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Jurisprudence : Jurisprudences

jeudi 27 avril 2017
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Tribunal d’instance de Paris XXème arr., jugement du 31 mars 2017

Antin Résidences / Monsieur X.

dommages-intérêts - immobilier - plateforme de mise en relation - préjudice moral - sous-location

Par acte sous seing privé du 24 octobre 2013, la SA Antin Résidences a consenti à Monsieur X. et son épouse, Madame Y., un bail portant sur un local à usage d’habitation sis … rue … dans le vingtième arrondissement de Paris, moyennant un loyer mensuel de 544,31€ charges comprises payable à terme échu, contrat conclu pour une durée de trois mois, renouvelable par tacite reconduction.

Par courrier du 1er juillet 2016 reçu le 18 juillet 2016, Monsieur X. et Madame Y. ont donné congé de leur appartement avec un délai de préavis d’un mois.

La SA Antin Résidences a fait citer Monsieur X. et Madame Y. devant le présent tribunal par exploit des 17 et 22 novembre 2016, aux fins principalement de les voir condamnés, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, à :

lui payer solidairement au titre du solde locatif à leur départ des lieux, la somme de
494,21€ ;

lui payer solidairement la somme de 22.000€ à titre de dommages et intérêts pour sous­
location prohibée d’un logement social conventionné ;

lui payer solidairement la somme de 851,20€ en remboursement du coût du constat d’huissier de justice du 4 juillet 2016 ;

lui payer solidairement la somme de 2.500€ au titre des frais irrépétibles visés à l’article
700 du code de procédure civile ;

payer solidairement les dépens.

A l’appui de ses prétentions, la SA Antin Résidences soutient que Monsieur X. et Madame Y. ont illicitement sous-loué leur appartement par le biais du site Internet AirBnB, et que des travaux de remise en état des lieux ont été nécessaires à leur départ.

*

L’affaire est fixée à l’audience du 10 janvier 2017 puis fait l’objet d’un renvoi à l’audience du 7 mars 2017, où elle est plaidée.

La SA Antin Résidences comparaît représentée et sollicite le bénéfice de son assignation. Elle confirme le recours habituel des défendeurs au site Internet AirBnB pour procéder à la sous-location de leur appartement, qui fait pourtant partie du parc social en sa qualité de logement conventionné.

Monsieur X. et Madame Y. comparaissent également représentés et contestent avoir eu recours au site Internet AirBnB de manière habituelle et spéculative, ne reconnaissant que des sous-locations ponctuelles liées à leur situation personnelle et professionnelle ayant nécessité leurs déménagements respectifs, séparés et décalés dans le sud de la France.

Monsieur X. et Madame Y. contestent par ailleurs la demande en paiement, affirmant avoir soldé la somme réclamée par deux règlements intervenus les 20 septembre 2016 et 29 novembre 2016. Ils contestent également l’existence de tout préjudice établi par la SA Antin Résidences.

A titre reconventionnel, ils demandent la condamnation de la SA Antin Résidences à leur payer la somme de 1.500€ au titre des frais irrépétibles et à régler les entiers dépens.

*

En application de l’article 467 du code procédure civile, le présent jugement étant susceptible d’appel, il sera contradictoire et en premier ressort.


DISCUSSION

Aux termes de l’article 1134 du code civil dans son ancienne rédaction applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Aux termes de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Par ailleurs, il ressort de l’article 1353 du code civil dans sa nouvelle rédaction en vigueur à compter du 1er octobre 2016, que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

1) Sur les sommes dues au titre du solde locatif

Aux termes de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989 comme des dispositions contractuelles du bail 24 octobre 2013, le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus ; le paiement mensuel est de droit lorsque le locataire en fait la demande.

*

En l’espèce, il sera à titre liminaire observé que Monsieur X. et Madame Y. ne contestent pas le montant ni le bienfondé du solde locatif résiduel à leur restitution des lieux, dans la mesure où Monsieur X. allègue s’être dûment acquitté de son paiement.

Il y a par ailleurs lieu de constater que le nom du(des) bénéficiaire(s) des règlements des 20 septembre 2016 et 29 novembre 2016 portés au débit du compte de Monsieur X. sur les relevés bancaires versés aux débats, n’est pas précisé. Le fait que la somme de ces deux règlements corresponde au montant réclamé par la SA Antin Résidences, ne suffit pas à établir que ces règlements trouvent leur cause dans celle sur laquelle la demanderesse fonde ses prétentions, ni par conséquent que les défendeurs ont été libérés de leur obligation de paiement à l’égard de la SA Antin Résidences.

Ainsi, après examen des décomptes, des états des lieux et des factures produits par la SA Antin Résidences, la demande en paiement des loyers et charges impayés apparaît fondée à hauteur de la somme de 494,21€, terme de septembre 2016 inclus et décompte arrêté au 14 septembre 2016, somme que Monsieur X. et Madame Y. seront condamnés à payer à la SA Antin Résidences.

En application de l’article 1751 du code civil, le droit au bail d’un local, sans caractère professionnel ou commercial, qui sert effectivement à l’habitation des deux époux est, quel que soit leur régime matrimonial et nonobstant toute convention contraire, et même si le bail a été conclu avant le mariage, réputé appartenir à l’un et l’autre des époux.

En l’espèce, il est constant que Monsieur X. et Madame Y. ont été cotitulaires du bail en qualité d’époux et sont divorcés. Aucune preuve n’étant rapportée d’une retranscription du divorce sur les registres de l’état civil, ils restent solidairement tenus au paiement de la somme précitée.

