Jurisprudence : Jurisprudences
TGI de Paris, 3ème ch. 1ere sec., jugement du 9 février 2017
MFM Développement / Radio Madras et consorts
nom de domaine - radio - territorialité - usage de la marque
La société MFM Développement, immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis le 23 mars 1995, est spécialisée dans l’édition et la diffusion de programmes radiophoniques. Elle vient aux droits de la société LV & Co, laquelle avait bénéficié le 28 mai 2006 de la transmission universelle du patrimoine de la société CIRTES, première exploitante de la radio « MFM » créée en 1976 et initialement désignée sous le nom commercial « Montmartre FM ».
La radio MFM émet à ce jour sur plus de 80 fréquences qui couvrent l’ensemble du territoire métropolitain. La société MFM Développement exploite également les sites internet www.mfm.fr et www.mfmradio.fr dont les noms de domaines lui appartiennent, qui permettent notamment l’écoute en direct de la radio et donnent accès à quinze webradios différentes.
La radio MFM est également accessible depuis une application disponible sur smartphones et tablettes.
La société MFM Développement est titulaire des marques suivantes :
– la marque verbale française « — Montmartre » déposée depuis le 7 mars 1996 , enregistrée et renouvelée sous le numéro 96615028 pour désigner les produits et services relevant des classes 35, 38 et 41 ;
– la marque verbale française « » déposée le 21 décembre 2001, enregistrée et renouvelée sous le numéro 3138277 pour désigner des produits et services relevant des classes 9, 16, 35, 38 et 41 ;
– la marque française semi-figurative en couleur MFM déposée le 13 juillet 2004 et enregistrée sous le numéro 3304151 pour désigner des produits et services relevant des classes 9, 16, 28, 35, 38 et 41.
L’association Radio Madras Indienne a été créée le 21 novembre 1984 par monsieur X. qui en est également président. Elle a été autorisée par le CSA à exploiter un service de radiodiffusion intitulé Radio Madras FM (MFM) dès 1993, autorisation reconduite par la suite. Cette radio émet exclusivement sur les ondes FM de Guadeloupe ainsi que sur internet via les sites www.mfmradio.fm et www.mfmtv.tv dont les noms de domaine ont été enregistrés respectivement les 31 décembre 1999 et 18 avril 2013 par monsieur Y. Ce dernier serait également éditeur d’une application de radio en ligne pour smartphones et tablettes proposée sous la dénomination MFM TV.
La société Madras FM Télévision SARL est une société unipersonnelle dont l’associé unique et le gérant est monsieur X. Immatriculée au RCS de Point-à-Pitre le 15 novembre 2010, elle a une activité déclarée d’édition et la diffusion de programmes radio. Elle aurait, selon la société MFM Développement, présenté sa candidature auprès du CSA pour diffuser un service de télévision locale MFM TV dans le département de Guadeloupe.
La société Madras FM Télévision SAS immatriculée le 26 juin 2012 au RCS de Point-à-Pitre a pour activité déclarée la production de films et de programmes pour la télévision. Elle est présidée par monsieur X.. Toutes deux ont pour nom commercial MFM TV et exploiteraient, selon la demanderesse, la marque verbale française « MFMTV » déposée par monsieur X. en date du 7 avril 2011 et enregistrée sous le n°3821806 pour désigner des produits et services des classes 9, 16, 35, 38 et 41.
Courant 2008, un précédent litige avait opposé la société LV & Co, aux droits de laquelle se trouve aujourd’hui la société MFM Développement à monsieur Y. au sujet du nom de domaine mfmradio.fr enregistré par ce dernier et exploité par l’association Radio Madras Indienne. Suivant ordonnance de référé réputée contradictoire rendue en date du 9 mars 2009, le président du tribunal de grande instance de Paris interdisait sous astreinte à monsieur Y. ainsi qu’à tout tiers de son chef d’utiliser la dénomination MFM à quelque titre que ce soit et ordonnait également sous astreinte le transfert du nom de domaine “ mfmradio.fr ” au bénéfice de la société LV & Co. Au fond, par jugement réputé contradictoire en date du 9 avril 2010, le tribunal de grande instance de Paris retenait que l’enregistrement et l’exploitation par monsieur Y. du nom de domaine mfmradio.fr constituait une contrefaçon de marques et une atteinte au nom commercial MFM, au nom de domaine mfmf.fr au préjudice de la société LV & Co, ordonnait le transfert à son bénéfice du nom de domaine en cause et interdisait à monsieur Y. et à tous tiers de son chef toute utilisation de la dénomination MFM à quelque titre que ce soit.
La société MFM Développement explique avoir récemment constaté qu’au sein des bouquets TV proposés par les opérateurs de télécommunication Free et Numéricâble était diffusée une chaîne de télévision musicale sous le nom « MFM TV » utilisant le signe semi figuratif MFM TV suivant :
– Elle ajoute que la radio MFM Radio est également diffusée via l’offre Canalsat de Canal + depuis le mois de janvier 2015.
Elle indique également avoir découvert l’existence du site internet www.mfmradio.fr, également accessible depuis l’adresse URL www.mfmtv.tv proposant :
– des services de télévision sous le signe MFM TV associés au logo suivant :
– des services de radio sous le signe « MFM » et émettant en Guadeloupe et en métropole sous les signes MFM et MFM TV.
Les contacts pris avec la société FREE et avec le CSA lui permettaient d’identifier la société Madras FM Télévision SARL comme étant l’éditrice des services de télévision diffusés sur le bouquet Freebox dûment déclarés au CSA le 12 février 2013.
Après avoir fait constater, par procès-verbaux de l’agence de la protection des programmes en date des 23 décembre 2013 et 10 janvier 2014, l’exploitation des sites internet litigieux et d’une page facebook en faisant la promotion et avoir, par constat d’huissier du 22 mai 2014, fait constater la diffusion de la chaîne de télévision MFM TV au sein du bouquet d’offre de chaînes de télévision Freebox, la société MFM Développement a, par courrier du 27 janvier 2014, mis en demeure les défendeurs de cesser les agissements litigieux. Les échanges ultérieurs entre les parties n’ont pas permis de trouver de solution amiable au litige naissant.
