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Jurisprudence : Responsabilité

mercredi 07 décembre 2011
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Cour d’appel de Versailles 1ère chambre, 1ère section Arrêt du 1er décembre 2011

Ordinateur Express / CBS Interactive

concurrence déloyale - hébergeur - lien - logiciel - notification - preuve - saisie-contrefaçon - site internet - telechargement

FAITS ET PROCÉDURE

La société Ordinateur Express a développé et distribué des logiciels éducatifs pour les ordinateurs personnels notamment pour l’apprentissage du clavier. Au moment des faits incriminés, elle était propriétaire et éditrice des sites internet commerciaux www.pctap.com, www.formationcIavier.com sur lesquels des logiciels éducatifs sont présentés et exploités et d’un troisième site web pour aider les internautes à maîtriser le clavier avec une formation sur internet dite E-Learning.

La société Ordinateur Express a développé en France, en 1986, un logiciel intitulé PC Tap conçu pour l’apprentissage au clavier. Ce logiciel a fait l’objet d’un dépôt auprès de l’Agence pour la protection des programmes (APP), le 31 octobre 1988, sous le numéro 88-44-002-00 et d’un dépôt légal auprès de la Bibliothèque Nationale de France le 10 janvier 2000.

Le logiciel PC Tap a une version de “démonstration” qui permet de montrer rapidement les fonctionnalités principales du logiciel par présentation animée et une version « d’évaluation » qui consiste en une version adaptée pour une évaluation complète et sérieuse par la seule limitation temporaire de la période de fonctionnement à 10 minutes à chaque démarrage de Windows.

La société CBS Interactive, filiale de la société de droit américain CBS Interactive Inc. (anciennement Cnet Networks Inc.), a été immatriculée le 8 décembre 1999 avec pour activité notamment l’édition et la publication de toutes informations sous toutes formes, la vente la distribution de tous biens et services informatiques par tous moyens de communication et notamment par internet. Elle édite en France deux sites internet : www.zdnet.fr et www.cnetfrance.fr.

Ce sites internet sont tous deux des sites d’information relatifs notamment aux services et produits informatiques disponibles au grand public, parmi lesquels figurent 106 000 logiciels dont 9000 en langue française.

La société de droit américain CBS Interactive Inc., société mère, est un groupe mondial de médias et de contenus interactifs.

Selon assignation du 21 octobre 2008, la société Ordinateur Express, conceptrice du logiciel d’apprentissage de dactylographie “PC Tap”, poursuit la société CBS Interactive Inc., société de droit américain anciennement dénommée société Cnet Networks Inc., et sa filiale la société CBS Interactive en contrefaçon et en concurrence déloyale, en dénonçant la mise en ligne sur des sites internet, édités par la société CBS Interactive, de son logiciel et l’offre au téléchargement de celui-ci, sans son autorisation. Elle reproche également une présentation incomplète et erronée de ce logiciel et la proposition, sur ces mêmes sites, de liens commerciaux, rémunérés pour les défenderesses, vers des logiciels concurrents du sien.

Par jugement du 25 mars 2010, le tribunal de grande instance de Nanterre a :
– prononcé la nullité de la saisie-contrefaçon en date des 18 et 19 septembre 2008,
– débouté la société Ordinateur Express de l’ensemble de ses demandes,
– débouté la société CBS Interactive et la société CBS Interactive Inc. de leurs demandes au titre des dommages et intérêts pour saisie-contrefaçon abusive et procédure abusive,
– condamné la société Ordinateur Express à payer à la société CBS Interactive et à la société CBS Interactive Inc., la somme de 6000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Ordinateur Express aux dépens,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Appelante, la société Ordinateur Express, aux termes de ses dernières conclusions en date du 12 octobre 2011, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, demande à la cour de :
– prononcer le sursis à statuer de l’instance jusqu’à la décision de l’Autorité de la concurrence saisie par elle selon plainte en date du 12 août 2011,
– à titre subsidiaire, infirmer le jugement,

