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Jurisprudence : Responsabilité

lundi 02 janvier 2012
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Tribunal de commerce de Toulon 2ème chambre Jugement du 23 novembre 2011

Basket Store / Aspora

compétence - dénomination sociale - marques - mots clés - nom commercial - nom de domaine - référencement - tribunal

FAITS, MOYENS ET PRETENTIONS

Attendu que par acte en date du 17 décembre 2010 de la Selarl Doniol, huissier de justice à Claye Souilly (77410), la société Basket Store a assigné la société Aspora pour l’audience publique du 3 janvier 2011 aux fins de :

Vu l’article 1382 du code civil,

Vu les pièces versées aux débats,

Condamner la société Aspora à mettre un terme à tout référencement de son entreprise à l’aide des mots-clefs identiques à la dénomination sociale, à la marque et au nom de domaine de la requérante, soit « basketstore », « basket store », « www.basketstore.fr » et ce sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification de décision à intervenir.

Condamner la société Aspora à payer à la société Basket Store la somme de 68 488,04 € au titre du préjudice commercial subi au jour des présentes, préjudice à parfaire jusqu’à l’arrêt des agissements de la société Aspora.

Condamner la société Aspora à payer à la société Basket Store la somme de 20 000 € au titre du préjudice moral.

Condamner la société Aspora à payer à la société Basket Store la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de Procédure pénale ainsi qu’aux entiers dépens, dont notamment les frais de procès verbaux de constats d’huissiers.

Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Attendu que par voie d’assignation la requérante précise :

Sur la compétence territoriale de la juridiction saisie

L’article 46 du cpc dispose que :

« le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur :
– en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l’exécution de la prestation de service ;
– en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ;
– en matière mixte, la juridiction du lieu où est situé l’immeuble ;
– en matière d’aliments ou de contribution aux charges du mariage, la juridiction du lieu où demeure le créancier ».

Par ailleurs, il est largement admis en matière de faits constatés sur internet que :

« Lorsqu’une infraction aux droits de la propriété intellectuelle ou un acte de concurrence déloyale a été commis par une diffusion sur le réseau internet, le fait dommageable se produit en tous lieux où les infractions sont mises à la disposition des utilisateurs éventuels du site.
Paris, 1er mars 2000 : D. 2000. Aj. 251, abs. Poisson. Amiens, 19 févr. 2004 JCP 2005. JC 1647.
Est donc compétent pour en connaitre le juge du ressort où a été dressé le constat qui révèle l’existence du site susceptible de porter atteinte aux intérêts d’autrui.
Même arrêt. – Dans le même sens, V. Com. 7 mars 2000 – préc. Note 17″.

Dans ces conditions, le tribunal de commerce de Toulon est valablement saisi et aura à connaitre du présent litige ce d’autant que les faits litigieux ont notamment été constatés par procès-verbal de constat dressé le 18 juin 2010 par la SCP Badau-Peter-Chambon, huissier de justice à Toulon.

Sur le fond

– Présentation des sociétés

Attendu que la société dénommée « Basket Store » exerce son activité depuis 2003 sous le nom commercial  » Basket Store ».

Qu’elle est titulaire du nom de domaine « basketstore.fr » depuis le 4 novembre 2003.

Que son activité consiste à vendre en ligne, sis le réseau internet, des produits et articles relatifs au basket (vêtements, ballons, accessoires, etc.).

Attendu que la société Aspora est immatriculée depuis 2005 et a développé la même activité que la société Basket Store.

Que pour ce faire, la société Aspora a déposé le nom de domaine « ruedubasket.com ».

– Le référencement litigieux

Attendu que la société Aspora a fait référencer son site internet notamment auprès de la société Google par le biais de mots-clés.

Qu’elle a cependant utilisé comme mot-clé, les termes « Basket Store », « BasketStore », et « basketstore.fr », reprenant ainsi la dénomination sociale, le nom commercial, et le nom de domaine de la requérante.

Que cette utilisation, découverte par la requérant en mars 2010, a été faite sans l’autorisation de la société Basket Store.

Que par ailleurs, cette utilisation abusive des signes distinctifs de la requérante a pour conséquence d’entrainer une confusion dans l’esprit du public et entraine ainsi un préjudice pour la société Basket Store.

Qu’en effet, lorsque l’on saisit les mots-clés correspondant à la dénomination sociale de la requérant dans le moteur de recherche Google, on obtient, placé en première position, le site de la société Aspora, sa concurrente.

Que cela ressort très clairement des deux constats d’huissier produits aux débats.

– L’intention délibérée et persistante de nuire aux intérêts de la société Basket Store.

Attendu que c’est dans ces conditions que la société Aspora a été destinataire de trois mises en demeure de la requérante afin que soient retirés les mots clés correspondant à ses signes distinctifs.

Qu’à ce jour, la société Aspora méprise la demande de la société Basket Store et continue à utiliser les noms de son concurrent aux fins de référencement dans le moteur de recherche Google.

Attendu qu’il convient de noter que la société Aspora a également utilisé en mot clé de référencement, le nom de domaine de la société requérante, savoir « www.basketstore.fr ».

Que ce choix est délibéré et ne relève pas de la simple erreur.

Qu’en effet, utiliser le nom de domaine, soit l’adresse internet d’un concurrent révèle la volonté réelle et non équivoque de profiter du travail déjà fait par ce dernier.

Attendu que la société Aspora ne pourra pas invoquer la responsabilité du moteur de recherches Google dans le choix des mots clés.

Qu’en effet, ce choix appartient en définitive à l’annonceur, soit en l’espèce la société Aspora.

Que de plus, depuis la mise en demeure du conseil de la société Basket Store du 16 août 2010, la société Aspora a pleinement connaissance de la gravité de ses actes et ne peut soutenir une quelconque imprudence ou négligence.

