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Jurisprudence : Responsabilité

mercredi 01 décembre 2010
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Tribunal de Grande Instance de Paris Ordonnance de référé 08 novembre 2010

Sébastien D. / Google France, Google Inc.

concurrence déloyale - contenu illicite - hébergeur - mot-clé - publicité mensongère - référencement - responsabilité

FAITS ET PROCEDURE

Vu l’assignation délivrée les 2 et 6 septembre 2010 par M. Sébastien D., et ses conclusions ultérieures, suivant lesquelles il est pour l’essentiel demandé en référé de :

Vu les articles 1382 et 1383 du Code civil, L 121-1 du Code de la consommation, la Lcen du 21 juin 2004, les articles 808 et suivants du Code de procédure civile,
– dire que la société Google Inc. a la qualité de régie publicitaire au regard du programme qu’elle développe dénommé Google Adwords,
– constater l’absence de modération de Google Inc., relative à l’utilisation du mot clé “Avocat”, ainsi que du texte de l’annonce publiée sur Adwords, alors que la profession d’avocat est pourtant réglementée puisque l’usurpation du titre est punie d’un an de prison et de 15 000 € d’amende,
– constater que si la société Google France n’est pas le gestionnaire du programme Google Adwords, elle n’en demeure pas moins la filiale française de Google Inc.,
– condamner en conséquence Google France et Google Inc. en qualité de coauteur d’acte de concurrence déloyale sur le fondement des articles 1382 et suivants du Code civil, pour pratique commerciale trompeuse sur le fondement de l’article L 121 du Code de la consommation,
– les condamner à cesser toute diffusion sur les pages françaises et internationales de ce moteur de recherche, via le système Adwords, des publicités des sites internet se présentant comme ceux d’avocats, notamment en interdisant l’utilisation illicite du mot clé “avocat”, et en empêchant que ce terme soit utilisé dans l’annonce publicitaire, sauf à ce que les annonceurs utilisant ce support publicitaire puissent justifier que le site internet objet de la publicité soit la propriété d’un avocat inscrit auprès d’un Ordre Professionnel, ou en cas d’exercice en société, que cette dernière soit inscrite auprès d’un Barreau,
– les condamner à exécuter la décision à intervenir, sous astreinte de 10 000 € par jour de retard, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir,
– les condamner à la publication de la décision à intervenir pendant une durée d’un mois sur la page d’accueil de son site internet www.google.fr et sur les pages trouvées lors de l’utilisation du mot clé “avocat”,

A titre subsidiaire, s’il devait être considéré que l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 profite à la société Google,
– constater que par courrier recommandé en date du 10 septembre 2009, la société Google Inc. a été mise en demeure d’agir à l’encontre de cinq sites litigieux accessibles aux adresses www.sos-points.fr, www.droitdeconduire.com, www.sos-permisperdu.com, www.jesauvemonpermis.com, www.avocat-permis.net,
www.retrait-permis.fr (nouveau site), et que cette dernière n’a procédé à aucune action ni enquête, alors qu’ils diffusent une publicité trompeuse aux internautes et génèrent une concurrence déloyale pour le cabinet d’avocats D.,
– condamner en conséquence Google France et Google Inc. à cesser toute diffusion sur les pages françaises et internationales via le système Adwords des publicités de ces adresses, les condamner à exécuter la décision à intervenir, sous astreinte de 10 000 € par jour de retard, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir,
– condamner en tout état de cause Google France et Google Inc. à verser au requérant la somme de 7000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, et Google France et Google Inc. au paiement des dépens ;

Vu les conclusions des sociétés Google Inc. et Google France, qui, au visa des articles 808 et suivants du Code de procédure civile et de l’article 6 de la Lcen, tendent pour l’essentiel à :
– constater que la société Google France est étrangère aux faits qui sont à l’origine du litige, que les demandes à son encontre sont mal dirigées, et prononcer sa mise hors de cause,
– dire et juger que la responsabilité résultant du stockage et de l’affichage sur le site google.fr des liens commerciaux litigieux doit être appréciée conformément aux régimes résultant de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 et qu’en application de celui-ci Google ne peut voir sa responsabilité engagée, dès lors que :
* en sa qualité d’hébergeur, elle n’a pas l’obligation de contrôler a priori les mots clés sélectionnés par les annonceurs,
* il n’a jamais été porté à sa connaissance le caractère illicite des liens commerciaux,
* le caractère manifestement illicite des liens en question n’est nullement établi,
– constater l’absence d’urgence à faire cesser le trouble illicite allégué, et l’absence de trouble manifestement illicite et constater que le prononcé des mesures sollicitées se heurte à contestation sérieuse,
– dire en conséquence qu’il n’y a lieu à référé,
– condamner M. Sébastien Dufour au paiement de la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et aux sociétés Google au paiement de la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et au paiement des dépens ;

