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Jurisprudence : Jurisprudences

mardi 10 septembre 2019
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TGI de Paris, ordonnance de référé du 11 juillet 2019

Mme X. / Google Ireland Ltd

annuaire professionnel - avis - demande de suppression d’avis - demande de suppression de données - dentiste - données personnelles - profession réglementée - refus

Vu l’assignation en référé délivrée le 21 mars 2019 à la société Google Ireland Limited, à la requête de Madame X., qui nous demande, sur le fondement notamment des articles 809 du code de procédure civile, 226-18-11 du Code pénal, 6-I-8 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, 6, paragraphe 1 sous f), 18, paragraphe 1, sous d) et 21, paragraphes 1, 2 et 3 du Règlement général de l’Union européenne sur la protection des données (RGPD) :
– à titre principal, d’enjoindre à la défenderesse, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la date de l’ordonnance à venir, de retirer les données personnelles (nom, prénom, profession, adresse n° de téléphone) de tous les produits et services de marque Google ou de déclinaison de marque Google, y compris sur le moteur de recherche de Google dans les résultat de recherche sur le nom de la plaignante,
– subsidiairement, d’enjoindre à la défenderesse, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, de supprimer les avis incriminés, insultants et dénigrants,
– en toute hypothèse, d’enjoindre à la défenderesse de communiquer à la plaignante les données d’identification complète des internautes ayant écrit les avis litigieux,
– de condamner la défenderesse à lui verser 15.000 euros de provision en réparation de son préjudice moral pour refus injustifié de retrait des avis injurieux et dénigrants et la même somme à titre de provision en réparation du préjudice moral causé par le refus injustifié de retrait des données personnelles, 8. 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens,

Vu les conclusions en défense de la société Google Ireland Limited, déposées à l’audience du 4 juin 2019, qui nous demande :
– sur la première demande, de constater qu’elle est imprécise et générale et dépasse l’objet du litige tel que résultant des termes de l’assignation, qui concerne exclusivement la fiche entreprise de la demanderesse et par conséquent la débouter de cette demande,
– sur les demandes relatives à la fiche entreprise : de constater l’absence de trouble manifestement illicite justifiant la cessation de l’affichage de la fiche entreprise litigieuse et la même absence de trouble justifiant la suppression des avis litigieux,
– sur la demande de communication d’informations : de constater que la défenderesse s’en remet au président,
– sur la demande d’indemnités provisionnelles : de constater des contestations sérieuses à ce titre,
– en toute hypothèse, de débouter Madame X. de ses demandes,
– de la condamner au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Les conseils des parties ont été entendus en leurs observations à l’audience du 4 juin 2019. Elles ont maintenu leurs demandes ; la demanderesse, présente à l’audience, a précisé qu’elle souhaitait pouvoir gérer sa propre communication.

A l’issue de l’audience, il leur a été indiqué que la présente décision serait rendue le 11 juillet 2019, par mise à disposition au greffe.

~~~~ ¤ ~ ¤ ~~~~

Sur les demandes relatives à la suppression des données personnelles (nom, prénom, profession, adresse n° de téléphone ) de tous les produits et services de marque Google ou de déclinaison de marque Google, y compris sur le moteur de recherche de Google dans les résultats de recherche sur le nom de la plaignante :

Aux termes de l’article 809 du code de procédure civile, le président du tribunal de grande instance peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

L’alinéa 2 indique que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

En l’espèce, cette demande figurant dans le dispositif de l’assignation est générale et imprécise alors même que l’argumentation du corps de l’assignation a trait à la fiche Google My Business de la demanderesse et non à cette demande. En outre, cette demande s’oppose aux principes de liberté d’expression, de communication et d’information.

Alors même que le juge des référés est le juge de l’évidence, il n’y a pas lieu à référé sur cette demande. Au vu du reste de l’assignation, il y a lieu de statuer sur la demande subsidiaire, comprise dans cette demande générale, de suppression de la fiche Google My Business.

Sur la demande de suppression de la fiche Google My Business et la demande de réparation du dommage causé par le refus injustifié d’interruption du traitement des données personnelles :

Aux termes de l’article 809 du code de procédure civile, le président du tribunal de grande instance peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

L’alinéa 2 indique que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

En application de l’article 6-I-8 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, l’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, à tout hébergeur ou, à défaut, à tout fournisseur d’accès internet, toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne.

Or, selon l’article 226-18-1 du Code pénal le fait de procéder à un traitement de données à caractère personnel concernant une personne physique malgré l’opposition de cette personne, lorsque ce traitement répond à des fins de prospection, notamment commerciale, ou lorsque cette opposition est fondée sur des motifs légitimes, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300.000 euros d’amende.

Par ailleurs, le préambule du Règlement général de l’Union européenne sur la protection des données (RGPD) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la Directive 95/46/CE affirme en son préambule :
« Le droit à la protection des données à caractère personnel n’est pas un droit absolu; il doit être considéré par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité ».