Attendu enfin que courant septembre 2010, la société Aspora a été informée par la requérante que l’enregistrement de la marque « Basket Store » est effectif, le dépôt ayant eu lieu le 1er avril 2010.

Qu’en persistant dans sa démarche, la société Aspora se rend désormais coupable d’une contrefaçon de marque afin de profiter encore de la réputation et du travail fait par la société Basket Store.

Attendu que la société Aspora profite ainsi de la renommée de la requérante au parfait mépris de ses droits.

Qu’elle n’a pas pour autant stoppé ces agissements.

Qu’à ce titre, il est intéressant de noter que la même mise en demeure avait été adressée au service juridique de « La Redoute », celle-ci utilisant également le mot clé de référencement « Basketstore ».

Que pour autant, après avoir ainsi été alertée, La Redoute a immédiatement stoppé tout référencement sur le nom et la marque « Basketstore ».

Que ce n’est pas le cas de la société Aspora qui méprise ainsi les droits des tiers.

Attendu de tout ce qui précède que la société Aspora se rend coupable de faits de concurrence déloyale et de parasitisme à l’endroit de la société Basket Store.

Qu’il conviendra en conséquence de la condamner à réparer le préjudice de la société Aspora et de l’enjoindre à mettre un terme à ces agissements sous astreinte, agissements qui entrainent un trouble commercial important pour la requérante.

– Les demandes

Attendu que la prospection de la clientèle d’un concurrent demeure une pratique commerciale normale à la condition essentielle qu’elle ne s’accompagne pas de procédés déloyaux.

Qu’en l’espèce et tel qu’il ressort des agissements rappelés précédemment, il appert que la prospection faite par la société Aspora est manifestement fautive.

Attendu que les sociétés sont concurrentes sur le marché spécifique de la vente d’articles de basket en ligne.

Que la société Aspora a réalisé des actes de référencement illicite, en utilisant les signes distinctifs de la société Basket Store, en fraude des droits de cette dernière.

Que cette pratique entraine une confusion dans l’esprit du public internaute.

Qu’en effet celui-ci saisissant les mots clés « Basket Store », « Basketstore », ou encore « basketstore.fr » et croyant ainsi être dirigé sur le site de vente en ligne de la société Basket Store se voit en réalité proposer en première place le site de la société concurrente Aspora.

Que par jeu du référencement abusif réalisé par la requise, le site de la société Aspora apparait effectivement dans les résultats des moteurs de recherche avant le site de la requérante.

Que ces actes constituent à l’évidence des actes de concurrence déloyale et fautive qu’il conviendra de sanctionner.

Attendu qu’il conviendra de noter que la société Aspora s’est également livrée à des actes de parasitisme en ce qu’elle a profité du sillage de la société Basket Store.

Qu’en effet, le professeur L. et la jurisprudence considèrent que :

« Quiconque, à titre lucratif et de façon injustifié, s’inspire sensiblement ou copie une valeur économique d’autrui individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements commet un agissement parasitaire fautif. Car cet acte, contraire aux usages du commerce, fausse le jeu normal du marché et provoque ainsi un trouble commercial. Celui-ci est en soi un préjudice certain dont la victime peut demander en justice la cessation et la réparation, … ».

De plus généralement, les actes de parasitisme sont définis comme « l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin d’en tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de ses savoir-faire » (Cass. Comm. 26 janv. 1999, n°96-22, 457, BRDA 1999, n°6, p.10. Petites affiches 23 mars 1999, p.9, petites affiches 4 nov.1999, p.19, obs. Petitier M., D. Aff. 1999, p.508. Obs. Emery C., Cah D. Aff. 2000 ; Cass. Comm. 30 jan. 2001, n°99-10.654, Bull. Civ. IV, n°27, p.24).

Attendu qu’en l’espèce, la société Aspora s’immisce bien dans le sillage de la société Basket Store afin de profiter sans rien dépenser de ses efforts et de son savoir-faire.

Qu’elle profite du travail et de la notoriété de la société Basket Store en utilisant les signes distinctifs de cette dernière pour référencer son site et apparait ainsi en premier plan sur les moteurs de recherches.

Qu’il est donc établi que les griefs invoqués constituent à l’évidence des actes de concurrence déloyale et parasitaire.

– Le préjudice

Attendu que les actes de la société Aspora ont causé un préjudice à la société Basket Store, préjudice qu’il conviendra de réparer.

Qu’en effet, en prenant le terme « Basketstore » pour référence et en lançant sa nouvelle branche d’activité « basket-ball », la société Aspora, via le site internet ruedubasket.com, a détourné une partie de la clientèle de la requérante.

Qu’elle a également réussi à profiter des investissements de la société Basket Store pour se faire sa propre publicité.

Attendu que le préjudice de la société Basket Store est important et se compose d’un préjudice commercial et moral.

Qu’en effet, la société Basket Store a eu connaissance du référencement litigieux de la société Aspora au mois de mars 2010.

Qu’il est incontestable que l’internaute d’une attention moyenne qui entre le mot « Basketstore » sur le moteur de recherches Google et qui voit apparaitre la publicité « ruedubasket » en premier plan, croire accéder à celui de la requérante ou si ce n’est le cas, son tenté, ne serait-ce par curiosité, d’aller découvrir le site apparaissant ainsi en tête de liste.

Que le client par la suite pourra être définitivement perdu pour la société requérante par le jeu particulièrement déloyal en l’espèce de captation de clientèle.

Attendu qu’il convient de considérer que le référencement illégal de la société Aspora ponctionne à la société Basket Store un minimum de 150 € de chiffre d’affaires par jour.

Qu’en conséquence, le préjudice commercial subi par la société Basket Store s’élève à la somme de 36 000 € (240 jours x 150 €).

