Jurisprudence : Droit d'auteur
Tribunal de grande instance de Paris Ordonnance de référé 16 juin 2014
Copie France / Apple Distribution International, Apple Retail France
barème - copie privée - droit européen - personnes physiques - redevance - référé - remboursement - rémunération - support d'enregistrement - usage privé - usage professionnel
FAITS ET PRÉTENTIONS
Les acteurs, les textes et la jurisprudence
La société Apple Distribution International assure la distribution des produits Apple sur le territoire européen depuis le 1er avril 2012, notamment la distribution des tablettes tactiles (commercialisées sous la dénomination « iPad »). La société Apple Retail France exploite en France les magasins dénommés « Apple Stores » et importe à ce titre des iPad sur le territoire français.
La société Copie France est une société de perception et de répartition des droits (SPRD) régie par les dispositions du chapitre unique du titre II du livre III du code de la propriété intellectuelle (articles L. 321-1 et suivants) ayant la forme d’une société civile régie par les articles 1832 et suivants du code civil. Le capital social de cette société est réparti entre d’autres SPRD organisées en trois collèges distincts représentant respectivement les auteurs, les artistes interprètes et les producteurs.
La société Copie France a notamment pour objet de percevoir, au nom de ses associés dont elle reçoit « délégation à titre exclusif », la rémunération due au titre de l’exercice de la copie privée audiovisuelle et sonore.
Les sociétés de perception et de répartition des droits se confèrent également statutairement un mandat réciproque de collecte de la rémunération pour copie privée sonore et audiovisuelle.
La rémunération pour copie privée prévue à l’article L. 311-1 du code de la propriété intellectuelle constitue la contrepartie financière due aux titulaires de droit d’auteur et droits voisins au titre de l’exercice de l’exception de copie privée, exception légale au droit de reproduction prévue aux articles L. 122-52° et L. 211-3 2° du code de la propriété intellectuelle.
Cette rémunération, instaurée par la loi 85-660 en date du 3 juillet 1985, est une rémunération forfaitaire assise sur les supports vierges d’enregistrement, versée par le « fabricant, l’importateur ou la personne qui réalise des acquisitions intracommunautaires » et susceptible d’être répercutée par ces derniers sur l’utilisateur qui en supporte alors in fine la charge financière.
Le montant de cette rémunération (mais également les supports d’enregistrement éligibles à ladite rémunération) sont déterminés par une commission administrative prévue à l’article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle (dite « commission copie privée »).
Cette commission est présidée par un représentant de l’État et composée, pour moitié par des représentants des ayants droit (« Personnes désignées par les organisations représentant les bénéficiaires du droit à rémunération »), et pour l’autre moitié de représentants des redevables directs et indirects, (soit : pour 25% des représentants des fabricants et importateurs des supports d’enregistrement (collège des industriels) et 25% des représentants des consommateurs (collège des consommateurs).
Une réorganisation des modalités de fonctionnement de la commission Copie Privée a été adoptée par le décret n°2009-744 en date du 19 juin 2009 relatif au fonctionnement de la commission instituée à l’article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle.
La commission Copie Privée a pris :
– une décision n°8 en date du 9 juillet 2007 aux termes de laquelle étaient déclarés éligibles à la rémunération pour copie privée un certain nombre de supports vierges d’enregistrement dont les cartes mémoires non dédiées et en a fixé les taux de rémunération.
– puis une décision n°10 en date du 27 février 2008 aux termes de étaient déclarés éligibles à la rémunération pour copie privée certains téléphones mobiles (dénommés « téléphones mobiles multimédia ») et en a fixé les taux de rémunération en fonction de leur capacité mesurée en Go.
Le quantum de la rémunération pour copie privée a été déterminé, pour ces deux décisions n°8 et 10, selon une méthode identique aux précédentes décisions de la commission, en particulier la décision n°7 en date du 20 juillet 2006 applicable à divers matériels tels que les baladeurs audio/vidéo.
Ces décisions ont été contestées par divers syndicats et associations professionnels représentatifs des industriels devant le Conseil d’Etat dans le cadre de recours en annulation.
Dans le cadre de l’instruction de ces recours, le Ministère de la Culture et les sociétés Sorecop et Copie France ont expressément admis que ces deux décisions administratives encouraient l’annulation au motif qu’elles avaient été adoptées selon les mêmes modalités que la décision n°7 annulée par le Conseil d’Etat dans son arrêt Simavelec.
Cette décision en date du 11 juillet 2008 a annulé la décision n°7 précitée au motif que la rémunération prévue par cette décision compense des copies illicites violant par là même les articles L.122-5 et L.311-1 du code de la propriété intellectuelle aux termes desquels la rémunération pour copie privée ne peut compenser que des actes de copie licite :
« Considérant […] qu‘il résulte des dispositions précitées [articles L. 122-5 et L. 311-1 du code de la propriété intellectuelle] que la rémunération pour copie privée a pour unique objet de compenser, pour les auteurs, artistes-interprètes et producteurs, la perte de revenus engendrée par l’usage qui est fait licitement et sans leur autorisation de copies d‘œuvres fixées sur des phonogrammes ou des vidéogrammes à des fins strictement privées ; que par suite, et contrairement à ce que soutient le ministre de la culture et de la communication, la détermination de la rémunération pour copie privée ne peut prendre en considération que les copies licites réalisées dans les conditions prévues par les articles L. 122-5 et L. 311-1 du code de la propriété intellectuelle précités, et notamment les copies réalisées à partir d’une source acquise licitement ;
Considérant […] que pour déterminer le taux de la rémunération pour copie privée, la commission prévue à l’article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle tient compte tant de la capacité d’enregistrement des supports que de leur usage, à des fins de copies privées licites ou illicites, sans rechercher, pour chaque support, la part respective des usages licites et illicites ; que par suite, en prenant en compte le préjudice subi du fait des copies illicites de vidéogrammes ou de phonogrammes, la commission a méconnu les dispositions précitées du code de la propriété intellectuelle ; que dès lors, le Syndicat de l’industrie des matériels audiovisuels est fondé à demander, pour ce motif l’annulation de la décision attaquée ».