Par ordonnance de référé du 4 février 2015, le président du tribunal de grande instance de Paris, saisi par la société MFM Développement des agissements litigieux, a déclaré irrecevable la demande de transfert des noms de domaine en cause et a dit n’y avoir lieu à référer sur les mesures d’interdiction d’usage du signe MFM en considérant que ces demandes étaient empreintes d’une contestation sérieuse « sur l’antériorité de l’usage du signe MFM en tant qu’enseigne par l’association Radio Madras Indienne, et sur la possibilité pour la société MFM Développement de solliciter des mesures d’interdiction en invoquant des marques postérieures ».
C’est dans ces conditions que, par acte d’huissier en date du 30 avril 2015, la société Développement a assigné monsieur X., l’association Radio Madras Indienne, la SARL Madras FM Télévision, la SAS Madras FM Télévision et monsieur Y. devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marques, en « usurpation de dénomination sociale, de nom commercial, d’enseigne et de noms de domaine » et en concurrence déloyale et parasitaire.
Au terme de ses dernières conclusions, notifiées par la voie électronique le 15 novembre 2016, auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société Développement demande au tribunal, au visa des articles L.713-3, L.712-6, L.716-3 et L.716-6 du code de la propriété intellectuelle, de l’article 1240 du code civil (anciennement 1382 du code civil avant sa modification par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016), des articles 46, 699 et 700 du code de procédure civile :
– De déclarer la société MFM Développement SA recevable et bien- fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
A TITRE PRINCIPAL :
– De constater que les noms de domaine « mfmradio.fm » et « mfmtv.tv », la marque verbale française « » n°3821806 et ses représentations semi-figuratives
le nom commercial « TV » des sociétés Madras FM Télévision SARL et Madras FM Télévision SAS constituent l’imitation des marques verbales «MFM Montmartre » n°96615028, « MFM » n°3138277 et semi-figurative n°3304151 de la société MFM Développement SA ;
– De Dire et Juger que l’enregistrement et l’exploitation des noms de domaine «mfmradio.fm » et « mfmtv.tv » et de la marque verbale française « MFMTV » n°3821806 pour permettre l’accès à un site internet, à une chaîne de radio et de télévision diffusées sur le bouquet de chaîne de télévision Free et sur une application pour smartphones et tablettes, désignés sous le signe « MFM » et « MFM TV » et « MFM RADIO » via lesquels sont diffusés et publiés des programmes radiophoniques et télévisuels, en particulier à destination de la métropole, constituent la contrefaçon par imitation des marques verbales « MFM Montmartre » n°96615028, « MFM » n°3138277 et semi-figurative n°3304151 de la société MFM Développement SA, à tout le moins portent atteinte aux marques précitées;
– De Dire et Juger que l’enregistrement et l’exploitation des noms de domaine «.fm» et « .tv » et de la marque verbale française « MFMTV » n°3821806 pour permettre l’accès à un site internet, à une chaîne de radio et de télévision diffusées sur le bouquet de chaîne de télévision Free et sur une application pour smartphones et tablettes, désignés sous le signe « MFM » et « MFM TV » et « MFM RADIO » lesquels sont diffusés et publiés des programmes radiophoniques et télévisuels, constituent des actes d’usurpation de la dénomination sociale MFM Développement, du nom commercial et de l’enseigne « », des noms de domaine « mfm.fr » et « mfmradio.fr » de la société MFM Développement ;
– De Dire et Juger que l’enregistrement des noms de domaine « mfmradio.fm » et « mfmtv.tv » et de la marque verbale française “ MFM TV ” n°3821806 est frauduleux ;
– De Dire et Juger que l’utilisation des slogans « MFM la radio 100 % tubes » et « MFM TV la télé 100 % tubes » constitue des actes de parasitisme et de concurrence déloyale au préjudice de la société MFM Développement ;
En conséquence
– De Condamner monsieur Y., monsieur X., l’association Radio Madras Indienne, ainsi que les sociétés Madras FM Télévision SARL et Madras FM Télévision SAS, à verser in solidum à la société MFM Développement SA la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre des actes de contrefaçon des marques précitées ;
– De condamner monsieur Y., monsieur X., l’association Radio Madras Indienne, ainsi que les sociétés Madras FM Télévision SARL et Madras FM Télévision SAS, à verser in solidum à la société MFM Développement SA à la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre des actes d’usurpation de dénomination sociale, de nom commercial, d’enseigne et de noms de domaine ;
– D’ordonner à monsieur Y., monsieur X., l’association Radio Madras Indienne, ainsi que les sociétés Madras FM Télévision SARL et Madras FM Télévision SAS, la cessation de la diffusion de la chaîne de télévision MFM TV, et ce, sous astreinte in solidum de 5.000 euros par infraction constatée à compter huit (8) jours de la signification du jugement à intervenir ;
– D’ordonner à monsieur Y., monsieur X., l’association Radio Madras Indienne, ainsi que les sociétés Madras FM Télévision SARL et Madras FM Télévision SAS, dans l’attente du transfert effectif des noms de domaine “ mfmradio.fm ”et « mfmtv.tv » au bénéfice de la société MFM Développement SA, la suspension immédiate du site internet accessible aux adresses URL www.mfmradio.fm et www.mfmtv.tv et ce, sous astreinte in solidum de 5.000 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir ;
D’ordonner à monsieur Y., monsieur X., l’association Radio Madras Indienne, ainsi que les sociétés Madras FM Télévision SARL et Madras FM Télévision SAS, la cessation de la mise à disposition et l’exploitation, en particulier depuis le store Google Play de Google et depuis l’App store d’Apple, de l’application MFM TV et ce, sous astreinte in solidum de 5.000 euros par infraction constatée à compter de huit (8) jours après de la signification du jugement à intervenir ;
– D’ordonner à monsieur Y., monsieur X., l’association Radio Madras Indienne, ainsi que les sociétés Madras FM Télévision SARL et Madras FM Télévision SAS et à tous tiers de leur chef, de cesser toute utilisation de la dénomination « MFM » sous quelle que forme que ce soit (nom de domaine, marque, enseigne, titre de site internet, etc.) et sur quel que support que ce soit physique ou immatériel (site internet, chaîne de télévision et application pour smartphones et tablettes notamment) aux fins de désigner une activité radiophonique et/ou télévisuelle sur l’ensemble du territoire métropolitain, depuis et/ou à destination de la métropole, et ce sous astreinte in solidum de 5.000 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir ;