Attendu qu’il convient de tenir compte du fait qu’entre le 10 novembre et le 24 décembre Basket Store réalise encore un quart et un tiers du chiffre d’affaires de toute l’année, en raison des fêtes de fin d’années.

Que durant cette période le préjudice n’est donc pas de 150 € par jour mais de 300 € par jour, et qu’il conviendra par conséquent de quantifier une perte supplémentaire de 6600 € pour cette période.

Que le préjudice représentant la perte de marché s’élève à la somme de 42 600 €.

Attendu qu’enfin, et pour faire face et tenter de compenser l’action particulièrement illicite de la société Aspora, la société Basket Store a été contrainte d’engager des dépenses de référencement et campagnes publicitaires supplémentaires.

Que le budget publicitaire et référencement a ainsi anormalement été augmenté de la somme de 25 888,04 €.

Attendu en outre, la société Basket Store subit toujours un préjudice moral notable.

Qu’en effet, cela fait plus de six mois que la société Basket Store non seulement subi les assauts illicites de la société Aspora mais au surplus doit en supporte le mépris persistant.

Que d’ailleurs, la société Aspora se livre à des actes particulièrement illicites à l’égard du public ou d’autres sociétés (double référencement, atteinte au nom, réglementation en matière de jeu, de soldes etc.)

Que par le jeu du référencement illicite susvisé, la société Basket Store risque d’être assimilée à l’auteur de ces pratiques douteuses.

Qu’il conviendra donc de chiffrer ce préjudice moral à une somme qui ne saurait, en l’état de la particulière mauvaise foi de la société Aspora et de son mépris particulier pour les lois et droits des tiers, être inférieure à la somme de 20 000 €.

Attendu enfin qu’il conviendra de condamner la société Aspora à mettre un terme à tout référencement de son entreprise à l’aide des mots clés identiques à la dénomination sociale, à la marque et au nom de domaine de la requérante, soit « Basket Store », « Basketstore », et www.basketstore.fr et ce sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir.

Attendu enfin qu’il serait particulièrement inéquitable de laisser à la charge de la société « Basket Store », « Basketstore », et « basketstore.fr » l’ensemble des frais irrépétibles engagés pour les besoins de la cause et qu’il conviendra de condamner la société Aspora à lui payer la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du cpp ainsi qu’aux entier dépens.

Il conviendra, compte tenu des circonstances de l’espèce, d’ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Attendu qu’après renvois cette affaire a été fixée à l’audience du 28 septembre 2011.

Attendu que Me Gérard Haas, avocat au Barreau de Paris, ayant pour avocat postulant Me Olivier Mingasson, avocat au Barreau de Toulon, pour et au nom de la société Aspora, répond par voie de conclusions :

CONTEXTE

Présentation des parties

– La société Aspora

1. La société Aspora (société créée en 2005) a une activité déclarée d’intermédiaires spécialisés dans le commerce d’autres produits spécifiques.

2. Dans le cadre de son activité elle édite notamment deux sites marchands spécialisés dans la vente en ligne de produits et équipements sportif.

* Le site www.aspora.net boutique en ligne d’équipements sportifs multi disciplinaires football, handball, rugby, volleyball, basketball, etc.

* Le site www.ruedubasket.com site entièrement dédié aux équipements sportifs pour le basketball.

3. La société Basket Store exerce une activité de vente d’articles de sport exclusivement dédiés au basket, et ce notamment via son site web marchand www.basketstore.fr.

Origine du litige

4. Désireuse de développer ses ventes sur le marché du basketball, la société Aspora a enregistré le 8 janvier 2010 le nom de domaine « ruedubarket.com », pour y développer une nouvelle vitrine virtuelle en complément du « rayon » préexistant sur son site www.aspora.net.

5. Toutefois, lorsqu’elle a décidé de lancer son nouveau site www.ruedubasket.com, la société Aspora était loin de se douter qu’elle ferait l’objet d’une véritable politique d’acharnement de la part de la société Basket Store.

6. En effet, cette dernière a cru bon de faire constater par voie d’huissier que la société Aspora aurait utilisé l’expression « Basket Store », à titre de mot clé prétendant que cette utilisation constituerait une utilisation abusive de ses sites distinctifs et en particulier de sa marque basket store – basketstore – www.basketstore.fr déposée le 1er avril 2010 et enregistré sous le numéro 10 3 726 977 en classes 24, 25 et 28,

Pièce adverse n° 4: Procès verbal de constat de Me Babau du 18 juin 2010
Pièce adverse n° 5 : Procès verbal de constat de Me Nicodeme du 1er janvier 2009 (en réalité 1er septembre 2010)
Pièce adverse n°1 : Certificat d’enregistrement Inpi

PROCEDURE

7. Détournant le droit des marques de sa finalité et tentant d’instrumentaliser les tribunaux pour porter une atteinte injustifiée au libre jeu de la concurrence, la société Basket Store n’a pas hésité à assigner la société Aspora devant la juridiction de céans par acte introductif d’instance du 17 décembre 2010.

8. A ce titre, elle a cru pouvoir demander au tribunal de commerce de Toulon de :
– Condamner la société Aspora à mettre un terme à tout référencement de son entreprise à l’aide des mots-clés identiques à la dénomination sociale, à la marque et au nom de domaine de la requérante, soit « basketstore », « basket store», ce sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir
– Condamner la société Aspora à payer à la société Basket Store la somme de 8488,04 € au litre du préjudice commercial subi au jour de l’assignation, préjudice à parfaire jusqu’à l’arrêt des agissements de la société Aspora
– Condamner la société Aspora à payer à la société Basket Store la somme de 20 000 € au titre du préjudice moral
– Condamner la société Aspora à payer à la société Basket Store la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens
– Ordonner l’exécution provisoire.