Le RGPD prévoit en ses articles 6, paragraphe 1 sous f), 18, paragraphe 1, sous d) et 21, paragraphes 1, 2 et 3, les cas dans lesquels une personne peut s’opposer à un traitement de données personnelles ou a le droit à la limitation du traitement.

En l’espèce, il faut rappeler, à titre liminaire, que Madame X. est dentiste de profession, qu’elle exerce à Paris, et qu’elle a constaté l’existence d’une fiche « Google My Business », fiche comportant une partie relative à ses coordonnées et une partie avec plusieurs avis sur son activité professionnelle renseignés par les internautes, qu’elle estime insultants ou dénigrants.

Par ailleurs, il résulte des débats que tout professionnel peut, en outre, adhérer gratuitement au service « Google My Business « , ce qui permet alors d’enrichir et de modifier certains éléments de la fiche.

Sur ce, il sera relevé :

– que les informations mises en ligne et relatives à la demanderesse, portant sur son nom, l’adresse de son lieu d’exercice professionnel ou encore son numéro de téléphone professionnel sont certes des données à caractère personnel ;

– qu’aucune inexactitude dans ces données n’est invoquée ;

– que la Fiche Entreprise ne porte pas atteinte au droit fondamental à la protection des données à caractère personnel de Madame X., en ce que ces données ne relèvent pas, pour autant, de la sphère privée, alors même que la société Google Ireland Limited justifie que les coordonnées de la demanderesse figurent dans les annuaires universels et spécialisés publics (pièces 5 et 6) dont trois sites de prises de rendez-vous médicaux, qu’en outre l’adresse et le numéro de téléphone rattaché à ses activités professionnelles correspondent, elles, à des données dont la publicité est exigée par la loi , notamment au sein du répertoire partagé des professionnels de santé, et sont par conséquent dans le domaine public ;

– que le traitement opéré par Google poursuit des finalités légitimes au sens de l’article 6, paragraphe 1, sous f) du RGPD, permettant l’accès rapide des internautes à des informations pratiques sur les professionnels de santé ;

– qu’en la présente instance, l’identification de chaque professionnel concerné, comme sujet d’un forum sur lequel les internautes postent leurs avis, relève d’un intérêt légitime d’information du consommateur, étant précisé que les droits de la personnalité des professionnels en cause sont protégés par la possibilité, non contestée ici, de signaler les propos dépassant les limites admissibles de la liberté d’expression ;

– que si l’article 21 du RGPD dispose que toute personne physique a le droit de s’opposer, pour différents motifs qui y sont listés à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement, la suppression pure et simple de la fiche de la demanderesse contreviendrait au principe de la liberté d’expression, alors même qu’il est loisible à celle-ci d’agir spécifiquement contre les personnes à l’origine d’avis qu’elle estimerait contraires à ses droits ;

– que la demanderesse ne peut exiger l’effacement de données traitées dans le cadre de la Fiche Entreprise dans la mesure où ce traitement est « nécessaire à l’exercice de la liberté d’expression et d’information », au sens de l’article 17, paragraphe 3 du RGDP ;

– que la demanderesse n’invoque aucune raison tenant à sa situation particulière, au sens de l’article 21, paragraphe 1 du RGPD, justifiant son opposition au traitement ;

– que la demanderesse n’est pas fondée à solliciter une limitation de ce traitement sur le fondement de l’article 18, paragraphe 1, sous d) du RGPD car elle ne justifie d’aucune raison tenant à sa situation particulière lui permettant de s’opposer au traitement mis en oeuvre sur le fondement de l’article 21, paragraphe 1 du RGPD et que la vérification a déjà été faite par Google sur le point de savoir si les motifs légitimes que la défenderesse poursuit prévalent sur les intérêts de Madame X. ;

– qu’elle n’est pas non plus fondée à invoquer l’article 21, paragraphes 2 et 3 du RGDP car le fiche litigieuse n’est pas en elle-même un message de prospection commerciale, que la dentiste n’établit pas en quoi l’existence de cette fiche répondrait à des fins de prospection, notamment commerciales, ni en quoi son opposition est fondée sur des motifs légitimes au sens des textes visés, le traitement illicite des données personnelles allégué n’est donc pas démontré, les infractions alléguées par la demanderesse des articles 226-16 et suivants du code pénal n’étant pas établies avec l’évidence requise devant le juge des référés.

Ainsi, au regard de l’ensemble des éléments rappelés ci-avant, il apparaît que la reprise des coordonnées professionnelles de la demanderesse sur le site géré par la défenderesse n’est pas manifestement illicite et qu’il n’y a pas eu un refus manifestement injustifié d’interruption du traitement des données personnelles.