– D’ordonner à monsieur Y. de transférer les noms de domaine « mfmradio.fm » et « mfmtv.tv » au bénéfice de la société MFM Développement SA, et ce sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;
– D’autoriser, en tant que de besoin, la société MFM Développement SA à notifier entre les mains de la société OVH SARL, unité d’enregistrement en charge de la gestion des noms de domaine « mfmradio.fm » et « mfmtv.tv » ainsi que, le cas échéant, à l’association française de nommage internet en coopération (AFNIC), du jugement à intervenir, en vue de faire procéder à leur transfert au bénéfice de la société MFM Développement SA ;
– D’ordonner à monsieur X. de procéder à l’annulation de la marque « MFMTV » n°3821806 et ce, sous astreinte de 5.000 € par jour de retard, passé le délai de quinze (15) jours à compter de la signification du jugement à intervenir ;
– D’autoriser la société MFM Développement à notifier le jugement à intervenir à Monsieur le directeur général de l’institut national de la propriété industrielle ;
– D’ordonner à monsieur X., en sa qualité d’associé unique et de gérant de la société Madras FM Télévision SARL et en sa qualité de président de la société Madras FM Télévision SAS, et aux sociétés Madras FM Télévision SARL et Madras FM Télévision SAS, de procéder à la modification des dénominations sociales et du nom commercial MFM TV des sociétés Madras FM Télévision SARL et Madras FM Télévision SAS :
* en convoquant et tenant pour ce faire, une assemblée générale extraordinaire des sociétés Madras FM Télévision SARL et Madras FM Télévision SAS ayant pour objet la modification de leur dénomination sociale et nom commercial en supprimant toute référence au signe distinctif MFM ;
* en modifiant en conséquence les statuts des sociétés Madras FM Télévision SARL et Madras FM Télévision SAS, et en effectuant les formalités subséquentes auprès du registre du commerce et des sociétés ;
* en notifiant au CSA le changement de dénominations sociales et de nom commercial comme du signe distinctif sous lequel la chaîne de télévision litigieuse MFM TV sera dorénavant exploitée ;
– De Dire que les injonctions relatives à la modification des dénominations sociales et du nom commercial MFM TV des sociétés Madras FM Télévision SARL et Madras FM Télévision SAS prononcées seront assorties d’une astreinte in solidum de 5.000 euros par jour de retard constaté à compter d’un (1) mois après la signification du jugement à intervenir ;
– De Condamner monsieur Y., monsieur X., l’association Radio Madras Indienne, ainsi que les sociétés Madras FM Télévision SARL et Madras FM Télévision SAS, à verser in solidum à la société MFM Développement SA la somme de 30.000 euros au titre des frais irrépétibles, par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– De Condamner monsieur Y., monsieur X., l’association Radio Madras Indienne, ainsi que les sociétés Madras FM Télévision SARL et Madras FM Télévision SAS in solidum aux entiers dépens, en ce compris les frais de constats de l’agence pour la protection des programmes et de Maîtres Eric Albou et Antoine Notte, huissiers de justice.
En réplique, dans leurs dernières écritures, notifiées par la voie électronique le 11 décembre 2015, auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de leurs moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, monsieur X., l’association Radio Madras Indienne, la SARL Madras FM Télévision et la SAS Madras FM Télévision demandent au tribunal :
– De Déclarer MFM Développement irrecevable en son action sur le fondement des dispositions des articles L.713-3 et L.711-4 du code de la propriété intellectuelle ;
– De Dire et Juger que MFM Développement n’établit aucunement que l’exploitation et l’enregistrement de la marque « MFMTV » et des noms de domaine « mfmradio.fm » et « mfmtv.tv » soient constitutifs d’actes de contrefaçon au sens de l’article L.713-3 du code précité ;
– De dire et Juger que la marque verbale « MFM », et les marques semi figuratives MFM_Montmartre, appréciées de manière globale, n’ont pas été imitées en l’espèce ;
– De Dire et Juger que les produits et services visés par les signes distinctifs respectifs des parties ne sont ni identiques, ni similaires ;
– De constater l’antériorité de l’usage de l’enseigne MFM par l’association Radio Madras Indienne depuis 1993 ;
– De constater que l’aire de notoriété culturelle de la Radio Madras Indienne MFM correspond globalement au public de culture domienne établi dans un département d’outremer ou en métropole ;
– De Juger qu’il ne peut résulter aucun risque de confusion dans l’esprit du public quant aux signes distinctifs incriminés ;
En conséquence ;
– De Débouter MFM Développement de l’ensemble de ses demandes ;
– De Condamner MFM Développement à verser à chacun des défendeurs concluant la somme de 5.000 euros ;
– De Condamner MFM Développement aux dépens par distraction au profit de Maître Nadine Rault ;
Monsieur Y., régulièrement assigné à étude n’ayant pas constitué avocat, il sera statué par jugement réputé contradictoire conformément à l’art 473 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 novembre 2016.
DISCUSSION
En application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il appartient au tribunal de statuer sur le fond en ne faisant droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Les assignations ayant été enrôlées sous deux numéros de RG distincts, il convient en premier lieu pour une bonne administration de la justice d’ordonner la jonction de l’instance inscrite sous le numéro de RG 15/05889 avec celle inscrite sous le numéro de rôle général 15/07496.
1°) Sur la contrefaçon de marque
Fondant son action à titre principal sur l’article L.713-3 et à titre subsidiaire sur l’article L.713-6 du code de la propriété intellectuelle, la société MFM Développement explique que son action a pour objet de faire interdire sur le territoire national les activités télévisuelles conduites par les sociétés Madras FM Télévision SARL et Madras FM Télévision SAS et à cantonner à la Guadeloupe les activités radiophoniques conduites par l’Association Radio Madras indienne sous le signe MFM.
Pour ce faire, elle soutient que les noms de domaine « mfmradio.fm » et « mfmtv.tv », la marque verbale française « MFMTV » n°3821806 et les différents logos qui la déclinent, tout comme le nom commercial « MFM TV » des sociétés Madras FM Télévision SARL et Madras FM Télévision SAS constituent l’imitation de ses marques verbales «MFM Montmartre » n°96615028, « MFM » n°3138277 et de la marque semi-figurative n°3304151.
