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Jurisprudence : Responsabilité

lundi 28 octobre 2013
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Tribunal de grande instance d’Evreux Chambre correctionnelle Jugement du 31 juillet 2013

Thomas P., Evelyne M. / Arnaud M.

argent - diffusion réseaux sociaux - extorsion - infraction - matériel informatique - pénal - photographies - violence

FAITS ET PROCÉDURE

Une convocation à l’audience du 31 juillet 2013 a été notifiée à M. Arnaud le 14 février 2013 par un agent ou un officier de police judiciaire sur instruction du procureur de la République et avis lui a été donné de son droit de se faire assister d’un avocat. Conformément à l’article 390-1 du code de procédure pénale, cette convocation vaut citation à personne.

M. Arnaud a comparu à l’audience assisté de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

Il est prévenu :
– d’avoir à Chambray (27), Evreux (27) et Reuilly (27), le 1er juin 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, commis l’infraction suivante : extorsion commis au préjudice d’une personne vulnérable en l’espèce avoir obtenu par contrainte la remise de la somme de 900 € en numéraire à Evreux, un téléviseur LCD Toshiba à Reuilly et un ordinateur portable Asus avec sa sacoche de transport à Chambray, au préjudice de P. Thomas, avec cette circonstance que les faits ont été commis au préjudice d’une personne qu’il savait particulièrement vulnérable en raison de son état psychique,

faits prévus par Art.312-2 2°, Art.312-1 Al.1 C.Penal. et réprimés par Art.312-2 Al.1, Art.312-13, Art.312-14 C.Penal.

– d’avoir à Chambray (27) et Evreux (27), le 8 juin 2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, commis l’infraction suivante : extorsion commis au préjudice d’une personne vulnérable en l’espèce : avoir obtenu par contrainte la remise de la somme de 900 € en numéraire à Evreux, un ordinateur portable Asus, une carte nationale d’identité au nom de P. Thomas et un téléphone portable Nokia à Chambray, au préjudice de P. Thomas, avec cette circonstance que les faits ont été commis au préjudice d’une personne qu’il savait particulièrement vulnérable en raison de son état psychique,

faits prévus par Art.312-2 2°, Art.312-1 Al.1 C.Penal. et réprimés par Art.312- 2 Al.1, Art.312-13, Art.312-14 C.Penal.

– d’avoir le Bourg, commune de Reuilly, le 19 décembre 2011 entre 02h00 et 03h00, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, commis l’infraction suivante : violence avec préméditation ou guet-apens sans incapacité, en l’espèce : en exerçant des violences psychiques résultant de la diffusion de photographies de la victime dans des poses nues et lascives à caractère pornographique dans des lieux publics,

faits prévus par Art.222-13 Al.1 9°, Art.132-72, Art.132-71-1 C.Penal. et réprimés par Art.222-13 Al.1, Art.222-44, Art.222-45, Art.222-47 Al.1 C.Penal.

Une convocation à l’audience du 31 juillet 2013 a été notifiée à A. Aurélie le 14 février 2013 par un agent ou un officier de police judiciaire sur instruction du procureur de la République et avis lui a été donné de son droit de se faire assister d’un avocat. Conformément à l’article 390-1 du code de procédure pénale, cette convocation vaut citation à personne.

A. Aurélie a comparu à l’audience assistée de son conseil ; il y a lieu de statuer contradictoirement à son égard.

Elle est prévenue
– d’avoir à Chambray (27), Evreux (27) et Reuilly (27), le 1er juin 2011, obtenu ou tenté d’obtenir par contrainte la remise de fonds et de biens quelconques en l’espèce : la somme de 900 €, un ordinateur portable Asus et sa sacoche de transport et un téléviseur LCD de marque Toshiba au préjudice de P. Thomas, avec cette circonstance que les faits ont été commis au préjudice d’une personne qu’il savait particulièrement vulnérable en raison de son état physique ou psychique,

faits prévus par Art.312-2 2°, Art.312-1 Al.1 C.Penal. et réprimés par Art.312- 2 Al.1, Art.312-13, Art.312-14 C.Penal.

– d’avoir à Chambray (27) et Evreux (27), le 8 juin 2011, obtenu ou tenté d’obtenir par contrainte la remise de fonds et de biens quelconques en l’espèce la somme de 900 €, un ordinateur portable Asus, une pièce d’identité au nom P. Thomas et un téléphone portable de marque Nokia au préjudice de P. Thomas, avec cette circonstance que les faits ont été commis au préjudice d’une personne qu’il avait particulièrement vulnérable en raison de son état physique ou psychique,

faits prévus par Art.312-2 2°, Art.312-1 Al.1 C.Penal. et réprimés par Art.312- 2 Al.1, Art.312-13, Art.312-14 C.Penal.