DISCUSSION

Sur la note en cours de délibéré

M. D. a cru pouvoir adresser une note en cours de délibéré, datée du 2 novembre 2010.

Le conseil des sociétés défenderesses en a demandé le rejet conformément aux dispositions de l’article 445 du Code de procédure civile.

Le demandeur n’ayant pas été invité à déposer une telle note, elle sera par conséquent écartée en application des dispositions de l’article 445 du Code de procédure civile.

Il a sollicité par ailleurs la réouverture des débats, afin de pouvoir délivrer assignation à l’encontre des “annonceurs litigieux et leurs véritables hébergeurs” ; les défenderesses s’y opposent.

Cette demande, non assortie de précision ou de justification, sera écartée, le Tribunal ne pouvant être appelé, au surplus dans le cadre d’une procédure rapide, à remédier à l’absence de prévision avec laquelle agit cette partie.

Sur la demande de mise hors de cause

La société de droit californien Google Incorporated fait valoir qu’elle est propriétaire du service AdWords, exploité en Europe par la société Google Ireland Limited, que le nom de domaine Google.fr a été enregistré par Google Inc. en 2000, avant la création de la société Google France, le site accessible à cette adresse étant hébergé sur des serveurs appartenant à la société Google Inc. situés en Californie.

Elle ajoute que c’est la société Google Ireland qui assure la commercialisation du service Google AdWords. M. D., sans le contester, fait valoir qu’il est possible d’attraire une personne morale devant le tribunal dans le ressort duquel elle possède une filiale.

Attendu que cependant M. D., qui demande à titre principal de constater que la société Google Inc. a la qualité de régie publicitaire et ne procède à aucune modération de l’utilisation du mot clé “avocat”, et en tout état de cause la condamnation des deux sociétés, n’apporte pas d’élément propre à justifier la condamnation de la société Google France, le seul fait qu’il s’agisse de l’une des filiales de la société de droit californien étant insuffisant ; qu’elle sera mise hors de cause ;

Sur la demande principale

M. Sébastien D., qui exerce la profession d’avocat, met en cause la société de droit américain Google Inc., qui exploite le moteur de recherche “Google.fr”, dont la filiale française est la société Google France, en ce qu’elle propose, à côté d’un référencement “naturel”, un référencement “payant” des sites accessibles sur l’internet grâce au programme “Google Adwords”, qui permet au propriétaire d’un site internet d’organiser une campagne de publicité pour son site en choisissant des mots clés pertinents.

Les espaces réservés aux liens commerciaux utilisant ce programme se situent au dessus et à droite de la page affichant les résultats de la recherche.

Il considère qu’il existe une association manifestement illicite entre le mot clé “avocat” et les liens suggérés à l’internaute le conduisant à des sites internet qui n’ont rien à voir avec cette profession réglementée, et qui proposent des prestations juridiques de défense et d’assistance aux automobilistes. M. Sébastien D. explique qu’il intervient exclusivement en matière de défense des automobilistes, aussi bien dans le cadre de la défense pénale de l’automobiliste qu’en matière civile ou en droit des assurances, se targuant en sept années d’exercice de la profession d’être devenu l’un des quatre avocats français les plus réputés en matière de contentieux administratif du permis à points. Il a créé un site internet pour son cabinet en février 2009, accessible à l’adresse www.maitred…fr.

Il utilise lui-même le programme Adwords depuis le 22 avril 2009, et fait état de l’envoi d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 10 septembre 2009 mettant en demeure la société Google France de retirer de son référencement “adwords”, sous le mot clé “avocat”, les sites internet ne répondant pas de son point de vue aux exigences légales et réglementaires leur permettant de faire état de cette qualité, précisant dans ses conclusions avoir visé dans ce courrier les sites accessibles aux adresses : jesauvemonpermis.com, sos-permis-perdu.com, sos-points.fr, avocatpermisautomobile.com, droitdeconduire.com, en lui signalant qu’une telle pratique était constitutive d’une usurpation du titre d’avocat au sens de l’article 433-17 du Code pénal.

