Jurisprudence : Vie privée
Cour d’appel de Versailles, 1ère ch., 1ère section, ordonnance d’incident du 16 juin 2016
Purestyle / M. X.
appel - article 9 du code civil - atteinte au droit à l'image - atteinte aux droits de la personnalité - caducité de la déclaration d’appel - délais - signification - site internet
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 2 avril 2015 ayant, notamment :
– condamné la société Purestyle à payer à M. X. une indemnité de 8.000 euros en réparation de l’atteinte portée à ses droits de la personnalité,
– interdit sous astreinte à la société Purestyle de procéder à toute nouvelle publication de la photographie représentant M. X. dans un parking,
– condamné la société Purestyle à payer à M. X. la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
– ordonné l’exécution provisoire ;
Vu la déclaration du 3 juillet 2015 par laquelle la société Purestyle a formé à l’encontre de cette décision un appel de portée générale ;
Vu les conclusions d’incident notifiées les 3 février et 23 mars 2016, aux termes desquelles M. X. demande à la cour de :
– relever d’office (sic) la caducité de la déclaration d’appel du 3 juillet 2015 et l’irrecevabilité de ses conclusions ;
– condamner la société Purestyle à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction ;
Vu les conclusions en réponse sur incident notifiées les 2016, aux termes desquelles la société Purestyle demande à la cour de :
– constater que les condamnations ont été exécutées par ses soins,
– constater que M. X. n’a engagé aucune démarche aux fins de signification et d’exécution de la décision dont appel,
– constater qu’elle n’a pas été rendue destinataire d’un avis par le greffe conforme aux dispositions de l’article 902 du code de procédure civile,
– constater qu’elle justifie d’une impossibilité matérielle de notifier les actes dans les délais prévus par les articles 911 du code de procédure civile compte tenu de l’ignorance du domicile réel de l’intimé et du changement d’adresse de ce dernier dont elle n’a eu connaissance que par la constitution d’intimé du 8 décembre 2015,
– constater que cette impossibilité matérielle à laquelle elle se heurte justifie que la cour apprécie la chronologie de la procédure d’appel au regard du principe selon lequel les délais de procédure impartis par la loi à peine de caducité, de déchéance ou d’irrecevabilité sont nécessaires au bon déroulement des procédures et contribuent au procès équitable dès lors qu’ils assurent la sécurité juridique, le respect des droits de la défense, le principe de la contradiction et la nécessité d’un délai raisonnable,
– juger, en conséquence, qu’en ayant signifié ses conclusions le 4 janvier 2016 à l’intimé et alors que ce dernier s’est constitué le 8 décembre 2015, a conclu par incident le 3 février 2016 sur le seul fondement de l’article 526 du code de procédure civile et a conclu au fond le 24 février 2016, les principes de la sécurité juridique, le respect des droits de la défense, le principe du contradictoire et l’a nécessité d’un délai raisonnable ont été respectés pour l’ensemble des parties,
En conséquence,
– dire n’y a voir lieu à incident,
– dire la déclaration d’appel et écarter toute caducité de la déclaration d’appel,
– rejeter la demande de l’intimé aux fins de radiation de l’appel et de caducité de la déclaration d’appel,
– rejeter toutes fins, demandes et prétentions de M. X. en ce compris ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,
– le condamner à lui payer la somme de 3.000 euros HT au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de la procédure dont distraction ;
DISCUSSION
SUR CE, LE CONSEILLER DE LA MISE EN ÉTAT,
Attendu qu’il sera rappelé que par le jugement entrepris, la société Purestyle a été condamnée avec exécution provisoire à verser à M. X. la somme de 8.000 euros en réparation du préjudice porté à ses droits de la personnalité, outre 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que dans le dernier état de ses conclusions d’incident, M. X. ne demande plus la radiation de l’affaire sur le fondement de l’article 526 du code de procédure civile, la société Purestyle justifiant avoir versé l’intégralité des condamnations prononcées à son encontre ;
Attendu que M. X. demande désormais que soit constatée la caducité de la déclaration d’appel ; qu’il expose que la société Purestyle a relevé appel du jugement le 3 juillet 2015 ; que lui-même n’a constitué avocat que le 08 décembre 2015, après que la société Purestyle a déposé au greffe des conclusions d’appel en octobre 2015, qui ne paraissent pas lui avoir été signifiées, selon lui ;