– d’avoir à Reuilly, le 19 décembre 2011, volontairement exercé des violences psychologiques n’ayant pas entraîné d’incapacité de travail, résultant de la diffusion de onze photographies de la victime dans des positions nues et lascives à caractères pornographiques dans un lieu public, en l’espèce la commune de Reuilly, sur la personne de P. Thomas, avec cette circonstance que les faits ont été commis avec préméditation ou guet-apens,

faits prévus par Art.222-13 Al.1 9°, Art.132-72, Art.132.-71-1 C.Penal et réprimés par Art.222-13 Al. 1, Art.222-44, Art.222-45, Art.222-47 Al.1 C.Penal.

DISCUSSION

Sur l’action publique

Le 19 décembre 2011, la gendarmerie d’Evreux est sollicitée par le Maire de Reuilly en suite de l’affichage pendant la nuit en divers endroits de cette commue de photographies à caractère pornographique et de la découverte de plusieurs d’entre elles dans des boites à lettres de particuliers mais également de bâtiments publics tels que la mairie et l’école communale.

Les premiers éléments de l’enquête permettent rapidement d’identifier la personne présente sur ces photographies : M. Thomas P. dont la mère, Mme M., est directrice de l’école. Celle-ci confirme qu’il s’agit bien de photographies de son fils et soupçonne Mlle Aurélie A., avec laquelle son fils a entretenu une liaison, d’être l’auteur des faits. Elle déclare également avoir reçu plusieurs appels téléphoniques sur sa ligne fixe le lendemain de la diffusion de ces photos à 4 heures et 22 heures.

Mme G., ayant reçu une photo dans sa boîte à lettre, est entendue. Si elle ne reconnaît pas la personne représentée sur les photos, elle déclare avoir vu s’arrêter une voiture blanche devant son domicile.

Entendu le 26 décembre 2011, M. P. explique que ces photos ont été réalisées au cours d’une relation virtuelle avec une Alexandra. rencontrée sur son site “Facebook” dans le courant du mois de février 2011. Elle lui a envoyé des photos d’elle nue et il en a fait de même, puis au fil des mois ils se demandaient à tour de rôle de se photographier dans certaines positions. Il soupçonne Aurélie A. car si Alexandra D. ne s’est jamais rendue aux trois rendez-vous fixés à Chambray le soir vers 21 heures, il y a par contre rencontré Aurélie A. en compagnie d’Arnaud M. circulant à bord de leur véhicule Renault Megane de couleur rouge. A la première de ces rencontres, M. M., menaçant, lui aurait dit “on veut la moitié de ton PEL” puis, sur son refus, l’aurait obligé le 1er juin 2011 à retirer 900 € au Crédit Agricole. M. P. précise “tous les trois dans ma voiture. Ensuite je les ai ramenés à leur voiture”. Lors d’un second rendez-vous, il a à nouveau rencontré Aurélie A. et Arnaud M. et il leur a remis la somme de 900 € le 8 juin 2011 vers 23 heures retirée de son compte au Crédit Agricole. Thomas P. explique ces exigences, précédées d’un premier retrait au mois d’avril 2011, par sa décision de résilier le bail de l’appartement qu’il occupait avec Aurélie A. jusqu’à la fin de leur relation au mois de juin 2010, appartement dans lequel elle s’était maintenue en compagnie d’Arnaud M.

Entendu à nouveau le même jour, M. P. ajoute qu’Arnaud M. lui a volé deux ordinateurs portables qui se trouvaient dans son véhicule sans pour autant être capable de préciser à quelles dates et dans quelles circonstances.

Réentendu le 3 juin 2012, dès lors qu’il apparaissait que les appels reçus par sa mère avaient été émis depuis son téléphone portable, M. P. fait état de la remise forcée de ce téléphone portable sur l’insistance d’Arnaud A. lors de l’une des rencontres à Chambray avec ce dernier et Aurélie A.

Placée en garde à vue le 13 février 2013, Aurélie A. et Arnaud M. reconnaissent les faits. Aurélie A. explique leur commission soit par dégoût, soit par écœurement soit par jalousie sans pouvoir autrement préciser et Arnaud M. par le désir de se venger de Thomas P., qui avait résilié le bail de l’appartement qu’ils occupaient, alors que le loyer prélevé sur son compte lui était remboursé en espèces, et qui, refusant la rupture avec Aurélie A., les harcelait. Par contre il nie avoir envoyé des photos de femmes nues à Thomas P. mais seulement des photos de femmes en tenue légère trouvées sur internet.

Une perquisition au domicile commun d’Aurélie A. et Arnaud M. le même jour permet la découverte de deux ordinateurs portables identiques à ceux déclarés volés ainsi qu’une pièce d’identité au nom de Thomas P.

Selon les conclusions de l’expert psychologue qui a examiné Thomas P. en janvier, juin et novembre 2012, celui-ci était à l’époque des faits un adolescent crédule et peu mature, impressionnable et influençable. Leurs retentissements sont actuellement minimes. Ses propos sont qualifiés de crédible.

