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Jurisprudence : Marques

vendredi 13 juin 2003
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Tribunal de commerce de Paris 15ème chambre 13 juin 2003

Photos 12 / Alchemy, MPA Marie Dorigny

concurrence déloyale - marques - nom de domaine

FAITS

La société Photos 12 est une agence photographique numérique leader en Europe dans le domaine de l’art et de la culture, commercialisant les droits de reproduction de photos accessibles par le biais d’internet sur le site www.photos12.com .

Début février 2002, elle a acquis la branche d’activité de gestion de photothèques accessibles à distance de la société Cipe et son nom commercial « Cipe Images ».
Or, elle a constaté que les sociétés Alchemy et MPA Marie Dorigny commettaient des actes de concurrence déloyale à son encontre.

Elle a donc sollicité et obtenu de M. le président de ce tribunal l’autorisation d’assigner à bref délai ces deux sociétés sur ce fondement ce que celles-ci contestent.
C’est ainsi que se présente l’affaire.

PROCEDURE ET PRETENTIONS

1°) Par assignation à bref délai du 4 mars 2003 sur ordonnance du 28 février 2003 de M. le président du tribunal, la société Photos 12 demande au tribunal de :
Vu l’article 1382 du code civil,
Vu les constats effectués par l’Agence pour la Protection des Programmes (APP),

– dire qu’en enregistrant le nom de domaine cipeimage.com, la société Alchemy a porté atteinte au nom commercial de Photos 12 ;

– dire qu’en reproduisant, sous le nom de domaine cipeimage.com, les défenderesses, le site de la société MPA Marie Dorigny présentant son activité de photothèque, directement concurrente de celle de la société Photos 12, ont commis un acte de concurrence déloyale ;

– dire que l’association de la branche d’activité « Cipe Images » de Photos 12 aux images de sous-vêtements masculins véhiculées dans un premier temps par le site litigieux, est constitutive d’une faute engageant la responsabilité civile de la société Alchemy ;

En conséquence,

– faire interdiction, sous astreinte de 3000 € par infraction constatée à partir du jour de la signification du jugement à intervenir, aux sociétés Alchemy et MPA Marie Dorigny d’utiliser le nom commercial « Cipe Images », au pluriel ou au singulier, seul ou en combinaison avec d’autres mots, noms, lettres, dessins, à quelque titre et sur quelque support que ce soit, et notamment à titre de nom de domaine ;

– ordonner aux sociétés Alchemy et MPA Marie Dorigny, sous cette même astreinte, de procéder, à leur frais, au transfert du nom de domaine « cipeimage.com » au bénéfice de la demanderesse, en effectuant, en tant que de besoin, toute diligence auprès de la société Agence des médias numériques, organisme d’enregistrement du nom de domaine litigieux ;

– condamner solidairement les sociétés Alchemy et MPA Marie Dorigny à payer à la société Photos 12 la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation des atteintes portées à ses droits sur son nom commercial ;

– condamner la société Alchemy à payer à la société Photos 12 la somme de 20 000 € en réparation du préjudice d’image subi par cette dernière ;

– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel et toute voie de recours, sans constitution de garantie ;

– condamner les sociétés Alchemy et MPA Marie Dorigny à verser chacune à la société Photos 12 la somme de 5000 € sur le fondement de l’article 700 du ncpc ;

– condamner solidairement les sociétés Alchemy et MPA Marie Dorigny aux entiers dépens, et ce compris les frais des deux constats dressés par l’APP les 24 janvier et 20 février 2003 qui seront recouvrés par la SCP Deprez Dian Guignot, avocats, conformément aux dispositions de l’article 699 du ncpc.