IN LIMINE LITIS

Sur l’incompétence matérielle du tribunal de commerce de Toulon

9. En droit, l’article L. 716-3 du code de la propriété intellectuelle confère une compétence rationae materiae exclusive aux tribunaux de grande instance lorsque le litige porte en tout ou partie sur une marque.

« Article L.716-3 du code de la propriété intellectuelle, modifié par la loi n°2008-776 du 4 août 2008 – art. 135 :
Les actions civiles et les demandes relatives aux marques sont exclusivement portées devant les tribunaux de grande instance, y compris lorsqu’elles portent à la fois sur une question de marques et sur une question connexe de concurrence déloyale.
Les tribunaux de grande instance appelés à connaitre des actions et des demandes en matière de marques sont déterminés par voie réglementaire. »

10. Cet article modifié par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, écarte expressément la compétence du tribunal de commerce pour tous les litiges ayant trait à des demandes relatives à des marques, y compris lorsque l’action porte à la fois sur une question de marque et sur un problème connexe de concurrence déloyale.

11. Or, force est de constater que la société Basket Store ne cesse de fonder ses demandes sur la base de sa marque basket store – basketstore – www.basketstore.fr déposée le 1er avril 2010 et enregistrée sous le numéro 10 3 726 977 en classes 24, 25 et 28 pour obtenir la réparation d’un prétendu « préjudice commercial » estimé à 68 488,04 € mais également une mesure d’interdiction !

12. Il suffit pour cela d’observer les demandes de la demanderesse. En effet elle sollicite du tribunal de céans de bien vouloir condamner la société Aspora « à mettre un terme à tout référencement de son entreprise à l’aide des mots clés identiques à la dénomination sociale, à la marque et au nom de domaine de la requérante, soit « basketstore » « basket store » « www.basketstore.fr » (sic).

13. Tant les écritures de la société Aspora que les pièces qu’elle produit aux débats sont dépourvues de toute ambiguïté quant au fondement juridique de son action.

14. En effet, elle n’hésite pas dans ses écritures à affirmer que « courant septembre, la société Aspora a été informée par la requérante de l’enregistrement de la marque «Basket Store» est effectif, le dépôt ayant eu lieu le 1er avril 2010. Persistant dans sa démarche, la société Aspora se rend désormais coupable d’une contrefaçon de marque afin de profiter encore de la réputation et du travail fait par la société Basket Store » (Assignation de la requérant page 4).

15. En outre la première pièce communiquée au tribunal pour fonder sa demande de mesure d’interdiction n’est autre que son titre de propriété industrielle sur la marque Basket Store, savoir le Certificat d’enregistrement de sa marque.

Pièce adverse n°1 : Certificat d’enregistrement Inpi

16. Cet état de fait ne serait être anodin ! La demanderesse fonde manifestement son action sur sa marque et le fondement de la concurrence déloyale qu’elle invoque est connexe à la question de marque qu’elle soulève.

17. La connexité autre les prétendus actes de concurrence déloyale et de contrefaçon de marque invoquait par la société Basket Store apparaît de manière évidente, la société Basket Store demandant au tribunal de condamner la société Aspora à mettre un terme à tout référencement de son entreprise à l’aide des mots-clés identiques à sa dénomination sociale, à sa marque et son nom de domaine et croyant pouvoir demander réparation d’un prétendu préjudice commercial qu’elle aurait subi notamment du fait de l’utilisation de sa marque (cf. en ce sens une jurisprudence constante de la Cour de cassation, notamment, Cass. Com. 16 mai 2000 et Cass. Com. 20 février 2007, Pièces n°1 et 2).

18. En conséquence, si la société Aspora entend bien évidemment contester les fautes connexes de concurrence déloyale et de contrefaçon de marque qui lui sont reprochées devant le tribunal de grande instance territorialement compétant, celle-ci ne peut que soulever l’incompétence du tribunal de commerce de céans pour connaître de ce litige.

19. En effet, la demande formulée par la société Basket Store devant le tribunal de céans visant à voir condamner la société Aspora à mettre un terme à tout référencement de son entreprise à l’aide de mots clefs identiques à la marque de la requérante, et ce sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir est nécessairement une demande fondée sur les dispositions du Livre VII du code la propriété intellectuelle consacré aux masques.

20. En tout état de cause, la Cour de cassation, dans son arrêt du 20 février 2007 a clairement jugé que ce type de litige relevait de la compétence exclusive des tribunaux de grande instance, alors même qu’aucune demande spécifique ne serait fondée sur la marque, dans la mesure où le tribunal, comme c’est le cas en l’espèce, devra nécessairement se prononcer sur la valeur des titres fondant les demandes (Certificat d’enregistrement de la marque Basket Store, Pièce adverse n°1) et sur la contrefaçon alléguée (Cass. Com. 20 février 2007, pièce n°2)

21. C’est pourquoi, il sera demandé au tribunal de céans de bien vouloir se déclarer incompétent au profit d’un tribunal de grande instance compétent en application de l’article L. 716-3 du code de la propriété intellectuelle.

Sur la désignation du tribunal compétent

22. L’article D. 211-6-1 du code de l’organisation judiciaire indique que les tribunaux de grande instance territorialement compétents sont précisés à l’annexe VI de ce même code.

23. « Art. D.211-6-1 du code de l’organisation judiciaire
Le siège et le ressort des tribunaux de grande instance ayant compétence exclusive pour connaitre des actions en matière de propriété littéraire et artistique, de dessins et modèles, de marques et d’indications géographiques, dans les cas et conditions prévus par le code de la propriété intellectuelle, sont fixés conformément au tableau VI annexé au présent code. »

24. Dès lors, il convient de faire application de l’article 46 du code de procédure civile qui dispose qu’est notamment compétente la juridiction dans le ressort duquel le défendeur est domicilié.

