Jurisprudence : Vie privée
Cour de Cassation 1ère chambre civile 30 octobre 2007
Mme X. / Société éditrice
vie privée
Sur le moyen unique :
Attendu qu’au mois d’octobre 2003 Mme X., mannequin professionnel, avait posé pour la réalisation de photographies libertines la représentant en compagnie d’une autre jeune femme ; que, de convention expresse, l’utilisation de ces clichés était strictement limitée aux deux sites internet et à une revue , et seulement jusqu’au 28 février 2004 ; que certains d’entre eux ayant été néanmoins publiés en mars 2004 dans un autre magazine , Mme X. a assigné en dommages-intérêts la société éditrice, pour atteinte à son droit sur son image ;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué (Versailles, 4 mai 2006) d’avoir, en violation des articles 9 du code civil et 10 de la Convention européenne, accueilli la demande, alors, selon le moyen, que la liberté de l’information autorise, sous la seule réserve de sa dignité, la publication d’images d’une personne impliquée dans un événement d’actualité, situation que la cour d’appel avait pourtant constatée en relevant que les photographies litigieuses illustraient un article entendant éclairer les lecteurs sur la véritable personnalité des participantes à un jeu télévisé dénommé « Bachelor », auquel Mme X. avait été candidate, et dont le dernier épisode avait été diffusé la semaine précédente, tous éléments dont il résultait une relation directe entre les clichés contestés et le sujet traité ;
Mais attendu que la cour d’appel a relevé que les images reproduites, réalisées en dehors du tournage ou de la diffusion de l’émission dont s’agit, avaient été extraites du contexte déterminé en vue duquel elles avaient été prises, et ainsi détournées de leur objet ; qu’elle a pu en déduire leur absence de rapport direct avec l’information alléguée ;
DECISION
Par ces motifs :
. Rejette le pourvoi ;
. Condamne la société éditrice aux dépens ;
. Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de la SCPE ;
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton,
Avocat aux Conseils, pour la société éditrice
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit qu’en reproduisant sans son autorisation les photographies de Mme X. la représentant dans un magazine, la société éditrice avait porté atteinte à son droit à l’image et de l’avoir condamnée au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Aux motifs que chacun dispose sur son image d’un droit lui permettant de s’opposer à sa fixation, à sa reproduction ou à son utilisation sans son autorisation préalable et qu’il est de principe que la publication des photographies doit respecter la finalité de l’autorisation donnée ; qu’il est constant que Mme X. a autorisé l’exploitation des photographies sur deux sites internet et dans tous magazine lié de prêt ou de loin au domaine libertin au niveau national avec son accord ; qu’elle a aussi autorisé la société P.M. à reproduire gracieusement dans un magazine les photographies la représentant en ajoutant de sa main «J’en accepte l’utilisation exclusivement sur ce magazine et ce jusqu‘au 28 février 2004», après avoir rayé la mention «j ‘en accepte l’utilisation sur tout autre support destiné à sa promotion ou sa publicité» ; qu’il s’ensuit qu’elle a entendu limiter strictement la publication des photographies litigieuses ; que la société ne justifie pas avoir obtenu ni même ne prétend avoir sollicité l’autorisation de publier lesdites photographies, mais se prévaut de la liberté d’informer sur un événement d’actualité ; que certes l’article illustré des photographies litigieuses a pour objet d’éclairer les lecteurs sur la véritable personnalité des participantes à l’émission télévisée «Bachelor» dont le dernier épisode venait d’être diffusé le 26 février 2004 et est conforme à la ligne éditoriale du magazine qui a pour but de dénoncer notamment les «supercheries de la téléréalité» ;
Que toutefois les photographies litigieuses n’ont pas été prises au cours du tournage ou à l’occasion de la diffusion de l’émission critiquée et n’ont pas de rapport direct avec l’événement d’actualité qu’elles sont sensées illustrer ; qu’il s’agit de photographies professionnelles détournées de leur objet, dont la reproduction n’a été autorisée que dans un contexte strictement déterminé et qui ont été publiées malgré l’opposition expresse de la personne représentée ; que cette publication constitue une atteinte au droit à l’image qui ouvre droit à réparation, le montant de l’indemnisation étant souverainement appréciée par les juges du fond ; que la publication de ces photographies leur a donné une notoriété qu’elle n’auraient jamais dû avoir eu égard à la diffusion limitée voulue par Mme X. ; que le préjudice subi est d’ordre moral, mais également professionnel eu égard à la profession de mannequin et à l’image qui est donnée par elle ; que toutefois, Mme X. dont la séance de pose a été rémunérée 150 euros ne produit aucun contrat qui justifierait de sa notoriété et de ce qu’elle représente des grandes marques de prêt à porter ou de haute couture et qu’elle a subi un préjudice spécifique en ce domaine ; que son préjudice sera estimé à 5000 € (arrêt attaqué p. 3 et 4) ;
Alors que la liberté de communication des informations autorise la publication d’images d’une personne impliquée dans un évènement d’actualité sous la seule réserve du respect de sa dignité ; que, selon les propres constatations de l’arrêt attaqué, l’article litigieux a pour objet d’éclairer les lecteurs sur la véritable personnalité des participantes au jeu télévisé «Bachelor» dont le dernier épisode venait d’être diffusé la semaine précédente et que les photographies en cause représentaient l’une des candidates lors d’une séance de prise de vue, destinée à des publications libertines ; qu’il en résultait que les photographies étaient en relation directe avec le sujet de l’article qu’elles illustraient de manière adéquate, ces photographies représentant Mme X. dans le cadre de l’exercice de la profession de mannequin qu’elle revendiquait ; qu’en se fondant sur le fait que les photographies n’avaient pas été prises au cours du tournage ou à l’occasion de l’émission de télévision, pour en déduire qu’elles n’avaient pas de rapport direct avec l’événement d’actualité faisant la matière de l’article, la Cour d’appel a violé l’article 9 du Code civil et l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
La Cour : M. Bargue (président)
Avocat : SCP Boré et Salve de Bruneton
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