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Jurisprudence : Droit d'auteur

mercredi 18 février 2004
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Tribunal de grande instance de Paris 3ème chambre, 1ère section 18 février 2004

Joël S., Saif / Le Front National, Marine Le Pen, Association de Financement Electorale de Marine Le Pen Régionales 2004

cession - droit d'auteur - droit moral - originalité - paternité - photographie - reproduction - respect intégrité de l'oeuvre - usage

FAITS ET PROCEDURE

Joël S. est photographe professionnel, salarié de l’AFP.
Dans le cadre de son activité, il a réalisé, au mois de mai 2002, une photographie de Marine Le Pen, alors que cette dernière participait à une émission télévisée.
Il conteste l’utilisation, par les défendeurs, de cette photographie à des fins électorales et dès lors invoque la violation de son droit moral.

Suivant exploit en date du 22 octobre 2003, Joël S. a assigné devant le juge des référés, le Front National et Marine Le Pen.

Suivant exploit en date du 28 octobre 2003, Joël S. a assigné devant le juge des référés, l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004.
Suivant exploit en date du 31 octobre 2003, l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004 a assigné, devant le juge de référés, l’AFP.

Par ordonnance en date du 19 novembre 2003, le juge des référés de ce tribunal a ordonné la jonction de ces quatre procédures, débouté le Front National et Marine Le Pen de leur demande tendant à voir déclarer nul l’exploit introductif d’instance du 22 octobre 2003, s’est déclaré incompétent sur l’ensemble des demandes et a renvoyé l’affaire devant la 3ème chambre de ce tribunal.

Dans ces dernières conclusions, Joël S. demande au tribunal de :

– dire et juger que l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004, le Front National et Marine Le Pen ont porté atteinte à son droit moral en procédant à une exploitation à des fins promotionnelles de son oeuvre dans des conditions constituant une dénaturation de cette œuvre ainsi qu’en omettant de mentionner son nom en qualité d’auteur,

En conséquence,

– ordonner le retrait de la photographie de Joël S. du site internet www.marine2004.com et de tout autre site animé ou édité par le Front National et/ou Marine Le Pen et ce sous astreinte de 15 000 € par jour de retard suivant la signification du jugement à intervenir,

– faire interdiction au Front National, à Marine Le Pen et à l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004 d’exploiter sur quelque support que ce soit et selon tous moyens, l’œuvre de Joël S. et ce sous astreinte de 5000 € par infraction constatée à compter d’un délai de 24 heures suivant la signification du jugement à intervenir,

– faire injonction au Front National, à Marine Le Pen et à l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004 de procéder au retrait et au retour, au lieu qu’il plaira au tribunal de fixer, de tous documents (tracts, affiches, dépliants, lettres d’informations etc.) en circulation par voie d’affichage ou autre, ainsi que restant en stock chez les fabricants ou imprimeurs ou non encore distribués, reproduisant la photographie dont Joël S. est l’auteur et ce sous astreinte de 50 000 € par jour de retard à compter d’un délai de 5 jours suivant la signification du jugement à intervenir,

– dire que, dans les quarante huit heures suivant l’expiration du délai fixé pour l’accomplissement de ces diligences, le Front National, Marine Le Pen et l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004 devront en justifier auprès de tel huissier et ce sous astreinte de 50 000 € par jour de retard,
– ordonner la confiscation et la destruction aux frais du Front National, de Marine Le Pen et de l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004, sous contrôle de huissier, de tous les documents ainsi rappelés ou retirés,

– se réserver la liquidation des astreintes qui seront ordonnées,

– condamner in solidum le Front National, Marine Le Pen et l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004 à verser à Joël S. la somme de 100 000 € à titre de dommages-intérêts,

– ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir,

– condamner in solidum le Front National, Marine Le Pen et l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004 à verser à Joël S. la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du ncpc,

– les condamner aux entiers dépens.

Par conclusions responsives, l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004 a conclu ainsi qu’il suit :

– se voir mettre hors de cause,

Subsidiairement,

– voir dire et juger que Joël S. n’a pas d’intérêt à agir et le déclarer irrecevable,

Plus subsidiairement,

– voir dire et juger que l’œuvre de Joël S. n’est pas protégeable,

– voir dire et juger que la destination de l’œuvre de Joël S. n’a été en aucun cas changée profondément,

– voir dire et juger de même qu’il n’a nullement été porté atteinte à l’intégrité de l’œuvre de Joël S., les modifications étant en l’espèce légitimes et au surplus n’atténuant en aucun cas la portée artistique ou symbolique de l’œuvre de Joël S.,