Le Conseil d’Etat a décidé que l’annulation de la décision n°7 prononcée par cet arrêt n’aurait pas d’effet rétroactif et prendrait effet à l’issue d’un délai de six mois à compter de la signification de cette décision à savoir à compter du 11 janvier 2009.
Le 17 décembre 2010, le conseil d’Etat a annulé les décisions 8 et 10 pour les mêmes motifs que la décision 7 (pas de rémunération de la copie illicite).
La commission Copie Privée anticipant l’annulation alors prévisible des décisions 8 et 10, a adopté le 17 décembre 2008 une décision n°11 se substituant à l’ensemble de ses précédentes décisions – y compris les décisions n°8 et 10 -, de façon à exclure les copies illicites de l’assiette de la rémunération pour copie privée.
Cette décision a elle aussi été contestée devant le Conseil d’état pour deux motifs principaux l’un tenant à l’absence d’une exclusion effective des copies de source illicite les « nouveaux » barèmes de rémunération étant strictement identiques aux barèmes des décisions antérieures compensant des copies illicites et l’autre à la soumission à cette rémunération des matériels à destination des professionnels, en violation de la directive 2001/29 du 22 mai 2001 telle qu’interprétée par un arrêt Padawan (CJUE, 21 octobre 2010).
L’arrêt Canal + Distribution du 17 juin 2011 a annulé la décision 11 sur le second moyen et ce sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens.
La loi « relative à la rémunération pour copie privée » en date du 20 décembre 2011 (n°20111898, JO 21 décembre 2011, pièce 74), a alors été votée et dispose ainsi en son article 6 II que :
« Les rémunérations perçues ou réclamées en application de la décision n°11 du 17 décembre 2008 de la commission prévue à l’article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle au titre des supports autres que ceux acquis notamment à des fins professionnelles dont les conditions d’utilisation ne permettent pas de présumer un usage à des fins de copie privée, qui ont fait l’objet d’une action contentieuse introduite avant le 18 juin 2011 et n’ont pas donné lieu, à la date de promulgation de la présente loi, à une décision de justice passée en force de chose jugée sont validées en tant qu’elles seraient contestées par les moyens par lesquels le Conseil d’Etat a, par sa décision du 17 juin 2011, annulé cette décision de la commission ou par des moyens tirés de ce que ces rémunérations seraient privées de base légale par suite de cette annulation. »
Par décision n°13 en date du 12 janvier 2011, la commission Copie Privée a :
– déclaré éligibles à la rémunération de l’article L. 311-1 du code de la propriété intellectuelle deux nouveaux types de matériels à savoir « les mémoires et disques durs dédiés à l’enregistrement et à la lecture d’œuvres fixé es sur des phonogrammes intégrés à des systèmes de navigation et/ou à des autoradios destinés à des véhicules automobiles » (articles 1 à 3) et les « tablettes tactiles multimédias avec fonction baladeur, munies d’un système d’exploitation pour terminaux mobiles ou d’un système d’exploitation propre » (articles 4 à 7), adoptant pour chacun de ces types d’appareils le barème correspondant (figurant en annexe de la décision respectivement aux tableaux 1 et 2) ;
– modifié le montant de la rémunération applicable aux « cartes mémoire vendues sous le même emballage qu‘un appareil d’enregistrement ou vendues avec l’appareil sous plusieurs emballages sertis ensemble, constituant ainsi un lot unique dénommé « offre groupée (bundle) » en soumettant lesdites cartes mémoire au barème applicable à l’appareil, lui-même éligible à la rémunération pour copie privée, avec lequel elle est vendue (article 8 modifiant l’article 7 de la décision n°11 du 17 décembre 2008) ;
– et « déplafonné » le montant de la rémunération applicable aux « clés USB non dédiées », « cartes mémoire non dédiées » et « supports de stockage externes utilisables directement avec un micro-ordinateur personnel » (ou disques durs externes), jusqu’alors soumis à cette rémunération dans la limite d’une capacité nominale d’enregistrement de 16 Go (pour les clés USB et cartes mémoire non dédiées) ou de 1000 Go (pour les disques durs externes), en modifiant la dernière « tranche » du barème prévu par la décision n°11 du 17 décembre 2008 pour chacun de ces supports (article 9 et tableaux 3, 4 et 5 se substituant aux tableaux 5, 6 et 7 de la décision n°11 du 17 décembre 2008).
