Jurisprudence : E-commerce
Cour de cassation 1ère chambre civile Arrêt du 6 décembre 2007
SCP Macquart-Moulin et Balleret / Ordre des avocats du barreau de Nevers
e-commerce
La Cour de cassation, 1ère chambre civile a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la société civile professionnelle (SCP) Antoine Macquart-Moulin et Jean-Louis Balleret, dont le siège est à Nevers, contre l’arrêt rendu le 13 avril 2006 par la cour d’appel de Bourges (chambre civile), dans le litige l’opposant à l’ordre des avocats au barreau de Nevers, pris en la personne de son bâtonnier, domicilié au Palais de justice, à Nevers, défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
Attendu que par une délibération du 16 mars 2005, le conseil de l’ordre des avocats au barreau de Nevers a décidé que la publication de toute insertion dans l’annuaire des Pages Jaunes était contraire aux principes essentiels de la profession ; que le 1er juin suivant, le conseil de l’ordre a rejeté la réclamation formée par la SCP d’avocats Macquart-Moulin et Balleret (la SCP), énonçant en particulier que méconnaissait les règles déontologiques l’insertion pratiquée à la demande de celle-ci dans l’annuaire électronique avec un dispositif d’affichage prioritaire de la rubrique la concernant à la consultation du site par le public ;
Sur le premier moyen pris en sa seconde branche
Vu l’article 1134 du code civil ;
Attendu que pour rejeter le recours en annulation formé devant elle contre la décision litigieuse, l’arrêt attaqué énonce que le litige concernait exclusivement l’annuaire électronique des Pages Jaunes, seul support permettant l’affichage prioritaire de l’insertion selon le procédé contesté par les autorités ordinales ;
Qu’en se déterminant ainsi, alors que l’interdiction énoncée par la conseil de l’ordre concernait toute “publication […] dans l’annuaire des Pages Jaunes, papier, minitel ou internet”, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs de la délibération qui lui était déférée ;
Et sur le second moyen
Vu l’article 161 du décret du 27 novembre 1991 applicable à la date des faits ;
Attendu que l’arrêt attaqué retient encore que le dispositif d’affichage prioritaire offert sur l’annuaire électronique permettait à l’avocat ayant souscrit ce service payant de “se mettre en avant” en méconnaissance de ses obligations de confraternité, de délicatesse et de dignité ;
Qu’en se déterminant ainsi, alors que le choix de ce mode de consultation de l’annuaire ne porte pas en lui-même atteinte aux obligations de discrétion et de dignité qui pèsent sur l’avocat, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu que, conformément à l’article 627, alinéa 2, du nouveau code de procédure civile, la Cour de cassation est en mesure de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;
DECISION
Par ces motifs et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la première branche du premier moyen :
. Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 13 avril 2006, entre les parties, par la cour d’appel de Bourges ;
. Dit n’y avoir lieu à renvoi ;
. Annule la délibération du conseil de l’ordre des avocats au barreau de Nevers du 1er juin 2005, relative aux insertions en annuaire ;
. Condamne l’ordre des avocats au barreau de Nevers aux dépens de la présente instance ainsi qu’aux dépens afférents à l’instance devant les juges du fond ;
. Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de l’ordre des avocats au barreau de Nevers ;
. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Moyens produits par la SCP Bachellier et Potier De La Varde,
avocat aux Conseils pour la SCP Macquart-Moulin et Balleret
Premier moyen de cassation
Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir dit n’y avoir lieu à annulation des délibérations du Conseil de l’Ordre des Avocats du Barreau de Nevers des 17 mars et 1er juin 2005 ;
Aux motifs qu’il résulte des écritures des parties et de leurs productions ainsi que des débats à l’audience, que le litige dont ils ont entendu saisir la cour, concerne exclusivement l’annuaire électronique des Pages Jaunes, l’annuaire papier conservant un classement alphabétique immuable et le minitel étant un moyen de recherches qui tombe en désuétude et dont les parties se désintéressent ; que n’ont jamais été évoqués, dans le présent recours, les autres services proposés par les Pages Jaunes en particulier sur le support papier, l’utilisation de couleurs, de caractères différents ou de textes encadrés pouvant revêtir les formes multiples que procurent les moyens techniques les plus perfectionnés ; que c’est à tort que la requérante prétend que par sa délibération du 17 mars 2005 le conseil de l’ordre commettrait un excès de pouvoir en interdisant toute publicité sur les supports de la société Pages Jaunes, dans la mesure où cette interdiction n’est pas générale, comme ne s’étendant pas aux autres supports ;
Alors que d’une part en affirmant qu’elle n’est saisie que du litige qui concerne l’annuaire électronique, la cour a méconnu les termes du litige et violé l’article 4 du nouveau code de procédure civile dans la mesure où la SCP Macquart demandait l’annulation dans son ensemble des délibérations du conseil de l’ordre qui emportaient interdiction des encarts dans les annuaires papier, minitel ou internet, délibérations que l’ordre n’a jamais partiellement rapportées ;
Alors que d’autre part, en affirmant que la délibération du 17 mars 2005 ne s’étend pas aux supports autres qu’internet, la cour d’appel a dénaturé cette délibération qui concerne les supports papier, minitel et internet et a violé l’article 1134 du code civil.
