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Jurisprudence : Contenus illicites

lundi 09 juin 2008
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Tribunal de grande instance de Paris 3ème chambre, 2ème section Jugement du 30 mai 2008

FFT / Unibet

contenus illicites - jeux - marques - monopole - parasitisme - paris en ligne - sport

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTION

La Fédération Française de Tennis (ci-après la FFT association régie par la loi du 1er juillet 1901, reconnue d’utilité publique par décret du 13 juillet 1923, a pour objet statutaire «l’accès à tous à la pratique du tennis et de la courte paume» au moyen, notamment, de “l‘organisation et la promotion de toutes épreuves ou manifestations sportives entrant dans le cadre de son activité, en particulier des championnats internationaux de France de Roland-Garros et de l‘Open de Paris, ce dernier tournoi étant également présenté sous le nom de Masters de Paris-Bercy.

Elle justifie être titulaire :
– de la marque semi-figurative française “RG Roland Garros” déposée le 3 décembre 1990, enregistrée sous le n°1 630 774, renouvelée le 22 septembre 2000, en classes 3, 6, 9, 14, 16, 18, 22, 24, 25, 26, 28, 32, 41, 42, pour désigner notamment les «services d’éducation et de divertissement ; I‘organisation de concours et de manifestations sportives ; l’attribution de prix ou de récompenses ; la remise de trophées”, se présentant comme suit :

– de la marque verbale communautaire “Roland Garros French Open” déposée le 31 octobre 2003, enregistrée sous le n°003498 276 en classes 3, 6, 9, 12, 14, 16, 18, 20, 22, 24, 25, 26, 28, 30, 32, 33, 35, 36, 37, 38, 39, 41, 42, pour désigner notamment les «services de jeux électroniques fournis a partir d’une base de données informatiques ou via internet ; l’organisation de concours, de loteries”.

La FFT expose que le 8 juin 2007, Me Dymant huissier de justice à Paris a constaté sur le site internet de paris en ligne www.unibet.com, dont le nom de domaine a été réservé par la société Unibet Ltd, la présence :
– en page d’accueil, d’une thématique intitulée “Pariez sur les Internationaux de France” laissant apparaître le texte « Suivez avec attention cette nouvelle journée des Internationaux de France. Pariez aujourd’hui sur les 2 demi-finales homme opposant Roger Federer à Nikolay Davydenko et Novak Djokovic à Rafael Nadal”,
– d’un “calendrier des paris en direct” référençant des événements sportif sous la forme “070609 Samedi 15:00 Roland-Garros Finale Femme”, “070610 dimanche 15:00 Roland-Garros Finale Homme “,
– de pages intitulées “Tennis – Grand Chelem – Roland-Garros – Paris sportifs”, présentant les paris organisés en rubriques « Tennis- Grand Chelem – Doubles Roland-Garros”, « Tennis – Grand Chelem – Roland-Garros – Dames”, « Tennis – Grand Chelem – Roland-Garros ».

La FFT, estimant être victime d’une atteinte aux droits privatifs qu’elle détient sur les marques précitées, d’agissements parasitaires et d’une violation du monopole légal dont elle disposerait s‘agissant de l’exploitation de la manifestation sportive que constitue le tournoi de Roland-Garros, a mis en demeure la société Unibet Group Plc, organisatrice des paris, d’y mettre fin.

La société Unibet Ltd, se présentant comme “opérateur” du site internet litigieux, l’a informée de ce qu’elle ne partageait pas une telle analyse, tout en affirmant avoir mis fin à l’usage de la dénomination “Roland Garros », au profit des termes « French Open”.

Dans ce contexte, et dans la perspective de l’organisation de l’édition 2008 du tournoi de Roland-Garros, la FFT, dûment autorisée par ordonnance de Monsieur le Président du Tribunal de grande instance de Paris en date du 29 janvier 2008, a, par acte d’huissier de justice du 5 février 2008, assigné les sociétés Unibet Ltd et Unibet Group Plc à comparaître devant la juridiction de céans, à l’audience de jour fixe du 28 mars 2008.