S’agissant des matériels nouvellement éligibles et dénommés « tablettes tactiles multimédia » (articles 4 et 7), la commission a conféré un caractère provisoire au barème ainsi adopté, ledit barème étant effectif « jusqu’à l’entrée en vigueur du barème définitif et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2011 » (article 7).
Par requête devant le Conseil d’Etat en date du 27 mars 2011, la société Apple sollicitait l’annulation de la décision n°13 aux motifs qu’elle viole, à divers titres, le cadre légal de l’exception de copie privée et de la rémunération afférent à l’exercice de cette exception. Cette instance est actuellement pendante devant le Conseil d’Etat, la société Copie France étant intervenante volontaire à l’instance.
Par décision n°14 en date du 9 février 2012, la commission Copie Privée adoptait, un nouveau barème de rémunération pour copie privée destiné à remplacer celui déterminé, à titre provisoire, par la décision n°13.
Par requête devant le Conseil d’Etat en date du 21 avril 2012, la société Apple a sollicité l’annulation de la décision n°14 aux motifs qu’elle viole le cadre légal de l’exception de copie privée et de la rémunération afférent à l’exercice de cette exception. Cette seconde instance est également actuellement pendante devant le Conseil d’Etat.
Par décision n°15 en date du 14 décembre 2012, la commission Copie Privée adoptait, un nouveau barème applicable à l’ensemble des supports soumis à la rémunération pour copie privée au titre des décisions 11 à 14 y compris les baladeurs multimédia, disques durs externes, téléphones mobiles et tablettes tactiles.
Depuis cette date, cette décision est le fondement de la collecte de la rémunération pour copie privée.
Par requête devant le Conseil d’Etat en date de février 2013, les sociétés Apple ont formé un recours en annulation de la décision n°15 aux motifs qu’elle viole le cadre légal de l‘exception de copie privée et de la rémunération afférent à l’exercice de cette exception. Cette instance est également actuellement pendante devant le Conseil d’Etat.
Le litige
Bien que contestant le bien fondé de la décisions n° 15 de la commission Copie Privée, la société Apple a, conformément aux dispositions de l’article L. 311-4 du code de la propriété intellectuelle et selon les modalités prévues par lesdites décisions, procédé auprès de la société Copie France aux déclarations de sortie de stock des baladeurs multimédia, disques durs externes, téléphones mobiles et tablettes tactiles à compter du 1er janvier 2013.
Les sociétés Apple ont suspendu le paiement de l’ensemble de ces factures et déposé les sommes correspondantes sur un compte bancaire ouvert spécifiquement à cet effet par les défenderesses.
Elles ont assigné la société Copie France au fond devant le tribunal de grande instance de Paris par acte du 19 juillet 2013.
Par acte en date du 13 août 2013, la société Copie France a fait assigner en référé les sociétés Apple Distribution International et Apple Retail France pour obtenir paiement des sommes dues.
Dans ses dernières conclusions la société Copie France a demandé au juge des référés de :
– déclarer recevable et bien fondée la société Copie France en ses demandes,
– condamner les sociétés Apple Distribution International et Apple Retail France, à payer, par provision, en deniers ou quittances, à la société Copie France, la somme de 21.271.920,43 € TTC, sauf à parfaire, au titre de la rémunération pour copie privée due pour de la période allant du mois de janvier 2013 au mois de janvier 2014,
– débouter les sociétés Apple Distribution International et Apple Retail France de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
– condamner les sociétés Apple Distribution International et Apple Retail France à payer à la société Copie France la somme de 15 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les sociétés Apple Distribution International et Apple Retail France aux entiers dépens.
Dans leurs dernières conclusions reprises à l’audience, les sociétés Apple ont sollicité du juge des référés de :
Vu les articles L. 122-5 2°, L. 211-3 2° et L. 311-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle
Vu l’article 809 alinéa 2 du code de procédure civile,
A titre principal,
– constater que la créance invoquée par la société Copie France se heurte à de sérieuses contestations ;
– débouter la société Copie France de l’ensemble de ses demandes ;
– ordonner la restitution par la société Copie France de la somme de 693.561 € TTC correspondant aux factures n° 140042667, n° 140042694, n° 140042728, n° 140042730, n° 140042103, n° 140042104, n° 140045248, n° 140045115, n° 140044887, n° 140044890, n° 140047363, n° 140047364, n° 140047072, n° 140047073, n° 140047368, n° 140047372, n° 140045092, n° 140045096, n° 140045107, n° 140045247, n° 140047078 et n° 140047079 indûment payées par les sociétés Apple.
