Jurisprudence : Droit d'auteur
Tribunal de Grande Instance de Paris 3ème chambre, 3ème section Jugement du 13 février 2001
SNC Prisma Presse et EURL Femme / Charles V. et association Apodeline
agent assermenté - balise méta - constat - dénigrement - droit d'auteur - mot-clé - parodie - photographie - risque de confusion - site internet
La société Femme, filiale de la société Prisma Presse, édite depuis près de 12 ans un magazine mensuel intitulé « Femme » et exploite, dans le cadre du développement de ses activités sur internet, une version Web de son magazine à l’adresse http://www.femme.fr.
Par acte du 17 octobre 2000, la société Prisma Presse et la société Femme ont assigné à jour fixe Charles V. et l’association Apodeline pour entendre, avec exécution provisoire :
– constater que les défendeurs, en produisant et diffusant sur leurs sites internet respectifs http://www.chz.com/V.lc/ et http://ww.jeuneetlinux.free.fr des éléments graphiques et photographiques issus du magazine » Femme » et du site internet correspondant http://www.femme.fr et en les accompagnant de légendes à caractère dénigrant et attentatoire à l’image des sociétés Prisma Presse et Femme, ont commis des actes de contrefaçon tant du magazine que de son site internet ainsi que de dénigrement,
– condamner les défendeurs au paiement de la somme de 1 F chacun à titre de dommages-intérêts,
– interdire tout acte de reproduction sur quelque support que ce soit, sous astreinte de 10 000 F par reproduction illicite,
– ordonner la publication du jugement,
– condamner solidairement les défendeurs au paiement de la somme de 1 F chacun à titre de dommages-intérêts,
– interdire tout acte de reproduction, sur quelque support que ce soit, sous astreinte de 10 000 F par reproduction illicite,
– ordonner la publication du jugement,
– condamner solidairement les défendeurs à leur verser la somme de 10 000 F sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
A l’appui de leurs prétentions, les sociétés en demande exposent que :
– le 14 septembre 2000, elles ont fait dresser par l’Agence pour la Protection des Programmes (« APP ») un procès-verbal constatant la reproduction sur le site internet de l’association Apodeline d’extraits de leur publication de » Femme » du mois d’août 2000 ainsi que la reprise de rubriques du site internet correspondant, pages tournées en ridicule par les défendeurs,
– elles constataient également l’existence de liens étroits entre le site incriminé et le site personnel de Charles V., http://www.chez.com/V.lc, ces sites faisant en outre la promotion du logiciel d’exploitation Linux au sein de l’association Apodeline dont Charles V. est le président.
Charles V. et l’association Apodeline font valoir que :
– cette utilisation de quelques pages du numéro de » Femme » d’août 2000 a été faite à titre bénévole dans le cadre de la promotion du système d’exploitation Linux,
– cette parodie avait pour seul but de s’adresser à la composante féminine des informaticiens, dites » neneuses « ,
– dès la mise en demeure en date du 15 septembre 2000, la diffusion de ces pages sur le site a été stoppée en supprimant l’ensemble des pages Web parodiant le magazine « Femme », soit le 17 septembre 2000.
Pour s’opposer à la demande qu’ils estiment abusive des sociétés Prisma Presse et Femme, les défendeurs font valoir, outre l’exception de parodie, l’absence de faute et d’intention lucrative ainsi que leur volonté de conciliation en mettant fin immédiatement à la diffusion incriminée.
Compte tenu du caractère abusif de la procédure, ils sollicitent, outre le débouté des demandes, la condamnation des sociétés Prisma Presse et Femme à leur verser la somme de 10 000 F à chacun sur le fondement de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens.
Motifs :
Sur la contrefaçon
Le caractère protégeable du contenu ainsi que la titularité des droits sur les articles du magazine » Femme » et du site internet correspondant ne sont pas contestés.
D’autre part, il résulte du constat de l’APP que la charte graphique, la charte couleur, la mise en page, le scénario de navigation, les balises méta et jusqu’au nom des rédacteurs du journal » Femme » sont reproduits sur les sites incriminés qui proposent des pages entières du magazine » Femme « , et notamment des pages 10, 24 et 25, 32 et 33, 38 et 39 du numéro d’août 2000 et qui utilisent les mêmes codes de navigation que le site internet http://www.femme.fr.
Enfin, Charles V. a reconnu lui-même les faits dans son courrier du 18 septembre en indiquant qu’il était mis fin à toute diffusion par la fermeture du site http://jeuneetlinux.free.fr.
Il soulève cependant l’application des dispositions de l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle relatives à l’exception de parodie.
Sur l’exception de parodie
La parodie suppose l’intention d’amuser sans nuire.