– voir dire enfin qu’elle n’a pas atteint le droit de paternité du demandeur,

– voir débouter en conséquence Joël S. de toutes ses demandes, et le condamner à lui payer la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du ncpc,

– voir débouter la Saif de toutes ses demandes et la condamner à lui payer la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du ncpc,

Très subsidiairement,

– pour le cas où il serait fait droit aux demandes de Joël S. ou de la Saif, voir dire que l’AFP sera tenue de la garantir de toutes condamnations en principal, accessoires, frais, dommages-intérêts, dépens sans préjudice de la réparation et tous autres dommages résultant de l’une quelconque des condamnations,

– voir condamner l’AFP à lui payer la somme de 2000 € par application de l’article 700 du ncpc.

Marine Le Pen et l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004 sollicitent du tribunal de :

– mettre hors de cause Marine Le Pen, sa responsabilité personnelle quant aux faits allégués par Joël S. n’étant pas établie,

– dire et juger Joël S. irrecevable comme dépourvu d’intérêt à agir à la date de son assignation en référé du 22 octobre 2003,

Subsidiairement,

– dire et juger que l’œuvre revendiquée n’est pas protégeable, l’originalité ne pouvant lui être reconnue,
A défaut,

– dire et juger qu’il n’a pas été porté atteinte au droit moral de Joël S., qui apparaît en tout état de cause comme abusivement mis en œuvre,

– dire et juger Joël S. irrecevable, à tout le moins mal fondé, le débouter de l’ensemble de ses demandes et le condamner à leur payer une somme de 5000 € par application de l’article 700 du ncpc et en tous les dépens,

– déclarer la Saif irrecevable, son intervention ne relevant ni de son objet social ni de son statut, la dire à tout le moins mal fondée, la débouter de l’ensemble de ses demandes, la condamner au paiement d’une somme de 3000 € par application de l’article 700 du ncpc.

Pour le cas où par extraordinaire, il serait fait droit aux demandes de Joël S. ou de la Saif,

– dire et juger Marine Le Pen et l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004 recevables et bien fondées en leur appel de garantie à l’égard de l’AFP,

– dire et juger que l’AFP devra garantir Marine Le Pen et l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004 de toutes condamnations en principal, accessoire, frais, dommages-intérêts, dépens, sans préjudice de la réparation de tous autres dommages résultant de l’une quelconque des condamnations,

– dire et juger Marine Le Pen recevable et bien fondée en sa demande, au titre de l’atteinte à son droit à l’image résultant de l’exploitation faite pas Joël S. de cette image,

– condamner Joël S., conjointement et solidairement, avec l’AFP à garantir Marine Le Pen et l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004 de toute condamnation,

– condamner Joël S. au paiement de la somme de 5000 € par application de l’article 700 du ncpc et aux dépens.
L’AFP sollicite l’irrecevabilité des demandes des défendeurs et leur condamnation à lui payer la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du ncpc.

La Saif est intervenue volontairement à l’audience et formule les demandes suivantes :

– se voir déclarer recevable en son intervention,

– voir déclarer la photographie de Joël S. originale,

– voir dire qu’en procédant à une exploitation à des fins promotionnelles et politiques de l’œuvre de Joël S. constituant une atteinte au droit moral de ce dernier, les défendeurs ont porté atteinte à l’intérêt collectif des photographes dont elle défend les intérêts,

En conséquence,

– condamner in solidum les défendeurs à lui verser la somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts,

– ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois journaux au choix de la Saif et aux frais avancés in solidum des défendeurs, sans que le coût de ces insertions n’excède la somme de 10 000 € HT,

– ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir à l’exception de celles concernant les mesures de publication,

– condamner in solidum les défendeurs.

Sur ce, l’affaire a été plaidée le 18 janvier 2004 et mise en délibérée au 18 février 2004.
Advenu ce jour, le jugement est rendu ainsi qu’il suit.

DISCUSSION

Sur les demandes de mise hors de cause

Attendu que Joël S. sollicite la condamnation de l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004, du Front National et de Marine Le Pen ;
Que le Front National et Marine Le Pen sollicitent leur mise hors de cause ;

Attendu que la photographie a été acquise par l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004 ; qu’elle est exploitée par le Front National, la photographie litigieuse ayant été par ailleurs reproduite sur le site internet du Front National ;
Que le Front National ne peut dès lors être mis hors de cause ;

Attendu que, si Marine Le Pen n’est intervenue qu’en qualité de directrice juridique et non à titre personnel lors de la cession, il est justifié par contre qu’elle a déposé un site en son nom personnel, « marine2004.com » site sur lequel est reproduite la photographie contestée ;
Qu’elle ne peut dès lors être mise hors de cause ;

Sur la recevabilité de l’action de Joël S.

