Jurisprudence : Contenus illicites
Tribunal de grande instance de Paris, 17ème ch. corr., jugement du 29 septembre 2016
M. X., Le Procureur de la République / M. Y.
citation directe - Injures publiques - mise en examen - procédure - site étranger
Prévenu du chef d’injure publique envers un particulier par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique faits commis le 7 décembre 2013 à Paris
PROCÉDURE
Par exploit d’huissier en date du 30 avril 2015, Monsieur X. a fait citer devant ce tribunal, à l’audie11.ce du 24 juin 2015, Monsieur Y. pour y répondre du délit d’injure publique envers un particulier, prévu et réprimé par les articles 23, 29 al 2 et 42 de la loi du 29 juillet 1881, pour avoir publié le 7 décembre 2013 les propos suivants, constatés par procès-verbal d’huissier de justice du 3 janvier 2014, .sur le blog intitulé« MONSIEUR X. Stop Arnaques » :
« ATTENTION ARNAQUES : MAUVAIS PAYEUR ! MONSIEUR X. ESCROC PAS SERIEUX (…) FAITES CIRCULER CE MESSAGE POUR QU’IL NE FASSE PAS PLUS DE DEGATS ET N’ARNAQUE PAS PLUS DE GENS » ;
La partie civile sollicite la condamnation du prévenu à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts- et ce avec l’exécution provisoire celle de 4.000 euros sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale, ainsi que le remboursement des frais engagés au titre du procès-verbal de constat établi le 3 janvier 2014.
A l’audience du 24 juin 2015, le tribunal a fixé à 1.000 euros le montant de la consignation, qui a été versée le 16 septembre 2015, et a renvoyé l’affaire aux audiences des 24 septembre 2015, 10 décembre 2015, 10 mars 2016, 19 mai 2016, pour relais, et 16 juin 2016, pour plaider.
A cette dernière audience, à l’appel de la cause, le juge rapporteur a constaté l’absence de comparution de Monsieur Y., la partie civile étant représentée par son conseil, puis il a donné connaissance de l’acte qui a saisi le tribunal.
Les débats se sont tenus en audience publique.
Après le rappel des faits et de la procédure, le tribunal a entendu dans l’ordre prescrit par la loi le conseil de la partie civile qui a développé son acte introductif d’instance, et le représentant du ministère public en ses réquisitions.
A l’issue des débats et conformément aux dispositions de l’article 462 alinéa 2 du code de procédure pénale, les parties ont été informées que le jugement serait prononcé le 23 septembre 2016.
A cette date, la décision suivante a été rendue :
DISCUSSION
Sur les faits et la procédure :
Dans sa citation directe, M. X. expose être gérant d’une société de vente de luminaires dénommée Siagéo et avoir découvert l’existence du blog et du message incriminés en naviguant sur internet, après avoir inséré ses nom et prénom à titre de requête dans le moteur de recherche Google.
Il indique avoir identifié Monsieur Y. comme étant le créateur du blog en cause à la suite de l’exécution de deux ordonnances rendues à sa requête par le tribunal de commerce de Paris les 22 janvier et 13 février 2014, précisant que cette personne gère une société dénommée Eanov LTD qui s’est trouvée en relation contractuelle avec sa propre société Siagéo, effectuant le référencement de son site internet.
Il ajoute que l’identification du prévenu n’ayant pu être opérée dans le délai de prescription de la loi sur la presse, il a dû déposer une plainte contre X le 5 mars 2014 auprès du doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance de Paris, plainte qui a été suivie d’une information judiciaire se soldant par un non-lieu le 25 mars 2015, le juge d’instruction relevant dans son ordonnance l’impossibilité de mettre en examen M. Y., résidant hors du territoire national, faute de pouvoir décerner contre lui un mandat d’arrêt eu égard à la nature de l’infraction poursuivie. C’est dans ces conditions qu’une citation directe a dû être délivrée.
A l’audience, le conseil de M. X. a expliqué que le contrat qui avait été conclu entre les sociétés Siagéo et Eanov LTD n’avait pas été exécuté en dépit du versement d’une somme de 30 000 euros par M. X., ces circonstances rendant particulièrement mal fondés les propos injurieux dirigés contre son client. D a demandé au tribunal d’entrer en voie de condamnation contre M. Y.
Le ministère public a pris des réquisitions dans le même sens.