25. Compte-tenu du fait que le siège social de la société Aspora sis à Montry (77450), elle relève du ressort de la Cour d’appel de Paris.

26. C’est pourquoi, il sera demandé au tribunal de céans de se déclarer incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris.

Par ces motifs

Vu le code de la propriété intellectuelle, et ces articles L. 713-2, L. 713-3 et L. 716-3,
Vu le code de l’organisation judiciaire et notamment son article D 211-5-1 et son annexe VI,
Vu le code civil, et notamment ses articles 1382 et 1383,
Vu le code de procédure civile et notamment ses articles 46, 699 et 700,
Vu les pièces versées au débat,
Vu les jurisprudences citées et la doctrine y afférente,

Il est demandé au tribunal de céans de déclarer la société Aspora recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins, moyens et prétentions,

Y faisant droit,
– Débouter la société Basket Store de l’ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétention
– Dire et juger que les demandes de la société Basket Store sont en partie fondées sur la marque française basket store – basketstore – www.basketstore.fr déposée le 1er avril 2010 et enregistrée.
– Dire et juger que les demandes de la société Basket Store, qui portent sur des questions connexes de marques et de concurrence déloyale, sont de la compétence exclusive des tribunaux de grande instance, par application des dispositions de l’article L. 716-3 du code de la propriété intellectuelle.
– Se déclarer incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris
– Réserver les dépens.

Attendu que Me Carole Moulin-Calmes Avocat au Barreau de Toulon, pour et au nom de la société Basket Store répond par voie de conclusions.


Sur la compétence territoriale de la juridiction saisie

– Compétence territoriale

L’article 46 du code de procédure Civile dispose que :

« Le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur en matière contractuelle la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l’exécution de la prestation de service, en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celte dans le ressort de laquelle le dommage u été subi ;
– en matière mixte, la juridiction du lieu où est situé l’immeuble,
– en matière d’aliments ou de contribution aux charges du mariage, la juridiction du lieu où demeure le créancier ».

Par ailleurs, il est largement admis en matière de faits constatés sur internet que :

« Lorsqu’une infraction aux droits de la propriété intellectuelle ou un acte de concurrence déloyale a été commis par une diffusion sur le réseau internet, le fait dommageable se produit en tous lieux où les informations sont mises à la disposition des utilisateurs éventuels du site.
Paris 1er mars 2000 D. 2000. A3 251, abs. Poisson. Amiens, 19 févr 2004 : JCP 2005 IC 1647.
Est donc compétent pour en connaître le juge du ressort où a été dressé le constat qui révèle l’existence du site susceptible de porter atteinte aux intérêts d’autrui.
Même Arrêt. – Dans le même sens, V Com 7 mars 2000 – préc. Note 17».

Dans ces conditions, le tribunal de commerce de Toulon est valablement saisi et aura à connaître du présent litige ce d’autant que les faits litigieux ont notamment été constatés par procès-verbal de constat dressé le 18 juin 2010 par la SCP Babau -Peter Chambon, Huissiers de Justice à Toulon.

– Compétence matérielle

La société Aspora soulève, in limine litis, paragraphe III de ses conclusions, matérielle du tribunal de commerce de Toulon.

Nous traiterons également de ce point.

Elle se réfère ainsi aux dispositions de l’article L.716-3 du code de la Propriété Intellectuelle qui consacre la compétence des Tribunaux de grande instance lorsque le litige porte sur une marque.

Elle considère par ailleurs que le fondement de la concurrence déloyale, invoqué par la concluante n’est que connexe à la question de marque ce qui, selon elle, doit entrainer l’incompétence de la juridiction saisie.

Le tribunal de céans relèvera en tout premier lieu, que la société Aspora ne conteste pas, au passage, s’être livrée à une appropriation des signes distinctifs de la société Basketstore.

Elle tente de noyer le débat de fond en le déplaçant sur le terrain exclusif et tout puissant de la marque.

Or, force est de constater que le litige est né de l’utilisation frauduleuse du nom commercial et du nom de domaine de la concluante.

Celle-ci a découvert cette utilisation abusive et préjudiciable en mars 2010, étant précisé que les faits étaient antérieurs.

Qu’en tout état de cause, les faits reprochés à la société Aspora et à l’origine du litige sont antérieurs au dépôt de la marque de la concluante, effectué en avril 2010.

Que le comportement de la société Aspora est celui d’un concurrent déloyal qui n’a pas hésité à utiliser abusivement un nom commercial, un nom de domaine, puis dans le temps, une marque.

En conséquence, le comportement de la société Aspora consiste en une succession de comportement frauduleux et déloyaux, dans le seul but de détourner la clientèle de la concluante.

La contrefaçon de marque, au demeurant non contestée par la société Aspora et brandie tel un rempart, a commencé après l’utilisation frauduleuse de bien d’autres signes distinctifs que sont le nom de domaine et le nom commercial.

Elle n’est qu’un moyen supplémentaire utilisé par Aspora pour parasiter Basketstore.

Les actes de concurrence déloyale et la volonté de nuire à la société Basketstore étaient bien évidemment et sans contestation possible, antérieurs à contrefaçon de marque.

II est enfin surprenant de constater que d’une part la société Aspora élude la réalité du fond du litige dans ses écritures et en parallèle et concomitamment à ses conclusions a cessé, dans la pratique, à faire référence aux signes distinctifs de la concluante, huit (8) mois après le début des actes de parasitisme.

Force est donc de constater que la société Aspora avait conscience de la gravité de ses actes.

Que certainement bien conseillée, elle a cessé son parasitisme mais un peu tard, les fêtes de Noël étant passées et le mal étant fait.

Ainsi et de tout ce qui précèdes, le tribunal de commerce de Toulon a tout pouvoir et compétence pour juger ce qui suit.