Elle demande au tribunal :
– de la juger recevable et fondée en ses demandes,
– de juger qu’en exploitant commercialement le tournoi des Internationaux de France de Tennis, également connu sous le nom de Tournoi de Roland Carros, sans autorisation, par l’offre de services de paris en ligne portant sur le déroulement les résultats et l’issue du tournoi, Unibet a porté atteinte au droit exclusif d’exploitation de son organisateur, la FFT, engageant ainsi sa responsabilité civile délictuelle,
– de juger qu’en associant sans autorisation ses activités et son nom à la manifestation des Internationaux de France de Tennis et à sa renommée, Unibet se place délibérément dans le sillage du Tournoi pour assurer à moindre frais la promotion et le développement de ses activités, ce qui caractérise un comportement parasitaire qui engage sa responsabilité civile délictuelle,
– de juger que les usages reprochés de la dénomination Roland Garros pour désigner une offre de services de paris en ligne, services identiques ou similaires aux services visés dans l’enregistrement de la marque française « RG Roland Garros” n°1 630 774 et de la marque communautaire “Roland Garros French Open” n°003 498 276 engendrant au surplus un risque de confusion quant à l’origine des services sont constitutifs de contrefaçon,

En conséquence,
– d’interdire aux sociétés Unibet l’exploitation commerciale, sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit de la manifestation sportive des Internationaux de France et particulièrement à travers l’organisation et l’offre de services de paris en ligne portant sur le déroulement, les résultats et l’issue de cette manifestation sportive, dans un délai de 24 h à compter de la signification du jugement à intervenir et ce, sous astreinte de 500 000 € par infraction constatée ou par jour de retard,
– d’interdire aux sociétés Unibet d’associer leurs noms et/ou leurs activités notamment l’offre de services de paris en ligne, de quelque manière que ce soit, à quelque titre que ce soit, à la manifestation sportive des Internationaux de France et à sa notoriété, dans un délai de 24h à compter de la signification du jugement à intervenir et ce sous astreinte de 100 000 € par infraction constatée,
– d’interdire aux sociétés Unibet toute utilisation, sous quelque forme que ce soit, et à quelque titre que ce soit de la dénomination Roland Garros, seule ou en combinaison avec d’autres mots, noms, lettres, chiffres, dessins, ainsi que des marques
« RG Roland Garros” n°1 630 774 et “Roland Garros French Open » n°003 498 276 dans un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir et ce, sous astreinte de 100 000 € par infraction constatée,
– de condamner solidairement les sociétés Unibet à payer la somme de 500 000 € en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte portée au droit exclusif d’exploitation de la FFT, et la somme de 500 000 € au titre de la réparation des actes de parasitisme,
– de condamner solidairement les sociétés Unibet à payer la somme de 500 000 € en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon ;
– d’ordonner la publication du jugement à intervenir, en entier ou par extrait, dans 5 journaux, au choix de la FFT et aux frais avancés des sociétés Unibet pour un montant global de 100 000 € HT,
– d’ordonner la publication du jugement à intervenir, en entier, sur la page d’accueil des sites des sociétés Unibet et notamment aux adresses www.unibet.com et www.unibet.net pendant une durée de trois mois dans un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à intervenir,
– de condamner solidairement les défenderesses à lui payer la somme de 15 000 € au titre de l’article 700 du ncpc,
– d’ordonner l’exécution provisoire du jugement en toutes ses dispositions,
– de condamner solidairement les sociétés Unibet aux entiers dépens dont les frais de constats effectués par huissier.

En réponse, par conclusions signifiées le 26 mars 2008, les sociétés Unibet ont sollicité la jonction de la présente affaire avec celle enrôlée sous le n°0802005, plaidée le même jour, opposant la FFT à la société Expect.com Ltd, exploitant également un site internet de paris en ligne.

Par ailleurs, les sociétés Unibet, prétendant que le droit d’exploitation de l’événement sportif que constitue le tournoi de Roland Garros dont la FFT disposerait ne comprend pas l’organisation de paris, soutenant en substance avoir utilisé les marques de la FFT à titre d’information, et niant avoir commis des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitaire, demandent au Tribunal :
– de déclarer la demande de la FFT irrecevable et, si recevable, de déclarer hors de cause la société Unibet Group PIc, et de
– débouter la demanderesse de l’ensemble de ses demandes,
– de la condamner au paiement de la somme de 1 € “en dédommagement des actes de dénigrement dont elle a fait l’objet”,
– d’interdire à la demanderesse de donner une quelconque publicité aux actions lancées à l’encontre de la concluante et ce sous peine d’astreinte de 50 000 € par infraction constatée,
– de condamner la demanderesse au paiement de la somme de 30 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– de condamner la demanderesse aux entiers dépens, dont distraction au profit de leur conseil,
– d’ordonner l’exécution provisoire, sans caution, à l’exclusion du cantonnement.