2) Sur la demande de dommages et intérêts

Aux termes de l’article 8 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire ne peut ni céder le contrat de location, ni sous-louer le logement sauf avec l’accord écrit du bailleur, y compris sur le prix du loyer. Le prix du loyer au mètre carré de surface habitable des locaux sous-loués ne peut excéder celui payé par le locataire principal. Le locataire transmet au sous-locataire l’autorisation écrite du bailleur et la copie du bail en cours.
En cas de cessation du contrat principal, le sous-locataire ne peut se prévaloir d’aucun droit à l’encontre du bailleur ni d’aucun titre d’occupation.

Les autres dispositions de la présente loi ne sont pas applicables au contrat de sous-location.

Il ressort en outre de l’article 1717 du code civil que le preneur a le droit de sous-louer, et même de céder son bail à un autre, si cette faculté ne lui a pas été interdite. Elle peut être interdite pour le tout ou partie. Cette clause est toujours de rigueur.

Aux termes de l’article 1217 du code civil dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2016, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :

– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;

– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;

– solliciter une réduction du prix ;

– provoquer la résolution du contrat ;

– demander réparation des conséquences de l’inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.

Par ailleurs, en application de l’article 1231 du même code et à moins que l’inexécution soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement été mis en demeure de s’exécuter dans un délai raisonnable.

Enfin et en vertu de l’article 1760 de ce code, en cas de résiliation par la faute du locataire, celui-ci est tenu de payer le prix du bail pendant le temps nécessaire à la relocation, sans préjudice des dommages et intérêts qui ont pu résulter de l’abus.

*

En l’espèce, il ressort des attestations produites par la SA Antin Résidences que l’occupation des lieux loués par d’autres personnes que les locataires en titre n’a été personnellement constatée que par Madame Z., gardienne de l’immeuble et salariée employée par la demanderesse, qui fait état de deux occupations illicites, l’une le vendredi 8 avril 2016, et l’autre le vendredi 15 avril 2016.

Dans ses attestations, Madame Z. n’a été informée par les occupants des lieux du recours au site Internet AirBnB que pour les personnes abordées le vendredi 15 avril 2016.

L’attestation rédigée par Madame R., rédigée en des termes généraux, ne fait état d’aucune constatation personnelle permettant d’étayer l’affirmation de l’intéressée selon laquelle l’appartement litigieux serait illicitement sous-loué à de « nombreux voyageurs » par l’intermédiaire du site Internet AirBnB.

Il ressort en revanche du constat d’huissier de justice du 4 juillet 2016 que diverses affichettes en anglais ont été apposées à plusieurs endroits de l’appartement afin d’y préciser les règles de conduite souhaitées ou la destination de certaines pièces, et que les documents d’identité de six ressortissantes néerlandaises sont retrouvés dans les lieux. Un relevé bancaire établi au nom de Monsieur X. et portant la trace de onze règlements perçus par l’intermédiaire du site Internet AirBnB est exploité par l’huissier de justice, qui constate des règlements encaissés entre le 26 juin 2015 et le 22 juillet 2015. L’officier ministériel note, enfin, que l’appartement présente manifestement la trace de l’occupation actuelle et passagère de plusieurs voyageurs de nationalité étrangère.

Preuve est ainsi suffisamment rapportée par la SA Antin Résidences, que les lieux ont été illicitement sous-loués entre le 26 juin 2015 et le 22 juillet 2015, le 8 avril 2016, le 15 avril 2016 et le 4 juillet 2016. Le caractère ponctuel des sous-locations effectuées par Monsieur X. n’apparaît ainsi guère confirmé par les éléments qui viennent d’être exposés.

Il est ainsi établi que Monsieur X. et Madame Y. ont manqué à l’interdiction qui leur était faite de sous-louer l’appartement qui leur avait été donné à bail, et ce en violation tant de l’article 8 de la loi du 6 juillet 1989 que des dispositions contractuelles consenties.

Toutefois, la SA Antin Résidences n’établit nullement le préjudice personnel qu’elle allègue avoir subi, étant constant par ailleurs que Monsieur X. et Madame Y. se sont régulièrement acquittés de leur loyer, et qu’à ce jour les lieux ont été restitués libres de tout occupant.

La SA Antin Résidences sera par conséquent déboutée de sa demande en dommages­ intérêts.


DÉCISION

Le tribunal, statuant par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort:

Condamne solidairement Monsieur X. et Madame Y. à payer à la SA Antin Résidences, au titre des loyers et des charges impayés, terme de septembre 2016 inclus et décompte arrêté au 14 septembre 2016, la somme de 494,21€ (quatre cent quatre-vingt-quatorze euros et vingt-et-un centimes) ;

Condamne in solidum Monsieur X. et Madame Y. à payer à la SA Antin Résidences la somme de 1.000€ (mille euros) en application de l’article 700 du code de procédure civile et ainsi que le commande l’équité ;

Condamne in solidum Monsieur X. et Madame Y., parties succombantes, aux entiers dépens, qui incluront le coût du constat d’huissier de justice du 4 juillet 2016 ;

Ordonne l’exécution provisoire ;

Rejette les demandes pour le surplus.


Le Tribunal :
Aude Marland (président), Elise Gougginsperg (greffier)

Avocats : Me Cécile Attal , Me Romain Darriere

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