Jurisprudence : Diffamation
Tribunal de grande instance de Paris, ordonnance de référé du 26 février 2016
D. S. / N. A.
diffamation - erreur - imputation - prescription - réseaux sociaux - Vidéos
DEBATS
A l’audience du 9 février 2016, tenue publiquement, présidée par Marie Mongin, Vice-Président, assistée de Christine-Marie Chollet, Greffier,
Nous, Président,
Vu l’assignation en référé qu’après y avoir été autorisé, D. S., dit D. H., a fait délivrer à N. A. et par laquelle il nous demande :
– au visa des articles 29 alinéa 1er et 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881, et 808 et 809 du Code de procédure civile, de dire que le défendeur a commis le délit de diffamation publique à son égard, d’une part sur le site internet accessible à l’adresse http:/xxxplagiat.com/construction.html et d’autre part dans plusieurs vidéos mises en ligne sur le site Youtube,
– d’ordonner, en conséquence le retrait des propos incriminés sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai de 8 jours après la signification de l’ordonnance,
– de condamner le défendeur à lui payer la somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Vu la dénonciation de l’assignation au ministère public, le 14 décembre 2015 ;
Vu les écritures du défendeur oralement développées à l’audience, tendant à la prescription de l’action en ce qu’elle vise le nom de domaine : xxxplagiat.com et les propos figurant sur ce site et à la nullité de l’action quant aux faits diffusés sur le site Youtube en raison de l’imprécision de l’assignation, subsidiairement arguant de l’incompétence du juge des référés pour statuer sur un délit pénal qui ressortit à la seule compétence des juridictions répressives et, en tout état de cause, sollicitant la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Les débats, initialement fixés au 26 janvier 2016 ont été, à la demande du défendeur, reportés au 9 février 2016 ;
Après avoir entendu les conseils des parties à cette audience du 9 février 2016 et leur avoir indiqué que l’affaire était mise en délibéré et que l’ordonnance serait prononcée le 26 février 2016 ;
Attendu en premier lieu qu’il doit être relevé que les dispositions combinées des articles 29 et 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881, d’une part, et 809 du Code de procédure civile, d’autre part, permettent de considérer qu’une diffamation publique envers un particulier est susceptible de constituer un trouble manifestement illicite fondant la compétence du juge des référés ;
Attendu quant à la fin de non recevoir prise de la prescription de l’action portant sur le nom de domaine : xxxplagiat.com et les propos qui y sont mis en ligne, qu’il résulte du constat d’huissier que ce nom de domaine a été déposé au mois de juillet 2014, de sorte que, comme le soutient à juste titre N. A., l’action, engagée par assignation en date du 7 décembre 2015 sur le fondement d’une infraction à la loi du 29 juillet 1881, est prescrite de ce chef ;
Qu’en revanche, la même solution ne peut être retenue s’agissant des propos incriminés mis en ligne sur cette adresse, dès lors que N. A., qui invoque ce moyen et sur qui, par conséquent, pèse la charge de la preuve de son bien fondé, ne fournit aucun élément permettant de préciser la date à laquelle ces propos ont été mis en ligne sur son site internet ;
Attendu que le défendeur invoque le moyen pris du non respect de l’article 53 de la loi sur la liberté de la presse du fait de l’imprécision de l’acte introductif d’instance quant aux propos incriminés figurant dans les vidéos mises en ligne sur le site internet Youtube ; qu’il doit être relevé qu’effectivement cet acte indique en page 9 que les huit vidéos incriminés sont numérotées et présentées, est-il précisé : « selon l’ordre dans lequel ces vidéos figurent dans le constat de Maître Asperti », or, les titres des vidéos qui suivent ne correspondent nullement à l’ordre choisi par l’huissier dans son constat, qu’à titre d’exemple, la première vidéo incriminée étant, selon l’acte introductif d’instance : « Comment et pourquoi a été écrite la chanson « tu nous laisse » », tandis que sur le constat d’huissier (pièce n°14, page 18) la première est intitulée : « « Tu ne m’as pas laissé le temps », la profanation de la mémoire d’un père » ;
Qu’en raison du nombre de ces vidéos et de leur similitude, notamment quant à l’imputation de fait de contrefaçon, cette présentation ne permet pas au défendeur de connaître avec précision et certitude les faits qui lui sont reprochés et sur lesquels il devra se défendre, en méconnaissance des dispositions impératives de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 de sorte que l’assignation sera annulée s’agissant des demandes fondées sur ces vidéos ;
Attendu, en conséquence, que le juge des référés n’est utilement saisi que des propos incriminés figurant sur le site internet accessible à l’adresse :
http:/xxxplagiat.com/construction.html, soit :
– « ce site informe la justice et le public de l’organisation de l’ensemble du plagiat de D. H. »,