Le délibéré, initialement fixé au 16 mai 2008, a été prorogé jusqu’à ce jour.

DISCUSSION

A titre liminaire

Sur la demande de jonction

Attendu qu’au soutien de leur demande de jonction, les sociétés Unibet affirment que la présente instance concerne des faits similaires à ceux reprochés, par ailleurs, à la société Expekt.com, assignée à comparable lors de la même audience par la FFT ;

Mais attendu que la similitude des faits invoqués par la FFT à l’occasion de deux instances n’est pas de nature à créer, entre ces dernières, un lien justifiant qu’il soit statué par une seule et unique décision ;

Qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 0802005 et 0802006.

Sur la fin de non-recevoir

Attendu que dans le dispositif de leurs conclusions, les sociétés Unibet demandent au Tribunal de juger la FFT irrecevable en son action ;

Attendu, cependant qu’elles ne se prévalent d’aucun moyen tendant à faire déclarer la FFT irrecevable sans examen au fond, au sens de l’article 122 du Code de procédure civile ; que leur demande constitue tout au plus une clause de style ;

Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer sur la recevabilité de l’action de la FFT.

Sur la mise hors de cause de la société Unibet Group Plc

Attendu que la société Unibet Group Plc prétend n’être pas concernée par le présent litige, en ce qu’elle est une société holding n’agissant pas en tant qu’opérateur du site www.unibet.com ;

Attendu qu’il est constant que le nom de domaine www.unibet.com donnant accès au site internet litigieux, a été réservé par la société Unibet Ltd ;

Que l’existence d’une page renvoyant au “Contact Presse d’Unibet Group Plc” sur le site https://fr.unibet.com ne permet pas d’attribuer à la société Unibet Group Plc un quelconque rôle dans la commission des faits soumis à l’appréciation du Tribunal ; que contrairement à ce que soutient la FFT, le document intitulé « Interim Report January” est impropre à démontrer que la société Unibet Group Plc est l’organisatrice de l’activité de paris dont il est question en l’espèce, le dit document étant rédigé en langue anglaise et dépourvu de toute traduction susceptible d’éclairer la religion du Tribunal ;

Attendu qu’en l’état, aucun élément ne permet d’attribuer à la société Unibet Group Plc une quelconque responsabilité dans la gestion du site www.unibet.com ;

Qu’il y a donc lieu de la mettre hors de cause.

Sur l’atteinte au monopole d’exploitation de l’organisateur d’une manifestation sportive

Attendu que la FFT soutient que l’organisation de paris sportifs, dont la teneur porte directement sur l’organisation et le déroulement d’un événement sportif ; constitue une activité lucrative et, partant, une exploitation commerciale dudit événement lui étant réservée en application de l’article L. 333-1 du Code du sport, et qu’en proposant, via le site internet www.unibet.com, un service de paris en ligne les défenderesses ont porté atteinte à son monopole d’exploitation et engagé leur responsabilité sur le fondement de l’article 1382 du code civil ;

Attendu qu’en réponse, la société Unibet Ltd fait valoir qu’il n’est pas démontré que le droit exclusif d’exploitation reconnu par la loi à la demanderesse couvre l’organisation de paris sportif, que la seule citation d’un événement sportif dans le cadre d’une sphère d’activités, en l’espèce les paris en ligne, n’entre pas dans le champ du monopole institué par le texte précité et qu’en toute hypothèse, l’activité litigieuse relève du monopole de la Française de Jeux ; qu’elle argue en outre du principe de la liberté du commerce et de l’industrie, lequel lui permettrait d’organiser librement son activité de paris en ligne ;

Attendu que l’action en responsabilité engagée par la FFT repose, non pas sur les références à l’événement sportif considéré visibles sur le site www.unibet.com, mais sur l’offre faite aux consommateurs de parier sur les résultats du tournoi de tennis de Roland Garros, de sorte qu’à ce stade, la question de la portée du texte susvisé se limite à cette seule activité ;

Attendu qu’il n’est pas contesté qu’en application de l’article L. 333-1 alinéa 1er du code du sport, la FFT, comme toute fédération sportive ou tout organisateur de manifestations sportives au sens dudit texte, est propriétaire du droit d’exploitation des manifestations ou compétitions sportives qu’elle organise ;