Statuant à nouveau :
– la dire recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions,
– dire que le procès verbal de constat d’huissier du 19 septembre 2008 n’est pas entaché de nullité et a toute valeur probante, s’agissant d’un constat et non d’une saisie-contrefaçon,
– dire que le procès verbal de constat d’huissier du 18 septembre 2008 pris à son étude n’est pas lié à l’ordonnance du 29 juillet 2008 et que la visite du 19 septembre 2008 au domicile des intimées n’est pas entachée de nullité et par conséquent le rapport de l’huissier du 18 septembre 2008 a toute valeur probante pour la justice,
– dire que les sociétés CBS Interactive et CBS Interactive Inc. sont contrefactrices du logiciel PC Tap à son préjudice,
– condamner in solidum la société CBS Interactive et la société CBS Interactive Inc. à lui verser la somme de 50 000 € en réparation du préjudice subi,
– dire que la société CBS interactive et la société CBS Interactive Inc. ont commis des actes de concurrence déloyale, par parasitisme, dénigrement, confusion, et désorganisation à son encontre,
– condamner in solidum la société CBS Interactive et la société CBS Interactive Inc. à lui verser la somme de 124 800 € en réparation du préjudice subi,
– leur interdire toute utilisation de la version d’évaluation du logiciel PC Tap sous quelque forme et à quelque titre que ce soit et sur quelque support, sans son autorisation,
– les débouter de toutes leurs demandes, fins, moyens et prétentions,
– les condamner in solidum à lui verser la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– les condamner in solidum aux entiers dépens dont distraction sera ordonnée pour ceux d’appel au profit de la SCP Tuset Chouteau au titre de l’article 699 du code de procédure civile.

La société CBS Interactive et la société CBS Interactive Inc., anciennement dénommées Cnet Networks France et Cnet Networks Inc., aux termes de leurs conclusions signifiées le 6 septembre 2011 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs moyens, demandent à la cour de :
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
– constater que la société Ordinateur Express n’a pas assigné la société défenderesse dans le délai fixé par l’article R 332-4 du code de la propriété intellectuelle,
– dire que la saisie-contrefaçon en date des 18 et 19 septembre 2008 est nulle,
– débouter la société Ordinateur Express de l’ensemble de ses demandes qu’elles soient présentées au titre de lu contrefaçon ou au titre de la concurrence déloyale,
– condamner la société Ordinateur Express à payer à la défenderesse la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour saisie contrefaçon abusive,
– condamner la même à la somme de 50 000 € pour procédure abusive,
– condamner la société Ordinateur Express à lui verser la somme de 20 000 € au de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la même aux entiers dépens dont distraction au profit de la société Jupin et Aigrin, qui pourra les recouvrer au titre de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 20 octobre 2011.

DISCUSSION

Sur la demande de sursis à statuer

La société Ordinateur Express fait valoir que le 12 août 2011 elle a saisi l’Autorité de la Concurrence d’une plainte pour abus de position dominante contre les sociétés CBS Interactive Inc. et CBS Interactive.

Cette plainte vise la mise en place par ces sociétés d’un système de revenu anticoncurrentiel consistant en l’utilisation de logiciels, sans l’autorisation des ayants droits, pour attirer les internautes vers leurs sites internet, ces sociétés incitant ensuite les internautes à cliquer sur des liens Google Adwords pour des produits concurrents sur la même page, et des informations erronées et/ou incomplètes étant fournis sur les logiciels présentés pour les rendre moins attractifs que les liens commerciaux de Google Adwords.

Les sociétés intimées lui opposent à juste titre que ni l’assignation initiale ni les conclusions ultérieures ne comportent de moyen lié à un abus de position dominante et ne visent pas l’article L 420-2 du code de commerce,

Il n’y a pas lieu de surseoir à statuer.

Sur la contrefaçon

Le 29 juillet 2008, la société Ordinateur Express a obtenu une ordonnance sur requête à fin de constat du Président du Tribunal de grande instance de Nanterre commettant un huissier de justice dans les locaux de la société CBS Interactive afin notamment d’obtenir les données de connexion des internautes aux liens commerciaux litigieux mis en ligue sur les sites www.zdnet.fr et www.cnet.fr.