2°) Par conclusions régularisées à l’audience du juge rapporteur du 7 mai 2003, la société Alchemy demande au tribunal de :

Vu l’article 1382 du code civil,
Vu les articles 699 et 700 du ncpc,

A titre principal,

– constater l’absence de tout risque de confusion entre le nom de domaine www.cipeimage.com et le nom commercial « Cipe Images » ;

– constater que le nom de domaine www.cipeimage.com et son contenu ne permettent pas d’identifier la société Photos 12 ;

– constater qu’il n’est pas justifié que le nom commercial « Cipe Images », utilisé par la société Photos 12 depuis le 6 février 2002 bénéficie d’une notoriété ;

– constater que le nom de domaine www.cipeimage.com n’a pas fait l’objet d’exploitation commerciale par la société Alchemy ;

– constater que les actes reprochés à la société Alchemy ont cessé concomitamment à la réception de la mise en demeure de Photos 12 ;

– constater qu’il n’est pas prouvé que le transfert du nom de domaine www.cipeimage.com sur le site interne de la société MPA Marie Dorigny ait été à l’initiative de la société Alchemy ;

– dire que le transfert du nom de domaine www.cipeimage.com sur le site internet de la société MPA Marie Dorigny ne constitue pas un acte fautif ;

En conséquence,

– dire que le nom de domaine www.cipeimage.com n’a porté aucune atteinte au nom commercial de la société Photos 12 ;

– dire que le nom de domaine www.cipeimage.com n’a pas dénigré la société Photos 12 ;

– dire qu’en l’absence d’identification et de référence à la société Photos 12 sur le site www.cipeimage.com, le requérant n’allègue pas de faits de dénigrements distincts de ceux d’atteinte au nom commercial « Cipe Images » ;

– dire la société Photos 12 mal fondée en ses demandes ;

– la débouter de l’intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

– constater l’absence totale de preuve de son préjudice par la société Photos 12 ;

– dire que le préjudice subi par la société Photos 12 n’excède pas la somme de 500 € ;

– prendre acte que, à titre exclusivement commercial et sous réserve du bien fondé des demandes de Photos 12, Alchemy s’engage à garantir MPA Marie Dorigny contre toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;

En toute hypothèse,

– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir et dire qu’elle sera applicable à toute condamnation pécuniaire prononcée à l’encontre de Photos 12 ;

– condamner la société Photos 12 à régler à la société Alchemy la somme de 3000 € au titre des dispositions de l’article 700 du ncpc ;

– condamner la société Photos 12 aux entiers dépens de l’instance.

3°) Par conclusions régularisées à l’audience du juge rapporteur du 7 mai 2003, la société MPA Marie Dorigny demande au tribunal de :

– prononcer la mise hors de cause de la société MPA Marie Dorigny,

Subsidiairement et si par impossible une quelconque condamnation devait être prononcée à l’encontre de la société MPA Marie Dorigny,

– donner acte à la société Alchemy de ce qu’elle s’engage à garantir la société MPA Marie Dorigny contre toute condamnation en principal, intérêts et accessoires,

En toutes hypothèses,

– condamner la société Photos 12 à verser à la société MPA Marie Dorigny la somme de 5000 € en réparation du préjudice subi par elle du fait de cette procédure abusive,

– condamner la partie défaillante à verser à la société MPA Marie Dorigny la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du ncpc.

A ladite audience, le juge a proposé aux parties le recours à la médiation judiciaire et pour le cas où elles ne la retiendraient pas, a prononcé la clôture des débats, mis l’affaire en délibéré et annoncé le prononcé du jugement à l’audience publique du 13 juin 2003.
Par courrier et fax des 13 et 14 mai 2003 joints à la procédure, Photos 12 et Alchemy ont déclaré ne pas donner suite à la proposition de recours à la médiation judiciaire.

MOYENS

Les faits,

Photos 12 expose qu’elle est une agence photographique numérique commercialisant les droits de reproduction de photos accessibles par le biais d’internet sur le site www.photos12.com .

A la suite de l’acquisition de la branche activité de gestion de photothèques accessibles à distance de la société Cipe et de son nom commercial « Cipe Images », ce nom est devenu son propre nom commercial.

Cipe Images a pour vocation d’héberger sur un portail internet, les photographies de certaines chaînes de télévision nationales (Arte, France3, M6, Téva,…) destinées à illustrer leurs programmes, dans la presse notamment.
A cet effet, les dites chaînes souscrivent à un abonnement afin que la presse puisse avoir accès au site gratuitement.
Ce site est accessible aux adresses www.cipeimages.com et www.cipe-images.com.