Attendu que les défendeurs demandent au tribunal de déclarer l’action de Joël S. irrecevable et ce aux motifs que, du fait de son statut de salarié de l’AFP, il a cédé le droit au respect de son œuvre ; que d’ailleurs l’AFP s’est engagée à solliciter désormais l’autorisation des photographes pour des cessions à des buts électoraux, ce qui signifie à contrario que cette autorisation n’était pas exigée antérieurement à la présente procédure ;
Attendu toutefois qu’il est de jurisprudence constante que le droit moral est inaliénable ; qu’aucune renonciation de Joël S. n’est d’ailleurs produite au débat et ne peut être déduite d’une note qui rappelle simplement les droits des photographes ;

Que les défendeurs doivent être déboutés de leur demande tendant à voir déclarer irrecevable l’action de Joël S. ;

Sur l’originalité de la photographie

Attendu qu’aux termes de l’article L 112-2 du code de la propriété intellectuelle, sont considérées notamment comme des œuvres de l’esprit les œuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de technologies analogues à la photographie ;

Mais attendu que pour être protégeables les photographies doivent être originales, c’est à dire porter l’empreinte de la personnalité de leur auteur ;

Attendu, certes, que la photographie de Joël S. a été prise sur un plateau de télévision, lors d’une émission politique, dans un site où certains éléments essentiels comme le décor, sont préconstitués par l’émission de télévision, enfin que le choix des personnes à photographier ne relevait pas du pouvoir exclusif de Joël S. mais était simplement induit par les personnalités invitées ;

Attendu que ces faits non contestables ne remettent toutefois en cause la liberté du choix du photographe ;

Attendu que la photographie représente sur le coté droit le visage souriant de trois quarts partiellement coupé de Marine Le Pen, sur un fond bleu flouté représentant la France qui occupe les ¾ gauches de la photographies ;

Attendu qu’il convient de constater que l’effet de cadrage précité, la recherche du contraste entre le décor flouté et la netteté du visage de Marine Le Pen, recherche du contraste obtenu par l’utilisation de l’éclairage du plateau, l’effet recherché soit l’effet de mouvement de la France obtenu par le flou de son contour et le regard de Marine Le Pen accompagnant ce mouvement, enfin le travail de flou effectué pour donner une image spécifique ne relèvent pas seulement du savoir faire du photographe mais contribuent incontestablement par leur combinaison à rendre originale la photographie et révèlent une activité créative de Joël S., le photographe ayant mis en scène le sujet en recherchant des angles et des éclairages particuliers, contrairement aux allégations adverses ;

Que dès lors, cette photographie est protégée par les dispositions du code de la propriété intellectuelle ;

Sur les atteintes alléguées par Joël S. au titre de son droit moral

Attendu que Joël S. invoque en premier lieu la violation de la destination de l’œuvre, la photographie étant utilisée à des fins électorales et ce alors qu’elle a été réalisée en vue de l’information du public et que l’œuvre est donc détournée de sa finalité première, la photographie étant associée à un combat politique par l’effet d’un tiers ;

Attendu qu’il convient toutefois de relever que la photographie a été acquise auprès de l’AFP ; qu’il a bien été précisé à l’AFP, employeur de Joël S., que la photographie était acquise pour des tracts et des affiches électoraux et des mises en ligne sur internet ;

que dès lors l’AFP a cédé la photographie en toute connaissance de cause de sa destination ; qu’il n’appartient pas à ce tribunal de décider des relations entre l’AFP et son salarié, lors d’une cession de la photographie, le droit de destination devant être assimilé, en la présente espèce, au droit d’exploitation et par voie de conséquence aux droits patrimoniaux de Joël S. et non à son droit moral, lequel, du fait de la qualité de salarié de Joël S., est seul de la compétence de ce tribunal ;

Que Joël S. ne forme d’ailleurs, dans la présente procédure, aucune demande à l’encontre de l’AFP, du fait d’une violation de la destination de l’œuvre ;

Qu’il ne peut qu’être débouté de sa demande tendant à voir retenir une telle violation devant ce tribunal, à l’encontre des défendeurs qu’il a assignés ;

Attendu que Joël S. reproche, en deuxième lieu, au titre de la violation de son droit moral, la violation à l’intégrité de son œuvre ;