A l’audience, les prévenus reviennent sur leurs déclarations en garde à vue et niant les faits qui leurs sont reprochés.

Thomas P. maintient ses dépositions et précise qu’il n’a pas fait l’objet de menace mais a cédé par peur. Quant au temps de sa liaison avec Aurélie A., il ajoute que celle-ci ne rentrant pas toujours au domicile, il est retourné vivre chez sa mère et a alors décidé de résilier le bail, mais il ne sait pas pourquoi Aurélie l’a quitté ni pourquoi il a fait ces photos chez lui ensuite envoyées sans savoir qu’il pouvait restreindre l’accès à son compte Facebook.

Selon les prévenus, Aurélie A. rappelant qu’elle a vécu avec Thomas P. pendant deux ans et demi pour ensuite occuper l’ancien logement commun avec Arnaud M., un ordinateur et un poste de télévision était des cadeaux quant au second ordinateur et à la carte d’identité, ces objets sont restés à leur domicile après leur séparation.

Sur l’action publique

Attendu qu’il résulte des débats d’une part que l’accès au compte Facebook de Thomas P., utilisateur habituel de ce réseau social, n’était pas limité et d’autre part qu’aucune recherche n’a été faite à fin d’identifier l’ordinateur expéditeur des photos prétendument reçues d’Alexandra D. et par voie de conséquence l’utilisateur de l’ordinateur ayant réceptionné les photos prises de lui-même par Thomas P. dans des poses à caractère pornographique ; qu’à cet égard, et plus généralement, ni l’ordinateur de Thomas P. ni ceux saisis chez Aurélie A. et Arnaud M. n’ont fait l’objet d’investigations à fin d’établir les connexions informatiques utilisées dans le courant de l’année 2011 et plus particulièrement la réception des photos en cause ; qu’au surplus, Thomas P. se borne à prétendre avoir reçu d’Alexandra D. des photos de nue sans que celles-ci ne soient versées à la procédure et sans qu’il soit établi qu’elles aient été envoyées par les prévenus.

Attendu par ailleurs, que Mme G. déclare avoir vu le 18 décembre 2011 des personnes descendre d’une voiture blanche, et glisser quelque chose dans sa boîte à lettres, alors que la voiture utilisée par les prévenus est rouge.

Attendu enfin que les justifications apportées par Aurélie A. quant aux biens trouvés à son domicile et appartenant à Thomas P., sont vraisemblables eu égard à la durée de leur liaison ; Que si l’expert psychologue qualifie de crédible les déclarations de Thomas P., il ne peut pour autant en être tiré aucune conséquence quant à leur véracité.

Attendu dès lors qu’aucun élément objectif ne permet d’établir avec certitude que Aurélie A. et Arnaud M. aient reçu, photocopié et distribué à Reuilly au mois de décembre 2011 les photographies pornographiques représentant Thomas P.

Attendu que le doute devant bénéficier aux prévenus, il convient de relaxer Aurélie A. et Arnaud M.

Sur l’action civile

Attendu qu’il y a lieu de déclarer recevable en la forme la constitution de partie civile de P. Thomas ;

Attendu que P. Thomas, partie civile, sollicite, en réparation des différents préjudices qu’il a subis les sommes suivantes :
– 1800 € en réparation du préjudice matériel,
– 12 000 € en réparation du préjudice moral ;

Attendu que P. Thomas, partie civile, sollicite la somme de 1000 € en vertu de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;

Qu’au vu des éléments du dossier, il y a lieu de débouter la partie civile de ses demandes en raison de la relaxe des prévenus ;

Attendu qu’il y a lieu de déclarer recevable en la forme la constitution de partie civile de M. Evelyne ;

Attendu que M. Evelyne, partie civile, sollicite, en réparation des différents préjudices qu’elle a subis la somme suivante :
– 8000 € en réparation du préjudice moral ;

Attendu que M. Evelyne, partie civile, sollicite la somme de 1000 € en vertu de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;

Qu’au vu des éléments du dossier, il y a lieu de débouter la partie civile de ses demandes en raison de la relaxe des prévenus ;

DÉCISION

Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort et contradictoirement à l’égard de M. Arnaud, A. Aurélie, P. Thomas et M. Evelyne,

Sur l’action publique

. Relaxe M. Arnaud des fins de la poursuite ;

. Relaxe A. Aurélie des fins de la poursuite ;

Sur l’action civile

. Déclare recevable la constitution de partie civile de P. Thomas ;

. Déboute P. Thomas, partie civile, de ses demandes de dommages et intérêts ;

. Déclare recevable la constitution de partie civile de M. Evelyne ;

. Déboute M. Evelyne, partie civile, de ses demandes de dommages et intérêts.

Le tribunal : M. Dejardin Michel (président), MM. Nouaille Ancelin et Adrian Vincent (assesseurs)

Avocats : Me Thierry Brulard, Me Anthony Bem

 
 

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.