L‘appelante fait grief au tribunal d’avoir qualifié les opérations de constat réalisées le 19 septembre 2009 en vertu de l’ordonnance du 29 juillet 2008 de saisie-contrefaçon.

Elle soutient :
– que les opérations réalisées dans les locaux de la société CBS Interactive en application de l’ordonnance du 29 juillet 2008 ne peuvent être qualifiées de saisie contrefaçon d’autant plus qu’aucun objet réel n’ait été saisi lors de ces opérations ;
– qu’aucun objet réalisé ou fabriqué illicitement n’a été saisi par l’huissier, ni aucun matériel ou instruments ; qu’aucun document ne devait être saisi concernant soit un objet réalisé ou fabriqué illicitement, soit les matériels ou instruments utilisés pour produire en distribuer illicitement un logiciel ;
– que cette ordonnance n’a pas commis un huissier afin qu’il procède à des actes pouvant être qualifiés de saisie contrefaçon au sens de l’article L332-4 du code de la propriété intellectuelle.

L’article L 332-4 du code de la propriété intellectuelle dispose :
“En matière de logiciels et de bases de données, la saisie-contrefaçon est exécutée en vertu d’une ordonnance rendue sur requête par le président du tribunal de grande instance. Le président peut ordonner la saisie réelle des objets réalisés ou fabriqués illicitement ainsi que celle des matériels et instruments utilisés pour produire ou distribuer illicitement un logiciel ou une base de données ainsi que de tout document s’y rapportant.

A défaut d’assignation ou de citation dans un délai fixé par voie réglementaire, la saisie contrefaçon est nulle.”

L’ordonnance du 29 juillet 2008 a désigné un huissier avec mission de :
– se rendre dans les locaux de la société Cnet Networks France immatriculée au Rcs de Nanterre sous le n°428 …., sise Levallois-Perret ou en tous autres locaux dans le ressort du tribunal de céans, qui s’avéreraient nécessaires pour l’exécution de sa mission,
– se connecter sur internet au site www.zdnet.fr, cliquer sur le lien « A propos de Cnet Networks France » et constater la page qui s’affiche indiquant notamment « le site zdnet est la propriété de la société Cnet Networks France »,
– entrer dans le champ de recherche présent sur la page d’accueil, les termes « formation au clavier » et constater la page qui s’affiche mentionnant notamment « PC Tap Mis en ligne le 29 août 2004 Lire le synopsis »;
– cliquer sur le lien « Lire le synopsis » puis sur le lien qui apparait « En savoir plus » et constater la page qui s’affiche mentionnant notamment :
la mention « PC Tap Téléchargez 867 Ko »,
l’absence de mention en face de Auteur/Editeur,
l’absence de mention en face de OS (Système compatibilité),
le nombre de téléchargements effectués,
le descriptif du logiciel,
les liens présents sous les titres « Les derniers logiciels », « Les plus téléchargés » et « Les plus commentés »,
les liens commerciaux présents sur la page sous le titre « liens commerciaux » et notamment ceux concernant les logiciels concurrents comme « Typing Master », « Tan Thuniba » et « Tap Touche »,
les bannières publicitaires présentes sur la page,

– se connecter sur internet au site www.cnetfrance.fr, cliquer sur le lien « A propos de Cnet Networks France » et constater la page qui s’affiche indiquant notamment « Le site Cnet France est la propriété de la société Cnet Networks France »
– entrer dans les champs de recherche présent sur la page d’accueil, les termes « formation au clavier » et constater la page qui s‘affiche mentionnant notamment « PC Tap – Télécharger, Formation au clavier avec dictées vocalisées, Publié le 30 août 2004 »,
– constater la présence sur cette page de liens vers d’autres sites internet concernant des logiciels concurrents à vendre,
– cliquer sur le lien « PC Tap » puis constater la page qui s’affiche mentionnant notamment :
la mention « PC Tap Téléchargez 867 Ko » ;
l’absence de mention en face de Auteur/Editeur ;
l’absence de mention en face de OS (Système compatibilité) ;
le nombre de téléchargements effectués ;
le descriptif du logiciel ;
les liens présents sous les titres « Les derniers logiciels » et « Les plus téléchargés » ;
les liens commerciaux présents sur la page sous le titre « liens commerciaux » et notamment ceux concernant les logiciels « Typing Master », « Tan Thumbs » et « Tap Touche » ;
les bannières publicitaires présentes sur la page.