Cité à parquet étranger, M. Y. ne s’est pas présenté ni fait représenter à l’audience.
Sur l’action publique:
L’alinéa 2 de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 définit l’injure comme « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme /’imputation d’aucun fait ».
En l’espèce, le contenu du message poursuivi est incontestablement injurieux à l’égard de Monsieur X., nommément désigné, qui se voit qualifié d’arnaqueur, de mauvais payeur et d’escroc, expressions outrageantes mettant en cause sa probité et de nature, partant, à porter atteinte à son honneur.
Il est par ailleurs établi par la partie civile, notamment par ses pièces n° 3 et 7 (email de la société Overblog du 24janvier 2014-courrier du 4 juillet 2014 de la société Virgin Média Limited, fournisseur d’accès), que Monsieur Y. a créé le blog »Monsieur Y. – Stop Arnaques » sous l’intitulé duquel figurent les propos injurieux poursuivis.
L’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle prévoit : « Au cas où l’une des infractions prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est commise par un moyen de communication au public par voie électronique, le directeur de la publication ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l’article 93-2 de la présente loi, le codirecteur de la publication sera poursuivi comme auteur principal, lorsque le message incriminé a fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public ».
Monsieur Y. sera donc déclaré coupable du délit d’injure publique envers un particulier en sa qualité de directeur de la publication du blog intitulé « Monsieur X.-Stop Arnaques ».
Sur la peine :
En l’absence d’antécédents judiciaires, Monsieur Y. sera condamné à une amende de 500 euros assortie du sursis.
Sur l’action civile :
Monsieur X. est recevable en sa constitution de partie civile. Compte tenu de l’ensemble des éléments de la cause, notamment des nombreuses diligences qu’il a dû effectuer pour se voir rétabli dans ses droits, il convient de lui accorder la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi, sans qu’il soit nécessaire toutefois d’en ordonner le versement provisoire, outre la somme de 3 000 euros en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale.
DÉCISION
Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort et par jugement contradictoire à 1’égard de Monsieur X., partie civile, par jugement par défaut (article 412 du code de procédure pénale) à l’égard de Monsieur Y., prévenu ;
SUR L’ACTION PUBLIQUE :
Déclare Monsieur Y. coupable d’injure publique envers un particulier, en l’espèce Monsieur X., faits commis le 7 décembre 2013 ;
Le condamne à la peine d’amende de CINQ CENTS EUROS (500 €)
Vu les articles 132-29 à 132-34 du Code pénal :
Dit qu’il sera sursis totalement à l’exécution de cette peine, dans les conditions prévues par ces articles ;
SUR L’ACTION CIVILE :
Reçoit Monsieur X. en sa constitution de partie civile ;
Condamne Monsieur Y. à lui payer la somme de DEUX MILLE EUROS (2000 €) à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, et celle de TROIS MILLE EUROS (3000 €) sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;
Déboute la partie civile du surplus de ses demandes.
La personne condamnée est ·avisée par le présent jugement qu’en l’absence de paiement volontaire des sommes allouées à la partie civile dans un délai de deux mois à compter du jour où la décision sera devenue définitive, le recouvrement de ces sommes pourra, si la victime le demande et dès lors qu’elle ne peut bénéficier de l’intervention de la commission d’indemnisation des victimes d’infraction, être exercée par le fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions et qu’une majoration de 30% des sommes dues sera alors perçue, outre les frais d’exécution.
En application de l’article 1018 A du code général des impôts, la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 127 euros dont est redevable Monsieur Y.;
Le condamné est avisé par le présent jugement que s’il s’acquitte du montant du droit fixe de procédure et/ou du montant de l’amende dans un délai d\m mois à compter de la date à laquelle cette décision a été prononcée, ce montant sera minoré de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1500 euros conformément aux articles 707-2 et
707-3 du code de procédure pénale. n est informé en outre que le paiement de l’amende et du droit fixe de procédure ne fait pas obstacle à l’exercice des voies de recours.
Dans le cas d’une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l’intéressé de demander la restitution des sommes versées.
et le présent jugement ayant été signé par la présidente et la greffière.
Le Tribunal : Fabienne Siredey-Garnier (président), Thomas Rondeau (vice-président), Alexandra Rominger (juge), Annabelle Philippe (Ministère public, vice-procureur), Virginie Reynaud (greffier)
Avocat : Me Romain Darrière
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