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Jurisprudence : Diffamation

lundi 24 juin 2019
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TGI de Paris, 17ème Ch. ordonnance du juge de la mise en état du 19 juin 2019

Mme X. / Mme Y.

collectivité territoriale - compétence du tribunal - compte d’une collectivité territoriale - compte personnel - maire - réseaux sociaux - tribunal administratif - tribunal de grande instance

Vu l’assignation délivrée le 02 août 2018 à Mme Y., à la requête de Mme X., qui demande au tribunal, au visa des articles 29 alinéa 1er et 32 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 :
– de dire que les propos suivants, publiés le 03 mai 2018 sur le profil personnel Facebook de la défenderesse et sur la page publique Facebook de la ville de Taverny, sont constitutifs de diffamation publique envers particulier :
“Mme X. je connais un code pénal qui interdit aux anciens élus de voler des biens appartenant à la collectivité. Si vous voulez que nous rappelions sur cette page votre refus de restitution et notre menace de dépôt de plainte pour du matériel électronique appartenant à la collectivité après votre défaite on peut”,
– de condamner la défenderesse à supprimer le commentaire litigieux sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé le délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à intervenir,
– de la condamner au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,
– de la condamner au paiement de la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, en ce compris les frais du procès-verbal de constat du 19 juin 2018,
– de prononcer l’exécution provisoire du jugement,

Vu les dernières conclusions d’incidents n°2 de Mme Y., notifiées le 12 avril 2019, qui nous demande, au visa de la loi des 16 et 24 août 1790, du décret du 16 fructidor an III et des articles 74, 75 et 700 du code de procédure civile :
– de constater la nullité de l’assignation délivrée,
– de nous déclarer incompétent au profit du Tribunal administratif de Paris pour des propos tenus dans le cadre de ses fonctions,
– de condamner la demanderesse au principal à verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Vu les conclusions en réponse sur incident de Mme X., notifiées le 29 janvier 2019, qui nous demande, au visa des articles 29 alinéa 1, 32 et 53 de la loi du 29 juillet 1881 :
– de rejeter l’exception de nullité,
– de rejeter l’exception d’incompétence,
– de condamner Mme Y. à lui verser la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens,

Les conseils des parties ont été entendus en leurs observations sur l’incident à l’audience du 15 avril 2019.

A l’issue de l’audience, il a été indiqué aux conseils des parties que la présente décision serait rendue le 19 juin 2019, par mise à disposition au greffe.

DISCUSSION

Sur la nullité :

Il y a lieu de rappeler :
– que l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 exige que la citation précise et qualifie le fait incriminé et qu’elle indique le texte de loi applicable à la poursuite ; que, si la citation est à la requête du plaignant, elle doit contenir élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie ; qu’elle doit être notifiée tant au prévenu qu’au ministère public ;
– que cet acte introductif d’instance a ainsi pour rôle de fixer définitivement l’objet de la poursuite, afin que la personne poursuivie puisse connaître, dès sa lecture et sans équivoque, les faits dont elle aura exclusivement à répondre, l’objet exact de l’incrimination et la nature des moyens de défense qu’elle peut y opposer ;
– que les formalités prescrites par ce texte, applicables à l’action introduite devant la juridiction civile dès lors qu’aucun texte législatif n’en écarte l’application, sont substantielles aux droits de la défense et d’ordre public ;
– que leur inobservation entraîne la nullité de la poursuite elle-même aux termes du 3ème alinéa de l’article 53.

En l’espèce, la demanderesse à l’incident fait valoir que la notification au ministère public est intervenue après la première audience du président, de sorte que la nullité serait encourue en application des dispositions ci-avant, qui commandent que cette notification soit antérieure à la première date d’audience.

Force est toutefois de constater :

– que l’assignation a été notifiée au ministère public le 03 septembre 2018 ;

– que la première audience dans ce dossier – la conférence du président – est intervenue le 17 octobre 2018, soit postérieurement à la notification au parquet, la procédure étant, dans ces circonstances, régulière ;

– que, contrairement à ce qui est indiqué dans les écritures de Mme Y., la date du 14 août 2018 ne correspond pas à la première audience, s’agissant simplement de la date d’un avis, faisant état de la date du 17 octobre 2018 pour la conférence présidentielle.

Le moyen de nullité sera rejeté.

Sur l’exception d’incompétence :

En application du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, issu de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III, ne relève pas de la compétence du juge judiciaire la réparation des conséquences dommageables d’une faute d’un agent public qui ne revêt pas le caractère d’une faute personnelle et détachable de la fonction.

En l’espèce, il faut rappeler que Mme Y., maire de la commune de Taverny, est assignée pour des propos dont il est allégué qu’ils seraient constitutifs de diffamation publique envers particulier.

Il est en outre utile d’indiquer que les propos visés ont été publiés sur la page Facebook “Ville de Taverny”, par un compte Facebook intitulé “Mme Y.”.

Sur ce, il sera relevé :

– que la circonstance que les propos aient été publiés sur la page Facebook de la commune est indifférente, dans la mesure où, pour apprécier la nature du comportement reproché, il convient d’examiner le compte Facebook, à partir duquel ont été publiés les passages litigieux ;

– qu’à cet égard, il ressort du constat d’huissier, versé aux débats, que les propos ont été mis en ligne par le compte Facebook “Mme Y.” ;

– qu’il n’est pas contesté que le compte utilisé pour la publication est le compte Facebook personnel de la défenderesse, et non un compte consacré à ses activités de maire ou à la commune de Taverny ;

– que, dès lors, la publication de propos, supposés diffamatoires, à partir du compte propre et personnel de Mme Y., distinct de celui de la commune, ne relève pas de ses fonctions d’élue ;

– qu’ainsi, il n’apparaît pas que la publication litigieuse ressorte d’une activité d’un agent public, de sorte que la juridiction administrative n’est pas compétente pour en connaître, sans même qu’il y ait lieu d’examiner le caractère personnel et détachable des fonctions de la faute reprochée.

Ainsi, l’exception d’incompétence sera également rejetée.

Les circonstances ne justifient pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, les dépens de l’incident étant joints à ceux du fond.


DÉCISION

Statuant publiquement, par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

Rejetons les exceptions de nullité et d’incompétence,

Déboutons les parties de leurs autres demandes, en ce compris les demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Disons que les dépens seront joints à ceux du fond,

Renvoyons l’affaire et les parties à l’audience de mise en état du mercredi 16 octobre 2019 à 14h00, pour conclusions au fond défendeur avant le 09 octobre 2019.

 

Le Tribunal : Thomas Rondeau (vice-président), Virginie Reynaud et Viviane Rabeyrin (greffiers)

Avocats : Me Romain Darriere, Me Matthieu Hénon

Source : Legalis.net

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