Qu’un tel droit l’autorise, en raison des investissements réalisés, à recueillir les fruits des efforts consacrés à l’organisation de ladite manifestation ;

Attendu que l’organisation de paris en ligne est une activité génératrice de revenus directement liés au déroulement des événements singuliers, en l’espèce des matches de tennis, dont la manifestation sportive est le théâtre ; qu’elle constitue dès lors un mode d’exploitation de ladite manifestation ;

Attendu que le législateur n’a pas défini la portée du droit d’exploitation susvisé; qu’il a tout au plus ajouté à l’article L 333-1 du Code du sport un second alinéa aux termes duquel toute fédération sportive peut céder aux sociétés sportives, à titre gratuit, la propriété de tout ou partie des droits d’exploitation audiovisuelle des compétitions ou manifestations organisées chaque saison sportive par la ligue professionnelle qu’elle a créée, dès lors que ces sociétés participent à ces compétitions ou manifestations sportives, la cession bénéficiant alors à chacune de ces sociétés ; qu’il ne peut s’induire de cette simple faculté une limitation du droit exclusif accordé aux organisateurs de manifestations sportives à l’exploitation audiovisuelle de celles-ci ; que les seules limites au droit d’exploitation prévues expressément par le Code du sport sont définies par ses articles L. 333-6 et suivants, et visent essentiellement à permettre aux journalistes professionnels des entreprises d’information écrite ou audiovisuelle et services de communication par voie électronique d’assurer l’information du public ;

Attendu qu’il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas ; que l’organisation de paris en ligne ne figure pas au rang des exceptions au droit exclusif d’exploitation dont s’agit, et relève dès lors du monopole instauré au profit de l’organisateur de manifestations sportives soit en l’espèce, de la FFT ;

Attendu, à cet égard, que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ; que la société Unibet Ltd, qui offre aux internautes un service de paris en ligne directement accessible sur le territoire français, n’est dès lors pas recevable à soutenir que la FFT ne disposerait d’aucun droit exclusif sur l’organisation des sportifs en lien avec le tournoi de tennis de Roland Garros aux motifs qu’une telle activité relèverait du monopole de la Française des jeux ;

Attendu, enfin, que selon l’article 49 du Traité instituant la Communauté européenne, les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de la Communauté sont interdites à l’égard des ressortissants des états membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation ; qu’il est toutefois constant que de telles restrictions peuvent être admises si elles sont justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général et propres à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivent, et si elles ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif lesdites restrictions devant en tout état de cause être appliquées de manière non discriminatoire entre les ressortissants des états membres ;

Attendu qu’en l’espèce, la société Unibet Ltd ne se propose pas de démontrer en quoi le monopole d’exploitation reconnu à la demanderesse par l’article L 353-1 du Code du sport constituerait une restriction injustifiée, inadaptée, disproportionnée et discriminatoire au principe de la libre prestation de services, de sorte que la liberté du commerce et de l’industrie ne saurait constituer, en l’espèce, un obstacle légitime au droit dont la FFT entend se prévaloir et, partant, une autorisation de ne point s’y conformer ;

Attendu, en conséquence, qu’en offrant aux internautes la possibilité de parier sur le résultat des rencontres organisées par la FFT dans le cadre du tournoi de tennis de Roland-Garros, la société Unibet a méconnu le monopole d’exploitation instauré par le législateur au profit de la demanderesse ;

Qu’elle a de ce fait commis une faute susceptible d’engager sa responsabilité sur le fondement de l’article 1382 du code civil ;

Sur la contrefaçon

Attendu que la FFT soutient que les mentions “Tennis – Grand Chelem – Roland-Garros – Paris sportifs”, présentant « Tennis – Grand Chelem – Doubles Roland-Garros”, « Tennis – Grand Chelem – Roland-Garros – Dames”, et « Tennis – Grand Chelem – Roland-Garros », visibles le 8 juin 2007 sur le site www.unibet.com, ainsi qu’il résulte du constat d’huissier versé aux débats, reproduisent ou à tout le moins imitent la marque semi-figurative française « RG Roland Garros » n°1 630 774 et la marque verbale communautaire « Roland Garros French Open » n°003 498 276 ;

Attendu qu’en réponse, la société Unibet Ltd prétend s’être contentée de citer le nom du tournoi de tennis organisé par la FFT à titre d’information, et n’avoir donc pas fait usage des marques de la FFT à titre de marque ; qu’elle affirme que les services qu’elles proposent ne peuvent être confondus avec ceux de la demanderesse ;

