Jurisprudence : Jurisprudences
Tribunal de commerce de Paris, jugement du 5 décembre 2018
Byexpert / JL Consulting
contrat - développement - erp - licence - logiciel - manquements - périmètre fonctionnel - remboursement - résiliation judiciaire du contrat
La S.A.S Byexpert dénommée ci-après « Byexpert » est une société qui exerce une activité de services de tests, audits, veille réglementaire pour la mise sur le marché de biens de consommation.
Souhaitant se doter d’un système informatique de gestion de type « ERP » elle se rapproche de la S.A.R.L JL Consulting dénommée ci-après « JL Consulting » cabinet de conseil en système d’information « ERP ».
Un contrat est signé entre les parties le 04 février 2015 consistant à assister Byexpert dans la mise en place d’un « ERP» dénommé « Divalto ».
Cet outil qui devait contractuellement être opérationnel pour le 31 mars 2015 a été mis en production le 15 juin 2015 sans pour autant couvrir la totalité des besoins du client ; les parties sont convenues d’un nouveau contrat signé le 02 mai 2016 pour le développement d’un outil dénommé « LIMS » à livrer en deux parties : une V1 venant en remplacement de la solution Divalto dont il est constaté l’inadaptation aux besoins de Byexpert et dont la livraison est contractualisée au 31 mai 2016, une V2 pour couvrir le reste du cahier des charges dont la livraison est contractualisée au 10 août 2016 ;
Après de multiples échanges, le 10 février 2017 Byexpert ne validait pas de recettage ;
Le 16 mars 2017 elle mettait en demeure JL Consulting de fournir une information relative aux licences Divalto ; en l’absence de réponse, Byexpert a saisi le tribunal de céans pour obtenir la résiliation judiciaire du contrat ainsi que la réparation des préjudices qu’elle estime avoir subis ;
La procédure
Par acte extrajudiciaire du 02 juin 2017 signifié selon les dispositions de l’article 656 du CPC, Byexpert a assigné JL Consulting ;
Par cet acte et aux audiences des 27 mars 2018 et 06 juin 2018, le tribunal retiendra selon les dispositions de l’article 446-2 du CPC en accord avec les parties les dernières conclusions de Byexpert qui demandent de :
Vu le Code civil, et notamment ses anciens articles 1147 et 1382,
Vu le Code de procédure civile, et notamment son article 700,
Vu l’ensemble de la jurisprudence,
DECLARER recevable et bien fondée l’action de la société Byexpert,
CONSTATER l’absence de paiement des redevances par JL Consulting auprès de l’éditeur Divalto, constitutive d’une infraction et d’un manquement contractuel grave commis au préjudice de Byexpert ;
CONSTATER le manquement grave et répété de JL Consulting à son devoir de conseil commis au préjudice de Byexpert ;
CONSTATER le manquement grave et répété de JL Consulting à son obligation de délivrance conforme commis au préjudice de Byexpert ;
CONSTATER te manquement grave et répété de JL Consulting à son obligation de respect des calendriers, commis au préjudice de Byexpert ;
En conséquence :
PRONONCER la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société JL Consulting ;
CONDAMNER JL Consulting à la restitution à la société Byexpert de la somme 26.531,60 euros HT soit 31.837,92 euros TIC, outre les intérêts légaux capitalisés dans les conditions de l’article 1352-6 du Code civil à compter du 16 mars 2017 ;
CONDAMNER JL Consulting au paiement de la somme de 600.000 euros à la société Byexpert à titre de dommages-intérêts ;
CONDAMNER JL Consulting à payer à la société Byexpert la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER JL Consulting aux entiers frais et dépens dont distraction au profit de Maitre Coraline Fevnel, Avocat aux offres de droit.
ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant opposition ou appel et sans caution.
A l’audience du 13 février 2018, JL Consulting a demandé au tribunal de :
Vu l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016,
Vu l’article 1149 du Code civil,
A titre liminaire,
DIRE ET JUGER que le litige est soumis aux dispositions du Code civil applicables avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016,
A titre principal,
DIRE ET JUGER que Byexpert ne rapporte pas ta preuve que JL Consulting aurait manqué à son obligation de conseil au titre de l’exécution du contrat du 4 février 2015,
DIRE ET JUGER que Byexpert ne justifie ni de la réalité, ni de la gravité, du manquement qu’elle allègue à l’encontre de JL Consulting au titre de l’exécution du contrat du 4 février 2015,
DIRE ET JUGER que Byexpert ne justifie pas que JL Consulting aurait manqué à ses obligations de délivrance conforme et de respecter tes délais,
DIRE ET JUGER que Byexpert a manqué à son obligation de collaboration empêchant la finalisation du logiciel LIMS dans les délais contractuellement convenus,
En conséquence,
DEBOUTER Byexpert de l’intégralité de ses demandes.