Il remarque dans ses conclusions que le site avocatpermisautomobile.com a depuis disparu.

Il invoque le fait que cette pratique est constitutive de concurrence déloyale et de publicité de nature à induire en erreur, propre à créer la confusion sur la véritable qualité des animateurs de ces sites

Par lettre simple en date du 9 novembre 2009, la société Google France lui indiquait notamment que “Google n’est pas en mesure de vérifier le titre dont se prétendent être détenteurs les utilisateurs de son programme Google adwords”.

Il fait valoir que la surenchère commerciale résultant de l’usage de ce référencement payant conduit à évincer les cabinets d’avocat de ce support publicitaire, moyen efficace de faire connaître le cabinet auprès du public, M. D. faisant état d’un investissement de plus de 3000 € chaque mois.

Mais attendu qu’aux termes du dispositif de l’acte introductif d’instance le demandeur sollicitait des sociétés assignées la cessation pure et simple de toute diffusion via le système AdWords, des publicités des sites internet se présentant comme ceux d’avocats, notamment en interdisant l’utilisation illicite du mot clé “avocat”, et en empêchant que ce terme soit utilisé dans l’annonce publicitaire, sauf à ce que les annonceurs utilisant ce support publicitaire puissent justifier que le site internet objet de la publicité soit la propriété d’un avocat inscrit auprès d’un Ordre Professionnel, ou en cas d’exercice en société, que cette dernière soit inscrite auprès d’un Barreau ; que cet énoncé restait général, sans citer aucun site ;

Qu’il s’agit aux termes de ses conclusions ultérieures de sa demande principale ; que le demandeur évoque pêle-mêle dans les motifs de ses écritures des sites qui n’étaient nullement évoqués ni dans la mise en demeure adressée le 10 septembre 2009, ni dans le dispositif de ses conclusions, et qui feraient pour certains l’objet d’autres instances au plan pénal, en cours ou terminées ; que ces écritures font apparaître un autre site, qui serait accessible à l’adresse retrait-permis.fr, et son dispositif celui accessible à l’adresse avocat-permis.net, en sus de ceux visés dans la mise en demeure ;

Qu’aucune analyse précise et circonstanciée n’est en tout cas effectuée au sujet de la présentation du contenu de ces divers sites permettant de préciser cette demande principale, qui reste à portée générale ;

Attendu que le Tribunal ne saurait se prononcer de manière générale et réglementaire, par application des dispositions de l’article 5 du Code civil ;

Que cette demande excède par conséquent et à plus forte raison les pouvoirs du juge des référés ;

Sur la demande subsidiaire et le rôle de la société Google

M. D. vise à titre subsidiaire, évoquant le cas où le juge des référés devrait considérer que l’article 6.I.2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 s’appliquerait au mode de référencement AdWords proposé par la société Google Inc., les sites internet sospoints.fr, droitdeconduire.com, sos-permis-perdu.com, jesauvemonpermis.com, avocat-permis.net, et retrait-permis.fr ;

Qu’il convient en réalité au préalable d’examiner si la société Google, en mettant en œuvre le logiciel “AdWords”, peut ou non être considérée comme s’étant comportée comme un prestataire d’hébergement et bénéficier des dispositions ci-dessus ;

Attendu que la Cour Européenne de Justice, saisie de diverses questions préjudicielles, portant notamment sur les conditions d’application de l’article 14 de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information ( dite “directive sur le commerce électronique”), a pu préciser le 23 mars 2010 que la section 4 de la directive comprenant les articles 12 à 15, et en particulier l’article 14 transposé dans notre droit interne sous la forme de l’article 6.I.2, visait à restreindre les cas de figure pour lesquels la responsabilité des prestataires de services intermédiaires peut être engagée ;

Qu’elle a considéré que le service AdWords de Google correspondait aux services prestés à distance au moyen d’équipements électroniques de traitement et de stockage de données, à la demande individuelle d’un destinataire de services et normalement contre rémunération ;

Que toutefois elle a précisé que son comportement devait se limiter à celui d’un prestataire intermédiaire, soit “purement technique, automatique et passif”, impliquant l’absence de connaissance et de contrôle sur les informations transmises ou stockées ;