Sur le fond

– Présentation des sociétés

Attendu que la société dénommée « Basket Store » exerce son activité depuis 2003 sous le nom commercial de « Basketstore ».

Quelle est titulaire du nom de domaine « Basketstore.fr » depuis le 4 novembre 2003.

Que son activité consiste à vendre en ligne, via le réseau internet, des produits et articles relatifs au basket (vêtements, ballons, accessoires, etc.)

Attendu que la société Aspora est immatriculée depuis 2005 et a développé la même activité que la société Basketstore.

Que pour ce faire, la société Aspora a déposé le nom de domaine « ruedubasket.com ».

– Le référencement litigieux

Attendu que la société Aspora a fait référencer son site internet notamment auprès de la société Google par le biais de mots-clefs.

Quelle a cependant utilisé comme mot clef, les termes « Basket Store », « Basketstore » et « basketstore.fr », reprenant ainsi la dénomination sociale, le nom commercial, et le nom de domaine de la requérante.

Que cette utilisation, découverte par la requérante en mars 2010, a été faite sans l’autorisation de la société Basketstore.

Que par ailleurs, cette utilisation abusive des signes distinctifs de la requérante a pour conséquence d’entraîner une confusion dans l’esprit du public et entraîne ainsi un préjudice pour la société Basketstore.

Qu’en effet, lorsque l’on saisit les mots-clefs correspondant à la dénomination sociale de la requérante dans le moteur de recherche Google, on obtient, placé en première position, le site de la société Aspora sa concurrente.

Que cela ressort très clairement des deux constats d’huissier produits aux débats.

– L’intention délibérée et persistante de nuire aux intérêts de la société Basketstore

Attendu que c’est dans ces conditions que la société Aspora a été destinataire de trois mises en demeure de la requérante afin que soient retirés les mots clefs correspondant à ses signes distinctifs.

La société Aspora a méprisé la demande de la société Basketstore en utilisant les noms de son concurrent aux fins de référencement dans le moteur de recherche Google.

Attendu qu’il convient de noter que la société Aspora a également utilisé en mot clef de référencement, le nom de domaine de la société requérante, savoir « www.basketstore.fr ».

Que ce choix est délibéré et ne relève pas de la simple erreur.

Qu’en effet, utiliser le nom de domaine, soit l’adresse internet d’un concurrent révèle la volonté réelle et non équivoque de profiter du travail déjà fait par ce dernier.

Attendu que la société Aspora ne pourra pas invoquer la responsabilité du moteur de recherches Google dans le choix des mots-clefs.

Qu’en effet, ce choix appartient en définitive à l’annonceur soit en l’espèce la société Aspora.

Que de plus, depuis la mise en demeure du conseil de la société Basketstore du 16 août 2010, la société Aspora a pleinement connaissance de la gravité de ses actes et ne peut soutenir une quelconque imprudence en négligence.

Attendu enfin que courant septembre 2010, la société Aspora a été informée par la requérante que l’enregistrement de la marque « Basketstore » est effectif ; le dépôt ayant eu lieu le 1er avril 2010.

Qu’en persistant dans sa démarche, la société Aspora se rend désormais coupable d’une contrefaçon de marque afin de profiter encore de la réputation et du travail fait par la société Basketstore.

Attendu que la société Aspora profite ainsi de la renommée de la requérante au parfait mépris de ses droits.

Qu’à ce titre, il est intéressant de noter que la même mise en demeure avait été adressée au service juridique de « La Redoute », celle-ci utilisant également le mot-clef de référencement « Basketstore ».

Que pour autant après avoir ainsi été alertée, La Redoute a immédiatement stoppé tout référencement sur le nom et la marque « Basketstore ».

Que ce n’est pas le cas de la société Aspora qui méprise ainsi les droits des tiers.

Que la société Aspora prétend avoir cessé tout référencement litigieux au mois de janvier 2011.

Que, par ce comportement la société défenderesse reconnaît avoir effectué des actes délictueux, en l’espèce actes de concurrence déloyale et parasitisme.

Que pour autant, et si malgré le mépris initial la société Basketstore peut désormais se réjouir du comportement récent de Aspora, il n’en demeure pas moins que cette dernière s’est rendue coupable des faits précédemment invoqués, et ce avant et pendant la période « faste » des fêtes de fin d’année.

Attendu de tout ce qui précède que la société Aspora s’est rendue coupable de faits de concurrence déloyale et de parasitisme à l’endroit de la société Basketstore, pendant une période déterminée et particulièrement préjudiciable pour la concluante.

Attendu que des faits de même nature ont d’ailleurs été sanctionnés par un arrêt récent de la cour d’appel de Paris, qui par décision du 11 mai 2011, a condamné Google et un annonceur indélicat pour utilisation « parasitaire » d’un mot clé de référencement correspondant à celui de son concurrent.

En l’espèce, la cour d’appel de Paris a rappelé que :

« Le parasitisme économique doit s’entendre comme l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer partie, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire.

Ainsi, ce n’est pas sur le fondement de la violation du droit sur la marque Cobrason que les sociétés Solution et Google Inc. ont été condamnées mais sur ceux de la protection offerte par le droit de la concurrence et celui relatif à la dénomination commerciale et au nom de domaine dont dispose notamment et surtout les entreprises de commerce en ligne.

La cour d’appel de Paris a expressément posé le principe selon lequel :
« l’apparition de ce lien commercial avait nécessairement généré une confusion dans l’esprit de la clientèle potentielle et provoqué, de ce seul fait un détournement déloyal de clientèle ainsi qu’une utilisation parasitaire de l’investissement effectué par Cobrason au travers de son site et de l’organisation de ses campagnes publicitaires ».

Ainsi, en manquant aux exigences de loyauté en matière commerciale la société Google et l’annonceur ont été condamnés à réparer l’entier préjudice subi par la société demanderesse, plus de 100 000 € en l’espèce.