– télécharger la version de démonstration du logiciel PC Tap depuis chacun des sites internet www.zdnet.fr et www.cnetfrance.fr et conserver ce téléchargement sur une clef USB préalablement vierge qui sera placée sous scellés en l’étude de l’huissier,
– se connecter sur internet au site www.google.fr, entrer le terme « PC Tap » dans la barre de recherche et constater la page qui s’affiche et notamment la présence de liens vers les sites www.zdnet.fr et www.cnetfrance.fr.
– viser et prendre copie de tous documents, notamment documents comptables (en particulier ceux provenant de Google), contrat, factures, propositions commerciales, emails commerciaux, permettant d’établir le nombre de connexions effectuées depuis le 30 août 2004 par les internautes aux liens commerciaux concurrents de PC Tap mis en ligne par la société Cnet Networks France sur les pages de ses sites internet www.zdnet.fr et www.cnetfrance.fr ainsi qu’au lien permettant le téléchargement du logiciel PC Tap,
– faire toutes recherches et constats utiles aux faits de la cause, et notamment autoriser l’Huissier à faire fonctionner et visiter les serveurs éventuellement présents pour établir la réalité des faits de la cause ; entendre tous sachants et consigner leurs déclarations et toutes paroles prononcées au cours des opérations.

Contrairement à ce que conclut la société appelante, la saisie contrefaçon peut être soit une saisie réelle des objets réalisés ou fabriqués illicitement et celle des matériels utilisés soit une description détaillée avec ou sans prélèvements, la saisir descriptive était prévue au dernier alinéa de l’article L. 332-4 sus-visé.

La société Ordinateur Express a fondé sa requête, au visa des articles L 112-2-13°, L 121.1 et suivants, L 122-6 du code de la propriété intellectuelle, sur l’existence d’actes de contrefaçon en raison de la proposition aux internautes par la société CBS Interactive (sur les sites www.zdnet,fr et www.cnetfrance.fr) du téléchargement de la version de « démonstration” (elle indique dans ses écritures actuelles que c’est la version « évaluation” qui est concernée par le litige) de son logiciel PC Tap et ce sans autorisation, en raison de l’absence d’indication de l’auteur du logiciel PC Tap alors que sur la même page figurent des liens commerciaux menant vers les sites de concurrents du logiciel PC Tap et que les formulaires de présentation de ces logiciels concurrents sont présentés de manière exacte avec indication de l’auteur/éditeur.

La mission ci-dessus rappelée confiée à l’huissier excédait le simple constat et les opérations réalisées constituent une saisie contrefaçon de logiciel au sens de l’article L332-4 du code de la propriété intellectuelle.

Il y a eu saisie-contrefaçon descriptive par les descriptions et copies d’écran faites par l’huissier à l’annexe XIV du constat litigieux avec téléchargement sur clés USB du logiciel argué de contrefaçon (mentionné par l’huissier en pages 6 et 9).

La société Ordinateur Express fait valoir que, dans le cas où le constat établi par l’huissier suite aux opérations de constat effectuées le 19 septembre 2008 dans les locaux de la société CBS Interactive est annulé, il n’en demeure pas moins que le constat réalisé le 18 septembre 2008 par l’huissier en son étude est parfaitement valide et constitue la preuve des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale commis par les sociétés intimées.