Qu’il rappelle que par application des dispositions combinées des articles 908 et 9011 du code de procédure civile, les conclusions d’appel doivent être signifiées dans le mois suivant l’expiration du délai imparti aux parties qui, comme en l’espèce, n’ont pas constitué avocat ;
Que la société Purestyle ne justifiant pas du respect de cette formalité, il demande que soient constatées la caducité de la déclaration d’appel et l’irrecevabilité des conclusions d’appelant ;
Qu’en réponse, la société Purestyle rappelle que le délai imparti à l’intimé pour se constituer expirant le 6 octobre 2015, soit postérieurement aux conclusions qu’elle a notifiées, elle a supposé que le greffe avait averti l’intimé de son obligation de constituer avocat selon les dispositions de l’article 902 du code de procédure civile ;
Qu’elle note que la jurisprudence considère que lorsque l’avis prévu à l’article 902 n’a pas été adressé à l’appelant, et alors même que la lettre de notification est retournée au greffe avec la mention “destinataire non identifiable”, la caducité ne peut être valablement opposée à l’appelant ;
Qu’elle ajoute qu’elle s’est trouvée dans l’impossibilité de signifier ses conclusions, faute de disposer de l’adresse exacte de M. X., ayant été déjà confrontée à ce problème dans le cadre d’une procédure distincte intéressant la société mère du groupe auquel elle appartient ;
Qu’elle note à cet égard que M. X. a, dans cette procédure, fait l’aveu judiciaire de ce qu’il s’est affranchi des règles de procédure en reconnaissant que le domicile mentionné dans ses actes de procédure de première instance n’est pas son domicile réel ;
Qu’elle estime que la situation procédurale à laquelle elle se trouve confrontée risquerait, si la cour faisait droit à l’incident, à la priver du double degré de juridiction ;
Attendu que la déclaration d’appel ayant été régularisée le 3 juillet 2015 et l’intimé étant domicilié aux Etats-Unis, celui-ci disposait d’un délai expirant le 5 octobre 2015 pour constituer avocat, le 3 octobre étant un samedi ; que ne l’ayant pas fait, il appartenait au greffe d’en aviser la société Purestyle, appelante, afin que celle-ci procède à la signification de la déclaration d’appel, conformément à l’article 902 du code de procédure civile ;
Que l’examen des diligences accomplies par le greffe ne révèle pas que l’appelante ait été avisée du défaut de constitution de l’intimé ;
Qu’il s’ensuit qu’il ne peut être fait grief à l’appelante, qui n’y avait pas été invitée par le greffe, de ne pas avoir signifié sa déclaration d’appel dans le délai d’un mois suivant l’avis ainsi omis ;
Que cependant, lorsque l’appelante a déposé ses conclusions au greffe le 2 octobre 2015, dans le délai de l’article 908 du code civil, lequel expirait également le 5 octobre 2015, elle n’a pu manquer de constater que leur notification à l’intimé n’était pas possible, celui-ci n’ayant pas constitué avocat ; qu’il lui appartenait, dès lors, dans le mois suivant l’expiration du délai imparti par l’article 908 susvisé, soit au plus tard le 5 novembre 2015, de signifier ses conclusions à l’intimé, conformément à l’article 911 du code de procédure civile ;
Que l’appelante ne justifiant pas d’avoir procédé à une telle signification, ce qu’elle pouvait valablement faire à l’adresse figurant dans le jugement dont appel, peu important que cette adresse fût une adresse de complaisance ou que M. X. en ait changé entretemps, il en résulte que sa déclaration d’appel est caduque par application combinée des dispositions des articles 908 et 911 du code de procédure civile ;
Attendu que la société Purestyle, qui succombe, supportera les dépens de la procédure d’appel ;
Que l’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
DECISION
– DÉCLARONS l’incident recevable et fondé ;
– CONSTATONS la caducité de la déclaration d’appel de la société Purestyle ;
– REJETONS toute autre demande des parties, et notamment celles présentées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNONS la société Purestyle aux dépens d’appel.
La Cour : Dominique Ponsot (conseiller de la mise en état de la 1re chambre 1re section), Sylvie Renoult (greffier)
Avocats : Me Armelle Fourlon, Me Vincent Toledano
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