A titre subsidiaire, surseoir à statuer et saisir la CJUE de la question préjudicielle suivante :
“l‘application de la redevance pour copie privée d‘équipements, d’appareils ou de supports de reproduction acquis par des professionnels à des fins professionnelles et mis à disposition de leurs préposés, personnes physiques, susceptibles d’en faire accessoirement un usage privé est-elle conforme à la directive 2001/29 ?“
Et si par extraordinaire, le juge des référés devait considérer qu’aucune contestation sérieuse ne se heurte à la demande de provision de la société Copie France et ne pas retenir la question préjudicielle susvisée alors :
A titre infiniment subsidiaire,
– constater que la créance litigieuse depuis le 1er mars 2013 s‘élève à la somme de 17.711.915,74 € TTC ;
– désigner tout tiers de son choix en qualité de séquestre judiciaire entre les mains duquel les sociétés Apple remettront, dans l’attente de la décision du juge du fond à intervenir, la somme correspondant à la créance litigieuse ainsi que toutes sommes correspondant aux factures à émettre par la société Copie France sur le fondement de la décision n°15 ;
– ordonner à la société Copie France de verser entre les mains de ce même séquestre la somme de 693.561 € TTC indûment réglée par les sociétés Apple ;
– dire que le séquestre devra restituer les sommes sur demande des sociétés Apple en cas d’infirmation de l’ordonnance à intervenir ou de décision du juge du fond donnant droit aux sociétés Apple ;
A titre très infiniment subsidiaire,
– ordonner à la société Copie France de constituer une garantie réelle ou personnelle portant sur le même montant que la créance litigieuse et en justifier auprès des sociétés Apple ne lui soit versée à titre provisionnel et réévaluer la garantie au fur et à mesure de l’émission de nouvelles factures au titre de la décision n°15 ;
En toute hypothèse,
– condamner la société Copie France à payer aux sociétés Apple Distribution International et Apple Retail France la somme de 10 000 € chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Copie France aux dépens.
A l’audience du 28 avril 2014, les parties ont exposé oralement leurs moyens et demandes.
Un différend existant sur les sommes payées en doublon ou indûment, le juge des référés a sollicité la production d’une note de délibéré.
La société Copie France a indiqué par courrier du 10 juin 2014 puis du 12 juin 2014 qu’elle contestait que la somme de 182.248,04 € TTC ait été payée par les sociétés Apple et précisait que celles-ci n’en rapportaient d’ailleurs par la preuve.
Les sociétés Apple ont précisé par courrier du 12 juin 2014 qu’elles constataient l’accord de la société Copie France sur les doublons de facturation pour un montant de 2.698.987,68 € TTC et sur les notes de crédit liées à des exportations non prises en compte initialement pour un montant de 349.794,05 €, ce qui ramène la somme réclamée par la société Copie France à 18.223.228,70 € TTC.
Elles maintiennent leur demande de remboursement de la somme de 182.248,04 € TTC qu’elles auraient payé indûment au regard de notes de débit ensuite annulées et remplacées par la société demanderesse.
DISCUSSION
Sur le caractère exécutoire de la décision n°15 de la Commission de la Copie Privée
La société Copie France fait valoir que la décision n°15 à défaut d’annulation par le CE est pleinement exécutoire et doit trouver exécution par le versement de la provision.
Les sociétés Apple répondent que la jurisprudence administrative et la jurisprudence judiciaire admettent toutes deux que les effets d’une décision administrative en vigueur peuvent être contestés et suspendus et que le juge des référés s’interdit de donner droit à une demande de provision dès lors que la légalité de la décision administrative qui fonde les factures litigieuses est sérieusement mise en doute.
– Sur ce
Ainsi et contrairement à ce que soutient la société Copie France, le principe d’une contestation judiciaire de l’effectivité d’une décision administrative pourtant encore exécutoire (puisque le contentieux en annulation est à venir ou en cours) est admis puisque le juge judiciaire saisi au fond d’un litige dont l’issue dépend d’une exception d’illégalité d’une décision administrative sursoit à statuer dans l’attente de la décision du juge administratif.
En conséquence, il appartient au juge des référés d’apprécier le caractère sérieux du recours en annulation formé à l’encontre d’une décision administrative pour statuer sur la demande de provision formée sur la base de cette décision.
Sur les contestations opposées par les sociétés Apple
Les sociétés Apple forment un certain nombre de contestations à l’encontre de la décision n° 15 de la Commission de la Copie Privée qui seront examinés ci-après.
A- Les griefs tenant à l’illégalité externe de la décision n°15
La légalité formelle de la décision n°15 est contestée par les sociétés Apple à trois titres :
– d’une part, en ce que la composition de la Commission de la Copie Privée n’était pas régulière au regard des articles L.311-5, R.311-5 et R.311-2 du code de la propriété intellectuelle lorsque la décision n°15 a été débattue du fait de la démission de 5 membres sur 6 du collège des industriels en novembre 2012.
– de deuxième part, en ce que le président de la commission a omis de tirer les conséquences de l’absence prolongée d’un représentant du collège des consommateurs (l’Aproged), lequel devant être considéré comme démissionnaire conformément aux dispositions de l’article R.311-6 la. 2 du code de la propriété intellectuelle, n’a pas permis à la commission d’être valablement composée lors du vote de la décision n°15.
– de troisième part, l’absence d’un délai raisonnable entre la publication de la décision n°15 et son entrée en vigueur.
La société Copie France a répondu que la démission de 5 membres sur 6 du collège des industriels en novembre 2012 était une tentative de bloquer la décision n°15 qui devait impérativement être prise avant le i janvier2013 afin d’éviter de payer la rémunération pour copie privée.
Elle n’a pas répondu à ces moyens ; que la jurisprudence administrative admet que si l’accomplissement d’une formalité s’avère impossible et que cette impossibilité n’est pas imputable à l’autorité administrative, ce fait ne peut être invoqué devant le juge comme cause de nullité.
Elle ajoute que le quorum ayant été atteint et un membre du collège des industriels ayant voté, la décision est parfaitement régulière.