Procédant à la comparaison des signes et des services en présence, elle souligne que l’élément prédominant de ses marques est le signe verbal « MFM » et que les noms de domaine et marque litigieux ne s’en distinguent que par l’adjonction des suffixes « radio » et « tv » insignifiants eu égard à leur caractère descriptif de la nature des services qu’ils désignent. Elle déduit de la similarité des signes en présence sur un plan visuel, phonétique et intellectuelle et de l’identité de l’activité exercée par les défendeurs au travers des sites litigieux comme des services visés par la marque litigieuse avec les services visés par ses propres marques un risque de confusion pour le consommateur d’attention moyenne défini comme l’auditeur d’émission radiophonique. Elle ajoute que ce risque est d’autant plus grand qu’il est de pratique courante pour les opérateurs économiques dans le domaine radiophonique d’étendre leurs activités à des chaînes de télévision et pour les stations radiophoniques métropolitaines d’étendre leur diffusion aux DOM-TOM.
Elle affirme par ailleurs que l’association Radio Madras FM ne peut en sa qualité d’association se prévaloir de droits sur un nom commercial MFM et qu’au demeurant, si elle entend se prévaloir de l’usage de ce signe à titre d’enseigne, elle ne démontre pas son caractère continu sur l’intégralité du territoire national, les seules preuves d’usage produites datant pour les plus anciennes de 2013. Elle ajoute que le nom commercial MFM TV des sociétés Madras FM Télévision SARL et SAS sont postérieurs aux droits de marque dont elle se prévaut, tout comme les noms de domaine enregistrés par monsieur Y.
En réponse, les défendeurs contestent toute contrefaçon aux motifs d’une part que les services en cause ne sont pas similaires, ceux exercés sous les signes litigieux étant exclusivement des services de diffusion radiophonique et télévisuelle locaux alors que la société MFM Développement exploite une radio nationale et aucune chaîne de télévision. Elle souligne également les différences sur un plan visuel entre les signes et conteste l’existence de tout risque de confusion dans l’esprit du public en indiquant que l’exploitation par l’association Radio Madras Indienne de la radio Madras Indienne MFM sous l’enseigne MFM qui date de 1993 est antérieure à « la dénomination sociale MFM et à son exploitation en tant que radio par la société MFM Développement qui ne date en réalité que du 9 avril 1995 et non point de 1976 ». Elle ajoute que la notoriété de la radio « Madras MFM » lui confère une « aire de notoriété culturelle » étendue aux « populations domiennes » vivant aux Antilles, en Guyane, à la Réunion et en Métropole. Elle en déduit que le propriétaire d’une marque postérieure ne peut s’opposer à cet usage d’une enseigne qui lui est antérieure sur son aire de notoriété. Elle ajoute que le public concerné par les deux radios n’est pas le même et que les pages d’accueil des sites internet des parties sont radicalement différentes.
Sur ce
Conformément à l’article L 716-1 du code de la propriété intellectuelle, l’atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon, qui peut être prouvée par tout moyen en vertu de l’article L 716-7 du même code, engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits de la marque la violation des interdictions prévues aux articles L 713-2, L 713-3 et L 713-4 du même code.
En vertu de l’article 713-2 du code de la propriété intellectuelle, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire :
a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que : « formule, façon, système, imitation, genre, méthode », ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement ;
b) La suppression ou la modification d’une marque régulièrement apposée.
Enfin, aux termes de l’article L 713-3 du code de propriété intellectuelle, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public :
a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ;
b) L’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement.
En application du droit interne interprété à la lumière de la directive 2015/2436 du 216 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres, le risque de confusion doit faire l’objet d’une appréciation abstraite par référence au dépôt d’une part en considération d’un public pertinent correspondant au consommateur des produits et services concernés normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, et d’autre part par comparaison entre le signe litigieux utilisé et la marque protégée par référence à son enregistrement indépendamment de ses conditions d’exploitation mais également par comparaison des services et produits visés dans l’enregistrement et des produits et services commercialisés sous le signe litigieux. Le risque de confusion est en outre analysé globalement : tous les facteurs pertinents, dont la notoriété de la marque et l’importance de sa distinctivité, doivent être pris en considération, l’appréciation globale de la similitude de la marque et du signe litigieux devant être fondée sur l’impression d’ensemble qu’ils produisent au regard de leurs éléments distinctifs et dominants.
La contrefaçon s’appréciant par référence à l’enregistrement de la marque, les conditions d’exploitation du signe par le titulaire de la marque sont indifférentes : seules doivent être prises en compte les conditions d’exploitation du signe litigieux et de commercialisation des produits argués de contrefaçon à l’égard desquels sera examinée la perception du public pertinent.
La société MFM Développement reproche à :
– à monsieur Y. l’enregistrement des noms de domaine « mfmradio.fm » et « mfmtv.tv » et à l’Association Radio Madras Indienne leur exploitation à destination du territoire métropolitain ;
– à monsieur X. le dépôt de la marque verbale française « MFMTV » n°3821806 le 7 avril 2011 pour désigner des produits et services des classes 9, 16, 35, 38 et 41 et aux sociétés Madras FM Télévision SARL et SAS l’usage de cette marque pour désigner leurs activités télévisuelles,
– aux sociétés Madras FM Télévision SARL et SAS l’usage du nom commercial « MFM TV ».
Elle oppose, de manière globale et non différenciée, les droits de propriété intellectuelle dont elle dispose sur les marques françaises suivantes :
– la marque verbale n° 96615028 « MFM – Montmartre » déposée le 7 mars 1996, enregistrée et renouvelée pour désigner les produits et services relevant des classes 35, 38 et 41, notamment les services de « télécommunications » et « communications par terminaux d’ordinateur » de la classe 38 ;
– la marque verbale n° 3138277 « MFM » déposée le 21 décembre 2001, enregistrée et renouvelée pour désigner des produits et services relevant des classes 9, 16, 35, 38 et 41, notamment les services de « par terminaux d’ordinateurs. Communications radiophoniques, téléphoniques, émissions radiophoniques, télévisées, radiodiffusion, diffusion de programmes radiophoniques et de télévision, messagerie électronique, communication (transmission) sur tous supports multimédia, dont l’Internet » de la classe 38 et « divertissement ; activités culturelles » de la classe 41 ;
– la marque semi-figurative en couleur « MFM » n° 3304151 déposée le 13 juillet 2004 et enregistrée pour désigner des produits et services relevant des classes 9, 16, 28, 35, 38 et 41, et notamment les mêmes que ceux visés ci-dessus.
a. Sur la contrefaçon de marque du fait de l’enregistrement et de l’exploitation des noms de domaine « mfmradio.fm » et « mfmtv.tv »
Il convient en premier lieu de relever que la nature de l’usage de ces signes, notamment en considération de l’arrêt Céline rendu par la CJUE alors CJCE le 11 septembre 2007, n’est pas en débat.