Mais attendu qu’au moyen du site www.unibet.com, la société Unibet Ltd offre aux internaute un service de paris en ligne dont elle ne conteste pas tirer une rémunération, de sorte que la prestation proposée s’inscrit incontestablement dans la vie des affaires ;

Qu’il ressort du constat dressé le 8 juin 2007 par Me Dymant huissier de justice à Paris, que les mentions ‘“Tennis – Grand Chelem – Roland-Garros – Paris sportifs”, « Tennis- Grand Chelem – Doubles Roland-Garros”, « Tennis – Grand Chelem – Roland-Garros -Dames”, « Tennis – Grand Chelem – Roland-Garros » permettent aux clients de la défenderesse d’identifier les événements sportifs sur lesquels ils entendent placer leur mise, en les associant au tournoi de tennis organisé par la demanderesse ; que l’usage de ces signes constitue de ce fait un usage à titre de marque, c’est à dire dans la fonction d’individualisation de produits ou services ;

Que les services de paris en ligne ainsi désignés sont identiques, et à tout le moins similaires, d’une part aux services de divertissement, d’organisation de concours et d’attribution de prix ou de récompenses visés lors de l’enregistrement de la marque semi-figurative française “RG Roland Garros” et 630.774, d’autre part aux services de jeux électroniques fournis à partir d’une base de données informatiques ou via internet, d’organisation de concours, de loteries visés lors de l’enregistrement de la marque verbale communautaire “ Roland Garros French Open” n°003 498 276 ; qu’il ne peut donc être tiré argument de l’absence de risque de confusion entre les services de la demanderesse et ceux proposés par la société Unibet Ltd ;

Attendu toutefois que la société Unibet Ltd fait valoir que la référence aux marques de la FFT lui était nécessaire au sens de l’article L. 113-6 du Code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que le texte dispose notamment que l’enregistrement d’une marque ne fait pas obstacle à l’utilisation du même signe ou d’un signe similaire comme référence nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoire ou pièce détachée, à condition qu’il n’y ait pas de confusion dans leur origine ;

Attendu que de l’aveu même de la FFT, le tournoi des Internationaux de France de Tennis, constituant l’un des quatre tournois du Grand Chelem et réunissant chaque année les meilleurs joueurs mondiaux, est également connu sous le nom de tournoi de Roland Garros ;

Que l’utilisation de périphrases pour désigner les rencontres ayant pour cadre ce tournoi s’avère impossible, sauf à risquer d’induire les parieurs en erreur sur l’identité des rencontres sur l’issue desquelles ils entendent spéculer ; que l’usage du nom “Roland Garros » est donc nécessaire pour informer les internautes de l’objet des paris proposés ; que l’existence d’une mention “Unibet” sur la page web comportant les signes incriminés exclut toute confusion quant à l’identité de la société proposant le service de paris dont s’agit ; qu’il en résulte que par exception au monopole dont la FFT dispose sur les marques revendiquées l’article L 113-6 du Code de la propriété intellectuelle autorise la défenderesse à faire usage du nom “Roland Garros », la FFT n’étant pas recevable à tirer argument de l’illicéité de l’activité considérée au regard du monopole de la Française des Jeux sur l’organisation des paris sportifs ;

Attendu, en conséquence, les faits spécifiquement incriminés par la demanderesse ne sauraient être constitutifs de contrefaçon.

Sur le parasitisme

Attendu que la FFT soutient que la société Unibet Ltd s’est délibérément placée dans son sillage pour assurer à moindre frais la promotion et le développement de ses activités, d’une part en faisant figurer sur la page d’accueil du site www.unibet.com, les mentions « Pariez sur les internationaux de France” et “Suivez avec attention cette nouvelle journée des Internationaux de France. Pariez aujourd’hui sur les 2 demi-finales homme opposant Roger Federer à Nikolay Davydenko et Novak Djokovic à Rafael Nadal “, ainsi qu’une photographie représentant une raquette, une balle de tennis, et en arrière-plan un terrain de terre battue, caractéristique du tournoi de Roland Garros, d’autre part en assurant la promotion de paris concernant l’Open d’Australie grâce à une référence aux Internationaux de France, autre appellation du tournoi organisé par la FFT ;