Elle exerce donc deux types d’activité :

– une activité « généraliste » de photothèque en ligne rémunérée par la commercialisation des droits de reproduction de photos qui est concurrente de celle exercée par MPA Marie Dorigny,

– une activité « spécifique » exercée sous le nom commercial Cipe Images, concurrente de celle exercée par Alchemy.

Or, elle a eu la désagréable surprise de découvrir qu’un nom de domaine www.cipeimage.com, reprenant son nom commercial au singulier, a été enregistré par un certain Nicolas M. et que ce nom de domaine permet d’accéder automatiquement à un site internet portant la mention suivante « Bienvenue sur Slip Image – un site 100% dédié aux images de slip » avec la reproduction d’une photographie d’un slip masculin.

Ces faits d’un particulier mauvais goût assimilant l’activité de Cipe Images à la diffusion de photographie de sous-vêtement masculins, ont été constatés dans un constat du 24 janvier 2003 par les agents assermentés de l’Agence pour la Protection des Programmes (APP).

Sur ordonnance du 30 janvier 2003 de M. le président du TGI de Nanterre, la levée de l’identité de l’auteur des faits litigieux a été obtenue et a révélé que l’adresse IP correspondant au site litigieux est attribuée à la société Alchemy dont M. M. est directeur technique.
Or, Alchemy est en situation de concurrence directe avec Photos 12 puisqu’elles se trouvent souvent en négociation avec les mêmes clients potentiels.

Elle a alors adressé à Alchemy, le 13 février 2003, une mise en demeure lui enjoignant de cesser ces actes de concurrence déloyale sous un délai de 7 jours, faute de quoi elle engagerait une action par la voie judiciaire.
Une fois expiré ce délai, le 20 février 2003, elle a eu la très désagréable surprise de constater que le nom litigieux ne permettait plus l’accès au site incriminé mais à un nouveau site, le site officiel de la photothèque de MPA Photos développée par Alchemy.

Or, la photothèque en ligne de la MPA Marie Dorigny est en concurrence directe de celle de Cipe Images, ces deux sociétés évoluant sur le même marché des fonds photographiques consacrés aux médias.

Ces nouveaux faits litigieux ont fait l’objet d’un procès-verbal de constat de l’APP le même jour.
Elle a fait valoir que ce nouveau contenu est d’une provocation inouïe d’autant plus que ces agissements sont commis sur internet, le seul média exclusif sur lequel Photos 12 exerce son activité.

A l’appui de sa contestation, Alchemy soutient que, appartenant au Groupe Ze Holding et constituée en 1996, elle avait créé en partenariat avec une autre société de ce groupe, la société Cipe, aujourd’hui liquidée, qui distribuait les technologies Phasea, un concept novateur qu’elle développe depuis cette date, à savoir une activité d’hébergement (conception, édition, distribution) de bases de données multimédia de ses clients (chaînes de télévision et agences photos notamment).

Elle a donc développé une double activité :
– activité d’hébergement et de diffusion, sur un portail internet, assurant la promotion de programmes de télévision sur laquelle elle détient une position de leader,
– activité d’hébergement de photographies numériques pour le compte de clients notamment les agences de presse, parmi lesquelles figurent MPA, qui lui expédient des photographies numériques par la voie informatique, aux fins de téléchargement par les utilisateurs finaux.
Photos 12 a été crée en septembre 2000 et a entrepris d’exercer une activité identique à la sienne par la diffusion et la commercialisation d’images numériques pour les chaînes de télévision.

Ayant connu des débuts difficiles, Photos 12 a entrepris de se relancer en acquérant, en février 2002, la branche d’activité de la société Cipe dont elle a acquis le nom commercial à la suite de quoi elle a fait déposé ses trois noms de domaine à travers lesquels elle exerce son activité.
Le nom de domaine www.cipeimage.com que Photos 12 a fait constaté par l’APP est libre de tous droits.