Les noms de domaine www.mfmradio.fr et www.mfmtv.tv ont été enregistrés respectivement les 31 décembre 1999 et 18 avril 2013 par monsieur Y. ainsi qu’il ressort des fiches whois produites aux débats. Néanmoins, le nom de domaine étant un signe d’usage soumis au principe de spécialité, il ne peut risquer d’emporter une atteinte à une marque qu’à compter de la date de son exploitation effective dans le commerce indépendamment de l’accomplissement de toutes formalités qui président à son enregistrement, et uniquement si un risque de confusion dans l’esprit du public est démontré en considération de l’identité ou la similitude des signes ainsi que des produits et services objets des activités concurrentes et de la connaissance des signes par les consommateurs dans la zone dans laquelle s’exerce la concurrence entre les parties. En l’espèce, si la date à laquelle les sites litigieux ont commencé à être exploités n’est pas précisément rapportée, il résulte des conclusions des défenderesses que leur mise en ligne est en toutes hypothèses postérieure au blocage du précédent site www.mfm.fr intervenu dans le cadre de la procédure ayant opposé à ce sujet monsieur Y. à la société LV & Co aux droits de laquelle se trouve la société MFM Développement, soit postérieurement au 9 avril 2010 (leurs conclusions page 4
« Quelques années plus tard, l’association Radio Madras FM (MFM) dû constater que son site Internet avait été entièrement bloqué ce qui la contraignit à déposer un nouveau nom de domaine pour exploiter son site Internet : www.mfmradio.fm et plus tard le nom de domaine www.mfmtv.tv pour l’exploitation d’une chaîne de télévision numérique »). A cette date, la société MFM Développement était bien titulaire des trois marques qu’elle entend opposer et à l’égard desquelles la contrefaçon sera examinée.
Il n’est pas contesté, et au demeurant confirmé par le constat d’huissier dressé le 23 décembre 2013 et 10 janvier 2014 que ces sites internet sont exploités pour diffuser les programmes de la station de radio Radio Madras FM (MFM), exploitée par l’association Radio Madras Indienne, et pour diffuser les programmes musicaux de la chaîne de télévision MFM TV édités par la SARL Madras FM Télévision. Ces services sont en conséquence identiques aux services « émissions radiophoniques, télévisées, radiodiffusion, diffusion de programmes radiophoniques et de télévision, communication (transmission) sur tous supports multimédia, dont l’Internet » visés en classe 38 tant par la marque verbale MFM n°3138277 que par la marque semi-figurative « MFM » n° 3304151. En revanche, la marque « MFM-Montmartre » ne couvre pas ces mêmes services de télédiffusion et de radiodiffusion, qui ne peuvent par leur spécificité être assimilés aux services de « télécommunications » et « communications par terminaux d’ordinateurs » lesquels ne comportent aucune précision sur la nature des services ainsi transmis.
En l’absence de similarité entre les services, les demandes en contrefaçon de cette dernière marque « MFM Montmartre » ne peuvent qu’être rejetées.
Rédigés en français, ces sites internet s’adressent à un public francophone et notamment au public français métropolitain, peu important la spécialisation en musique antillaise des programmes télévisuels et radiophoniques ainsi diffusés, ce style de musique n’étant ni réservé ni exclusivement destiné, comme l’affirment les défenderesses, aux seules personnes résidant ou originaires des Antilles, sauf à affirmer l’existence d’une détermination géographique particulièrement discriminante des goûts musicaux de chacun. Dans ce contexte, le public pertinent à prendre en considération pour l’appréciation du risque de confusion est constitué par l’auditeur et le téléspectateur français raisonnablement avisé et normalement attentif de programmes radiophoniques et de chaînes de télévision musicales.
Les marques n°3138277 et n°3304151 sont exclusivement constituées du signe MFM, dont la distinctivité n’est pas en débat, de manière uniquement verbale pour la première et reproduit de manière stylisé en blanc inséré dans un losange rouge, avec une nette prééminence de la lettre M pour la seconde. Les noms de domaine litigieux sont constitués quant à eux de l’association des suffixes radio et tv au signe MFM. Ces suffixes étant exclusivement constitués par la désignation usuelle des services exploités à travers des sites internet litigieux, l’élément dominant est le signe MFM, identique à celui constituant l’élément verbal des marques opposées. Les logos MFM figurant sur les sites litigieux ont de plus en commun avec la marque semi-figurative opposée de comporter la lettre d’accroche M en caractère beaucoup plus important que les lettres FM qui lui sont accolées, ainsi que les couleurs rouge et blanc employées. De ce point de vue, la similarité entre les signes est grande tant sur un plan visuel, phonétique que conceptuel. L’identité des services proposés au-travers des sites litigieux, alliés à la forte similitude entre les signes génère nécessairement pour l’auditeur de programme radiophonique ou le téléspectateur de chaîne de télévision musicale d’attention moyenne un risque de confusion en ce qu’il sera conduit à attribuer aux services proposés une origine commune, et ce peu important que la demanderesse ne prétende pas éditer ni diffuser de services télévisuels, la contrefaçon s’appréciant par comparaison des services et produits visés dans l’enregistrement. La contrefaçon par imitation est ainsi caractérisée, du fait tant de monsieur Y., titulaire des noms de domaine litigieux que de l’Association Radio Madras Indienne en qualité d’éditeurs des services radiophoniques diffusés par l’intermédiaire de ces sites et de la société Madras FM Télévision SARL à raison de sa qualité d’éditeur des programmes télévisuels qui y sont diffusés.
