Jurisprudence : Droit d'auteur
Tribunal de commerce de Paris 15ème chambre Jugement du 16 octobre 2009
Sunwork Media / François P. et Equinoxe Media
droit d'auteur
FAITS
Les pièces versées aux débats et les écritures des parties permettent de tenir pour constants les faits suivants :
La société Sunwork Media ci-après dénommée Sunwork a acquit par contrat conclu le 2 juillet 2007, de la société Equinoxe Media, ci-après dénommée Equinoxe, le site internet de plateforme de jeux www.fleepflash.com pour un montant de 90 000 € et prétend qu’elle était devenue ainsi propriétaire des codes sources.
La société Equinoxe l’aurait elle-même acheté à M. François P., ci-après dénommé M. P., ancien gestionnaire dudit site.
La société Sunwork allégue que le site www.royal-cactus.com est un plagiat de son site qui introduit une confusion entre les deux et incite ses propres clients à le quitter au profit de l’autre. Elle prétend aussi que M. P. serait à l’origine de ces agissements et que des clients importants auraient été ainsi détournés.
C’est dans ces circonstances que la société Sunwork introduit la présente instance sur le fondement d’actes de concurrence déloyale.
PROCEDURE
• Affaire enrôlée sous le n°2007081413
Par assignation du 22 novembre 2007, la société Sunwork, a assigné M. P. devant le Tribunal de céans pour lui demander de :
Vu les articles 1382 et 1383 du Code civil,
– L’accueillir en ses demandes et le déclarée bien fondée ;
– Constater les nombreuses irrégularités et négligences de M. P. ;
– Dire que celles-ci constituent des actes de concurrence déloyale ;
– Ordonner l’interdiction de commercialiser sur le site internet www.royal-cactus.com ou tout autre site appartenant à M. P. tous marques, produits, concepts et idées appartenant à la société Sunwork et notamment les jeux « fleepflash » et ce sous astreinte de 150 € par jour à compter de la signification du jugement à intervenir ;
– Le condamner à lui payer la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudices confondues ;
– Ordonner la publication du jugement intervenir sur le site internet pendant un mois à compter de la signification de la décision ;
– Dire que la publication devra être effectuée en haut de la page d’accueil dudit site en dehors de tout encart publicitaire et sans autre mention ajoutée de quelque nature ;
– Le condamner aux frais de publication de la décision dans trois publications périodiques à déterminer ;
– Le condamner lui verser la somme de 6000 € sur le fondement de l’article 700 du cpc ;
– Ordonner l’exécution provisoire ;
– Condamner M. P. aux dépens, y compris les frais de constat ;
• Affaire enrôlée sous le n°2008049178
Par assignation du 27 juin 2008, la société Sunwork Media, ci-après dénommée Sunwork, a assigné la société Equinoxe Media, ci-après dénommée Equinoxe devant le tribunal de céans pour lui demander de :
– Donner acte à la société Sunwork de son assignation en intervention forcée ;
– Mettre la société Equinoxe dans la cause précédente ;
– La condamner à produire la preuve de propriété des codes sources du site internet www.fleepflash.com vendu le 25 juin 2007 par la société Equinoxe à la société Sunwork ;
– Lui rendre le jugement commun la condamner aux dépens ;
Dernier état des écritures des parties, se substituant à toutes les précédentes :
Par conclusions en défense n°2, régularisées à l’audience du juge rapporteur du 11 septembre 2009, la société Equinox demande au Tribunal de céans de :
Vu les articles L111-1 du Gode de la propriété intellectuelle,
Vu l‘article 5.2 de la convention de Berne du 9 septembre 1886,
Vu l’article 1382 du Code civil,
Vu l’article 32-1 du code de procédure civil,
– Constater que la société Sunwork communique en pièce n°1 le justificatif de propriété dont elle demande la production forcée ;
– Dire la société Equinoxe étrangère au litige qui oppose la société Sunwork à M. P.