Le constat effectué a identifié Alchemy en tant que déposant de ce nom de domaine litigieux et ce site ne comportait aucun lien avec internet ni aucune autre mention notamment aucune référence à Photos 12 et à son nom commercial.

Elle souligne que ce site n’a jamais été exploité commercialement et n’obéissait donc pas à une quelconque volonté de s’approprier le travail et la notoriété de Photos 12.
Il s’agissait d’un clin d’œil humoristique non dénigrant, ni le nom de Photos 12 ni son nom commercial n’étant identifié ni identifiable.

A la suite de la mise en demeure de Photos 12 et avant l’expiration du délai fixé, Alchemy bloquait tout envoi du site www.cipeimage.com et le site renvoyait alors une page blanche : la suppression du contenu du site est donc intervenue moins d’un mois après qu’il ait été constaté.
Elle fait observer que les agissements litigieux, d’une durée très limitée, de deux mois tout au plus, ont cessé après l’envoi de la mise en demeure de Photos 12.
Pour elle l’objectif de Photos 12 consiste à l’affaiblir commercialement dans une période stratégique de renégociation de contrats, en fragilisant ses relations avec l’un de ses meilleurs clients.

A compter du 20 février 2003, comme l’a fait constater Photos 12 par l’APP, Photos 12 reconnaît l’absence de tout lien entre le nom de domaine litigieux et des images de sous-vêtements masculins puisqu’à cette date ce nom de domaine renvoyait sur le site internet de MPA.

Il n’est pas prouvé que ce transfert sur le site de MPA soit imputable à Alchemy, le constat de l’APP se gardant bien de l’en rendre responsable.
Alchemy conclut donc à l’absence de faute de sa part pour les motifs suivants :

– cessation immédiate des prétendues atteintes à Photos 12 et à son nom commercial,

– absence d’imputabilité du transfert du nom de domaine www.cipeimage.com sur le site de MPA,

– absence de lien concurrentiel entre MPA et Photos 12,

– aucun intérêt à opérer au transfert sur le site de MPA qui ne concurrence pas Alchemy.

Enfin à titre commercial, elle garantit MPA de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre.
MPA Marie Dorigny expose qu’elle est une agence de presse photographique de réputation internationale appartenant au groupe Hachette Filipacchi photos.

Son activité couvre essentiellement les sujets liés à la « presse people » haut de gamme et à la politique française. Dans le cadre de son activité, elle a mis en place la création et l’hébergement d’un site internet permettant l’accès à une photothèque en ligne.
A cette fin, elle a signé avec Alchemy un contrat d’hébergement au terme duquel cette dernière s’engageait à mettre en ligne sur le site internet www.mpaphoto.com les fichiers conçus et réalisés par elle-même.

A cette fin, Alchemy s’engageait à mettre à sa disposition les moyens matériels et logiciels nécessaires.
Aux termes de ce contrat signé le 27 janvier 2002, et particulièrement de l’article 6 intitulé « Garantie », Alchemy la garantit contre tout recours ou action lié à l’exécution de ce contrat.

Ignorant l’existence de Photos 12, MPA Marie Dorigny est totalement étrangère au litige entre Photos 12 et Alchemy et conclut à la volonté de nuire de Photos 12 à l’égard d’Alchemy en la mettant en porte à faux vis-à-vis de son client.

En réplique, Photos 12 conteste la relation des faits d’Alchemy.
Pour elle, Alchemy n’a pas créé en partenariat avec la Cipe Images et Phasea le concept novateur d’hébergement de base de données multimédia des chaînes de télévision.
En effet, Cipe, créée en 1988, a développé l’activité Cipe Images en 1995 après avoir obtenu la licence du logiciel de gestion de base de données Phasea et Cipe assurait alors l’hébergement et la gestion des photos d’Alchemy en utilisant le logiciel Phasea.
En 1999, Alchemy a recruté certains salariés de Cipe en récupérant ainsi la gestion des photos de TF1 et France 2 en 2000.