Attendu qu’il ne peut être contesté que l’œuvre a été modifiée dès lors que le fond flouté été supprimé pour être remplacé par un fond bleu sur lequel est inscrit, en larges caractères et en majuscules, le slogan suivant « Marine Le Pen une femme à vos cotés », la flamme représentant le logo du Front National étant quant à elle sur le coté gauche des affiches litigieuses ;

Attendu que seul est représenté le visage de Marine Le Pen tel que photographié par Joël S. ;

Or attendu que l’auteur a le pouvoir de s’opposer à toute correction ou modification susceptible d’altérer le caractère de son œuvre ; que le respect est dû à l’œuvre telle que l’auteur à voulu qu’elle soit ;

Qu’il y a donc, par les modifications apportés à l’œuvre de Joël S., modifications par ailleurs particulièrement importantes puisqu’elles touchent la combinaison d’éléments qui constitue l’originalité de l’œuvre, et contrairement aux allégations des défendeurs, non imposées par les circonstances électorales, violation du droit au respect de l’œuvre ;

Que Joël S. a, par voie de conséquence, droit à obtenir réparation de ce fait de la violation de son droit moral ;
Attendu que Joël S. invoque en dernier lieu l’atteinte à son droit de paternité ;

Qu’il n’est pas contesté que le nom de Joël S. n’a été mentionné sur aucun tract ou affiche reproduisant partie de la photographie dont il est l’auteur ;

Que les défendeurs ne justifient pas que la photographie qui leur a été cédée ne comportait pas la mention du nom de Joël S. et ait eu comme seul nom l’AFP, photographie qu’ils ne produisent pas au débat et ne justifient pas ainsi que l’envoi qui leur a été fait se différenciait de l’envoi que l’AFP déclare avoir adressé et produit au débat, envoi mentionnant le nom de Joël S. ;

Qu’il y a donc atteinte à la paternité de l’œuvre ;

Attendu que Joël S. sollicite la condamnation solidaire de l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004, du Front National et de Marine Le Pen ;
Qu’en utilisant cette photographie sans mention du nom de Joël S. et en la modifiant, l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004, le Front National et Marine Le Pen ont commis des actes de contrefaçon et doivent réparation ;

Sur l’intervention volontaire de la Saif

Attendu que la Saif est une société de gestion collective des droits d’auteur créée en janvier 1999 par les auteurs eux mêmes et dont l’objet social est de préserver et de défendre leurs droits d’auteur ;

qu’aux termes de l’article 9 de ses statuts, elle a pour objet la défense des intérêts matériels et moraux de ses membres ; que Joël S. justifiant de son adhésion à la Saif, la Saif est parfaitement recevable en son intervention volontaire et à réclamer réparation du fait de l’atteinte à l’intérêt collectif des photographes, s’agissant d’une action qui met en question les conditions d’utilisation des prestations des photographes et par conséquent les intérêts moraux de la profession toute entière ; que, si la violation de la destination de l’œuvre n’est pas retenue en la présente espèce, il y a eu par contre, violation du droit au respect de l’œuvre par sa modification, pour la rendre plus percutante sur le plan électoral.

Sur les mesures réparatrices

Attendu qu’il convient d’interdire à l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004, au Front National et à Marine Le Pen toute nouvelle exploitation de la photographie, sur tout support y compris sur tout site internet, et ce sous astreinte de 50 € par jour de retard, astreinte commençant à courir huit jours après la signification du présent jugement ;

Attendu qu’il n’y a pas lieu à se réserver la liquidation de l’astreinte ;

Attendu que cette mesure s’avère suffisante, pour protéger les droits de Joël S. et eu égard au préjudice subi et ce sans qu’il soit nécessaire d’ordonner les mesures de retour, de retrait, de confiscation et de destruction sollicitées ;

Attendu qu’eu égard aux éléments produits au débat et à la diffusion importante de la photographie altérée, il convient de fixer le préjudice moral de Joël S. à la somme de 7500 €, somme à laquelle doivent être condamnés solidairement le Front National, l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004 et Marine Le Pen ;

Attendu qu’il convient de condamner les défendeurs susmentionnés à payer à la Saif la somme de un euro à titre de dommages-intérêts ;

Attendu que la mesure de publication sollicitée est par contre disproportionnée avec le préjudice subi par la Saif ; qu’elle doit être déboutée de ce chef de demande ;

Sur les garanties sollicitées

Attendu que le tribunal ayant écarté la violation du droit de destination comme ne relevant pas en l’espèce du droit moral, du fait de la qualité de salarié de Joël S., la garantie de l’AFP n’a pas d’objet de ce chef ;