Aussi, il sera dit n’y avoir lieu à référé sur ces demandes, faute pour la demanderesse d’établir un trouble manifestement illicite et compte tenu des contestations sérieuses élevées en défense.

Sur la demande de suppression des avis incriminés :

Aux termes de l’article 6, point I-2, de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible.

Il résulte en outre de l’article 6, point I-5, que la connaissance des faits litigieux est présumée acquise par les personnes désignées au 2 lorsqu’il leur est notifié les éléments suivants :

– la date de la notification ;

– si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement ;

– les nom et domicile du destinataire ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ;

– la description des faits litigieux et leur localisation précise ;

– les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ;

– la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté.

L’article 6, point I-8, précise de plus que l’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, à toute personne mentionnée au 2, toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne.

La responsabilité d’un hébergeur qui n’a pas retiré une information dénoncée comme illicite par un tiers n’est pas engagée si celle-ci ne présente pas manifestement un tel caractère ou si son retrait n’a pas été ordonné par un juge.

En l’espèce, la demanderesse cite expressément six commentaires publiés sur sa fiche Google My Business pour lesquels elle demande la communication des données personnelles des internautes, estimant ces commentaires dénigrants ou insultants, dans sa motivation sur la demande de retrait des avis incriminés.

Il s’agit des commentaires suivants :

– Mme R.
 » je suis allée la voir car mon dentiste habituel n’étais pas disponible avant 2 mois, elle m’a dit que c’est lui que je devais voir, je lui ai expliqué les raisons mais rien à faire. Elle m’a dit qu’en effet j’avais une gingivite et que du coup j’avais besoin d’un détartrage. Je lui ai demandé si elle pouvait le faire, sa réponse : non, c’est à votre dentiste de le faire. Je suis vraiment choquée, je me suis déplacée pour une minute et donc pour rien puisqu’elle n’a rien voulu faire.

Je ne la recommande absolument pas. »

– M. S.

« inadmissible, c’est une vraie perverse. Elle m’a infantilisé, engueulé puis charcuté, j’ai dû aller aux urgences dentaires ! Mme X. ne devrait pas exercer ! »

– Mme T.

« Pas du tout sympathique !!! Je l’ai consultée pour une urgence ce qui avait l’air de la déranger car non seulement elle était très réticente à m’apporter les soins appropriés mais en plus elle m’a vivement recommandée de consulter mon dentiste pour les prochaines consultations !!! Attitude très surprenante ! Cela terni malheureusement davantage la réputation des dentistes exerçant dans les centres médicaux ! »

– Mme U.

« Elle a l’air gentille au premier abord , mais en fait elle n’est pas du tout agréable. Quand on va chez le dentiste, on est déjà stressés, inutile de nous rajouter du stress. »

– Mme V.

« NULLE NULLE NULLE ! Premièrement j’y vais pour un détartrage, elle m’annonce qu’elle n’a plus de produit ( quel produit ????) pour le faire car c’est la fin de la journée et que tout le monde est venu pour ça.. »

– Mme W.

« Madame X. a refusé de soigner mes caries par deux fois en 3 mois et a également refusé de me donner une raison médicale sur la nécessité d’enlever mes dents de sagesse. J’ai changé de dentiste. »

La demanderesse n’explique que pour deux de ces commentaires en quoi il seraient pour elle dénigrants ou insultants.

S’agissant du commentaire de Mme V., s’il peut certes s’avérer blessant pour la demanderesse, il n’excède pas avec l’évidence requise en référé les limites admissibles de la liberté d’expression, s’agissant d’un commentaire sur les compétences professionnelles d’une dentiste.

Les commentaires de Mme U. et Mme T., qui expriment leur opinion personnelle sur l’attitude de la demanderesse lors de la consultation n’excèdent pas non plus avec l’évidence requise en référé les limites admissibles de la liberté d’expression.

Les avis de Mme W. et Mme R., qui relatent un refus de prise en charge par la dentiste, ne sont pas davantage constitutifs d’injures ou de dénigrement avec l’évidence requise en référé.

Néanmoins, les termes « c’est une vraie perverse » employés par « M. S. », constituent une injure, au sens de la loi sur la liberté de la presse, étant outrageants. Ils sont manifestement illicites. La défenderesse justifie avoir supprimé l’avis comportant ces termes (pièce 17). La demande est donc devenue sans objet pour cet avis.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il n’y a pas lieu à référé sur la demande de suppression des avis.