Mais, ainsi que l’a retenu le tribunal, cette distinction entre les opérations du 18 septembre 2008 et du 19 septembre 2008 est contredite par les termes du seul et même procès-verbal établi par l’huissier en date des 18 et 19 septembre 2008 pour l’ensemble de ses opérations et visant sans distinction qu’il a agi en vertu d’une ordonnance sur requête rendue le 29 juillet 2008 par le président du tribunal de grande instance de Nanterre, dont copie est annexée au procès-verbal.

La société Ordinateur Express devait donc se pourvoir au fond dans le délai “de vingt jours ouvrables ou de trente et un jours civils si ce délai et plus long, à compter de la date de l‘ordonnance”, tel que fixé par l’article R332-4 du code de la propriété intellectuelle.

C’est à bon droit que les premiers juges ont considéré que les assignations des 21 octobre 2003 et 15 décembre 2008 ont donc été délivrées hors délai, l’ordonnance autorisant les opérations de saisie étant datée du 29 juillet 2008.

La non saisine de la juridiction du fond pendant le délai imparti entraîne la nullité de la saisie-contrefaçon.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a prononcé la nullité de la saisie- contrefaçon des 18 et 19 septembre 2008.

Au surplus, les sociétés intimées soutiennent à juste titre que le non respect du délai imparti pour assigner leur a causé un grief dans la mesure où une durée de plusieurs mois est de nature à entraîner une augmentation du nombre de connexion aux liens commerciaux des concurrents, reprochée par la société Ordinateur Express, et a donc une influence sur le préjudice invoqué par cette dernière, préjudice qu’elle lie au chiffre d’affaires généré par les liens commerciaux des concurrents via le programme Google Adwords.

La société Ordinateur Express ne pouvant pas valablement conclure que “les faits reprochés aux intimées dans le cadre de la procédure ne sont pas contestés et que dès lors les faits sont prouvés indépendamment des constats versés par elle”, les griefs de contrefaçon tirés de la mise à disposition sur les sites internet www.zdnet.fr et www.cnetfrance.fr du logiciel PC Tap dans sa version d’évaluation, sans autorisation, et de l’absence d’indication claire et visible du nom de l’éditeur du logiciel PC Tap, ne reposent que sur des éléments constatés au procès-verbal des 18 et 19 septembre 2008 lequel n’a plus de valeur probante.

Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Ordinateur Express de l’ensemble de ses demandes au titre de la contrefaçon.

Sur la concurrence déloyale

La société Ordinateur Express soutient que les sociétés CBS Interactive et CBS Interactive Inc. sont responsables d’actes de concurrence déloyale et de parasitisme à son égard. Elle conclut que le jugement méconnaît l’article 1er de la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 et que si cet article précise que ”la communication au public par voie électronique est libre”, cette liberté n’autorise une quelconque personne à s’approprier le travail et les investissements d’une autre notamment par des agissements de parasitisme et de concurrence déloyale.

Les griefs allégués par la société Ordinateur Express sont fondés sur l’article 1382 du code civil qui suppose une faute, un préjudice et un lien de causalité.

Elle reproche aux sociétés CBS Interactive et CBS Interactive Inc. d’avoir mis à disposition un téléchargement du logiciel PC Tap version “évaluation” sur leurs sites internet www.zdnet.fr et www.cnetfrance.fr en omettant d’indiquer le système d’exploitation compatible.

Elle soutient que la société CBS Interactive n’indiquait pas le système d’exploitation avec lequel le logiciel PC Tap pouvait être utilisé, alors même qu’un espace était réservé sur la fiche/formulaire de présentation pour ce faire et que cet espace semblait correctement rempli pour les autres logiciels présentés par CBS Interactive ; qu’ainsi pour le logiciel Dactylo il était indiqué que les systèmes d’exploitation compatibles sont « Windows 95/98/XP/VISTA » (pièce 16) et pour le logiciel Typing Master, concurrent américain, il est indiqué comme système d’exploitation “Windows 95/98/XP/VISTA” (pièce 14).

Mais il résulte de la pièce 10-11 de l’appelante que le champ description de la fiche du logiciel PC Tap indique ”PC Tap pour Windows”.