Sur le second point, elle fait valoir que le collège des consommateurs était constitué au complet lors du vote de la décision n°15 et que la durée pour effectuer le remplacement de l’Aproged par l’Adeic ne lui est pas davantage imputable.
Sur le troisième point, la société Copie France a relevé qu’il n’existait aucun fondement juridique à cette demande.
– Sur ce
1- Sur l’absence de 5 membres sur 6 du collège industriel
S’agissant de la première contestation, l’article L.311-5 du code de la propriété intellectuelle définit la composition de la Commission de la Copie Privée et indique que les représentants du collège des industriels constitueront un quart de cette commission. Les articles R.311-5 et suivants définissent les conditions du vote et les quorums.
En l’espèce, il n’est pas contesté que 5 membres sur 6 du collège des industriels ont démissionné en novembre 2012 alors que la décision n°15 devait être votée avant le 1er janvier 2013 mais qu’un représentant de ce collège a toujours participé aux discussions et au vote.
Si les industriels ont décidé de quitter la commission pour des raisons résultant d’un désaccord avec le fonctionnement de celle-ci, il n’appartient pas au présent juge d’apprécier ces raisons mais seulement de constater que le quorum requis pour le vote de la décision n°15 a été atteint, ce qui n’est pas contesté et que les membres du collège industriel sont soumis à la règle de la majorité de sorte que si le fonctionnement ne leur convient pas en raison d’un vote majoritaire, leur défection s’analyse comme une tentative de blocage dont ils ne peuvent prétendre ensuite tirer profit en invoquant une nullité qu’ils ont sciemment provoquée (nemo auditur).
Ainsi la règle jurisprudentielle selon laquelle si l’accomplissement d’une formalité s’avère impossible et que cette impossibilité n’est pas imputable à l’autorité administrative, ce fait ne peut être invoqué devant le juge comme cause de nullité, semble devoir s’appliquer et priver de tout caractère sérieux cette contestation.
2- Sur le non remplacement de l’Aproged
Outre que les sociétés Apple n’expliquent pas en quoi l’absence d’un représentant du collège des consommateurs aurait pu modifier le sens du vote de la décision n°15, il apparaît que l’Aproged avait été remplacée par l’Adeic au jour du vote de sorte que ce moyen ne constitue pas davantage une contestation sérieuse.
3- Sur l’absence de délai raisonnable entre la publication de la décision et sa prise d’effet
La décision n°15 a été prise le 14 décembre 2012, publiée le 26 décembre 2012 et a pris effet le 1er janvier 2013.
Les sociétés Apple ne fondent leur moyen sur aucun texte, n’invoque aucun grief de sorte que ce moyen ne constitue pas davantage une contestation sérieuse.
B- Les griefs tenant à l’illégalité interne de la décision n°15
Les sociétés Apple prétendent que la décision n°15 viole le principe d’exclusion des usages professionnels, critère de légalité affirmé dans l’arrêt Canal+ Distribution et aussi conséquent les principes d’impartialité et de sécurité juridique en raison du financement des questionnaires et des études d’usage. Elles font valoir que le principe d’interprétation stricte de l’exception de copie privée est violé par la Commission de la Copie Privée.
La société Copie France répond que les études d’usage ont été élaborées en deux étapes une première par le CSA au cours de l’année 2011 financée par les pouvoirs publics et la seconde réalisée à la suite de l’annulation de la décision n°11 sur la base d’un questionnaire adopté à l’unanimité de ses membres le 8 août 2011, financée en raison du délai de réalisation par les collèges de la Commission de la Copie Privée, le collège des industriels ayant refusé de participer au financement.
Elle a contesté le moindre risque d’impartialité en raison de ce financement qui n’est pas exclu par le code de la propriété intellectuelle.
La société Copie France indique que les usages professionnels ont été exclus de sorte que ce moyen est un artifice, les industriels n’acceptant en réalité pas le principe même de l’exception de copie privée même s’ils affichent une position contraire, leur comportement au sein de la Commission de la Copie Privée le démontrant.
– Sur ce
Il convient de constater que le questionnaire élaboré en août 2011 a été voté à l’unanimité des membres de la Commission de la Copie Privée de sorte qu’aucun critique de partialité ou d’insécurité juridique ne peut lui être reproché.
S’agissant du financement de cette étude basée sur le questionnaire, il convient de relever d’une part qu’il a été proposé à tous les collèges d’y participer, que d’autre part le collège des industriels qui prétend vouloir disposer d’études d’impact pour asseoir sérieusement le barème a refusé d’y participer, se mettant seul hors du jeu du financement et que le collège des consommateurs a participé certes de façon symbolique.
Aucune impartialité autre que ce financement par les collèges n’est invoquée et l’étude a été payée par la Commission de la Copie Privée et non par un collège directement.
Enfin, sur l’interprétation donnée à l’exception de copie privée par la Commission de la Copie Privée, il n’appartient pas au juge des référés d’apprécier ce moyen dans le cadre de la légalité interne. Cette interprétation est le résultat des débats au sein de la Commission de la Copie Privée et le résultat du vote des différents collèges.
Le juge des référés constate que l’exclusion du paiement de la rémunération pour copie privée a été mise en place par l’article 4 de la loi du 20 décembre 2011 et correspond aux critères dégagés par la CJUE qui les a définis en laissant à chaque Etat le soin de les mettre en place au niveau national.