Sur la demande de provision :

En application de l’article 809, alinéa 2, du code de procédure civile, le juge des référés ne peut accorder une provision au créancier que dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

En l’espèce, la question de la provision ne se justifie que pour le commentaire de M. S. A ce sujet, il ressort de la procédure :

– que la demanderesse justifie avoir notifié le contenu illicite à la société défenderesse au début du mois de mars 2019 puis le 18 mars 2019 (pièce 3) ; que les éléments transmis par la demanderesse à la société Google étaient de nature à constituer une notification de contenu illicite au sens de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique en son article 6.I 5 ;

– que le caractère injurieux d’une partie de cet avis n’apparaît pas sérieusement contestable, étant renvoyé aux développements ci-avant ;

– qu’ainsi, c’est à tort que Google Ireland indique que son contenu ne serait pas manifestement illicite ;

– que la pièce 17 produite en défense permet de constater que le contenu en cause n’était plus en ligne le 3 juin 2019, sans que la date précise du retrait soit établie mais en tout cas, ce retrait ayant été postérieur à la date de la première notification de contenu, mais encore après la délivrance de l’assignation, car il ressort des débats que c’est à la demande de l’avocate de la défenderesse que l’avis a été supprimé ;

– que la demanderesse a subi un préjudice en lien avec cet avis car s’agissant d’un préjudice d’image susceptible de reposer sur une infraction à la loi du 29 juillet 1881, le préjudice apparaît réel, concret et inhérent à la publication ;

– que cependant, le préjudice allégué ne saurait être reproché en sa totalité à la société défenderesse, même s’il faut prendre en compte le fait que, même en tant qu’intermédiaire technique, la société Google Ireland a, à l’évidence, contribué au maintien de l’avis litigieux en tardant à le retirer ;

– qu’en outre, la demanderesse ne produit aucun élément complémentaire permettant d’établir l’ampleur de son préjudice.

Il convient donc de condamner la défenderesse à lui verser une somme de 200 euros de provision en réparation de son préjudice, montant à concurrence duquel l’obligation de la société défenderesse n’apparaît pas sérieusement contestable.

Sur la demande en communication de données :

L’article 145 du code de procédure civile dispose que, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

De plus, l’article 6-II de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique dispose que les personnes mentionnées aux 1 et 2 du I détiennent et conservent les données de nature à permettre l’identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l’un des contenus des services dont elles sont prestataires.

Elles fournissent aux personnes qui éditent un service de communication au public en ligne des moyens techniques permettant à celles-ci de satisfaire aux conditions d’identification prévues au III.

L’autorité judiciaire peut requérir communication auprès des prestataires mentionnés aux 1 et 2 du I des données mentionnées au premier alinéa.

En l’espèce, la demanderesse fait état, à juste titre, d’un motif légitime pour obtenir communication des éléments permettant l’identification des internautes en question, à savoir qu’elle entend engager des procédures pour l’indemnisation du préjudice causé par ces commentaires « insultants et dénigrants » , étant observé qu’il n’est pas nécessaire, au regard des dispositions de l’article 145 précité, de caractériser un trouble manifestement illicite au sens de l’article 809 du code de procédure civile mais qu’il suffit de caractériser un motif légitime.

Compte tenu des conclusions des parties, la société Google Ireland s’en rapportant dans ses écritures à justice, il y a lieu de faire droit à la demande de Madame X. de communication de données, dans les termes du dispositif ci-après, le prononcé d’une astreinte n’apparaissant pas en l’état nécessaire, n’étant pas ici caractérisée la volonté de la société Google Ireland de résister abusivement à la demande.

Sur les autres demandes :

La défenderesse sera condamnée aux dépens et à verser à la demanderesse la somme de 2.000 euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.


DÉCISION

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,

Ordonnons à la société Google Ireland Limited de communiquer, dans un délai de dix jours à compter de la signification de la présente ordonnance, l’ensemble des données en sa possession (les noms et prénoms, adresses emails et numéros de téléphone éventuellement renseignés par chaque utilisateur dans le cadre de son compte Google, l’adresse IP utilisée pour l’ouverture de son compte Google, ainsi que les adresses IP correspondants aux connexions les plus récentes de cet utilisateur dans le cadre de l’utilisation de son compte Google depuis l’Espace économique européen) permettant l’identification de la personne ou des personnes ayant écrit les avis sous les noms de « Mme R. », « M. S. », « Mme T. », « Mme U. », « Mme V. » et « Mme W. » sur la fiche Google My Business de la demanderesse ;

Condamnons la société Google Ireland Limited à verser à Madame X. la somme de 200 euros à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice pour non retrait d’avis manifestement illicite,

Disons n’y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes au fond, Condamnons la société Google Ireland Limited à verser à Madame X. la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboutons les parties de toutes leurs autres demandes, plus amples ou contraires,

Condamnons la société Google Ireland Limited aux dépens,

Constatons l’exécution provisoire de plein droit.

 

Le Tribunal : Caroline Kuhnmunch (vice-présidente), Julie Deshaye (greffier)

Avocats : Me Pierre de Roquefeuil, Me Sébastien Proust, Me Alexandra Neri

Source : Legalis.net

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