– Constater le caractère abusif de l’action intentée par la société Sunwork à son encontre
– Surabondamment constater :
* l’absence de reprise des éléments originaux du site www.fleepflash.com,
* le droit pour M, P. de continuer d’exercer une activité de création et vente de site de jeux et l’absence du préjudice de la société Sunwork ;
En conséquence,
– Débouter la société Sunwork de sa demande de production de justificatif de propriété ;
– La mettre hors de cause dans le litige qui oppose la société Sunwork à M. P. ;
– Débouter la société Sunwork de l‘ensemble de ses autres demandes ;
– La condamner à lui payer la somme de 2000 € à titre de procédure abusive ;
– La condamner à lui verser la somme de 5000 € sur le fondement de l’article 700 du cpc et aux dépens ;
Par conclusions responsives et récapitulatives n°2, déposées à l’audience du 20 mars 2009, la société Sunwork demande au tribunal de céans de :
– La déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;
– Constater qu’elle a régulièrement acquis des codes sources fondant ainsi une base de données laquelle constitue son actif principal ;
– Constater la réalité de ses droits privatifs sur cette base de données ;
– Constater qu’elle est victime d’une exploitation totale sans son autorisation, constituant une contrefaçon de base de donnée ;
– Constater les nombreuses irrégularités et négligences de M P. ;
– Dire que celles-ci constituent des actes de concurrence déloyale ;
– Ordonner l’interdiction de commercialiser sur le site internet www.royal-cactus.com ou tout autre site appartenant à M. P. tous marques, produits, concepts et idées appartenant à la société Sunwork et notamment les jeux « fleepflash » et ce sous astreinte de 150 € par jour à compter de la signification du jugement à intervenir ;
– Le condamner à lui payer la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudices confondues ;
– Ordonner la publication du jugement à intervenir sur le site internet www.royal-cactus.com pendant un mois à compter de la signification de la décision ;
– Dire que la publication devra être effectuée en haut de la page d’accueil dudit site en dehors de tout encart publicitaire et sans autre mention ajoutée de quelque nature ;
– Le condamner aux frais de publication de la décision dans trois publications périodiques à déterminer ;
– Le condamner lui verser la somme de 6000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Ordonner l’exécution provisoire ;
– Condamner M. P. aux dépens, y compris les frais de constat ;
Par conclusions additionnelles et récapitulatives n°4, régularisées à l’audience du juge rapporteur du 11 septembre 2009, M. P. demande au Tribunal de céans de :
A titre liminaire,
– Déclarer irrecevable et mal fondée la société Sunwork dans l’ensemble de ses demandes relatives à l’application de l’article L331-1 du Code de la propriété intellectuelle ;
– Ecarter les pièces 15, 16, 19, 20 et 23 puisqu’en langue étrangère ;
– Dire et juger que la reprise des fonctionnalités du site www.fleepflash.com par le site www.royal-cactus.com ne saurait être constitutive d’une faute ;
– Dire et juger que la reprise de l’interface graphique du site www.fleepflash.com par le site www.royal-cactus.com ne saurait être constitutive d’une faute ;
– Constater que le contrat du 19 octobre 2006 ne prévoit aucune exclusivité, ni aucune clause lui interdisant de réaliser d’autres sites internet de ceux en ligne ;
– Constater que la partie adverse n’apporte aucunement la preuve d’une quelconque ressemblance entre les codes sources des sites www.fleepfash.com et www.royal-cactus.com ;
– Constater qu’il n’existe pas de ressemblances entre les dessins, graphismes, textes et logos des sites www.fleepflash.com et www.royal-cactus.com ;
– Constater l’absence de similitude entre fleepflash.com et royalcactus.com
– Dire et juger qu’il n’a commis aucun acte de contrefaçon et/ou d’extraction substantielle de la base de données www.fleepflah.com :