Entre 2000 et 2002, Alchemy héberge les photos des émissions de TF1 et France 2 et Cipe Images héberge celles des autres chaînes nationales hertziennes.
Entre août 2001 et février 2002, Photos 12 est en négociations avec la société Cipe en vue du rachat de sa branche Cipe Images et de ses noms de domaine.
En avril 2002, les chaînes Canal+ et Multithématique ont rompu avec Cipe Images pour faire héberger leurs photos auprès d’Alchemy, Cipe Images conservant comme clients les chaînes Arte, France 3, M6, Teva, Fun et Music TV.
En octobre 2002, Cipe Images prend contact avec TF1 pour présenter la nouvelle version de son site internet et les services qu’elle propose.

Un mois après, le nom de domaine litigieux « cipeimage.com » est enregistré par Alchemy, associé au contenu litigieux invoqué.
Cette chronologie des faits lui apparaît parfaitement éclairer la motivation d’Alchemy.

Sur la concurrence déloyale

Photos 12 soutient les agissements de concurrence déloyale suivants :

A) l’usurpation du nom commercial,

1) par la reprise de son nom commercial « Cipe Images »
En procédant à l’enregistrement du nom de domaine www.cipeimage.com, Alchemy a porté atteinte à son droit de propriété et a commis un acte d’usurpation de son nom commercial.
Partageant le même marché, elle soutient l’intention malveillante d’Alchemy,

2) par le risque de confusion créé sur l’identité de la société exploitant le site.
Quant à l’imputabilité de la redirection du nom litigieux vers le site MPA, elle conteste qu’Alchemy ait été victime d’un acte de piratage si on se réfère aux modalités techniques de redirection d’un nom de domaine qui impose l’identification via un nom et un mot de passe et donc la possession de ces éléments ; seule Alchemy était en leur possession et a donc pu prendre la décision de faire pointer le nom de domaine vers le site de MPA.
Elle soutient l’immobilisme de MPA face aux faits litigieux. Pour elle, MPA ne pouvait ignorer la redirection litigieuse du contenu du site accessible à l’adresse www.cipeimage.com vers sa photothèque en ligne et tout laisse à penser que MPA a toléré les faits litigieux ce qui prouve la collusion malveillante des deux sociétés,

3) par l’inefficacité des conditions de notoriété et d’exploitation commerciale du nom de domaine, l’action en usurpation n’étant pas subordonnée à ces conditions,

4) par le fait que ces agissements n’ont d’autre objet que de capter indûment et sans bourse délier le travail et la notoriété de Photos 12 au profit de MPA et d’Alchemy.

B) le dénigrement fautif

Photos 12 avance que par la similitude de nom de domaine reprenant le nom commercial « Cipe Images » et par son contenu « Slip Images, bienvenue sur le site 100% dédié aux images de slip », l’identification du Cipe Images est immédiate ce que reconnaît Alchemy en se référant à la seule intention humoristique : en l’espèce, elle estime ne pas se trouver dans un débat d’idées.
En outre, le changement de contenu du site, après mise en demeure, permettait l’accès à la photothèque de MPA, concurrente de Photos 12.

A ceci, Alchemy réplique en soutenant ,

sur l’usurpation du nom commercial de Photos 12 :

– l’absence de reprise du nom commercial « Cipe Images » dans la mesure où son nom de domaine intitulé www.cipeimage.com est différent de celui de Photos 12 puisqu’il est constitué d’un seul terme et qu’il est au singulier ;

– la protection du nom de domaine obéit au droit commun de la responsabilité, notamment la preuve de la faute, de l’existence du préjudice et d’un lien de causalité ce qui n’est pas démontré en l’espèce, d’autant qu’on ne sait dans l’acte introductif d’instance si Photos 12 vise son nom de domaine ou son nom commercial ;

– l’absence de preuve de tout risque de confusion, l’absence de risque de confusion de l’internaute non client de Photos 12, l’absence de risque de confusion dans l’esprit des clients de Photos 12, rendant toute confusion impossible,

– l’impossibilité pratique de tout accès au site litigieux par les clients de Photos 12, les clients réguliers se connectant par un site pré-enregistré, ce qui rend le risque de confusion allégué illusoire et quasiment impossible d’accéder au site litigieux à partir du nom de domaine de Photos 12,