Que dans la mesure où Google, lors de la mise en œuvre du service AdWords, procède, à l’aide de logiciels développés par elle, à un traitement des données introduites par les annonceurs, duquel résulte un affichage des annonces sous des conditions dont elle a la maîtrise, soit l’ordre d’affichage en fonction notamment de la rémunération réglée, la Cour souligne la nécessité d’analyser les modalités concrètes de la fourniture du service, afin d’apprécier si Google n’a pas une connaissance ou un contrôle des données stockées de nature à révéler un rôle actif de sa part, excluant qu’elle puisse être considérée comme un prestataire purement passif, c’est-à-dire un prestataire d’hébergement au sens de l’article 14 de la directive et de l’article 6.I.2 de la loi 21 juin 2004 ;

Attendu ceci exposé que la société Google fait valoir en particulier que si l’annonceur peut accéder à un générateur de mots-clés, qui permet de proposer une liste statistique des termes les plus couramment associés par les internautes au mot-clé initialement envisagé, le choix en définitive de ceux-ci est exclusivement le fait des annonceurs ;

Que le fait que Google se réserve le droit de refuser les mots clés ajoutés, contrôle le respect des consignes de rédaction – il s’agit suivant le constat de rédiger en minuscules, et non en majuscules, page 16 du constat du 3 septembre 2010 -, et souligne l’intérêt de cibler un produit ou service pour optimiser les résultats n’est pas significatif d’un rôle actif, au vu des données du présent litige ;

Qu’en effet, le constat établi par huissier de justice le 3 septembre 2010 fait apparaître qu’en inscrivant comme mots clés “avocat permis”, “avocat auto”, “cabinetd.”, “permis annulé avocat”, le générateur de mots clés propose les mots clés suivants : “avocat droit des affaires”, “avocat droit des étrangers”, “avocat droit des sociétés”, “avocat droit des personnes”, ou encore “avocat droit immobilier”, “avocat droit immobilier paris”, “avocat paris”, avocat paris 16″ ; que le demandeur n’explique pas au demeurant en quoi la société Google ce faisant aurait proposé d’autres mots clés que ceux correspondant à ceux les plus couramment associés par les internautes aux mots clés choisis à l’origine par l’annonceur, ni n’affirme au surplus le caractère illicite des dénominations ainsi générées ;

Qu’étant observé que l’utilisation du mot “avocat” dans un contenu ne révèle pas en toute évidence, ni l’appropriation par un tiers du titre correspondant à la profession que ce mot, dans cette acception, désigne aux sens propre ou figuré, ni l’exercice de celle-ci par le tiers en question, il ressort du constat dressé par huissier de justice le 2 septembre 2010, que le demandeur a seulement fait constater les résultats générés par les requêtes adressées au moteur de recherche de Google correspondant aux deux premiers mots clés, ainsi qu’aux mots clés “avocat permis annulé” et “avocat retrait de points” ;

Qu’en plus du site du demandeur, le plus souvent placé en tête des résultats, soit dans la partie supérieure, soit dans la colonne de droite intitulée “liens commerciaux”, le site “SOS-Points.fr” s’affiche en réponse à chacune des requêtes, également en très bonne position, avec l’annonce “Centre direct d’Avocats “Expert en Droit Automobile” suivi d’un numéro de téléphone, ou “/Exces de Vitesse Avocats Experts en Permis annulé ou suspendu” suivi d’un numéro de téléphone ;

Que par ailleurs, le seul autre site parmi les sites visés dans le dispositif à s’afficher est le site “sos-permis-perdu.com”, sur la requête “avocat permis” en partie haute en troisième position, avec l’annonce “Vous avez perdu votre Permis ? Solutions juridiques” suivi d’un numéro de téléphone ; que sur la requête “avocat permis annulé” ce site s’affiche dans la même position, avec l’annonce “récupérez votre permis de conduire solutions en moins de 24 heures” ; qu’il est à noter pourtant que le demandeur n’a pas interrogé le service “whois” pour identifier le titulaire du nom de domaine ;

Attendu qu’en conséquence, ainsi que le souligne la défenderesse, le demandeur ne démontre nullement l’existence d’un rôle actif de sa part, pouvant être constitué par un contrôle et une connaissance de la sélection par les annonceurs du mot-clé “avocat” pour l’affichage de leurs annonces ; qu’ainsi, rien n’établit qu’il est proposé aux annonceurs de choisir ce mot-clé, comme elle le fait valoir ; qu’il en est de même du mot clé associé comme ci-dessus évoqué ; qu’il n’est pas plus démontré le rôle actif de celle-ci dans la rédaction ou la présentation des annonces, qui se distinguent les unes des autres (pages 14, 21, 28, 35 du constat) ; que de plus, en dehors du site sos-points.fr, aucun des sites dont le demandeur a demandé l’identification par le service “whois” n’apparaît sur ces requêtes ;