Il n’est pas établi que l’absence d’indications plus précises ait eu délibérément pour objet de dévaloriser le logiciel PC Tap par rapport à ses concurrents.

En deuxième lieu, la société Ordinateur Express reproche aux sociétés intimées d’avoir fourni une indication erronée en ce qui concerne le prix du logiciel PC Tap.

Elle fait valoir qu’entre le 30 août 2004 et juin 2008, la société CBS Interactive indiquait le prix du logiciel comme étant 52 $ (dollars) alors que le logiciel PC Tap coûte 52 euros et non 52 dollars (30 à 40% de différence), ce logiciel étant développé et proposé à la vente en France ; que le tarif indiqué en dollars laissait croire aux internautes que le logiciel PC Tap étant en langue française, provenait du Canada et qu’il serait donc difficile de joindre le service après vente de ce logiciel compte tenu du décalage horaire.

Mais la copie-écran des pages internet du site www.zdnet.fr relatives au logiciel PC Tap indique que le logiciel est en langue française.

Il résulte du dossier qu’en juin 2008, et avant même la saisie contrefaçon des 18 et 19 septembre 2008, le prix indiqué avait fait l’objet d’une correction spontanée et était bien de 52 €.

Cette indication erronée en dollars ne constitue pas un acte de parasitisme et il n’est pas démontré qu’elle traduise un dessein délibéré de désorganisation et de confusion en vue de tromper les internautes en leur faisant croire que le logiciel PC Tap n’était pas disponible à la vente en France, comme le conclut la société appelante.

En troisième lieu, la société Ordinateur Express conclut :
– que les sociétés intimées ont mis en ligne, sur la même page de présentation du logiciel PC Tap, des liens directs vers les sites commerciaux des éditeurs de logiciels concurrents de la société Ordinateur Express sans fournir de lien vers la page d’accueil du site du logiciel PC Tap www.pctap.com,
– la société CBS Interactive Inc. a signé avec Google les contrats relatifs au programme “Adsense“ de Google permettant l’affichage de la publicité avec des liens commerciaux sur les sites français www.zdnet.fr et www.cnetfrance.fr appartenant à la société CBS Interactive,
– que la société américaine CBS Interactive Inc. a mis à disposition de Google, contre compensation financière générée par les clics, l’espace publicitaire présent sur ses sites web pour qu’il soit utilisé par les annonceurs (Google Adwords) qui souhaitent mettre en ligne de la publicité de logiciels liés notamment à la formation au clavier, tels que les logiciels Tap Touche ou Ten Thumbs,
– qu’en conséquence, les internautes qui accèdent à la page dédiée à PC Tap sur le site des intimées, trouvent sur cette même page la publicité de logiciels concurrents et sont incités à cliquer sur l’un de ses liens commerciaux,
– que ces logiciels concurrents sont clairement privilégiés par rapport à PC Tap, dans la mesure où d’une part tous ces logiciels sont présentés avec un lien direct vers les informations commerciales situées sur la page d’accueil de leurs éditeurs/distributeurs,
– que les sociétés CBS Interactive et CBS Interactive Inc., sont rémunérées par Google au titre des liens commerciaux, chaque clic effectué sur l’un de ces liens par les internautes,
– que les intimées n’avaient donc pas intérêt à ce que les internautes visitent le site du logiciel PC Tap, puisque ces visites ne génèrent pas de revenus, contrairement aux clics sur les liens vers les sites des concurrents rémunérés par Google,
– que c’est précisément pour cette raison que les sociétés CBS Interactive et CBS Interactive Inc. ont fait en sorte qu’aucun lien hypertexte ne dirige vers la page d’accueil du site www.pctap de la société Ordinateur Express.

Il n’est pas contesté que les sociétés CBS Interactive ont adhéré au programme Adsense proposé par Google.

Google explore automatiquement le contenu des pages du site, et par analyse des mots (en l’espèce des mots appartenant au champ lexical de la dactylographie) affiche des annonces publicitaires qui correspondent au contenu du site.