Attendu qu’en réponse, la société Unibet Ltd soutient que les actes incriminés ne sont pas distincts de ceux fondant l’action en contrefaçon et ne sont pas constitutifs, en toute hypothèse, de parasitisme ;

Attendu qu’il ressort du constat d’huissier du 8 juin 2007 que la mention « Pariez sur les Internationaux de France – Suivez avec attention cette nouvelle journée des Internationaux de France. Pariez aujourd’hui sur les 2 demi-finales homme opposant Roger Federer à Nikolay Davydenko et Novak Djokovic à Rafael Nadal” est visible sur une page destinée à présenter les principaux événements sportifs susceptibles de faire l’objet de paris ; que de telles indications, à vocation promotionnelle, ne sont nullement nécessaires à la désignation, par la défenderesse, des paris proposés aux internautes ;

Attendu, par ailleurs, que la société Unibet Ltd ne conteste pas qu’ainsi qu’il ressort du procès-verbal dressé à cette date par Me Dymant, le site internet www.unibet.com comportait le 25 janvier 2008 la mention « Partez voir les Internationaux de France – En pariant sur l’Open d’Australie, Unibet vous offre l’occasion d’assister aux Internationaux de France pour seulement 3 €. Nous allons maintenant vous donner l’opportunité de gagner un week-end à Paris pour vous et la personne de votre choix afin d’assister aux internationaux France. Un pari minimum de 3 € sur n‘importe quel match de I‘Open d’Australie vous permettra d’obtenir un ticket pour le tirage au sort. La logique est donc simple… Plus vous pariez, plus vous avez de chance de remporter ce prix” ; que les termes “Internationaux de France” ont donc été utilisés pour inciter le consommateur à parier sur un autre événement sportif ;

Attendu que de tels agissements, distincts de ceux invoqués au soutien de l’action en contrefaçon, laquelle s’est en toute hypothèse avérée infondée, démontrent la volonté de la société Unibet Ltd de promouvoir son activité de paris en ligne en faisant référence, sans nécessité, aux Internationaux de France de tennis autrement dénommés tournoi de Roland Garros, compétition dont elle ne conteste pas la notoriété ; qu’elle s’est ainsi placée délibérément dans le sillage de la demanderesse pour tirer profit, sans bourse délier, des investissements réalisés par cette dernière pour organiser et promouvoir le tournoi dont s’agit ;

Que de tels agissements parasitaires engagent la responsabilité de la société Unibet Ltd sur le fondement de l’article 1382 du Code civil,

Sur les mesures réparatrices

Attendu que faute d’exercer une activité de paris en ligne, la FFT ne peut se prévaloir d’un préjudice constitué par les bénéfices indûment tirés par la société Unibet Ltd en violation du monopole d’exploitation dont la demanderesse bénéficie sur les Internationaux de France de tennis ; que le dommage résultant de la violation des dispositions de l’article L. 333-1 du Code du sport, constitué de l’atteinte portée au dit monopole, lequel est la contrepartie des investissements exposés par l’organisateur de toute manifestation sportive, justifie en soi la condamnation de la société Unibet Ltd au paiement d’une somme de 200 000 € à titre de dommages et intérêts ;

Que de tels actes commandent également d’ordonner une mesure d’interdiction, dans les limites fixées par le dispositif de la présente décision ;

Attendu que les agissements parasitaires dont la société Unibet Ltd s’est rendue coupable justifie d’octroyer à la FFT une somme de 300 000 € à titre de dommages et intérêts ; que de tels actes commandent également d’ordonner, en tant que de besoin, une mesure d’interdiction, dans les limites fixées par le dispositif de la présente décision ;

Attendu qu’il convient à titre de complément d’indemnisation, d’ordonner une mesure de publication, dans les termes du dispositif du présent jugement ;

Sur la demande reconventionnelle

Attendu que pour solliciter reconventionnellement la condamnation de la demanderesse au paiement de dommages et intérêts, la société Unibet Ltd fait valoir que la FFT a donné une publicité démesurée aux actions entreprises à l’encontre des sociétés de paris en ligne, et s’est ainsi rendue coupable de dénigrement ;

Qu’à l’audience, la FFT a demandé au Tribunal de débouter la société Unibet Ltd de sa demande reconventionnelle ;

Attendu que la défenderesse produit divers articles de presse faisant état de poursuites judiciaires intentées par la FFT notamment à son encontre ;

Attendu, cependant, que ces articles ne permettent pas d’imputer avec certitude la responsabilité de la divulgation de l’identité des sociétés assignées à la demanderesse ; qu’il apparaît de plus, que ces articles font tout au plus état de la volonté de la FFT de lutter contre les paris en ligne, sans retranscrire des propos dénigrant nommément la société Unibet Ltd ;

Qu’aucune faute n’est caractérisée, de sorte que la société Unibet Ltd sera déboutée de sa demande reconventionnelle.