Le moyen de défense développé par l’Association Radio Indienne Madras, tenant à l’usage antérieur au dépôt des marques d’une « enseigne MFM », à supposer son existence établie, ne pourrait au demeurant que permettre à celle-ci de se prévaloir des dispositions de l’article L. 713-6 du code de la propriété intellectuelle relatif à la possibilité d’utiliser un signe similaire à une marque à titre de dénomination sociale, nom commercial ou enseigne lorsque cette utilisation est antérieure à l’enregistrement, mais non à lui permettre d’exploiter postérieurement un nom de domaine comportant cette dénomination. Pour autant, cet usage, induit selon la défenderesse de l’exploitation de la radio sous la dénomination « Radio Madras FM- MFM », lequel pourrait le cas échéant être considéré comme un nom commercial identifiant un fonds de commerce et non comme une enseigne identifiant un lieu d’exploitation commerciale, n’est pas démontré du seul fait de l’autorisation administrative d’émettre délivrée par le CSA depuis 1993, qui plus est sous la dénomination « Radio Madras FM (MFM) et non sous la seule dénomination « MFM », faute de preuve de la date de début de l’activité effective de la radio sous ce nom, les seules pièces produites à ce sujet, pour celles pouvant être datées, se rapportant à des usages ayant eu lieu en 2013 et 2014, soit bien après l’enregistrement des marques de la demanderesse.
b. Sur la contrefaçon de marque du fait de la marque n°3821806 MFMTV et du nom commercial MFMTV
La marque verbale française «MFMTV » litigieuse a été déposée par monsieur X. le 7 avril 2011 et enregistrée sous le n°3821806 pour désigner des produits et services des classes 9, 16, 35, 38 et 41 et notamment des services de « Communications radiophoniques ou téléphoniques ; Services de radiotéléphonie mobile ; Emissions radiophoniques ou télévisées » de la classe 38, identiques à ceux couverts par les marques MFM verbale n° 3138277 et semi-figurative n° 3304151, et des services de « télécommunications, agences de presse et d’informations, communications par terminaux d’ordinateur » identiques à ceux visés par la marque MFM-Montmartre n° 96615028 en classe 38.
Elle se présente en lettres bâton noires dans un graphisme légèrement pixellisé. Par référence à l’analyse des signes effectuée en rapport avec le nom de domaine www.mfmtv.tv, il est établi la similarité de ce signe avec les marques verbales et semi-figurative MFM en raison du caractère dominant dudit vocable et de l’insignifiance du suffixe TV purement descriptif qui sera perçu uniquement comme la désignation usuelle des services ayant vocation à être désignés par la marque litigieuse. En revanche, l’ajout dans la marque n°96615028 aux lettres MFM, dont les deux dernières désignent manifestement la bande FM et qui forment donc ensemble un vocable à la distinctivité faible, du terme Montmartre, tout aussi dominant que le premier et à la distinctivité supérieure en ce qu’il n’est pas établi qu’il corresponde à une origine géographique des services visés, exclut la similarité entre les signes et donc la contrefaçon de cette marque.
La similarité entre les signes MFM des marques verbale n°3138277 et semi-figurative n° 3304151 et de la marque litigieuse alliée à l’identité entre les produits engendre pour le public pertinent, tel que défini plus haut, un risque d’attribuer aux services proposés une origine commune.
La contrefaçon par imitation des marques MFM verbale n°3138277 et semi-figurative n° 3304151 est donc caractérisée du chef de monsieur X. en sa qualité de titulaire de la marque litigieuse et des sociétés Madras FM Télévision SARL ET SAS qui font usage de cette marque ce qu’elles ne contestent pas.
Ces dernières sociétés ne contestant pas non plus faire usage du nom commercial MFM TV, ainsi qu’il est mentionné dans leurs statuts respectifs, la contrefaçon par imitation des marques n°3138277 et 3304151 est également établie de ce chef.
2°) Sur le dépôt frauduleux de la marque MFMTV n°3821806
Au visa de l’adage « fraus omnia corrumpit » et de l’article L.712-6 du code de la propriété intellectuelle, la société MFM Développement sollicite qu’il soit « ordonné à Monsieur X. de procéder à l’annulation de la marque verbale MFMTV n°3821806 ».
Elle expose que la mauvaise foi de ce dernier est établie en ce qu’il avait nécessairement connaissance de ses droits « sur le signe distinctif MFM » du fait notamment de la procédure l’ayant opposé en 2009 et 2010 à monsieur Y. au sujet du nom de domaine « mfmradio.fr » dont l’association Radio Madras Indienne et donc son président avaient parfaitement connaissance.
En réponse, les défendeurs contestent toute mauvaise foi et font valoir que ce dépôt de marque, comme celui des noms de domaine critiqués, n’avaient pour objectif que de « développer l’activité de Radio madras MFM sur d’autres vecteurs médiatiques ». Ils contestent par ailleurs avoir eu connaissance des précédentes procédures intervenues uniquement entre la société LV&Co devenue MFM Développement et monsieur Y. et se prévalent de l’usage antérieur par l’association Radio Madras Indienne du signe MFM à titre d’enseigne.
Sur ce
A titre liminaire, il convient de considérer que, nonobstant l’énonciation confuse de la demande tendant à ce qu’il soit « ordonné à monsieur X. de procéder à l’annulation de la marque verbale MFMTV n°3821806 », le tribunal est saisi d’une demande de nullité de ladite marque pour dépôt frauduleux.
En application du principe fraus omnia corrumpit, un dépôt de marque est entaché de fraude lorsqu’il est effectué dans l’intention de priver autrui d’un signe nécessaire à son activité présente ou ultérieure. Le caractère frauduleux du dépôt s’apprécie au jour du dépôt et ne se présume pas, la charge de la preuve de la fraude pesant sur celui qui l’allègue. La notion de fraude, d’interprétation stricte, s’apprécie au regard de tous les facteurs pertinents propres au cas d’espèce et notamment la connaissance qu’avait le déposant de l’usage antérieur par un tiers d’un signe identique ou similaire, l’intention du déposant d’empêcher ce tiers de continuer à utiliser ce signe et le degré de protection juridique dont jouissent le signe du tiers et le signe dont l’enregistrement est demandé.
En l’espèce, contrairement à ce que prétendent les défendeurs, il est parfaitement démontré par les pièces produites aux débats que l’association Radio Madras Indienne et donc son président monsieur X., qui n’explicite d’ailleurs en rien quels sont ses liens avec monsieur Y. pourtant titulaire des noms de domaine des sites internet exploités par l’association, avaient connaissance des procédures ayant opposé en 2009 et 2010 ce dernier à la société LV & Co aux droits de laquelle se trouve la demanderesse. Il est notamment avéré que la mise en demeure préalable à l’action contentieuse du 15 octobre 2008, avait expressément porté à la connaissance de monsieur X. lui-même les différentes marques MFM opposées dans le cadre de la présente instance. Si la fraude ne peut se déduire de la simple connaissance par le déposant de l’usage antérieur du signe déposé à titre de marque, l’existence de ce contentieux antérieur au sujet du signe MFM démontre l’intention maligne de monsieur X. qui en déposant à titre de marque un signe similaire qui ne s’en distingue que par l’adjonction d’un suffixe « TV » parfaitement descriptif pour désigner notamment des services de radiodiffusion et télédiffusion identiques à ceux couverts par les marques MFM de la demanderesse, n’a d’autre objet que de priver cette dernière de l’usage d’un signe qui pourrait être nécessaire à son activité future en cas de déclinaison télévisuelle de son activité de radiodiffusion. Quant au moyen tiré du prétendu usage antérieur par l’association Radio Madras Indienne du signe MFM à titre d’enseigne, il a été déjà démontré que la réalité de celui-ci n’est pas démontré et il ne pourrait au demeurant légitimer le dépôt postérieur à titre de marque de ce signe par un tiers, seule la poursuite de l’usage du signe antérieur à titre de dénomination sociale, enseigne ou nom commercial étant visée par l’article L. 713-6 du code de la propriété intellectuelle précité.