A cet égard, il convient de relever, au vu des copies-écran des pages internet des sites zdnet.fr et cnetfrance.fr relatives au logiciel PC Tap (pièces 9 et 10 de l’appelante) qu’apparaissent aussi des publicités qui ne relèvent pas du champ exclusif de la dactylographie mais de l’informatique de façon plus large, laquelle ne relève pas du seul secteur d’activité de la société Ordinateur Express.

Selon cette dernière, la présence de ces annonces publicitaires pour d’autres logiciels concurrents inciterait les internautes à cliquer sur les liens commerciaux concurrents au lieu de visiter le site du logiciel PC Tap et procéderait de la volonté des sociétés intimées de dénigrer, de désorganiser la société Ordinateur Express en créant la confusion dans l’esprit des internautes. Elle soutient que les internautes seraient empêchés de se procurer le logiciel PC Tap et d’obtenir les informations techniques et commerciales le concernant.

Mais une telle argumentation sur un détournement allégué de la clientèle de la société Ordinateur Express se heurte au fait qu’il n’est pas établi que les sociétés CBS Interactive Inc. et aient un quelconque lien avec les annonceurs (base d’annonceurs Google Adwords), compte tenu du système d’annonces publicitaires “contextuelles” Adsense, ci-dessus exposé et largement répandu et de ce que les annonces publicitaires sont directement fournies par Google et sont associés de façon automatique au site consulté.

En outre, il résulte du procès-verbal de constat établi le 26 décembre 2008 à la requête de la société Cnet Networks France devenue CBS Interactive, produit en pièce 21 des intimées, que lorsque l’internaute télécharge la version du logiciel PC Tap :

* il connaît la source du téléchargement puisqu’avant le début de ce téléchargement un avertissement de sécurité s’affiche indiquant www.pctap.com origine du fichier (étant précisé que les sites des intimées n’hébergent sur leurs serveurs aucun logiciel et que les logiciels décrits dans les fiches sont hébergés par leurs éditeurs respectifs et téléchargés depuis le site de l’éditeur en sorte que c’est le serveur de la société Ordinateur Express qui permet de tester le logiciel),

* cette adresse www.pctap.com apparaît à nouveau dans la boîte de dialogue au moment de l’enregistrement du fichier,

* sous le moteur de recherche Google, la recherche pc tap affiche comme premier résultat PC Tap et le lien commercial PC Tap (CD autoformation),

* l’internaute peut accéder dans la rubrique “à propos” du logiciel et obtenir l’affichage suivant : « PC Tap pour Windows Version 1.7 2001 Ordinateur Express »,

* la copie écran d’une page du moteur de recherche Google à “dactylographie” démontre que ce même système publicitaire Adsense est utilisé par la société Ordinateur Express puisque dans les liens commerciaux apparaît PC Tap (CD autoformation).

Les premiers juges ont pertinemment relevé qu’avant de solliciter une ordonnance aux fins de saisie-contrefaçon la société Ordinateur Express n’a jamais effectué de demande de rectification ou de suppression de sa fiche, alors que ce droit est prévu par l’article 6 IV de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004.

En l’absence d’acte caractérisé de concurrence déloyale et de parasitisme commercial, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Ordinateur Express de l’ensemble de ses demandes.

L’exercice d’une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d’erreur grossière équipollente au dol ou, à tout le moins, de légèreté blâmable ; que, tel n’étant pas le cas en l’espèce, la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par les sociétés CBS Interactive et Inc. ne peut être accueillie tant en ce qui concerne la saisie-contrefaçon qu’un abus de procédure, ainsi qu’en ont décidé les premiers juges.

DÉCISION

Par ces motifs, la cour, statuant publiquement et contradictoirement,

. Dit n’y avoir lieu de surseoir à statuer,

. Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

. Dit qu’il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais non compris dans les dépens qu’elles ont du exposer en cause d’appel,

. Condamne la société Ordinateur Express aux dépens d’appel.

La cour : Madame Evelyne Louys (président), Mmes Dominique Lonne et Claire Desplan (conseillers)

Avocats : Me Mamoun Firas, Me Alain Weber

 
 

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