Or, en l’espèce, le site des défendeurs a été créé non pas pour faire rire de la revue » Femme » mais pour promouvoir le système Linux auprès de ses internautes féminins, comme le reconnaît Charles V. qui parle d’attirer l’attention d’un public féminin sur les mérites du système d’exploitation Linux.
Ainsi, les défendeurs ont-ils agi à des fins promotionnelles certaines.
La parodie exclut toute reproduction intégrale ou partielle de l’œuvre première qui ne peut être utilisée comme telle.
Or, en l’espèce, ce sont des pages entières du magazine qui sont reproduites.
Enfin, il ne peut y avoir parodie s’il existe un risque de confusion avec l’œuvre originale.
En l’espèce, ce risque existe puisque le site incriminé reproduit intégralement et sans modification l’architecture et les codes informatiques du site des demanderersses, les photos, textes et présentations du journal » Femme » allant même jusqu’à indiquer le nom des journalistes sans aucun travestissement ou modification ainsi que la page de garde.
De plus, il n’est jamais fait mention du nom du magazine » Femme » dont il est soi-disant fait la parodie.
Dès lors, l’exception de parodie ne peut recevoir application en l’espèce, et Charles V. et l’association Apodeline, en reproduisant sur leurs sites internet des passages du magazine » Femme » du mois d’août 2000 sans l’autorisation de la société Femme et de la société Prisma Presse, ont commis des actes de contrefaçon au préjudice de ces dernières.
Sur le dénigrement et le parasitisme
Les défendeurs contestent toute intention de nuire aux sociétés Prisma France et Femme.
Le dénigrement est le fait pour un concurrent de jeter le discrédit sur son adversaire commercial afin d’en retirer un bénéfice financier et porter une concurrence déloyale à ce dernier.
Or, en l’espèce, les défendeurs qui exploitent le site Linux qui n’a pas pour objet de transmettre des informations telles que celles qui figurent dans le journal » Femme » mais plutôt de communiquer avec les internautes féminins sur leurs préoccupations non pas de femmes mais d’internautes, n’ont pas commis à leur encontre d’actes de dénigrement ou de concurrence déloyale distincts des actes de contrefaçon reprochés.
En conséquence, la société Prisma Press et la société Femme seront déboutées de ce chef de demande.
Sur les mesures réparatrices
Compte tenu de la cessation des actes illicites par la suppression du site incriminé de l’association Apodeline, il convient de faire droit à la demande de 1 F à titre de dommages-intérêts et d’interdire, si besoin est, tout acte de reproduction dans les conditions figurant au présent dispositif.
Il sera également fait droit à la mesure de publication à titre de dommages-intérêts complémentaires.
L’exécution provisoire est nécessaire en l’espèce, et il y a lieu de l’ordonner.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Prisma Presse et de la société Femme les frais irrépétibles de la procédure, et l’association Apodeline et Charles V. seront condamnés in solidum à leur verser à chacune la somme de 5 000 F sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
La décision
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort :
. dit que l’association Apodeline et Charles V., en reproduisant sur leurs sites internet respectifs http://jeuneetlinux.free.fr et http://chez.com/V.c/ des pages du magazine » Femme » et son site http://femme.fr, sans l’autorisation des sociétés Prisma Presse et Femme, ont commis des actes de contrefaçon au préjudice de ces dernières, titulaires des droits d’auteurs sur ces œuvres ;
. condamne in solidum l’association Apodeline et Charles V. à leur verser la somme de 1 F à titre de dommages-intérêts ;
. interdit, si besoin est, aux défendeurs de reproduire ou de diffuser sur quelque site internet que ce soit ou sur tout autre support, l’un quelconque des éléments figurant sur le magazine » Femme » ou sur son site internet http://femme.fr, sous astreinte de 1 000 F par jour à compter de la signification du présent jugement ;
. ordonne la publication du présent jugement en première page du site internet http://jeuneetlinux.free.fr, pour une durée de quinze jours, sous astreinte de 1 000 F par jour de retard à compter de la signification de la présente décision ;
. ordonne l’exécution provisoire ;
. condamne in solidum l’association Apodeline et Charles V. à payer aux sociétés Prisma Presse et Femme la somme de 5 000 F chacune sur le fondement de l’article 700 du NCPC ;
. condamne les défendeurs, qui succombent, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du NCPC par la SCP Déprez, Dian, Guignot & Associés, et ce pour les dépens dont elle a fait l’avance et pour lesquels elle n’a pas perçu de provision.
Le tribunal : Mme Belfort (vice-président), Mmes Tapin et Richard (juges).
Avocat : SCP Déprez, Dian, Guignot & Associés, Me Jean-Christophe Yaeche.
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