Il ressort de ce qui précède que le dépôt par monsieur X. le 7 avril 2011 de la marque verbale française « MFMTV » enregistrée sous le n°3821806 est entaché de fraude. La nullité de l’enregistrement de cette marque sera en conséquence prononcée pour tous les produits et services visés au dépôt.
3°) Sur la demande au titre des « actes d’usurpation de dénomination sociale, de nom commercial, d’enseigne et de nom de domaine » et au titre de la concurrence déloyale et parasitaire
Au visa de l’article 1240 (anciennement 1382 du code civil), la société MFM Développement reproche aux défendeurs, de manière globale, des « actes d’usurpation » de sa dénomination sociale MFM Développement , de son nom commercial et de son enseigne MFM et de ses noms de domaine mfm.fr et mfmradio.fr du fait de l’enregistrement et de l’exploitation des noms de domaine mfmradio.fm et mfmtv.tv et de la marque verbale MFMTV n°3821806 en raison du risque de confusion induit par l’exercice sous ces signes d’une activité d’une nature identique à ses activités.
Au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, ils reprochent aux défendeurs l’utilisation des slogans « MFM la radio 100% tubes » et « MFM TV la télé 100% tubes » sur le site internet www.mfmradio.fr et sur l’application MFMTV pour smartphones et tablettes, qui a nécessairement engendré un détournement du flux d’internautes cherchant à se rendre sur son site internet www.mfm.fr au regard de la similarité entre ces noms de domaine et entre leurs activités respectives.
Les défendeurs se prévalent une nouvelle fois de l’antériorité de l’usage du signe MFM par l’association Radio Madras Indienne et de l’autorisation consentie aux sociétés Madras FM Télévision SAS et SARL « d’utiliser ce nom ».
Sur ce
En vertu des dispositions des articles 1382 et 1383 devenus 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu’un signe qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.
L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité et la notoriété de la prestation copiée.
Le parasitisme, qui s’apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il est une déclinaison mais dont la constitution est toutefois indifférente au risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et déloyalement sans bourse délier des investissements, d’un savoir-faire ou d’un travail intellectuel d’autrui produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel.
La dénomination sociale, le nom commercial, l’enseigne et le nom de domaine, qui sont ainsi qu’il a été dit des signes d’usage soumis au principe de spécialité ne sont l’objet d’aucun droit privatif, ce qui exclut en soi la qualification « d’usurpation » improprement employée en demande. Leur protection contre l’exploitation d’un signe identique ou similaire par un tiers non autorisé peut en revanche être poursuivie sur le fondement de la concurrence déloyale si un risque de confusion dans l’esprit du public est démontré en considération de l’identité ou la similitude des signes ainsi que des produits et services objets des activités concurrentes et de la connaissance des signes par les consommateurs dans la zone dans laquelle s’exerce la concurrence entre les parties.
Il est établi par les pièces produites aux débats et au demeurant non contesté en défense que la société demanderesse, dont la dénomination sociale comporte le signe MFM litigieux, fait publiquement usage du nom commercial MFM pour exercer son activité de radiodiffuseur et exploite les sites internet accessibles aux adresses mfm.fr et mfmradio.fr pour diffuser ses programmes radiophoniques. L’antériorité de l’usage de ces différents signes par rapport à l’exploitation des sites internet accessibles via les noms de domaine litigieux et au dépôt de la marque MFMTV n’est pas non plus contestée et sera tenue pour acquise. Il est désormais établi, par référence à la comparaison des services effectués au stade de la contrefaçon, que les activités de radiodiffusion et télédiffusion exercées par le biais des sites internet litigieux et sous la marque MFMTV sont identiques ou voisines de celle exercée par la société MFM Développement sous sa dénomination sociale MFM Développement, son nom commercial MFM et par l’intermédiaire de ses noms de domaine mfm.fr et mfmradio.fr. Les sites litigieux sont de plus accessibles depuis le territoire métropolitain où la demanderesse exerce son activité commerciale, de sorte que les parties se trouvent en situation de concurrence directe. La comparaison des signes effectuée au stade de la contrefaçon étant transposable, l’exploitation des noms de domaine mfmradio.fm et mfmtv.tv ainsi que l’usage de la marque MFMTV pour désigner des sites internet sur lesquels sont proposés des services de radiodiffusion et de télédiffusion sont de nature à tromper le public pertinent sur l’origine commerciale des services proposés et génèrent de ce fait un risque de confusion évident dans son esprit avec l’activité de radiodiffuseur exercée par la demanderesse sous sa dénomination sociale, son nom commercial et via ses noms de domaine mfm.fr et mfmradio.fr.
En conséquence, l’association Radio Madras Indienne en qualité d’éditeur des services radiophoniques et la société Madras FM Télévision SARL en qualité d’éditeur des programmes télévisuels diffusés par l’intermédiaire de ces sites, ainsi que monsieur X. en tant que titulaire de la marque MFM TV utilisée sur ces sites et la société Madras FM Télévision SAS en qualité d’exploitant de la marque litigieuse ont commis des actes de concurrence déloyale à l’encontre de la demanderesse.
En revanche, la reprise alléguée des slogans « MFM la radio 100% tubes » et « MFM TV la télé 100% tubes », dont l’usage public et antérieur par la demanderesse n’est pas prouvé, ne peut au regard de la grande banalité de ces accroches être considérée comme fautive.
4°) Sur les mesures réparatrices.