– l’absence de notoriété du nom commercial « Cipe Images » acquis il y a 13 mois seulement,

– l’absence d’exploitation commerciale par Alchemy de son nom de domaine, ce dont elle apporte la preuve,

– qu’Alchemy n’a pas entendu capter la clientèle de Photos 12 du fait qu’elle a inventé le concept de ce type d’hébergement et y a consacré des investissements lourds et travaille avec des clients prestigieux.

sur le dénigrement invoqué par Photos 12

Alchemy soutient l’absence de dénigrement de la société Photos 12 car Photos 12 prétend que son entreprise aurait été dénigrée alors que la demande ne concernant plus son nom commercial. En l’espèce, aucune référence n’a été faite à cette dernière pas plus qu’aux produits et services proposés par elle.

Le grief de dénigrement est dont imaginaire d’autant qu’aucun détournement de clientèle n’est établi.
Au surplus, elle prétend qu’il y a absence d’identification possible de Photos 12, cette dernière n’étant ni identifiée ni identifiable.

Comme il n’y a pas d’exploitation commerciale de son nom de domaine, il ne peut y avoir dénigrement.
Enfin, la page d’accueil n’avait que la seule vocation humoristique ne dénigrant pas Photos 12.
Elle conclut donc à l’absence de tout lien autre que phonétique entre Cipe et Slip et de toute information non dénigrante.

MPA réplique que sur la prétendue usurpation du nom commercial, il est clair que ce qui est reproché est l’utilisation et la création du nom de domaine cipeimage et qu’elle n’a jamais réservé un tel nom de domaine et que par conséquent il ne peut lui être reproché d’avoir usurpé le nom commercial de la demanderesse.
Sur le dénigrement fautif, en conséquence de l’argumentation qu’elle soutient, il ne saurait lui être reproché aucune faute.

DISCUSSION

Sur l’usurpation du nom commercial

Attendu qu’il ressort des éléments versés aux débats, notamment le constat de l’APP du 24 janvier 2003 et des investigations menées en application de l’ordonnance de M. le président du TGI de Nanterre du 30 janvier 2003, que le nom de domaine incriminé www.cipeimage.com était attribué à Alchemy, dont M. M. est l’un des collaborateurs ;

– qu’en tant qu’attributaire, Alchemy avait la pleine responsabilité de l’exploitation de ce domaine et par conséquent de la formation et de l’utilisation de son nom ;

– que la différence entre ce nom et l’un des deux noms de domaine de Photos 12 www.cipeimages.com se trouve dans l’effacement de la lettre « s » à la fin du mot image, et avec l’autre nom de domaine de Photos 12 www.cipe-images.com par l’effacement d’un tiret « – » entre cipe et images ;

– qu’il s’agit donc d’une seule différence par nom qui n’affecte que marginalement l’ensemble, de telle sorte que la similitude entre le nom de domaine d’Alchemy et de l’un et de l’autre nom de Photos 12 apparaît ressortir en quasi totalité au plan de l’écriture et en totalité au plan phonétique ;

– qu’elle qu’ait été l’exploitation ultérieure du domaine incriminé par Alchemy et même si il n’y en a eu aucune et même si les agissements litigieux n’ont duré que peu de temps, qu’elle qu’ait été la notoriété acquise par Photos 12 au moment des faits, cette similitude était susceptible de créer une confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’identité de la société exploitante du site, qu’elle que soit par ailleurs la modalité de branchement sur le site choisie par les utilisateurs ;

– que le nom de Cipe Images appartient à Photos 12 à la suite de l’acquisition de la branche d’activité de la société Cipe et qu’il y a donc bien eu usurpation du nom de domaine de Photos 12 par Alchemy et atteinte au droit de propriété de Photos 12 ;

– que l’activité de Photos 12 ne s’effectuant que par internet, ses noms de domaine correspondent à son nom commercial dès lors qu’elle n’a pas choisi d’utiliser Photos 12 sur ces sites comme nom commercial et que ces noms de domaine représentent bien son nom commercial à l’égard des tiers et qu’ainsi, il y a donc eu usurpation de son nom commercial et ipso facto, tentative de détournement de la clientèle ;

