Jurisprudence : Contenus illicites
Tribunal de Grande Instance de Lyon Jugement du 20 février 2001
Claranet / Patrice C.
accès frauduleux - contenus illicites - envoi de messages non sollicités - systèmes de traitement automatisé de données
Faits et Procédure
Me Haas, avocat au Bureau de Paris, a déclaré se constituer partie civile au nom de la société Claranet et a déposé des conclusions dûment visées et jointes au dossier par lesquelles il sollicite qu’il soit dit et jugé que la responsabilité civile de la société Europe Explorer est engagée sur le fondement de l’article 1384 alinéa 5 du code civile en raison des agissements et des fautes commises par son préposé, M. Patrice C. au préjudice de la société Claranet ;
Elle sollicite de plus, la condamnation solidaire de la société Europe Explorer et de M. Patrice C. à lui payer les sommes suivantes :
– 1.000.000 F (un million de francs) en réparation du préjudice économique causé par la perte de clientèle.
– 100.000 F (cent mille francs) en réparation du préjudice causé par la mobilisation des ressources de l’entreprise.
– 1.400.000 F (un million quatre cent mille francs) en réparation du péjudice causé par l’atteinte à l’image commerciale.
– 20.000 F sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;
Outre l’exécution provisoire de la décision à intervenir dans toutes ses dispositions.
Me Haas a développé les conclusions de la partie civile ;
Me Durand, avocat au Barreau de Paris, a été entendu en sa plaidoirie pour les sociétés France Explorer et Europe Explorer, citées en qualité de civilement responsable, a déposé des conclusions dûment visées et jointes au dossier par lesquelles il demande au tribunal de
– constater la nullité des citations délivrées les 18 septembre et 20 décembre 2000, à la requête de la société Claranet,
– de dire et juger la société Claranet irrecevable pour défaut de qualité à agir à l’encontre de la société Europe Explorer, en conséquence
– débouter la société Claranet de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de la société Europe Explorer ;
– condamner la société Claranet à payer à la société Europe Explorer la somme de 100.000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
– débouter la société Claranet de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de la société France Explorer et Europe Explorer sur le fondement de l’article 1384 alinéa 5 du code civile ;
– condamner la société Claranet à payer à chacune des sociétés France Explorer et Europe Explorer la somme de 30.000 F au titre de l’article 700 du nouveau code de la procédure civile ;
– ordonne l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Subsidiairement, si le tribunal devait retenir l’application de l’article 1384 alinéa 5, rejeter le quantum des préjudices invoqués par la société Claranet.
Discussion
Attendu que Patrice C. a été avisé de la date d’audience par procès verbal de convocation en justice délivré par officier ou agent de police judiciaire sur instruction de Monsieur le Procureur de la République, en application de l’article 390-1 du code de procédure pénale et a signé le procès verbal de notification ;
Attendu que Patrice C. est prévenu :
d’avoir à Lyon, entre le 22 avril 2000 et le 3 mai 2000, altéré le fonctionnement des systèmes de traitement automatisé de données de la société Claranet par suite d’un accès frauduleux réalisé au moyen du logiciel Aenima permettant l’envoi de grande quantité de courriers électroniques vides ainsi que l’envoi de gros fichiers au moyen d’un compte anonyme souscrit chez le fournisseur internet Prontomail, visant à encombrer la bande passante de la victime et ralentir son système
faits prévus par art. 323-1 al. 2,. 1 C. pénal et réprimés par art. 323-1 al. 2, art. 323-5 C. pénal
Sur l’action publique
Les faits, constants au dossier à la suite des investigations des services de police spécialisés, sont admis, à l’audience, par le prévenu, qui ironique et sûr de lui, les qualifie de » bêtise, d’acte puéril, limité ( ?), commis dans un état de faiblesse « .
Il n’y a place, pourtant, dans cette affaire, ni pour le ludique, ni pour la blague de potache : c’est, par souci avéré de représailles vis à vis d’un employeur qui n’avait pas reconnu ses mérites (insuffisamment rémunérés) que Patrice C. a agi, sachant, puisqu’il est un professionnel des systèmes informatiques, que les pratiques qu’il allait mettre en œuvre satureraient la bande passante du système de Claranet et lui causeraient, à très brève échéance, le préjudice commercial évidemment recherché.
Une peine d’emprisonnement avec sursis et une amende seront prononcées par le tribunal qui a pu, au cours des débats observer et constater la particulière mauvaise foi d’un prévenu toujours incapable d’analyser et de rendre compte, en toute lucidité, de son comportement.
Sur l’action civile
* Nullité des citations des 18 septembre et 20 décembre 2000
Ces moyens de droit, sans doute développés dans les conclusions écrites déposées le 25 janvier 2001 devant le tribunal n’ont, pour autant, pas été soutenus » in limine litis » comme le prévoit la loi. Ils sont donc irrecevables.
