation de la mutuelle puis qu’à partir de cette page, il aboutit à des pages relatives à d’autres mutuelles et aux coordonnées du Cabinet Wilhelm.
Le second constat dressé le 26 août 2009 explique que :
– l’huissier de justice saisit les mots ”mutuelle civile de la défense” sur le moteur de recherche Google puis clique sur le cinquième lien de la page de résultats“ comparer votre devis Mutuelle civile de la défense avec les …“ (annexe 7)
– il arrive sur une page avec le sous-titre “comparer votre devis Mutuelle civile de la défense en demandant un tarif des mutuelles santé présentes sur mutuelle.com, avec ensuite une mention en petits caractères rouges “nous ne travaillons pas avec cette mutuelle” et une présentation de la Mutuelle civile de la défense
– il clique ensuite sur contact et fait apparaître une page avec les coordonnées du Cabinet Wilhelm
– l’huissier de justice renouvelle sa recherche sur Google à partir de la même requête, aboutit à nouveau à la page consacrée à la Mutuelle civile de la défense puis à partir de celles-ci, clique sur différents liens vers d’autres mutuelles : Myriade, MPGS et des produits de cette dernière.
Sur le référencement du site www.mutuelle.com à partir de la marque
Il convient tout d’abord de relever que la requête “mutuelle civile de la défense” ne fait pas apparaître un lien commercial au profit du Cabinet Wilhelm de telle sorte que la demanderesse ne peut reprocher à ce dernier l’usage de sa marque à titre de mot-clé dans le cadre du système Adwords de la société Google.
La requête “mutuelle civile de la défense” fait apparaître sur la partie gauche de l’écran, les résultats suivants : “MCDEF mutuelle civile de la Défense avis de consommateurs” (pv de constat du 27 février 2009) et “comparez votre devis Mutuelle civile de la défense avec les…comparez Mutuelle civile de la Défense avec les mutuelles santé qui sont sur mutuelle.com“ (pv du 26 août 2009).
Ces résultats apparaissent dans le cadre du référencement naturel et il appartient à la demanderesse d’établir que celui-ci est réalisé à partir de méta tags reprenant sa marque. Faute par la Mutuelle civile de la défense d’avoir fait constater par huissier de justice quels étaient les mots choisis par le défendeur pour déclencher le référencement de son site internet par le moteur de recherche Google, le tribunal ne peut se fonder sur une simple probabilité pour retenir une contrefaçon de la marque “mutuelle civile de la défense”.
Il n’y a donc pas lieu de retenir la contrefaçon par un usage de la marque pour le référencement du site www.mutuelle.com.
Sur la reproduction de la marque
Le procès-verbal de constat du 27 février 2009 produit par la demanderesse révèle que la marque “Mutuelle Civile de la Défense MCDef » apparaît dans les mentions figurant sur la page de résultat dont la rédaction et le contenu sont de la responsabilité du défendeur.
Il convient donc de rechercher si cet usage non autorisé par la demanderesse présente un caractère fautif.
Le Cabinet Wilhelm fait valoir que son site a une vocation d’information, qu’il permet aux internautes de comparer différents devis de mutuelles et que par ailleurs, il n’est pas susceptible de créer une confusion dans l’esprit du consommateur puisqu’il indique explicitement qu’il ne travaille pas avec cette mutuelle.
Cependant il ressort des constatations de l’huissier de justice que le site litigieux n’a pas une vocation purement informative mais qu’il sert à promouvoir les mutuelles au bénéfice desquelles le défendeur exerce son activité de courtage. Il ne constitue pas, par ailleurs, un comparateur de devis alors que le Cabinet Wilhelm n’est pas en mesure de faire connaître aux internautes quelles sont les conditions que leur proposerait la demanderesse et qu’il met seulement en ligne une page de présentation générale de la mutuelle et de ses produits sans fournir aucune donnée chiffrée susceptible d’être comparée.