Second moyen de cassation
Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir dit n’y avoir lieu à annulation des délibérations du conseil de l’ordre des avocats du barreau de Nevers des 17 mars et 1er juin 2005 ;
Aux motifs que la recherche par internet sur les Pages Jaunes permet de retrouver tous les professionnels, inscrits gratuitement, et qui apparaissent à l’écran selon le système dit du «tri alpha tournant» opérant un choix aléatoire ; que par contre les avocats ou cabinets d’avocats ayant souscrit un abonnement, bénéficient d’un avantage dans la mesure ou leur annonce est prioritaire et échappe au tri aléatoire réservé à tous les avocats, un tri aléatoire étant le cas échéant réalisé entre les abonnés payants, ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisqu’il n’existe qu’un seul inscrit pour le ressort du barreau de Nevers ; que si la SCP Macquart Moulin, Balleret n’a pas souscrit avec les Pages Jaunes un contrat discriminatoire et si tous les avocats ont accès à ce service payant proposé par une entreprise commerciale, sur un marché non seulement national mais européen qui interdit aux avocats et à leurs organes représentatifs d’imposer des pratiques restrictives de concurrence, la profession d’avocat ne peut pas abandonner ou méconnaître les principes déontologiques qui sont le fondement de sa mission spécifique de conseil et de représentation en justice en faveur de tous les justiciables ;
que la SCP Macquart – Moulin Balleret qui ne remet pas en cause les principes régissant la profession d’avocat, ne peut pas considérer que la fuite en avant que constitueraient des offres commerciales toujours renouvelées et plus coûteuses et se répercutant sur les honoraires, seraient un progrès pour la profession ; qu’en l’espèce, c’est à bon droit que le conseil de l’ordre estime que l’effet attaché à la souscription d’un encart publicitaire consistant à «se mettre en avant» même si c’est le cas échéant en concours avec d’autres confrères, et d’apparaître ainsi en priorité sur internet à la vue d’une personne qui recherche un avocat, n’est pas acceptable au regard de la confraternité, de la délicatesse et même de la dignité ; que d’ailleurs la SCP n’a donné aucune explication quant aux motifs réels qui ont incité le groupe Gesica à signer ce contrat en dehors de l’avantage majeur, dans un monde qui repose sur une communication instantanée et efficace, conduisant son destinataire à un choix rapide, d’échapper au tri aléatoire imposé aux avocats n’ayant pas rétribué un tel service, étant observé qu’aucun des (ou du) contrat(s) n’a été versé aux débats ;
Alors que selon l’article 161 du décret du 27 novembre 1991 la publicité est permise à l’avocat dans la mesure où elle procure avec discrétion au public une nécessaire information par des moyens qui ne portent pas atteinte à la dignité de la profession ; qu’en considérant que ne respecte pas ces exigences l’affichage prioritaire dont bénéficient les avocats qui ont souscrit un abonnement payant aux Pages Jaunes, qui a pour effet en cas de consultation de l’annuaire sur internet de faire apparaître leurs coordonnées avant celles des autres avocats abonnés du téléphone, la cour d’appel a violé le texte précité.
La Cour : M. Bargue (président), M. Jessel (conseiller référendaire rapporteur), M. Gridel (conseiller)
Avocats : SCP Bachelier et Potier de La Varde, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez,
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