Sur les autres demandes

Attendu que la nature de l’espèce et l’ancienneté du litige justifient d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement ;

Attendu que la société Unibet Ltd, succombant, sera condamnée aux entiers dépens ;

Qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la FFT la totalité des frais irrépétibles ; qu’il convient en conséquence, de lui allouer la somme globale de 10 000 € au titre de I’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Que l’équité commande de débouter la société Unibet Group Plc de sa demande formée sur le même fondement ;

DECISION

Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition du présent jugement au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile,

Par jugement contradictoire, rendu en premier ressort,
– Dit n’avoir lieu à joindre la présente affaire avec celle enrôlée sous le n°08/02006,
– Dit n’y avoir lieu à statuer sur la recevabilité de l’action de la Fédération Française de Tennis,
– Met hors de cause la société Unibet Group Plc,
– Dit qu’en offrant, par l’intermédiaire du site internet www.unibet.com, un service de paris sportifs en ligne portant sur les rencontres ayant pour théâtre les Internationaux de France de Tennis, autrement appelés tournoi de Roland Garros, la société Unibet Ltd a porté atteinte au monopole d’exploitation conféré par l’article L 333-1 du code du sport à la Fédération française de Tennis, organisateur du tournoi,
– Condamne en conséquence la société Unibet Ltd à payer à la Fédération Française de Tennis la somme de 200 000 € à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice résultant de l’atteinte à ce monopole ;
– Interdit, en tant que de besoin, la poursuite de ces agissements sous astreinte de 25 000 € par jour de retard passé un délai de 24 h à compter de la signification du présent jugement,
– Dit qu’en faisant figurer sur le site internet www.unibet.com les mentions « Pariez sur les Internationaux de France – Suivez avec attention cette nouvelle journée des Internationaux de France. Pariez aujourd’hui sur les 2 demi-finales homme opposant Roger Federer à Nikolay Davydenko et Novak Djokovic à Rafael Nadal” et « Partez voir les Internationaux de France – En pariant sur l’Open d’Australie, Unibet vous offre l’occasion d’assister aux Internationaux de France pour seulement 3 €. Nous allons maintenant vous donner l’opportunité de gagner un week-end à Paris pour vous et la personne de votre choix afin d’assister aux internationaux France. Un pari minimum de 3 € sur n‘importe quel match de I‘Open d’Australie vous permettra d’obtenir un ticket pour le tirage au sort. La logique est donc simple… Plus vous pariez, plus vous avez de chance de remporter ce prix », la société Unibet Ltd s’est rendue coupable de parasitisme,
– Condamne, en conséquence, la société Unibet Ltd à payer à la Fédération Française de Tennis le somme de 300 000 € à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice en résultant,
– Interdit, en tant que de besoin, la poursuite de ces agissements sous astreinte de 25 000 € par jour de retard, passé un délai de 24 h à compter de la signification du présent jugement,
– Autorise la publication du dispositif de la présente décision dans trois journaux ou revues au choix de la Fédération Française de Tennis, aux frais avancés de la société Unibet Ltd, dans la limite de 3500 € hors taxes par insertion,
– Ordonne à la société Unibet Ltd de publier le dispositif du présent jugement en page d’accueil du site internet www.unibet.com pendant une durée d’un mois, dans un délai de huit jours à compter de la signification de la décision,
– Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
– Condamne la société Unibet Ltd à payer à la Fédération Française de Tennis la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Déboute la société Unibet Group Plc de sa demande formulée sur le même fondement,
– Condamne la société Unibet Ltd aux entiers dépens, frais de constats d’huissier des 8 juin 2007 et 25 janvier 2008 compris,
– Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement en toutes ses dispositions.

Le tribunal : Mme Véronique Renard (vice président), Mme Sophie Canas et M. Guillaume Meunier (juges)

Avocats : Me Fabienne Fajgenbaum, Me Paul Van Den Bluck

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