– « comment le plagiat de D. H. a été construit » ainsi que le résultat de l’addition d’autres oeuvres,
– la reproduction de la pochette du disque de D. H. « Tu ne m’as pas laissé le temps » sur laquelle figure la photo du demandeur, légendée de cette mention « Le plagiaire »,
– la mention « Plagiat/ D. H. »,
– la reproduction de la pochette du disque de D. H. « Tu ne m’as pas laissé le temps » sur laquelle figure la photo du demandeur, légendée de cette citation : « J’ai toujours composé et écrit avec la plus grande sincérité »,
– les propos suivants :
« POUR LA VOIX Avec cette chanson « Tu ne m’as pas laissé le temps » le timbre de voix de D. H. est devenu le même timbre clair que le mien (voix de poitrine), chante de la même manière que moi en intensifiant les mêmes mots et expressions, j’reste, laisse, sans prévenir, seul sur terre etc »,
« POUR L’INTERPRÉTATION D. H. reproduit à l’identique ma signature vocale pour raconter de la même façon mon histoire qu’il s’est accaparé afin de paraître aux yeux des français comme un homme sensible, romantique et sincère avec beaucoup d’amour et de respect à transmettre, à partager à travers ses chansons ayant de multiples points communs avec les gens qui vivent simplement dans notre pays » ;
Attendu que c’est à juste titre, et sans être contredit, que D. H. fait valoir que ces propos et images lui imputent des fait de contrefaçon ; qu’il s’agit sans conteste de l’imputation d’un fait précis portant atteinte à son honneur et à sa considération ;
Que le défendeur n’a pas usé de la possibilité qui lui était offerte par les articles 35 et 55 de la loi sur la presse, de prouver la vérité des faits diffamatoires, qu’il ne s’est pas non plus prévalu de l’excuse de bonne foi ; qu’il peut par conséquent être considéré, avec l’évidence requise devant le juge des référés, que ces propos caractérisent un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser en ordonnant sous astreinte la suppression des propos ci-dessus visés ;
Qu’en revanche, il n’est pas justifié de la nécessité, en l’état, de faire droit à la demande d’indemnisation prévisionnelle sollicitée ;
Que l’équité ne commande pas l’application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Qu’enfin, le défendeur sera condamné aux dépens ;
DECISION
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,
– Disons que du fait de la prescription de l’action s’agissant du nom de domaine xxxplagiat.com, les demandes de ce chef sont irrecevables ;
– Prononçons la nullité de l’assignation en application de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 s’agissant des faits incriminés mis en ligne sur le site internet Youtube ;
– Constatons le caractère manifestement illicite des écrits et images suivants mis en ligne sur le site internet xxxplagiat.com :
• « ce site informe la justice et le public de l’organisation de l’ensemble du plagiat de D. H. »,
• « comment le plagiat de D. H. a été construit » ainsi que le résultat de l’addition d’autres oeuvres,
• la reproduction de la pochette du disque de D. H. « Tu ne m’as pas laissé le temps » sur laquelle figure la photo du demandeur, légendée de cette mention « Le plagiaire »,
• la mention « Plagiat/ D. H. »,
• la reproduction de la pochette du disque de D. H. « Tu ne m’as pas laissé le temps » sur laquelle figure la photo du demandeur, légendée de cette citation : « J’ai toujours composé et écrit avec la plus grande sincérité »,
• « POUR LA VOIX Avec cette chanson « Tu ne m’as pas laissé le temps » le timbre de voix de D. H. est devenu le même timbre clair que le mien (voix de poitrine), chante de la même manière que moi en intensifiant les mêmes mots et expressions, j’reste, laisse, sans prévenir, seul sur terre etc »,
• « POUR L’INTERPRÉTATION D. H. reproduit à l’identique ma signature vocale pour raconter de la même façon mon histoire qu’il s’est accaparé afin de paraître aux yeux des français comme un homme sensible, romantique et sincère avec beaucoup d’amour et de respect à transmettre, à partager à travers ses chansons ayant de multiples points communs avec les gens qui vivent simplement dans notre pays » ;
– Ordonnons le retrait de ces écrits et images dans le délai de 8 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
– Nous réservons la liquidation de l’astreinte ;
– Disons n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamnons N. A. aux entiers dépens.
Le Tribunal : Marie Mongin (vice-président), Brigitte Faillot (greffier)
Avocats : Me Michael Majster, Me Romain Darriere
Notre présentation de la décision
En complément
Maître Mickaël Majster est également intervenu(e) dans les 4 affaires suivante :
En complément
Maître Romain Darriere est également intervenu(e) dans les 78 affaires suivante :
En complément
Le magistrat Brigitte Faillot est également intervenu(e) dans les 8 affaires suivante :
En complément
Le magistrat Marie Mongin est également intervenu(e) dans les 28 affaires suivante :
* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.