Ainsi il ressort des procès-verbaux de constat que la marque “Mutuelle Civile de la Défense MCDef » sert à attirer le consommateur sur le site www.mutuelle.com alors même que ce site ne propose pas les prestations de la demanderesse et que contrairement à ses affirmations, elle ne peut offrir aucune comparaison entre ses devis et ceux d’autres mutuelles. Il apparaît donc que le Cabinet Wilhelm utilise la marque de la demanderesse comme une marque d’appel afin de diriger les internautes vers le site mutuelle.com qui effectue la promotion d’autres mutuelles, concurrentes de la Mutuelle civile de la défense.
Le fait que le Cabinet Wilhelm fasse figurer sur son site la mention “nous ne travaillons pas avec cette mutuelle” est indifférent dans la mesure où au moment où l’internaute lit cette phrase, il est déjà sur le site www.mutuelle.com et que l’utilisation de la marque a produit son effet en attirant un client potentiel sur un site proposant des produits concurrents.
Par ailleurs, comme le relève la Mutuelle civile de la défense, le fait que l’internaute se trouve dirigé à partir de la requête “mutuelle civile de la défense” vers un site dénommé “mutuelle-com” le conduit naturellement à penser qu’il se trouve sur un site consacré aux mutuelles et non pas sur un site de courtier. L’emploi de ce nom de domaine ne permet pas à l’internaute de se rendre compte facilement et immédiatement que la marque de la demanderesse est détournée de son objectif qui est de désigner les produits de la mutuelle, pour servir d’appât pour des produits concurrents.
Il y a donc lieu de retenir que l’usage non autorisé par la demanderesse que le Cabinet Wilhelm fait de sa marque, constitue un acte fautif de contrefaçon.
Sur les actes de concurrence déloyale
A ce titre, la Mutuelle civile de la défense se plaint d’une atteinte à la renommée de sa marque et d’une atteinte à sa dénomination sociale.
Elle poursuit également l’utilisation du nom de domaine www.mutuelle.com pour désigner un site internet exploité par un courtier.
S’agissant de l’atteinte à la renommée de la marque “Mutuelle Civile de la Défense MCDef »’, la demanderesse verse aux débats deux articles de promotion parus dans les cahiers de la compétitivité du Monde (Le monde ne participe pas à la rédaction de ce supplément) ainsi que des pièces relatives à ses dépenses de développement et communication pour l’année 2009. Cependant ces seuls éléments sont insuffisants pour établir la renommée de la marque et il ne peut donc être retenu une atteinte à ce titre.
Néanmoins, le procès-verbal de constat du 26 août 2009 révèle que la dénomination sociale de la demanderesse apparaît dans les mentions figurant sur la page de résultat dont la rédaction et le contenu sont de la responsabilité du défendeur. Or, le fait d’utiliser la dénomination sociale d’un tiers afin d’attirer les clients potentiels vers des produits concurrents constitue un acte de concurrence déloyale. Pour les mêmes motifs que ceux développés ci-dessus dans le cadre de la contrefaçon de la marque, il y a lieu de retenir que le Cabinet Wilhelm commet des actes de concurrence déloyale en utilisant la dénomination sociale de la demanderesse en vue d’attirer les consommateurs et clients sur un site destiné à promouvoir des produits de mutuelles concurrentes.
Il convient, au surplus, de déterminer si l’emploi du nom de domaine “www.mutuelIe.com” constitue un acte de concurrence déloyale à l’égard de la demanderesse, en procurant au Cabinet Wilhelm un avantage concurrentiel injustifié par la création d’un risque de confusion dans l’esprit du public entre les activités économiques des deux parties.
Comme le relève le défendeur, il exerce son activité de courtier au bénéfice de mutuelles de telle sorte qu’il doit nécessairement utiliser ce terme pour promouvoir les produits de ses clientes.
Par ailleurs, les mentions du site ne permettent pas de retenir que le Cabinet Wilhelm crée une ambiguïté sur son activité en se présentant lui-même comme une mutuelle au sens de l’article L112-1 du Code la mutualité.