Que seules ayant été retenues la violation du droit de paternité et la violation du droit à l’intégrité de l’œuvre, qui sont du seul fait des défendeurs, il convient de débouter les défendeurs de leur demande tendant à se voir garantir par l’AFP, aucune responsabilité ne pouvant être retenue à l’encontre de l’AFP du chef de ces violations ;

Attendu que Marine Le Pen a utilisé la photographie litigieuse en application d’un contrat de cession ; que, se situant sur le fondement contractuel, elle ne peut revendiquer une atteinte délictuelle fondée sur les dispositions de l’article 9 du code civil ;

Qu’elle doit, par voie de conséquence, être déboutée de sa demande tendant à se voir garantir par Joël S., sur le fondement du droit à l’image ;

Attendu que l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004 doit être déclarée irrecevable en sa demande tendant à se voir garantir par Joël S., cette demande étant uniquement fondée sur le droit à l’image de Marine Le Pen ;

Sur les autres demandes

Attendu qu’eu égard à la nature de l’affaire, il convient d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision ;
Attendu qu’il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Joël S. et de la Saif les frais irrépétibles qu’ils ont exposés ;

Que le Front National, l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004 et Marine Le Pen doivent être condamnés solidairement à payer à Joël S. la somme de 4000 € et à la Saif la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du ncpc ;

Attendu que les autres demandes doivent être rejetées comme non justifiées ;

Attendu que le Front National, l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004 et Marine Le Pen, parties succombantes, doivent être condamnés aux dépens, en ce non compris les frais d’huissier et de constat.

DECISION

Statuant par jugement public, contradictoire, en premier ressort,

. Déboute l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004 et Marine Le Pen de leur demande tendant à se voir mettre hors de cause,

. Déboute le Front National, l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004 et Marine Le Pen de leur demande tendant à voir déclarer irrecevable Joël S.,

. Déclare protégeable la photographie prise par Joël S. de Marine Le Pen,

. Dit que l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004, le Front National et Marine Le Pen ont violé le droit à l’intégrité de l’œuvre et au respect de l’œuvre de Joël S. et ont ainsi violé son droit moral,

. Déboute Joël S. de sa demande, portée devant ce tribunal, de voir retenir, au titre de son droit moral, la violation de son droit à la destination de l’œuvre,

. Interdit à l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004, au Front National et à Marine Le Pen toute nouvelle exploitation de la photographie, sur tout support y compris sur tout site internet, et ce sous astreinte de 50 € par jour de retard, astreinte commençant à courir huit jours après la signification du présent jugement,

. Dit n’y avoir lieu à réserver la liquidation de l’astreinte,

. Déboute Joël S. de ses demandes tendant à voir ordonner des mesures de retour, de retrait, de confiscation et de destruction,

. Condamne solidairement le Front National, l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004 et Marine Le Pen à payer à la Saif la somme de un euro à titre de dommages-intérêts,

. Reçoit la société des auteurs des arts visuels et de l’image fixe (Saif) en son intervention volontaire,

. Condamne solidairement le Front National, l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004 et Marine Le Pen à payer à Joël S. la somme de 7500 € à titre de dommages-intérêts,

. Déboute l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004 et Marine Le Pen de leur demande tendant à se voir garantir des condamnations portées à leur encontre par l’AFP, du chef de la violation de la paternité de l’œuvre et du droit à l’intégrité de l’œuvre,

. Déclare sans objet la demande de l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004, le Front National et Marine Le Pen de leur demande tendant à se voir garantir par l’AFP, pour violation alléguée à la destination de l’œuvre, cette violation n’étant pas retenue devant ce tribunal,

. Déboute Marine Le Pen de sa demande de garantie à l’encontre de Joël S.,

. Déclare irrecevable l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004 en sa demande tendant à se voir garantir par Joël S.,

. Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision,

. Condamne le Front National, l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004 et Marine Le Pen solidairement à payer à Joël S. la somme de 4000 € sur le fondement de l’article 700 du ncpc,

. Condamne le Front National, l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004 et Marine Le Pen solidairement à payer à la Saif la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du ncpc,

. Rejette les autres demandes comme non justifiées,

. Condamne le Front National, l’association de financement électorale de Marine Le Pen Régionales 2004 et Marine Le Pen aux dépens.

Le tribunal : Mme Apelle (vice président), M. Loos et Mme Marion (vice président)

Avocats : Me Mickaël Majster, Me Wallerand de Saint Just, Me Michel La Violette Slanka, Me Philippe Solal

 
 

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