Ces moyens ne présentent pas à l’évidence de caractère sérieux.
C- Les griefs tenant à la non conformité à la Directive 2001/29.
1- la non conformité du système de restitution de la compensation équitable pour usages professionnels
Les sociétés Apple font valoir que le mécanisme de non assujettissement des acquéreurs professionnels mis en place par l’article 4 de la loi du 20 décembre 2011 est insuffisant et ne répond pas aux critères dégagés par la CJUE tant dans l’arrêt Padawan que dans l’arrêt Amazon.
La société Copie France précise que le mécanisme de non assujettissement mis en place par la loi du 20 décembre 2011 a répondu aux exigences posées par l’arrêt Padawan et que l’arrêt Amazon a conforté la régularité de la législation française.
– Sur ce
Si l’arrêt Padawan de la CJUE en date du 21 octobre 2010 a mis en exergue la nécessité de prévoir un mécanisme de non assujettissement des acquéreurs professionnels, ce que ne prévoyait pas la législation française, il convient de constater que la loi du 20 décembre 2011 a pallié cette non conformité en prévoyant à l’article L 311-8-III du code de la propriété intellectuelle, la possibilité d’un remboursement postérieur à la requête d’un acquéreur professionnel mais également la possibilité pour des acquéreurs professionnels d’être dispensés du paiement de cette compensation ab initio en concluant un accord avec la société Copie France.
Il n’est pas contesté par les sociétés Apple que ces mécanismes de remboursement ont bien été mis en place mais ces dernières prétendent qu’ils ne répondent pas aux critères visés dans l’arrêt Amazon :
« Il appartient au juge national de vérifier, compte tenu des circonstances propres à chaque système national et des limites imposées par la directive 2001/29, si des difficultés pratiques justifient un tel système de financement de la compensation équitable et, dans l’affirmative, si le droit au remboursement des éventuelles redevances payées en dehors du cas de figure visé à l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 est effectif et ne rend pas excessivement difficile la restitution de ces redevances » (point 34).
En l’espèce, le mécanisme de remboursement mis en place par la société Copie France est effectif et la CJUE n’a pas dit pour droit qu’un mécanisme de d’exonération automatique en amont de l’achat devait être prévu par les législations nationales.
Les sociétés Apple regrettent que le résultat des exonérations soit infinitésimal.
II est vrai que les conventions d’exonération conclues par la société Copie France n’ont pas cru depuis la mise en place du système d’exclusion des matériels professionnels (1878 conventions).
Les chiffres versés par les sociétés Apple relatifs aux montants globaux remboursés aux professionnels (en 2012 : 67.000 € soit entre 0,12 à 19% des sommes collectées, en 2013 : 100.000 € soit entre 0,19 à 0,28% des sommes collectées) montrent que les remboursements sont extrêmement faibles et le chiffre donnée par la Commission de la Copie Privée de 375.805 € entre décembre 2011 et février 2014 est certes meilleur mais encore très faible.
Cependant, ces éléments chiffrés sont à eux seuls insuffisants à établir que ces faibles remboursements, qui n’intègrent pas les sommes non collectées du fait des conventions signées, sont le résultat d’un système de remboursement des éventuelles redevances payées qui rendrait excessivement difficile la restitution de ces redevances.
En conséquence, la contestation élevée de ce chef ne revêt donc pas un caractère sérieux.
2- Sur les mécanismes de calcul non conformes à la directive 2001/29
Les sociétés Apple prétendent que le calcul intègre une définition extensive du droit de reproduction et ce contrairement au principe rappelé par l’arrêt ACI Adam BV rendu par la CJUE le 10 avril 2014. Elles contestent l’affectation des sommes récoltées au soutien d’aide à la création.
La société Copie France répond que l’arrêt Amazon de la CJUE du 11 juillet 2013 a clairement indiqué que les Etats membres qui ont introduit l’exception de copie privée dans leur droit national pouvaient prévoir qu’une partie de la compensation soit fournie sous la forme d’une compensation indirecte.
– Sur ce
Les dispositions de l’article L.321-9 du code de la propriété intellectuelle prévoient que les sociétés de perception et de répartition des droits prévues aux articles L. 321-1 et suivants du même code « utilisent à des actions d’aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes :
1° 25 % des sommes provenant de la rémunération pour copie privée ».
Or l’arrêt Amazon du 11 juillet 2013 rendu sur question préjudicielle a dit pour droit que la directive 2001/29 n’impose pas aux Etats membres qui ont introduit l’exception de copie privée dans leur droit national d’assurer aux ayants droit de ladite compensation équitable le versement en numéraire de la totalité de celle-ci et n’interdit pas non plus de prévoir, dans le cadre de la large marge d’appréciation dont ils disposent, qu’une partie de la compensation soit fournie sous la forme d’une compensation indirecte.
En conséquence, la transposition de la Directive 2001/29 du 22 mai 2001 faite dans l’article L 321-9 du code de la propriété intellectuelle n’est pas contraire à celle-ci.
Il importe peu que le mécanisme français ne prévoit pas le versement du quart de la compensation équitable prélevée à des « établissements sociaux et culturels » mais à des « actions d’aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes » puisque d’une part cela relève de la “large marge d’appréciation des Etats” et que d’autre part, il n’est pas contesté que le financement de ces actions est favorable aux auteurs.