Certes, le nom de domaine à lui seul ne permet pas au consommateur de percevoir que le site est un site d’intermédiaire et non pas un site exploité directement par une mutuelle ou un groupe de mutuelle. Néanmoins, la Mutuelle civile de la défense ne démontre pas que cette ambiguïté lui cause un préjudice personnel.
Ainsi, l’usage du nom de domaine www.mutuelle.com pour promouvoir les produits de plusieurs mutuelles ne constitue pas un acte déloyal procurant au Cabinet Wilhelm un avantage concurrentiel injustifié au préjudice de la demanderesse.
Sur le parasitisme
La Mutuelle civile de la défense n’invoque pas de faits distincts de ceux qu’elle a déjà invoqués au titre de la contrefaçon de sa marque et de la concurrence déloyale.
Sur les mesures réparatrices
Afin de mettre fin au préjudice résultant des actes de contrefaçon de marque et de concurrence déloyale, il y a lieu de faire injonction sous astreinte à la société Cabinet Wilhelm de cesser de faire usage de la marque “Mutuelle Civile de la Défense MCDef » et de la dénomination “Mutuelle civile de la défense” pour désigner des produits et services d’assurances, affaires financières, affaires monétaires, affaires immobilières et toute activité de mutuelle.
En revanche, cette mesure apparaît suffisante pour mettre fin au préjudice subi par la demanderesse, et il n’y a pas lieu d’enjoindre à la société Cabinet Wilhelm de cesser d’utiliser le nom de domaine www.mutuelle.com.
Par ailleurs, compte tenu des pièces produites aux débats par la Mutuelle civile de la défense pour justifier de ses dépenses de communication en 2009, il lui sera alloué la somme de 10 000 € au titre de la contrefaçon de sa marque et celle de 10 000 € au titre de la concurrence déloyale.
Les dommages intérêts alloués constituent une réparation adéquate des préjudices subis et il n’y a pas lieu d’ordonner la publication de la décision judiciaire.
Il sera alloué à la Mutuelle civile de la défense la somme de 8000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
L’exécution provisoire compatible avec la nature de l’affaire doit être ordonnée pour mettre fin rapidement au préjudice subi.
DECISION
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,
. Dit qu’en utilisant la marque “Mutuelle Civile de la Défense MCDef”, la société Cabinet Wilhelm a commis des actes de contrefaçon de la marque française n° 99 711 610 au préjudice de la Mutuelle civile de la défense,
. Dit qu’en utilisant la dénomination sociale “Mutuelle civile de la défense” la société Cabinet Wilhelm a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la demanderesse,
. Fait injonction à la société Cabinet Wilhelm de cesser de faire usage de la marque “Mutuelle Civile de la Défense MCDef » et de la dénomination “Mutuelle civile de la défense” pour désigner des produits et services d’assurances, affaires financières, affaires monétaires, affaires immobilières et toute activité de mutuelle, sous astreinte de 500 € par jour de retard passé le délai d’un mois suivant la signification du jugement,
. Se réserve la liquidation de l’astreinte,
. Rejette la demande tendant à voir cesser l’utilisation du nom de domaine www.mutuelle.com par la société Cabinet Wilhelm,
. Condamne la société Cabinet Wilhelm à payer à la Mutuelle civile de la défense la somme de 10 000 € en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon de marque,
. Condamne la société Cabinet Wilhelm à payer à la Mutuelle civile de la défense la somme de 10 000 € en réparation du préjudice résultant de la concurrence déloyale,
. Rejette la demande de publication du jugement sur le site internet de la défenderesse,
. Condamne la société Cabinet Wilhelm à payer à la Mutuelle civile de la défense la somme de 8000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
. Ordonne l’exécution provisoire du jugement,
. Condamne la société Cabinet Wilhelm aux dépens.
Le tribunal : Mme Marie-Claude Hervé (Vice présidente), Mme Laure Comte et M. Rémy Moncorge (juges)
Avocats : Me Eric Caprioli, Me Anne Sophie Bapt
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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.