A titre subsidiaire, si par extraordinaire le Tribunal jugeait que JL Consulting avait manqué à ses obligations contractuelles :
Sur la demande de remboursement de la somme de 31.837,92 € TTC,
DIRE ET JUGER que Byexpert est mal fondée à solliciter le remboursement de la somme de 31.837,92 € ne dans la mesure où elle a mis en production la solution Divalto implémentée par JL Consulting et l’a utilisée pour les besoins de l’exploitation de son activité,
DIRE ET JUGER en tout état de cause, que la demande de remboursement de Byexpert ne saurait s’élever à une somme supérieure à 26.531,60 € HT dans la mesure où elle récupère la TVA.
En conséquence,
DEBOUTER Byexpert de sa demande de remboursement d’un montant de 31.837,92 € TTC.
Sur la demande de dommages et intérêts d’un montant de 600.000 €,
DIRE ET JUGER que Byexpert ne justifie ni du principe, ni du quantum du montant des dommages et intérêts qu’elle allègue à hauteur de la somme exorbitante de 600.000 €,
DIRE ET JUGER, en tout état de cause que JL Consulting est fondée à opposer à Byexpert la clause élusive de responsabilité insérée à l’article 9 du contrat du 2 mai 2016,
En conséquence,
DEBOUTER Byexpert de sa demande de dommages et intérêts d’un montant de 600.000€,
CONDAMNER Byexpert à payer à JL Consulting une somme de 15.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER Byexpert aux entiers dépens d’instance.
L’ensemble de ces demandes a fait l’objet de dépôt de conclusions ; celles-ci ont été échangées en présence d’un greffier qui en a pris acte sur la cote de procédure.
A l’audience publique du 25 septembre 2018, le tribunat a désigné un juge chargé d’instruire l’affaire, en application des articles 861 et suivants du code de procédure civile.
Après avoir entendu les parties en leurs explications et observations à l’audience du 30 octobre 2018, le juge chargé d’instruire l’affaire a clos les débats, a mis l’affaire en délibéré et a dit que le jugement sera prononcé par sa mise à disposition au greffe te 05 décembre 2018, en application des dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
Les moyens des parties
Après avoir pris connaissance de tous les moyens et arguments développés par les parties tant dans leurs plaidoiries que dans leurs écritures, appliquant les dispositions de l’article 455 du cpc, le tribunal les résumera succinctement de la manière suivante :
A l’appui de ses demandes, Byexpert soutient que :
• par son silence à deux mises en demeure et des sommations interpellatives d’avril 2017 JL Consulting ne justifie pas du paiement auprès de Divalto de redevances pour l’ERP implanté chez Byexpert et lui fait courir le risque d’une action en contrefaçon ;
• par son absence de réaction et d’apport â la formulation des besoins de Byexpert et une non maîtrise des plannings sans propositions actualisées JL Consulting n’a pas été pro actif et a manqué à son devoir de conseil,
• JL Consulting a livré un ERP en juin 2015 non opérationnel et inadapté aux besoins de Byexpert ; quand aux développements spécifiques ils sont sources de dysfonctionnements répétés et non résolus,
• elle est bien fondée à réclamer d’une part la résiliation des contrats aux torts de JL Consulting avec restitution des sommes versées soit 26.531,60 €HT outre les intérêts et d’autre part des dommages et intérêts à hauteur de 600.000 euros pour couvrir le temps passé par son personnel pour pallier les dysfonctionnements techniques et opérationnels, le risque d’une action en contrefaçon, les pertes commerciales subies et à venir ;
JL Consulting réplique que :
• S’agissant du choix du progiciel Divalto elle rappelle que ce choix a été opéré en pleine connaissance de cause par Byexpert, une démonstration lui ayant été faite le 07 janvier 2015 ;
• c’est l’évolution des besoins de Byexpert durant le projet qui a généré d’une part des décalages de planning et d’autre part des décalages entre les fonctionnalités du progiciel Divalto qui a néanmoins été mis en production le 15 juin 2015 ;
• De plus Byexpert a signé avec JL Consulting un second contrat en date du 02 mai 2016 qui reconnaît que la solution Divalto est opérationnelle et qui précise la conception et mise en place d’un logiciel spécifique (LIMS) qui a pour objectif de compléter et satisfaire le cahier des charges du client ;
• ces éléments illustrent que JL Consulting a bien rempli la mission qui lui avait été confiée, notamment de conseil dans le cadre du contrat du 04 février 2015 ;
• s’agissant du contrat du 02 mai 2016, le manquement de Byexpert à son obligation de collaboration et notamment ses indisponibilités n’a pas permis à JL Consulting de finaliser le logiciel LIMS dans les délais prévus,
• elle est bien fondée à demander de débouter Byexpert de ses demandes concernant le contrat du 02 mai 2016 ;
• Byexpert ne justifie ni du principe et ni du quantum de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 600.000 € somme exorbitante ;
DISCUSSION
Sur la demande principale,
Attendu qu’au visa de l’article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016 alors applicable, « les conventions légalement formées tiennent lieu de foi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi » ;