– qu’au surplus, de facto, Alchemy se situait ainsi dans le sillage de Photos 12, même en cas de non exploitation commerciale du nom et si elle-même avait déjà réalisé dans cette activité des investissements importants ;

Sur le dénigrement

Attendu que de la mention discutée du message « Bienvenue sur Slip Image un site 100% dédié aux images de slip », il ressort que les termes Slip Image sont proches de Cipe Images à la fois sur le plan de l’orthographe et surtout sur celui de la phonétique et que cette proximité permettait d’estimer que l’intégralité du message toucherait directement la clientèle de Photos 12 ;

– que cette mention était assortie de la reproduction de la photographie d’un slip masculin dont le tribunal constate qu’elle ne concerne ni l’activité de Photos 12 ni celle d’Alchemy ;

– qu’Alchemy soutient le caractère de clin d’œil humoristique de ce message ;

– que toutefois, les termes et la composition du message en cause s’avèrent déplaisants contrairement au caractère plaisant que l’humour doit conserver pour être de qualité, d’autant qu’en l’espèce, l’humour dont il s’agit n’apparaît pas d’un niveau particulièrement élevé et qu’ainsi, le tribunal retiendra qu’il s’agissait d’un message destiné à discréditer Photos 12 ;

– qu’au surplus, en tant que professionnel du secteur des médias, Alchemy pouvait mesurer, mieux qu’un membre extérieur au secteur, la répercussion négative de tels agissements qui excèdent le cadre normal des moyens utilisés pour soutenir une concurrence vive, d’une autre nature qu’un simple débat d’idées ;
ainsi, le tribunal dira que le message en cause présente un caractère de dénigrement à l’égard de Photos 12.
Sur la redirection du nom de domaine d’Alchemy sur le site de MPA Marie Dorigny
Attendu que le tribunal a retenu la responsabilité d’Alchemy sur l’exploitation de son nom de domaine incriminé ;

– que le piratage informatique du site avancé par Alchemy n’est pas suffisamment établi pour pouvoir être retenu ;

– qu’aux termes du contrat d’hébergement Phraseanet qui lie Alchemy et MPA Marie Dorigny, Alchemy garantit « cette dernière contre tout recours ou action émanant de quelque personne que ce soit qui estimerait avoir un droit quelconque à faire valoir sur les prestations d’Alchemy et plus généralement, de tout recours ou action lié à l’exécution du présent contrat » ;

– qu’en l’état, l’implication, volontaire ou non, de MPA Marie Dorigny dans ce transfert et son manque de réaction ne sont pas établis de manière indiscutable et ne seront donc pas retenus ;

en conséquence, le tribunal mettra hors de cause MPA Marie Dorigny et dira Alchemy entièrement responsable de cette redirection et de ses conséquences, susceptible de créer une confusion dans l’esprit de la clientèle et constituant une nouvelle tentative de détournement de celle-ci eu égard à la situation de concurrence entre Photos 12 et MPA Marie Dorigny.

En conséquence, le tribunal dira que par ces agissements, Alchemy s’est rendue coupable d’actes de concurrence déloyale au préjudice de Photos 12, par détournement du nom commercial, création de confusion, dénigrement, tentative de parasitisme et de détournement de clientèle, déboutant les parties de leurs demandes plus amples ou contraires à ce chef de demande. Il interdira donc à Alchemy d’utiliser le nom commercial Cipe Images au pluriel ou au singulier, seul ou en combinaison avec d’autres mots, lettres, dessins, à quelque titre que ce soit et sur quelque support que ce soit, et notamment à titre de nom de domaine et sous astreinte de 3000 € par infraction constatée à partir du jour de la signification du présent jugement.
Sur le préjudice

Photos 12 fait valoir les atteintes portées à son nom commercial et à son image qui appellent réparations.
Alchemy soutient l’inexistence de préjudice provenant de :

– la cessation des agissements qui n’ont duré qu’un temps limité,

– l’absence de preuves de son préjudice versée aux débats par Photos 12, tel courrier de client, perte de clientèle,

– l’absence d’exploitation commerciale du nom de domaine ce qui postule l’absence de préjudice,

– la disposition par Photos 12 de trois noms de domaine ce qui signifie que l’activité de cette dernière n’a pu être perturbée par le site en cause.