La cour a donc admis qu’une confusion dans l’esprit du publie intéressé existe du seul fait d’utiliser le nom commercial appartenant à un de ses concurrents au titre du référencement par mot clef comme cela est le cas dans le litige de l’espèce.

Il conviendra en conséquence de condamner la société Aspora à réparer le préjudice de la société Basketstore.

– Les demandes

Attendu que la prospection de la clientèle d’un concurrent demeure une pratique commerciale normale à la condition essentielle qu’elle ne s’accompagne pas de procédés déloyaux.

Qu’en l’espèce et tel qu’il ressort des agissements rappelés précédemment, il appert que la prospection faite par la société Aspora est manifestement fautive.

Attendu que les sociétés sont concurrentes sur le marché spécifique de la vente d’articles de basket en ligne.

Que la société Aspora a réalisé des actes de référencement illicite, en utilisant les signes distinctifs de la société Basketstore en fraude des droits de cette dernière.

Que cette pratique entraîne une confusion dans l’esprit du public internaute.

Qu’en effet celui-ci saisissant les mots clefs « basket store », « basketstore » ou encore « basketstore.fr » et croyant ainsi être dirigé sur le site de vente en ligne de la société de la société Basketstore se voit en réalité proposer en première place le site de la société concurrente, Aspora.

Que par le jeu du référencement abusif réalisé par la requise, le site de la société Aspora apparait effectivement dans les résultats des moteurs de recherche avant le site de la requérante.

Que ces actes constituent à l’évidence des actes de concurrence déloyale et fautive qu’il conviendra de sanctionner.

Attendu qu’il conviendra de noter que la société Aspora s’est également livré à des actes de parasitisme en ce qu’elle a profité du sillage de la société Basketstore.

Qu’en effet, le Professeur Le Tourneau et la jurisprudence considèrent que :
« Quiconque, à titre lucratif et de façon injustifié, s’inspire sensiblement ou copie une valeur économique d’autrui individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements commet un agissement parasitaire fautif. Car cet acte, contraire aux usages du commerce, fausse le jeu normal du marché et provoque ainsi un trouble commercial. Celui-ci est en soi un préjudice certain dont la victime peut demander en justice la cessation et la réparation, … ».

Que plus généralement, les actes de parasitisme sont définis comme « l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin d’en tirer profit, sans rien dépenser de ses efforts et de son savoir-faire » (Cass. Comm. 36 janv. 1999, n°96-22, 457, BRDA 1999, n°6, p.10. Petites affiches 23 mars 1999, p.9, petites affiches 4 nov.1999, p.19, obs. Petitier M., D. Aff. 1999, p.508. Obs. Emery C., Cah D. Aff. 2000 ; Cass. Comm. 30 jan. 2001, n°99-10.654, Bull. Civ. IV, n°27, p.24).

Attendu qu’en l’espèce, la société Aspora s’immisce bien dans le sillage de la société Basketstore afin de profiter sans rien dépenser de ses efforts et de son savoir-faire.

Qu’elle profite du travail et de la notoriété de la société Basketstore en utilisant les signes distinctifs de cette dernière pour référencer son site et apparaître ainsi en premier plan sur las moteurs de recherches.

Qu’il est donc établi que les griefs invoqués constituent à l’évidence des actes de concurrence déloyale et parasitaire.

– Le préjudice

Attendu que les actes de la société Aspora ont causé un préjudice à la société Basketstore, préjudice qu’il conviendra de réparer.

Qu’en effet, en prenant le terme « Basketstore » pour référence et en lançant sa nouvelle branche d’activité « basket-ball », la société Aspora, via le site internet ruedubasket.com, a détourné une partie de la clientèle de la requérante.

Qu’elle a également réussi à profiter des investissements de la société Basketstore pour se faire sa propre publicité.

Attendu que le préjudice de la société Basketstore est important et se compose d’un préjudice commercial et moral.

Qu’en effet la société Basketstore a eu connaissance du référencement litigieux de la société Aspora au mois de mars 2010.

Qu’il est incontestable que l’internaute d’une attention moyenne qui entre le mot « basketstore » sur le moteur de recherche Google et qui voit apparaître la publicité « ruedubasket » en premier plan, croira accéder à celui de la requérante ou si ce n’est le cas, sera tenté, ne serait-ce que par curiosité, d’aller découvrir le site apparaissant ainsi en tête de liste.

Que le client par la suite pourra être définitivement perdu pour la société requérante par le jeu particulièrement déloyal en l’espèce de captation de clientèle.

Attendu qu’il convient de considérer que le référencement illégal de la société Aspora ponctionne à la société Basketstore un minimum de 150 € de chiffre d’affaires par jour.

Que ce référencement découvert au mois de mars 2010 persiste ainsi depuis huit mois, soit 240 jours et ce malgré les mises en demeure de la requérante.

Qu’en conséquence, le préjudice commercial subi par la société Basketstore s’élève à la somme de 36 000 € (240 jours x 150 €).

Attendu qu’il convient de tenir compte du fait qu’entre le 10 novembre et le 24 décembre Basketstore réalise entre un quart et un tiers du chiffre d’affaires de toute l’année, en raison des fêtes de fin d’année.

Que durant cette période le préjudice n’est donc pas de 150 € par jour mais de 300 € par jour, et qu’il conviendra par conséquent de quantifier une pelle supplémentaire de 6600 € pour cette période.

Que le préjudice représentant la perte de marché s’élève à la somme de 42 600 €.

Attendu qu’enfin, et pour faire face et tenter de compenser l’action particulièrement illicite de la société Aspora, la société Basketstore a été contrainte d’engager des dépenses de référencement et campagnes publicitaires supplémentaires.

Que le budget publicitaire et référencement a ainsi anormalement été augmenté de la somme de 25 888,04 €.