En réparation des actes de contrefaçon de marques, la société MFM Développement sollicite à l’encontre de l’ensemble des défendeurs pris solidairement l’allocation à son profit d’une somme globale de 50 000 €, alors même que les atteintes portées par chacun des défendeurs sont distinctes. L’absence de ventilation partie par partie et poste par poste du préjudice allégué rend la demande de la société MFM Développement indéterminée et indéterminable au sens des articles 4,5 et 16 du code de procédure civiles et dès lors irrecevable. Faute de plus de production de la moindre pièce susceptible de prouver l’existence et la mesure du préjudice subi, la demande à la supposer recevable aurait à tout le moins vocation à être rejeter.
La même analyse conduit à l’irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts au titre de la concurrence déloyale et parasitaire subie du fait de l’imitation de la dénomination sociale, du nom commercial de la société MFM Développement et des noms de domaine dont elle est titulaire.
Le transfert au profit de la demanderesse des noms de domaine litigieux sera ordonné et il sera fait interdiction aux défendeurs de faire usage de la dénomination « MFM » « MFM RADIO » ou « MFM TV » à quelque titre que ce soit aux fins de désigner une activité radiophonique et/ou télévisuelle accessible sur le territoire métropolitain.
Il n’y a pas lieu en revanche d’ordonner la modification de la dénomination sociale des sociétés Madras FM télévision, laquelle ne comporte pas le signe MFM litigieux.
5°) Sur les demandes accessoires
Succombant au litige, monsieur Y., l’Association Radio Madras Indienne, la société Madras Télévision SARL, la société Madras Television SAS et monsieur X. dont les demande au titre des frais irrépétibles seront rejetées, seront condamnés in solidum à payer à la société MFM Développement la somme de 15.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à leur rembourser les frais du procès-verbal de constat de l’agence de protection des programmes des 23 décembre 2013 et 10 janvier 2014 ainsi que les frais de constat d’huissier du 22 mai 2014 qui ne sont pas des actes nécessaires à l’instance au sens de l’article 695 du code de procédure civile, et à supporter les entiers dépens de l’instance.
DECISION
Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe le jour du délibéré, par jugement réputé contradictoire, et rendu en premier ressort,
Ordonne la jonction de l’instance inscrite sous le numéro de RG 15/05889 avec celle inscrite sous le numéro de rôle général 15/07496,
Dit qu’en enregistrant les noms de domaine mfmradio.fm et mfm.tv et en les exploitant pour permettre l’accès à des sites internet sur lesquels sont diffusés des programmes radiophoniques et télévisuels, monsieur Y., l’Association Radio Madras Indienne et la société Madras Télévision SARL ont commis de faits de contrefaçon par imitation de la marque verbale n° 3138277 « MFM » déposée le 21 décembre 2001 et de la marque française semi-figurative en couleur « MFM » n° 3304151 déposée le 13 juillet 2004 dont est titulaire la société MFM Développement,
Dit que l’usage par les sociétés Madras Télévision SARL et Madras Télévision SAS de la marque française « MFMTV » n°3821806 dont est titulaire monsieur X. pour désigner un service de télédiffusion constitue une contrefaçon par imitation de la marque verbale française n° 3138277 « MFM » déposée le 21 décembre 2001 et de la marque semi-figurative française « MFM » n° 3304151 déposée le 13 juillet 2004 au préjudice de la société MFM Développement,
Dit que l’usage par les sociétés Madras FM Télévision SARL et Madras FM Télévision SAS du nom commercial MFMTV pour leur activité d’éditeur et de diffuseur de programmes télévisuels constitue une contrefaçon par imitation de la marque verbale française n° 3138277 « MFM » déposée le 21 décembre 2001 et de la marque semi-figurative française « MFM » n° 3304151 déposée le 13 juillet 2004 au préjudice de la société MFM Développement,
Dit que l’usage de la marque française «MFMTV » n°3821806 et l’exploitation des noms de domaine mfmradio.fm et mfm.tv dans les mêmes conditions constitue des actes de concurrence déloyale commis au préjudice de la société MFM Développement par atteinte à sa dénomination sociale et son nom commercial MFM sous lesquels elle exerce son activité de radiodiffusion et à ses noms de domaine mfm.fr et mfmradio.fr qui permettent l’accès internet aux programmes radiophoniques qu’elle diffuse,
Prononce la nullité pour dépôt frauduleux de l’enregistrement de la marque verbale française «MFMTV » n°3821806 déposée par monsieur X. le 7 avril 2011 pour tous les produits et services visés au dépôt,
Ordonne la communication de la présente décision, une fois celle-ci devenue définitive, à l’INPI à l’initiative de la partie la plus diligente, pour inscription sur ses registres ;
Déboute la société MFM Développement de ses demandes de dommages et intérêts,
Fait interdiction à monsieur Y., à l’Association Radio Madras Indienne, à la société Madras Télévision SARL, à la société Madras Télévision SAS et à Monsieur X. de faire usage de la dénomination « MFM » ou « MFM RADIO » ou « MFM TV » à quelque titre que ce soit aux fins de désigner une activité radiophonique et/ou télévisuelle accessible sur le territoire métropolitain et ce sous astreinte de 150 euros par infraction constatée passé un délai de un mois à compter de la signification de la présente décision et l’astreinte courant sur un délai de six (6) mois,
Dit que le présent tribunal se réserve la liquidation des astreintes,
Ordonne le transfert au bénéfice de la société MFM Développement des noms de domaine « mfmradio.fm » et « mfmtv.tv »,
Dit que le présent jugement sera notifié à l’AFNIC par la partie la plus diligente,
Rejette les demandes de l’Association Radio Madras Indienne, de la société Madras Télévision SARL, de la société Madras Télévision SAS et de monsieur X. au titre des frais irrépétibles ;
Condamne in solidum monsieur Y., l’Association Radio Madras Indienne, la société Madras Télévision SARL, la société Madras Télévision SAS et monsieur X. à payer à la société MFM Développement la somme de 15.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à lui rembourser les frais du procès-verbal de constat de l’agence de protection des programmes des 23 décembre 2013 et 10 janvier 2014 ainsi que les frais de constat d’huissier du 22 mai 2014 ;
Condamne in solidum monsieur Y., l’Association Radio Madras Indienne, la société Madras Télévision SARL, la société Madras Télévision SAS et monsieur X. à supporter les entiers dépens de l’instance ;
Déboute la société MFM Développement du surplus de ses demandes.
Le Tribunal : Marie-Christine Courboulay (vice Présidente), Julien Richaud, Aurélie Jimenez (juges), Léa Asprey (greffier)
Avocats : Me Cyril Fabre, Me Nadine Rault
Source : Legalis.net
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