En outre, elle soutient le caractère exorbitant du montant sollicité au regard de la jurisprudence récente et chiffre le montant du préjudice subi à la somme de 500 €.
Elle conclut à l’absence de lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice.

Sur ce,
Attendu que le tribunal a retenu la concurrence déloyale à plusieurs titres ;

– que Photos 12 ne verse aucun élément objectif à l’appui de ses demandes de dommages-intérêts, tels les pertes de clientèle, de chiffre d’affaires et de marge ;

– que, toutefois, l’atteinte portée à l’image de Photos 12 par Alchemy revêt une particulière importance pour la demanderesse ;

Le tribunal, usant de son pouvoir souverain d’appréciation, fixera le montant des dommages-intérêts en réparation des préjudices subis, toutes causes confondues, à la somme demandée de 40 000 €.

Attendu que MPA Marie Dorigny ne prouve pas le caractère abusif de la procédure engagée à son encontre de manière suffisante pour que le tribunal la retienne, MPA Marie Dorigny ne saurait prospérer en ce chef de demande.

Sur les autres demandes

Sur la demande de transfert du nom de domaine d’Alchemy à Photos 12

Attendu que le tribunal a ordonné des mesures d’interdiction sous astreinte correspondantes à celles demandées et au vu des éléments en sa possession, il écartera cette demande ne l’estimant pas nécessaire en l’espèce.

Sur l’exécution provisoire

Attendu que, vu la nature de l’affaire, il y aura lieu de l’ordonner dans les termes ci-après.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Attendu que le demandeur a dû pour faire reconnaître ses droits exposer des frais non compris dans les dépens, qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge ;

Qu’il est justifié de lui allouer une indemnité de 5000 € au titre de l’article 700 du ncpc, à la charge d’Alchemy, MPA Marie Dorigny étant hors de cause.

Attendu qu’Alchemy succombe au principal, elle ne saurait prospérer à ce chef de demande et sera condamnée aux dépens en ce compris les frais des deux constats dressés par l’APP.

Attendu que le caractère abusif de la procédure à son encontre n’est pas établi, MPA Marie Dorigny sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du ncpc.

Le tribunal dira les parties mal fondées en leurs demandes plus amples ou contraires et les en déboutera respectivement.

DECISION

Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

– met hors de cause la société MPA Marie Dorigny,

– dit que la société Alchemy s’est rendue coupable d’actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Photos 12 par détournement du nom commercial, création de confusion, dénigrement, tentatives de parasitisme et de détournement de clientèle,

– interdit à la société Alchemy d’utiliser le nom commercial Cipe Images, au pluriel ou au singulier, seul ou en combinaison avec d’autres mots, noms, lettres, dessins, à quelque titre et sur quelque support que ce soit, et notamment à titre de nom de domaine, ce sous astreinte de 3000 € par infraction constatée, à partir de la signification du présent jugement,

– dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner le transfert du nom de domaine de la société Alchemy au bénéfice de la société Photos 12,

– condamne la société Alchemy à payer à la société Photos 12 la somme de 40 000 € en réparation de l’ensemble du préjudice subi, toutes causes confondues,

– ordonne l’exécution provisoire sans constitution de garantie,

– condamne la société Alchemy à payer à la société Photos 12 une indemnité de 5000 € au titre de l’article 700 du ncpc,

– dit les parties mal fondées en leurs demandes plus amples ou contraires et les en déboute respectivement,

– condamne la société Alchemy aux dépens en ce compris les frais des deux constats dressés par l’APP.

Le tribunal : Mme Peiffer (président), Mrs Sevray, Lucquin, Perraud, Lassalle (juges)

Avocats : SCP Deprez Dian Guignot, Me Rasle, Me Lasry

 
 

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.