– Constater que le site résulte d’un travail personnel sans que M. P. se soit inscrit dans le sillage de la société Sunwork ;
– Dire et juger que l’exploitation du site www.royal-cactus.com par M. P. n’est pas fautive et ne constitue pas un acte de concurrence déloyale et n’a pas porté atteinte au nom commercial de la société Sunwork ;
– Surabondamment constater que la société Equinoxe appelée en intervention forcée est étrangère au litige ;
– Débouter la société Sunwork de l’ensemble de ses demandas, fins et prétentions ;
A titre subsidiaire,
– Constater que la société Sunwork n’apporte pas la preuve d’un préjudice réel et certain ;
– Constater l‘absence de lien de causalité entre la prétendue faute et le préjudice argué ;
– Dire et juger que le préjudice prétendument subi, ne peut être supérieur la somme de 1,22 € par mois soit 21,96 € pour la période du 20 septembre 2007 au 20 mars 2009 ;
A titre reconventionnel,
– Condamner la société Sunwork à lui verser la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
– La condamner à lui verser la somme de 8876,47 € sur le fondement de l’article 700 du cpc et aux dépens ;
A l’audience du 11 septembre 2009, les parties régulièrement convoquées, se présentent par leur conseil. Après avoir entendu les observations des parties, le juge rapporteur a clos les débats et indiqué que le jugement serait prononcé le 16 octobre 2009 ;
DIRE, MOYENS ET DISCUSSION
Sur la jonction des affaires
Attendu que le lien étroit entre les deux causes est bien établit ;
Attendu que dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il y a lieu de procéder à la jonction des deux instances enrôlées sous les numéros 2007081413 et 2008049178 ;
Le Tribunal joindra les deux instances et statuera par un seul jugement ;
Sur la mise hors de cause de la société Equinoxe
Sur ce,
Attendu que la société Sunwork demande dans son assignation en intervention forcée à l’encontre de la société Equinoxe que celle-ci produise la preuve de propriété des codes sources du site internet www.fleepflash.com que cette dernière lui a vendu par contrat signé le 2 juillet 2007 ;
Attendu que le document produit par la société Equinoxe ne comporte pas la signature des cocontractants, soit en l’espèce la société Equinoxe et M. P. ;
Attendu que M. P. ne conteste pas l’existence dudit contrat, ledit document sera considéré être la copie du contrat liant les parties défenderesses ;
Attendu que le contrat de cession dudit site conclu entre la société Equinoxe et M. P. prévoit à l’article 1 la cession du « nom du domaine, des éléments graphiques, des éléments techniques et des éléments intellectuels, sans que cette énumération soit limitative » ; qu’il en découle que les droits liés aux éléments cédés, dont les codes sources du site, étaient bien inclus dans la vente et rapporte la preuve que la société Sunwork réclamait à la société Equinoxe ;
Attendu qu’il ressort des pièces versées aux débats que la société Equinoxe, comme elle l’invoque, est totalement indépendante de M. P., de ses sites et de ses sociétés ; qu’elle est donc étrangère au litige qui oppose ce dernier à la demanderesse ; qu’il y a donc lieu de faire droit à sa demande de mise hors de cause dans l’affaire opposant la société Sunwork à M. P. ;
Le tribunal constatera, d’une part, que la société Equinoxe était bien propriétaire des sources du site www.fleepfash.com lorsqu’elle l’a vendu à la société Sunwork en date du 2 juillet 2007, et, d’autre part, la mettra hors de cause dans l’instance opposant la demanderesse à M. P. ;
Attendu que la société Equinoxe demande au tribunal de condamner la société Sunwork pour procédure abusive, mais attendu que celle-ci n’a fait qu’user de son droit à ester en justice pour faire valoir ses prétentions à l’encontre de M. P. ; le tribunal la déboutera de sa demande formée de ce chef ;
Attendu que l’équité commande de laisser à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens qu’elle a engagés dans cette instance ;
Sur le litige opposant la demanderesse à M. P.
