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Jurisprudence : Vie privée

jeudi 07 février 2008
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Tribunal de grande instance de Créteil Jugement du 11 septembre 2007

Mary K. / Céline T.

vie privée

FAITS ET PROCEDURE

Céline T. exerce son activité professionnelle sous le pseudonyme de K. qui se trouve être le nom de famille de Mary K.

Par ordonnance de référé du 10 janvier 2007, il a été fait défense à Céline T. de poursuivre l’utilisation et la diffusion du nom K. en tout lieu et en quelque endroit que ce soit, dans le délai d’un mois à compter de la signification de l’ordonnance, sous astreinte de 500 € par infraction constatée.

Cette ordonnance a été signifiée le 09 février 2007.

Sur appel de Céline T., la Cour d’Appel de Paris a ordonné, par arrêt du 31 mars
2007, une médiation qui a finalement échoué. La procédure d’appel a donc repris son cours.

Par acte d’huissier délivré le 31 juillet 2007, Mary K. a fait assigner Céline T. devant le Juge de l’Exécution de Créteil afin d’obtenir la liquidation à 49 500 € avec intérêts au taux légal de l’astreinte fixée par I‘ordonnance de référé du 10 janvier 2007.

Elle sollicite également la fixation d’une astreinte définitive -ou à défaut d’une nouvelle astreinte provisoire- de 5000 € par infraction constatée pendant six mois et la condamnation de Céline T. à lui payer la somme de 7000 € au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre les dépens incluant le coût des constats d’huissier.

A l’audience du 28 août 2007, Mary K. comparaît par son avocat et maintient ses demandes sauf à porter cette relative à la liquidation de l’astreinte à la somme de 82 000 €.

Elle expose que Céline T. n’a pas exécuté, dans les délais impartis, la condamnation à cesser de poursuivre l’utilisation et la diffusion du nom K. en tout lieu et en quelque endroit que ce soit, prononcée par le Tribunal. Elle souligne que le changement de pseudonyme, Céline T. utilisant désormais le pseudonyme de K.N. a été fort tardif et qu’il n’a pas été notifié aux media de masse. Elle ajoute que la cause étrangère doit être écartée, Céline T. n’étant pas dans l’impossibilité de prendre contact avec les sociétés ou sites grand public diffusant son image et ses oeuvres.

Céline T. comparaît personnellement assistée de son avocat et conclut au rejet de l’ensemble des demandes.

Elle sollicite que soit constaté qu’il n’existe aucun risque de confusion à l’échelle mondiale et que l’ordonnance de référé est excessive et disproportionnée dans sa portée. Elle en déduit que le juge de l’exécution, qui doit apprécier la portée de l’interdiction assortie d’une astreinte, peut la supprimer pour ce motif.

Elle invoque la cause étrangère rendant l’exécution de l’ordonnance impossible en raison des cessions de droits intellectuels et de la piraterie de ces droits, importante compte tenu de sa notoriété internationale et du fait qu’elle exerce son activité depuis sept ans. Elle considère qu’elle ne peut pas être tenue de répondre de l’exploitation frauduleuse de son nom sur le réseau internet. Elle estime donc que les constats des 16, 25 et 30 mai ainsi que du 05 juillet 2007 doivent être écartés.

Elle fait valoir que les constats des 24 et 29 mai, 25 juin et 04 juillet 2007 sont relatifs à des diffusions antérieures à l’ordonnance de référé, laquelle ne pose d’interdiction que pour l’avenir et doivent donc également être écartés.

Elle ajoute qu’elle a accompli de nombreuses démarches, de bonne foi, pour faire connaître son nouveau pseudonyme et invoque le bénéfice de l’article 36 de la loi du 09 juillet 1991 qui prévoit qu’il doit être tenu compte du comportement de celui à qui une injonction a été faite.

Elle réclame également la condamnation de Mary K. à lui payer la somme de 8000
€ en application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à supporter les dépens.

DISCUSSION

Sur l’astreinte

A titre liminaire, il sera rappelé que le juge de l’exécution n’a nullement de pouvoir de critiquer un titre exécutoire, il en résulte que le caractère excessif ou non de l’interdiction posée par l’ordonnance de référé tout comme la pertinence des motifs qui ont déterminé le juge ne sauraient être appréciés dans le cadre de la présente instance.