La contestation élevée de ce chef est donc mal fondée.
Pour ce qui est de l’appréciation du caractère extensif de la notion de reproduction par la Commission de la Copie Privée, les sociétés Apple se contentent d’affirmer ce point sans même l’étayer d’une démonstration de sorte que cette contestation ne peut être considérée comme sérieuse.
3- Sur la qualité de débiteur de la rémunération pour copie privée des sociétés Apple
Les sociétés Apple soutiennent que les factures litigieuses sont émises à leur encontre en leur qualité de fabricant ou importateur de supports soumis à la rémunération pour copie privée et, à ce titre, débitrices directes de cette rémunération légale, conformément aux dispositions de l’article L. 311-4 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle lequel dispose que :
« La rémunération prévue à l’article L. 311-3 est versée par le fabricant, l’importateur ou la personne qui réalise des acquisitions intracommunautaires, au sens du 3° du I de l’article 256 bis du code général des impôts, de supports d’enregistrement utilisables pour la reproduction à usage privé d’œuvres, lors de la mise en circulation en France de ces supports ».
Elles font valoir que la conformité à la directive 2001/29 d’un tel mécanisme est actuellement en cours d’examen devant la CJUE ans le cadre de l’affaire Copydan Bandkopi c/ Nokia Danmarrk (C463/12).
Elles ajoutent que la décision n°15 ne distingue pas parmi les copies de source licite, celles qui seraient issues de l’exercice d’autres exceptions légales au droit de reproduction des titulaires de droit d’auteur et de droit voisin mais ne donnant pas lieu à compensation financière ce qui fait l’objet d’une question préjudicielle devant la CJUE dans le cadre de l’affaire Copydan BandKopi c/ Nokia ; qu’elle n’a pas davantage pris en compte le fait que le préjudice subi par le titulaire des droits saurait dans certains cas minime et ne pourrait pas ouvrir droit à une obligation de paiement, autre question soumise à la CJUE dans le cadre de l’affaire Copydan BandKopi c/ Nokia.
La société Copie France a contesté la réalité des griefs ainsi exposés indiquant que la Commission de la Copie Privée avait pris en compte seulement les copies ouvrant droit à compensation et précisant que les sociétés Apple formulent des griefs divers sans prendre la peine de les étayer.
– Sur ce
II ressort de la lecture du rapport dans l’affaire Copydan BandKopi c/ Nokia que celui-ci propose de déclarer conforme à la Directive le paiement dans le pays où le produit est vendu quand bien même le produit proviendrait d’une acquisition intracommunautaire et aurait déjà supporté un premier versement de la compensation équitable.
En conséquence, cette contestation n’a pas de caractère sérieux.
Pour ce qui est des deux autres griefs périphériques évoqués par les sociétés Apple, le juge des référés relève avec la Commission de la Copie Privée, qu’ils sont allégués sans même être soutenus par un début de démonstration, les sociétés défenderesses s’emparant de toute possibilité de grief sans même les démontrer.
Ces moyens ne seront pas retenus comme pouvant constituer des contestations sérieuses.
Il ne sera pas davantage statué sur la demande de question préjudicielle formée par les sociétés Apple qui l’ont certes formulée dans leur dispositif mais n’ont pas développé dans leurs écritures ou leurs explications la nécessité de poser cette question à la CJUE surtout au stade des référés.
C- Sur les contestations propres au barème lui-même
Les sociétés Apple prétendent que le barème prévu dans la décision 15 n’exclurait pas les sources illicites car le barème est le même que celui de la décision 11 annulée et qu’aucune étude n’impact n’aurait été faite pour aboutir à ce barème et ce en contravention avec les termes de l’arrêt Canal+ Distribution.
La société Copie France répond que depuis l’arrêt Canal+ Distribution, les sources illicites de copie privée ont été exclues mais que contrairement à ce que soutiennent les sociétés Apple, les études d’impact ont été faites pour le produit lui-même courant 2011 et enfin pour l’évaluation du barème remplaçant le barème annulé ; que cette dernière étude a montré que le fait que les fichiers d’un plus grand poids puisque compressés puissent être téléchargés augmente le volume du téléchargement ce qui n’avait pas été pris en compte de sorte que le barème devait être revu à la hausse ; que cette hausse a été compensée par l’exclusion des sources illicites de sorte que les barèmes discutés au sein de la Commission de la Copie Privée se sont trouvés au même niveau que celui de la décision 11.
– Sur ce
Il apparaît que le barème incriminé issu de la décision 15 a clairement exclu dans ses considérants la rémunération de la copie des sources illicites de sorte que ce reproche ne peut plus être fait à la société Copie France.
Il ressort des explications de la société Copie France que la Commission de la Copie Privée a fait effectué des études d’impact, la première réalisée par le CSA au cours de l’année 2011 avant l’annulation par l’arrêt du 17 juin 2011 du Conseil d’Etat de la décision n°11 qui portait sur les fonctionnalités, les caractéristiques techniques et les pratiques de copie privée des tablettes multimédias utilisables à des fins de copie privée et une seconde réalisée après l’annulation de la décision qui devait permettre pour fixer la rémunération de donner des éléments utiles à la Commission de la Copie Privée sur la base des capacités techniques des matériels et de leur évolution, le type d’usage qui en est fait par les différents utilisateurs en recourant à des enquêtes et sondages.