La société Sunwork expose que :
Le site www.royal-cactus.com reprend quasi intégralement l’ensemble des concepts orignaux utilisés par le site qu’elle a acquis de la société Equinoxe ;
Elle est victime d’une exploitation de ses droits privatifs sans autorisation constituant une contrefaçon de base de données ;
Des joueurs confondent les deux sites à cause des ressemblances voire du plagiat des jeux ;
M. P. pour sa défense réplique que :
La société Sunwork ne justifie :
Ni du caractère original du site www.fleepflash.com non protégeable par le droit d’auteur,
Ni du caractère exclusif de la cession des codes sources dudit site, le contrat de cession à la société Equinoxe ne prévoyant aucune clause de cession des codes source, de remise des codes sources et aucune clause d’exclusivité ;
Le site www.royal-cactus.com dispose de fonctionnalités nouvelles absentes du site fleepflash.com, rendant inutile la reprise des codes sources ;
La création d’une plateforme de jeux est un concept qui peut être repris librement par tout un chacun ;
Sur ce,
Attendu, comme l’invoque M. P., que même si « Les idées sont de libre parcours », et qu’il n’est pas contestable la liberté du commerce et le principe de la libre concurrence s’appliquent aussi à la création de sites de jeux sur internet, il n’en reste pas moins, que la reprise de codes sources du site www.fleepflash.com, devenus propriété de la société Sunwork, sans autorisation de celle-ci, constitue une atteinte à ses droits, au cas où ces codes sources auraient une originalité propre qui les rendrait protégeables ;
Attendu, toutefois, que les pièces versées aux débats ne permettent pas de déterminer si lesdits codes sources, en totalité ou partiellement, peuvent bénéficier de cette protection et dans ce cas, si les obligations de la société Sunwork à propos du site www.royal-cactus.com sont avérés ;
En conséquence de quoi le tribunal, avant dire droit ordonnera une mesure d’instruction pour l‘éclairer ;
Sur l’exécution provisoire
Attendu que le tribunal l’estime nécessaire, vu la nature de l’affaire, il y a lieu de l’ordonner dans les termes ci-après.
DECISION
Le tribunal, statuant en premier ressort par jugement public et contradictoire ;
. Joint les causes enrôlées sous les numéros RG 2007081413 et RG 2009040178 ;
. Constate que la société Equinoxe Media était propriétaire des codes sources du site www.fleepflash.com lorsqu’elle l’a vendu à la société Sunwork Media ;
. Met hors de cause le société Equinoxe Media dans l’instance opposant la société Sunwork Media à M. François P. ;
. Déboute la société Equinoxe Media de sa demande de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive ;
. Déboute la société Equinoxe Media de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Avant dire droit, nomme Monsieur P. Bernard, à Paris, en qualité d’expert avec la mission précisée ci-après :
– se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à sa mission,
– entendre tout sachant qu’il estimera utile,
– donner son avis sur les allégations des partie relatives au code sources des deux sites incriminés www.fleepflash.com et www.royal-cactus.com, en distinguant plus particulièrement les éléments caractérisant une originalité, des fonctionnalités ne justifiant d’aucune protection,
– Fournir tous éléments procédant de son domaine particulier de compétence, afin d’éclairer la juridiction sur les faits litigieux allégués,
– Mener contradictoirement ses opérations d’expertise et, dans la mesure où il l’estimerait nécessaire, faire connaître aux parties son avis, oralement ou par écrit au moyen d’une note de synthèse en vue de recueillir leurs dernières observations, avant le dépôt de sort rapport ;
. Fixe à 3000 € le montant de la provision à consigner par la société Sunwork Media avant le 30 novembre 2009 au greffe de ce tribunal, par application des dispositions de l’article 269 du code de procédure civile ;
. Dit qu’à défaut de consignation dans le délai prescrit, il sera constaté que la désignation de l’expert est caduque (article 271 de Code de Procédure Civile) et l’instance poursuivie ;
. Dit que dans les deux mois à compter du versement effectif de la consignation prescrite, l’expert indiquera au greffe le montant de sa rémunération définitive prévisible sous forme d’un budget prévisionnel afin que soit éventuellement ordonnée la consignation d’une provision complémentaire dans les conditions de l’article 280 du Code de Procédure Civile et qu’à défaut d’une telle indication le tribunal pourrait être amené à considérer que le montant de la consignation initiale devra constituer la rémunération définitive de l’expert ;
. Dit que, si les parties ne viennent pas à composition entre elles, le rapport de l’expert devra être déposé au greffe dans un délai de six mois à compter de la consignation de la provision fixée ci-dessus et, dans l’attente de ce dépôt, inscrit le cause au rôle des mesures d’instruction ;
. Dit que le magistrat chargé du contrôle des mesures d’instruction suivra l’exécution de la présente expertise ;
. Ordonne l’exécution provisoire de cette mesure d’instruction ; Droits, moyens et dépens réservés.
Le tribunal : M. Sors (président), M. Lucquin (président), M. Jeanjean (juge)
Avocats : Me Muriel Cahen, Me Gérard Haas, Me Antoine Le Brun
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