Le litige se résume à la question suivante : Céline T. a-t-elle exécuté la décision de justice dans les délais qui lui étaient impartis ?

L’appréciation de la portée de l’interdiction ne présente guère d’intérêt puisque Mary K., qui n’a fait réaliser que des constats d’huissier en France, ne se plaint que de la persistance de l’utilisation du pseudonyme K. en France.

En application de l’article 36 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter et l’astreinte est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard provient en tout ou partie d’une cause étrangère.

En l’espèce, Céline T. présente des impressions de courriers électroniques adressés à diverses personnes le 19 avril 2007 puis à diverses dates postérieures pour demander l’utilisation du pseudonyme K.N. Cependant, la qualité de ses interlocuteurs dans le milieu professionnel de Céline T. demeurent indéterminables.

Néanmoins, il est établi que des media tels que France 3 le 30 avril 2007, Canal + en juillet, Fun Radio à une date indéterminée, Hot Vidéo ainsi que Chxbix en juin, Star du X en juillet ont nécessairement été avisés dans la mesure où ils ont relayé l’information relative à l’utilisation de la nouvelle appellation.

D’autre part, Céline T., qui présente des contrats de cession de droits avec des sociétés de production, n’établit pas avoir pris attache avec ses cocontractants en vue de faire modifier pour l’avenir la présentation de son nom d’artiste. Elle ne prouve pas davantage les difficultés ou les refus auxquels elle se serait heurtée.

La cause étrangère ne peut pas être retenue.

En conséquence, il ressort de l’ensemble des constats d’huissier ainsi que des coupures de presse ou des impressions de courriers électroniques et de pages trouvées sur la toile que Céline T. n’a commencé à cesser de faire usage de K. qu’avec 40 jours de retard sur le délai fixé par l’ordonnance et il n’est pas démontré que ses démarches auraient été fort empressées ou insistantes pour imposer K.N. ou tout autre dénomination licite.

Dés lors, la demande en liquidation de l’astreinte est justifiée et doit être accueillie mais modérée. Céline T. sera condamnée à payer à Mary K. au titre de la liquidation d’astreinte provisoire à la somme de 20 000 €.

Par ailleurs, il convient de maintenir l’astreinte provisoire à la somme de 500 € par infraction constatée à compter du quinzième jour suivant la notification du jugement et pour une durée de trois mois. En effet, cette somme paraît suffisante dans la mesure où Céline T. a commencé à exécuter la décision.

Sur les frais et dépens

En application des articles 696 et 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, la partie perdante est condamnée aux dépens et à payer à l’autre partie une somme que le juge détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

En conséquence, Céline T., qui succombe, supportera les dépens. Les dépens ne comprennent pas le coût des constats d’huissier qui ont une nature de frais.

Quant aux frais, il sera observé que Mary K. et Céline T. réclament, chacune à son profit, le bénéfice d’une somme voisine de 7000 €. II convient d’en déduire que cette somme représente le coût réel de la défense de leurs intérêts dans la présente instance. En revanche, le coût des constats d’huissier ne figure pas sur les simples copies figurant dans le dossier de plaidoirie et ne pourront donc pas être intégrés.

En conséquence, l’équité commande de condamner Céline T. à payer à Mary K. la somme de 7000 € au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

DECISION

Le juge de l’exécution, statuant contradictoirement et en premier ressort,

. Condamne Céline T. à payer à Mary K. la somme de 20 000 € représentant la liquidation de l’astreinte fixée par l’ordonnance de référé du 10 janvier 2007 ;

. Fixe une nouvelle astreinte provisoire à la somme de 500 € par infraction constatée à compter du quinzième jour suivant la notification du jugement et pour une durée de trois mois ;

. Condamne Céline T. à payer à Mary K. la somme de 7000 € au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

. Rappelle que l’exécution provisoire est de droit ;

. Condamne Céline T. à supporter les dépens de l’instance qui ne comprendront pas le coût des constats d’huissier.

Le tribunal : Mme Cavailles (président)

Avocats : Me Mickaël Robert, Me Gérard Haas

Voir décision de Cour d’appel

 
 

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