Les sociétés Apple ont déjà contesté l’impartialité de cette seconde étude réalisée dans un temps restreint du fait de la nécessité de prendre une nouvelle décision avant le 1er janvier 2013 et il a déjà été répondu sur ce point.
Elles ne peuvent contester la valeur de l’étude alors même que le collège auxquelles elles appartiennent a refusé de donner les moyens financiers d’une étude plus complète.
Ainsi, le reproche tenant à l’absence d’étude d’impact qu’avait sanctionné l’arrêt Canal+ Distribution n’est pas évident et il appartiendra au Conseil d’Etat d’apprécier la teneur de ces études d’impact et leur caractère suffisant.
Pour ce qui est de l’identité des barèmes postérieurs à la décision Simavelec qui a interdit la prise en compte de la copie de sources illicites avec ceux qui les prenaient en compte, il appartiendra là encore au Conseil d’Etat de dire si l’augmentation en volume des téléchargements du fait de la compression des fichiers et de l’augmentation des capacités de stockage des matériels pouvait compenser au sein des barèmes le fait de ne plus prendre en compte les téléchargements illégaux.
Ainsi ces contestations sont importantes même si la société Copie France y a répondu et sont soumises à l’appréciation du Conseil d’Etat.
Les éléments débattus ne permettent pas au juge des référés d’évaluer l’issue de ces moyens devant la juridiction administrative et donc leur caractère sérieux de sorte que la demande de provision sera accueillie.
Cependant, les sociétés Apple qui admettent que les tablettes peuvent être soumises au versement de la compensation équitable et adressent leurs notes de débit à la société Copie France, qui ont indiqué avoir placé sur un compte spécial dont elles n’ont donné ni les références bancaires ni l’emplacement les sommes dues en vertu des notes de débit émises par la société Copie France à partir des informations qu’elles lui ont adressées, craignent que la société Copie France ne soit plus capable de représenter les sommes en cas d’annulation des décisions 13, 14 et 15 par le Conseil d’Etat car d’une part elles sont d’un montant important et que d’autre part de nombreuses demandes sont formées à l’encontre de nombreuses sociétés qui contestent le paiement des notes de débit.
Pour tenir compte des intérêts des deux parties et respecter une proportionnalité dans les droits de chacun, il sera ordonné aux sociétés Apple de séquestrer sur un compte séquestre ouvert à la Caisse des Dépôts et Consignations le montant des sommes dues à la société Copie France à titre de provision.
Sur le montant des sommes à séquestrer
Après échange de notes en délibéré, les parties sont d’accord sur les doublons de facturation pour un montant de 2.698.987,68 € TTC et sur les notes de crédit liées à des exportations non prises en compte initialement pour un montant de 349.794,05 €, ce qui ramène la somme réclamée par la société Copie France à 18.223.228,70 € TTC.
Pour ce qui est des sommes payées par les sociétés Apple et dont elles demandent le remboursement à hauteur de 182.248,04 € TTC, la société Copie France conteste avoir reçu paiement de ces sommes et il appartient aux sociétés Apple qui affirment avoir payé ces sommes d’en rapporter la preuve, ce qu’elles ne font pas.
Elles seront déboutées de leur demande de remboursement de cette somme et de séquestration à leur profit de cette même somme.
La somme que les sociétés Apple devront séquestrées entre les mains de la Caisse des Dépôts et Consignations s’élève donc à 18.223.228,70 € TTC.
Il ne sera pas fait droit à la demande de consignation des sommes ducs sur le fondement de la décision n°15 puisque n’étant pas encore connues et exigibles, le juge des référés ne peut statuer sur cette demande d’autant que les décisions du Conseil d’Etat saisi des demandes de nullité des décisions 13, 14 et 15 sont attendues.
Sur les autres demandes
L’équité ne commande pas d’allouer de somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Vu les circonstances de l’espèce, chacune des parties supportera ses propres dépens.
DÉCISION
Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe le jour du délibéré,
. Disons que le caractère sérieux des contestations émises par les sociétés Apple n’est pas établi ;
. Disons sans objet la demande des sociétés Apple tendant à voir poser une question préjudicielle à la CJUE ;
En conséquence,
. Disons que les sociétés Apple ne peuvent suspendre le paiement de la somme de 18.223.228,70 € TTC € due en application de la décision 15 de la Commission de la Copie Privée pour la période allant de janvier 2013 à janvier 2014 inclus.
. Ordonnons à la société Apple Distribution International et à la société Apple Retail France de verser in solidum la somme de 18.223.228,70 € sur un compte séquestre ouvert dans les livres de la Caisse des dépôts et Consignations désigné en qualité de séquestre judiciaire.
. Disons que le séquestre sera levé sur production de la décision du Conseil d’Etat rendue sur la demande de nullité de la décision n°15 de la Commission de la Copie Privée formée par notamment les sociétés Apple, en faveur de l’une ou l’autre partie selon la teneur de la décision.
. Déboutons les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
. Rappelons que la présente décision est exécutoire par provision.
. Disons que chaque partie supportera ses propres dépens.
Le tribunal : Mme Marie-Christine Courboulay (présidente)
Avocats : Me Olivier Chatel, Me Sophie Soubelet-Caroit
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