* Mise en cause de la société Europe Explorer (civilement responsable) :
Il ne résulte pas du dossier et des documents remis par la société Claranet, partie civile, la preuve d’un lien de subordination entre, d’une part, la société Europe Explorer, d’autre part, Patrice C., les termes du contrat de travail signé par l’intéressé le rattachant expressement à la » gestion technique des logiciels France Explorer et Swiss Explorer « .
La société Europe Explorer doit, en conséquence, être mise hors de cause.
* Mise en cause par la société France Explorer :
Il est soutenu, par la société Claranet, que les actes frauduleux commis par le prévenu l’ont été sur son lieu de travail et au moyen du micro-ordinateur fourni par son employeur : qu’ayant agi dans l’exercice de ses fonctions, la société qui le salarie doit supporter, solidairement avec son préposé les conséquences dommageables du délit.
Cette argumentation ne sera pas retenue puisqu’il apparaît, en l’espèce que Patrice C. a agi à l’insu de son employeur – lequel le licenciera, dans la foulée – et que les actes qu’il a commis sont, sans contestation possible, étrangers à l’exercice de ses fonctions : c’est bien en détournant l’usage du matériel qui lui était attribué, que C. a réussi à saturer la bande passante de la société Claranet.
Il convient donc de débouter cette dernière de ses réclamations visant la société France Explorer sachant, en outre, que c’est à partir de sa ligne téléphonique personnelle que le prévenu a en partie, pu commettre les faits délictueux qui lui sont reprochés.
* Demandes reconventionnelles des sociétés Europe Explorer et France Explorer :
Elles sont, toutes deux, basées sur la notion de » procédure abusive » qui suppose pour être accueillie favorablement, que soit démontrée la mauvaise foi.
Or, dans ses instances visant Europe Explorer et France Explorer, la société Claranet ne recherche manifestement que la solidarité d’une condamnation civile, sans pour autant faire preuve (non rapportée) d’une mauvaise foi de principe. Les demandes seront rejetées.
* Mise en cause de Patrice C. :
Au vu des pièces communiquées et des demandes de la partie civile, le tribunal fixe à 300.000 F, toutes causes de préjudices (économique, commercial) subis par la société Claranet, outre l’allocation d’une somme de 6.000 F au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.
Les circonstances de l’espèce, et notamment la réalité incontestable des conséquences dommageables subies par la partie civile, commandent que soit ordonnée l’exécution provisoire des condamnations civiles.
Décision
Statuant publiquement, en premier ressort et par jugement contradictoire, à l’égard de Patrice C. ;
SUR L’ACTION PUBLIQUE
.Déclare Patrice C. coupable des faits qui lui sont reprochés. Condamne Patrice C. :
– à 8 mois d’emprisonnement avec sursis,
– à une amende délictuelle de 20.000 F pour l’infraction de altération du fonctionnement d’un système de traitement automatisé, suite à accès frauduleux
Sitôt le prononcé a averti le condamné , que s’il commet une nouvelle infraction, il pourra faire l’objet d’une nouvelle condamnation qui sera susceptible d’entraîner l’exécution de la première condamnation sans confusion avec la seconde et qu’il encourra les peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 à 132-10 du code pénal ;
SUR L’ACTION CIVILE
.Déclare irrecevable la demande de nullité non présentée et soutenue in limine litis par la société Europe Explorer ;
.Met hors de cause la société Europe Explorer ;
.Déboute la partie civile de sa réclamation visant la société France explorer ;
.Rejette les demandes reconventionnelles formulées par les sociétés Europe Explorer et France Explorer ;
.Reçoit la société Claranet en sa constitution de partie civile ;
.Condamne Patrice C. à lui payer :
– la somme de 300.000 F soit 76224.51 euros à titre de dommages et intérêts toutes causes de préjudices réunies ;
– la somme de 6.000 F en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;
.le condamne en outre aux dépens de l’action civile ;
.Ordonne l’exécution provisoire des dispositions civiles.
Le tribunal : M. Boulmier (président), Mme Bouillot-Celeyron et Cor (juges) M. Montoy (substitut du procureur de la république)
Avocats : .Me Haas et Durand
Notre présentation de la décision
En complément
Maître Durand est également intervenu(e) dans les 4 affaires suivante :
En complément
Maître Gérard Haas est également intervenu(e) dans les 72 affaires suivante :
En complément
Le magistrat Bouillot Celeyron est également intervenu(e) dans l'affaire suivante :
En complément
Le magistrat Boulmier est également intervenu(e) dans l'affaire suivante :
En complément
Le magistrat Montoy est également intervenu(e) dans l'affaire suivante :
* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.