Attendu que la consultation du constat établi le 3 septembre 2010 permet de constater que les termes associés au mot “avocat” proposés par le générateur de mots-clés dans l’exemple proposé ne révèlent pas plus l’existence d’un rôle actif, joué dans le cas concret par la société Google au travers du service AdWords ; que dès lors, elle doit être regardée comme un prestataire technique bénéficiant des dispositions de l’article 6.I.2 de la loi du 21 juin 2004 ;

Sur la responsabilité alléguée et la mesure demandée

Attendu qu’il faut rappeler que le prestataire d’hébergement n’est nullement tenu à une obligation de surveillance générale ; qu’en définitive aucun des noms de domaine envisagés n’inclut le terme “avocat” ; qu’il ne saurait être retenu, avec l’évidence au surplus requise en référé, que la seule référence par elle-même à cette profession puisse révéler une appropriation abusive, génératrice d’une concurrence déloyale dont pourrait se plaindre le demandeur ;

Que comme l’indique à juste raison la défenderesse, la notification faite le 10 septembre 2009, soit au surplus près d’une année avant l’introduction de l’instance, ne correspond pas aux exigences de l’article 6.I.5 de la loi du 21 juin 2004 : que celle-ci doit comporter en effet, dans chacun des cas cités, une description des faits, les motifs du retrait par la société Google des liens litigieux, avec la mention des dispositions légales et justification des faits, et la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou l’éditeur ; qu’il était de façon générale évoqué une activité d’intermédiation entre justiciables et avocats, l’infraction d’usurpation de titre, et seulement l’intention des “principaux cabinets spécialisés dans le secteur du droit de l’automobile” d’attraire “très prochainement” l’ensemble des sociétés pour solliciter la fermeture des sites, mais nullement joint une copie de la correspondance adressée à l’éditeur comme exigé ; qu’aucune justification n’est apportée des actions en justice qui auraient été depuis lors engagées à l’encontre des éditeurs en question, ce qui est d’autant plus surprenant que le demandeur évoque longuement les activités à son sens illicites du titulaire d’au moins quatre sites non visés par le courrier du 10 septembre 2009 ; que l’acte introductif ne peut davantage valoir notification, en l’absence d’envoi de courrier aux éditeurs, et eu égard au surplus, comme relevé plus haut, à son caractère général ne permettant nullement à la société défenderesse de connaître pour chaque cas les griefs du demandeur ;

Sur les sites objet de la demande subsidiaire

Attendu qu’il convient, avant toute autre considération, de relever que les écritures du demandeur n’évoquent que le site sos-points.fr (page 21), mais non le site sos-permis-perdu.com, précisent que le site avocatpermisautomobile.com a “disparu” depuis le courrier du 10 septembre 2009, évoquent incidemment un nouveau site accessible à l’adresse retrait-permis.fr, sans expliquer d’aucune manière en quoi le référencement de ce site serait illicite, tout en n’exposant nullement la raison pour laquelle le site avocatpermis.net se trouve visé, seulement dans le dispositif ;

Qu’il convient encore d’observer que la mise en demeure adressée à un prestataire d’hébergement le 3 septembre 2010 – soit postérieurement à la délivrance de l’acte introductif à la société Google France – fait référence, exception faite du site accessible à l’adresse jesauvemonpermis.com, à d’autres sites ;

Attendu que la demande subsidiaire porte sur la cessation de la diffusion de toute publicité via le système AdWords de l’adresse des sites objet du courrier du 10 septembre 2009 ; qu’une telle demande, par son imprécision, ne peut être satisfaite ; qu’à supposer que le demandeur reprenne sous cette forme contractée l’objet de sa demande principale, soit d’interdire l’utilisation du mot clé “avocat” dans l’annonce, une telle demande ne peut concerner que les sites accessibles respectivement aux adresses sos-points.fr et sos-permis-perdu.com ;

Attendu en effet qu’à l’examen attentif des pièces communiquées, il s’avère que la seule pièce évoquant le site avocat-permis.net est représentée par une capture d’écran dénuée de la moindre date, comme celle relative au site retrait-permis.fr (pièce n° 27, intitulée dans le bordereau “diverses captures d’écran des sites internet litigieux”), alors que par ailleurs les constats établis par huissier de justice les 2 et 3 septembre 2010 ne les font nullement apparaître (pièces 1 et 1 bis, suivant le bordereau pièce n° 1, constats d’huissier) ;

