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Jurisprudence : Responsabilité

mardi 28 janvier 2014
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Tribunal de grande instance de Lons Le Saunier Jugement civil du 15 janvier 2014

Gouverneur Audigier / Patrice G.

absence - détournement - droits - faute - nom de domaine - réservation - transfert - usurpation

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte du 5 novembre 2013 la société Gouverneur Audigier a fait assigner M. Patrice G. à jour fixe devant le tribunal de grande instance de ce siège en exposant :
– qu’elle exerce une activité de fabrication de lunettes à Morez depuis 1878 et que la société a été créée le 12 mars 1955 ;
– que l’arrière petite-fille du fondateur, M. Clément A., a souhaité assurer la pérennité de l’entreprise en confiant sa succession à trois partenaires, et au projet qu’ils soutiennent, qui implique un important effort marketing s’appuyant sur les nouvelles technologies et en particulier sur internet ;
– que cet ambitieux projet est en cours de réalisation ;
– que toutefois elle a eu la stupéfaction de s’apercevoir que l’un de ses anciens salariés, M. G. avait enregistré à son insu et à son préjudice les noms de domaine suivants :
* gouverneur-audigier.com enregistré le 8 janvier 2013 ;
* gouverneur-audigier.fr enregistré le 8 janvier 2013 ;
* clement-gouverneur.com enregistré le 15 janvier 2013 ;
* clement-gouverneur.fr enregistré le 15 janvier 2013 ;
* gouverneuraudigier.com enregistré le 15 janvier 2013 ;
* gouverneuraudigier.fr enregistré le 15 janvier 2013 ;
* clementgouverneur.com enregistré le 15 janvier 2013 ;
* clementgouverneur.fr enregistré le 15 janvier 2013 ;
– que face à cette situation elle a adressé une mise en demeure à M. G. le 7 octobre 2013 lui enjoignant de transférer gratuitement les noms de domaine enregistrés illicitement ;
– que par courrier du 8 octobre 2013 M. G. a reconnu avoir enregistré les noms de domaine sans légitimité mais qu’il a finalement réclamé le paiement d’une somme de 5000 € ;
– que toute société est en droit de réclamer la protection de son identité et que M. G. a commis une faute en agissant comme il l’a fait ;
– que son comportement lui a en outre causé un important trouble commercial puisqu’elle s’est trouvée dans l’obligation de reporter le lancement de ses sites internet ainsi que de sa nouvelle collection et des boutiques en ligne ;
– qu’il y a donc lieu d’ordonner à M. G. de transférer à son profit, et sous astreinte de 3000 € par jour de retard, les huit noms de domaine litigieux et de le condamner à lui payer la somme de 25 000 € de dommages et intérêts ;
– qu’elle sollicite en outre l’exécution provisoire du jugement et la condamnation de M. G. à lui payer la somme de 10 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Suite à un renvoi l’affaire a été retenue à l’audience du 8 janvier 2014.

A cette date la société Gouverneur Audigier a confirmé ses demandes. Elle a contesté la gestion d’affaires invoquée par M. G. faisant valoir que le défendeur a agi pour son compte et qu’elle n’a découvert les faits que fortuitement.

M. G. a répondu :
– qu’il a agi dans le cadre d’une gestion d’affaire et ce quand bien même il aurait agi également dans son intérêt, que s’il n’est pas opposé à la restitution des noms de domaine, il n’est pas en mesure de renouveler la protection des droits puisque la société Gouverneur Audigier s’est opposée à cette protection mise en œuvre par lui et qu’il n’est pas justifié du préjudice prétendu ;
– qu’il convient de condamner la société Gouverneur Audigier à lui payer la somme de 109,07 € au titre du remboursement des sommes versées par lui dans le cadre de sa gestion, de dire que le transfert interviendra dans le délai d’un mois à compter du paiement de cette somme et de condamner la demanderesse à lui payer la somme de 1000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

DISCUSSION

Il est constant qu’au mois de janvier 2013 M. G. a enregistré huit noms de domaine en utilisant les noms de Gouverneur Audigier et de Clément G.

M. G. ne conteste pas ne détenir aucun droit sur ces noms, il soutient avoir agi dans le cadre d’une gestion d’affaire.

Une telle explication ne peut être retenue, M. G. a agi sans en référer aux gérants de la société Gouverneur Audigier et, quoi qu’il en dise, son intervention n’a pas été utile puisqu’il a enregistré les noms de domaine sous son identité et non celle de la société Gouverneur Audigier.

Il résulte d’ailleurs d’un courrier du conseil de cette dernière du 7 octobre 2013 régulièrement versé aux débats et non contesté que M. G. n’a fait une proposition de rachat des parts sociales qu’en février/mars 2013 ce qui permet de penser que son initiative était surtout destinée à donner plus de poids à ses propositions.

Il faut bien constater que la démarche de M. G. ayant d’après lui pour vocation d’éviter qu’un tiers ne fasse utilisation des noms litigieux a finalement eu pour effet que la demanderesse, au lieu de se trouver en litige avec un très éventuel tiers, s’est trouvée en conflit avec lui.

M. G. a donc commis une faute en utilisant les noms de Gouverneur et d’Audigier à son profit et il ne peut prétendre au remboursement des sommes versées à l’enregistreur Amen (109,07 €).

Il ne peut être considéré que le transfert des noms de domaine soit devenu impossible du seul fait que les délais d’un an soient échus ou sur le point de l’être, en effet l’enregistreur (Amen) va interroger le défendeur sur la suite qu’il convient de donner à l’abonnement et il appartiendra à l’intéressé d’une part de le renouveler, d’autre part d’en assurer le transfert au profit de la société Gouverneur Audigier.

Une condamnation du défendeur à transférer les huit noms de domaine au profit de la société Gouverneur Audigier sera donc prononcée sous astreinte de 5000 € par refus de transfert caractérisé, chaque nom de domaine ne pouvant donner lieu qu’à un seul refus de transfert.

La société Gouverneur Audigier invoque un trouble commercial de 25 000 € mais elle ne justifie en rien de son intention de lancer des sites internet et sa demande sera rejetée.

Il convient d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement.

Il est équitable de condamner M. G. à participer à concurrence de 2500 € aux frais irrépétibles exposés par la société Gouverneur Audigier en la procédure.

DECISION

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

. Dit que M. G. a commis une faute en enregistrant à l’insu de la société Gouverneur Audigier les huit noms de domaine suivants gouverneur-audigier.com, gouverneur-audigier.fr, clementgouverneur.com, clement-gouverneur.fr. gouverneuraudigier.com, gouverneuraudigier.fr, clementgouverneur.com, clementgouverneur.fr.

. Condamne M. G. à transférer à la société Gouverneur Audigier et à ses frais les huit noms de domaine sus-visés dans les 48 h de la signification du jugement sous astreinte, à l’expiration de ce délai de 5000 € par refus de transfert caractérisé, chaque nom de domaine ne pouvant donner lieu qu’à un seul refus de transfert.

. Dit n’y avoir lieu à dommages et intérêts.

. Ordonne l’exécution provisoire.

. Condamne M. G. à payer à la société Gouverneur Audigier la somme de 2500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

. Condamne M. G. aux dépens.

Le tribunal : M. Michel Liegon (vice-président), Mme Brigitte Vernay (présidente), M. Nicolas Redon (juge)

Avocats : Me Jean-Marie Letondor, Me Yannick Gay

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