Attendu qu’au visa de l’article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016 alors applicable, « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver »; attendu que l’article 1315 du code civil dispose que « celui qui se prétend libéré doit justifier le fait qui a produit l’extinction de son obligation » ;
Attendu que dans le cadre du contrat passé entre les parties, JL Consulting a proposé le choix d’un ERP dénommé « Divalto » qui a été entériné par Byexpert,
Attendu que JL Consulting a commandé pour le compte de Byexpert cet ERP et l’a facturé à ce dernier, ce qui représente 80% de la facturation de ses prestations,
Attendu que si la mise en œuvre de cet ERP ne s’est pas réalisée dans les délais contractuellement prévus et n’ a pas couvert totalement le périmètre fonctionnel souhaité par Byexpert, ces manquements ne peuvent être imputés exclusivement aux torts de JL Consulting, les parties étant convenues par la signature d’un second contrat le 02 mai
2016 du développement d’un logiciel complémentaire dénommé « LIMS » pour pallier les inadaptations de l’ERP « Divalto » et compléter les besoins fonctionnels non couverts,
Attendu cependant que JL Consulting n’a pas d’une part fourni à Byexpert malgré ces mises en demeure et d’autre part porté à l’instance, de preuve du paiement de la licence de l’ERP à l’éditeur Divalto pour le compte de Byexpert qui l’avait mandatée pour cela, le tribunal constatera l’absence de paiement des redevances par JL Consulting auprès de l’éditeur Divalto, constitutive d’un manquement contractuel grave commis au préjudice de Byexpert ;
Attendu que le second logiciel dans le cadre du contrat du 02 mai2016 n’a pu être recetté le 10 février 2017 par Byexpert, celui-ci n’étant pas totalement développé alors que la date contractuelle de livraison était fixée au plus tard le 10 août 2016,
Le tribunal dira que JL Consulting a manqué gravement à ses obligations contractuelles, prononcera la résiliation judiciaire des deux contrats passés entre les parties les 04 février 2015 et 02 mai 2016 et condamnera JL Consulting à restituer à Byexpert la somme 26.531,60 euros HT, outre les intérêts légaux capitalisés dans les conditions de l’article
1352-6 du Code civil à compter du 16 mars 2017 date de mise en demeure,
Attendu que Byexpert n’apporte pas la preuve du préjudice invoqué dans son principe et son quantum, qu’elle est donc mal fondée en sa demande de dommages et intérêts et en sera déboutée.
Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile,
Attendu que pour faire reconnaître ses droits, Byexpert a dû exposer des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge, il y aura lieu de condamner JL Consulting à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de la débouter pour le surplus de sa demande.
Sur les dépens,
Attendu que JL Consulting succombe, le tribunal la condamnera aux dépens.
Sur l’exécution provisoire,
Attendu qu’il l’estime nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, le tribunal ordonnera l’exécution provisoire du jugement en toutes ses dispositions.
Sans qu’il soit besoin d’examiner plus avant les autres moyens des parties que le tribunal considère comme inopérants ou mal fondés, il sera statué dans les termes ci-après :
DÉCISION
Le tribunal, statuant publiquement par un jugement contradictoire en premier ressort,
• prononce la résiliation judiciaire des contrats des 04 février 2015 et 02 mai 2016 conclus entre la société Byexpert et la société JL Consulting,
• condamne la société JL Consulting à payer à la société Byexpert la somme de 26.531,60 euros HT au titre du remboursement de la facture lié au contrat du 04 février 2015 avec intérêts au taux légal capitalisé à compter du 16 mars 2017 date de mise en demeure,
• condamne la société JL Consulting à payer à la société Byexpert la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile déboutant pour le surplus de la demande,
• déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples et contraires,
• ordonne l’exécution provisoire du présent jugement,
• condamne la société JL Consulting aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 77,84 € dont 12,76 € de TVA.
En application des dispositions de l’article 871 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 octobre 2018, en audience publique, devant M. Frédéric Noizat, juge chargé d’instruire l’affaire, les représentants des parties ne s’y étant pas opposés.
Ce juge a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré du tribunal, composé de : MM. Jean Jacques Vaudoyer,Frédéric Noizat, Bertrand Kleinmann
Délibéré le 20 novembre 2018 par les mêmes juges.
Dit que le présent jugement est prononcé par sa mise à disposition au greffe de ce tribunal,
les parties en ayant été préalablement avisées lors des débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Le Tribunal : Jean Jacques Vaudoyer (président), Frédéric Noizat, Bertrand Kleinmann (juges), Sylvie Vandenberghe (greffier)
Avocats : Me Coraline Favrel, Me Nicolas Herzog, Me Pierre Massot, Selarl Schermann Masselin Associés
Source : Legalis.net
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