Que le montant total du préjudice commercial subi par la société Basketstore représente, au jour des présentes, la somme de 68 488,04 €.

Attendu qu’en outre, la société Basketstore subit toujours un préjudice moral notable.

Qu’en effet, cela fait plus de six mois que la société Basketstore non seulement subi les assauts illicites de la société Aspora mais au surplus doit en supporter le mépris persistant.

Que par ailleurs, la société Aspora se livre à des actes particulièrement illicites à l’égard du public ou d’autres sociétés (double référencement, atteinte au nom, réglementation en matière de jeu, de soldes etc.).

Que par le jeu du référencement illicite susvisé la société Basketstore risque d’être assimilée à l’auteur de ces pratiques douteuses.

Qu’il conviendra donc de chiffrer ce préjudice moral à une somme qui ne saurait, en l’état de la particulière mauvaise foi de la société Aspora et de son mépris particulier pour les lois et droits des tiers, être inférieure à la somme de 20 000 €.

Attendu enfin qu’il conviendra de condamner la société Aspora à mettre un terme à tout référencement de son entreprise à l’aide des mots-clefs identiques à la dénomination sociale, à la marque et au nom de domaine de la requérante, soit « basketstore », « basket store » « www.basketstore.fr » et ce sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification de décision à intervenir.

Attendu enfin qu’il serait particulièrement inéquitable de laisser à la charge de la société Basketstore l’ensemble des frais irrépétibles engagés pour les besoin de la cause et qu’il conviendra de condamner la société Aspora à lui payer la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du code de Procédure pénale ainsi qu’aux entiers dépens.

Il conviendra, compte tenu des circonstances de l’espèce, d’ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

PAR CES MOTIFS

Vu l’article 1382 à code civil,

Vu les pièces versées aux débats

. Constater, dire et juger que le comportement de la société Aspora constitue un acte de concurrence déloyale et de parasitisme.

. Condamner la société Aspora à mettre un terme à tout référencement de son entreprise à l’aide des mots-clefs identiques à la dénomination sociale, à la marque et au nom de domaine de la requérante, soit « basketstore », « basket store »,
« www.basketstore.fr » et ce sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification de décision à intervenir.

. Condamner la société Aspora à payer à la société Basketstore la somme de 68 488,04 € au titre du préjudice commercial subi au jour des présentes, préjudice à parfaite jusqu’à l’arrêt des agissements de la société Aspora.

Condamner la société Aspora à payer à la société Basketstore la somme de 68 488,04 € au titre du préjudice commercial subi au jour des présentes, préjudice à parfaire jusqu’à l’arrêt des agissements de la société Aspora.

. Condamner la société Aspora à payer à la société Basketstore la somme de 20 000 € au titre du préjudice moral.

. Condamner la société Aspora à payer à la société Basketstore la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de Procédure pénale ainsi qu’aux entiers dépens, dont notamment les frais de procès verbaux de constats d’huissiers.

. Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

DISCUSSION

Attendu que par suite de l’exception l’incompétence soulevée par la société Aspora, le tribunal a fait connaître aux parties, lors de l’audience de clôture des débats du 28 septembre 2011, qu’il rendrait sa décision à l’audience du 23 novembre 2011 à 14 heures,

Attendu qu’avant toute défense au fond, la société Aspora soulève une exception de compétence au profit du tribunal de Grande Instance de Paris, au motif que la code de la propriété intellectuelle donne la compétence exclusive à la juridiction civile pour en connaître les litiges, et par application des dispositions de l’article 46 du code de procédure civile dans le ressort du défendeur,

Attendu que ladite exception d’incompétence est motivée, qu’elle a été soulevée avant toute défense au fond et fin de non recevoir et qu’elle comporte l’indication de la juridiction devant laquelle la cause devrait être renvoyée, que le tribunal la déclarera recevable,

Attendu qu’en réplique, la société Basket Store soutient qu’en matière d’internet le fait dommageable se produit en tous lieux et le juge compétent pour en connaître est celui du ressort où il est constaté par procès verbal d’huissier l’existence du site susceptible de porter atteinte aux intérêts d’autrui,

Attendu que sans préjuger du fond et au vu de I assignation, le tribunal constate que le litige porte sur l’utilisation de mots clés, permettant aux internautes de faire des recherches, et sur un nom de domaine qui ne peuvent en rien être considérés comme une propriété intellectuelle,

Attendu que la société Basket Store considère que l’utilisation des dits mots clés est assimilable à une concurrence déloyale,

Attendu que les Tribunaux de commerce sont compétents pour connaître les litiges de concurrence déloyale entre commerçants,

Attendu qu’il y a lieu en conséquence de rejeter l’exception d’incompétence soulevée par la société Aspora comme mal fondée et de se déclarer compétent,

Attendu qu’il y a donc lieu de renvoyer la cause et les parties à l’audience publique du mercredi 25 janvier 2012 à 14 heures pour statuer sur le fond,

Attendu que l’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de Procédure Civile,

Attendu qu’il y a lieu de réserver les dépens.

DECISION

Par ces motifs, le tribunal,

. Reçoit la société Aspora en son déclinatoire de compétence, mais l’y déclare mal fondée et rejette l’exception soulevée,

. Se déclare compétent,

. Dit que faute d’inscrire au greffe de ce tribunal un contredit dans les délais prescrits par l’article 82 du Nouveau code de Procédure Civile, la cause et les parties seront renvoyées à l’audience publique du mercredi 25 janvier 2012 à 14 heures, pour statuer sur le fond.

. Réserve les dépens.


Le tribunal
: M. Pecorella (président), MM. Barrier et Poveda (juges)

Avocats : Me Carole Moulin-Calmes, Me Gérard Haas, Me Olivier Mingasson

 
 

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.