Attendu que suivant l’acte introductif, le site accessible à l’adresse sos-points.fr s’affiche à la requête “avocat auto” donnée au moteur de recherche Google, avec l’annonce “Centre direct d’Avocats » “Expert en Droit Automobile” comme constaté plus haut ; que suivant les écritures ultérieures du demandeur (page 21), sur la requête “avocat permis annulé” le moteur affiche l’annonce “SOS-points.fr/Excès-de-vitesse Avocats experts en Permis.Annulé ou suspendu” ;

Que le demandeur affirme que la réelle activité de cette société est de jouer un rôle d’intermédiaire entre les clients et les avocats, mais que cela n’est pas mentionné ; qu’il n’en résulte pas pour autant avec évidence la revendication par une personne identifiée du titre d’avocat, entraînant au préjudice du demandeur un comportement constitutif de concurrence déloyale ;

Attendu que s’agissant de l’autre site, accessible à l’adresse “sospermis-perdu.com”, les annonces s’affichant sur les requêtes “avocat permis” et “avocat permis annulé”, soit “Vous avez perdu votre Permis ? Solutions juridiques”, et “récupérez votre permis de conduire solutions en moins de 24 heures” ne révèlent pas d’évidence un rôle d’intermédiaire, permettant d’adresser les internautes à des avocats, le mot avocat n’apparaissant pas ;

Que sur le fait que la publicité en résultant serait trompeuse, la société Google affirme que la visite des sites confirme que leur objet est bien la mise en relation avec des avocats dûment inscrits au barreau ;

Que la consultation des pièces communiquées par la société Google (pièce 16-4) permet plus précisément de constater au sujet du contenu du site sos-points.fr que celui-ci a “aussi pour vocation d’organiser la meilleure défense de votre problème, s’agissant des conséquences liées à toutes les infractions routières qui peuvent vous être reprochées avec nos Avocats” ; qu’il est évoqué ainsi la mise en relation avec “l’un de nos meilleurs Avocats avec lequel nous collaborons régulièrement” ;

Attendu toutefois que le juge des référés, pour prendre la mesure demandée, doit s’assurer du caractère manifestement illicite du trouble invoqué ;

Qu’il ne peut que constater l’impossibilité d’examiner dans le détail le contenu de ces sites et sa présentation, comme de s’assurer de la validité des éléments relevés sous forme de simples copies d’écran, faute de l’établissement d’un constat dressé par huissier de justice à cette fin dans le respect des pré-requis techniques exigés ; que cette constatation s’impose en effet dans la mesure où les exploitants des deux sites évoqués plus haut, non seulement n’ont pas été mis en cause, mais n’ont pas même été avisés par une mise en demeure conforme aux dispositions de l’article 6.I.5 de la loi du 21 juin 2004, et n’ont pas été par conséquent mis en situation de s’expliquer eux-mêmes sur les griefs avancés ; que l’exploitant de sos-permis.fr se trouve pourtant identifié, selon une pièce du demandeur ( pièce n° 2 ) comme “CFR Concept France Realisation”, ou selon la défenderesse (pièce n° 17) comme le Groupe Conseil et Développement, titulaire par ailleurs du nom de domaine d’au moins quatre autres sites (pièces 4 à 8, 11, 12), longuement évoqué dans les écritures du demandeur qui le considère aussi comme l’exploitant ;

Que la prétention suivant laquelle il s’agit d’ordonner à la société Google Inc., au travers de son outil logiciel, de réserver l’utilisation du mot clé “avocat” dans les annonces aux avocats ou sociétés d’avocats inscrits au tableau d’un ordre, et interdite en particulier à l’exploitant du site sos-permis.fr ne peut être retenue en cet état d’incertitude affectant les éléments versés au débat ;

Attendu ainsi qu’il ne peut être conclu avec évidence à l’existence d’un référencement commercial illicite, et retenu l’existence d’un trouble manifestement illicite propre à justifier la mesure demandée ;

Que par conséquent il n’y a lieu à référé ;

Sur l’abus allégué de procédure

Attendu qu’il est demandé au bénéfice de la “société Google” une indemnité sur ce fondement ; que la société Google France ayant demandé d’être mise hors de cause, la société concernée par la demande serait la société Google Inc. ;

Que le demandeur il est vrai a cru pouvoir engager son action avec une légèreté certaine, en rapprochant divers éléments parfois sans rapport les uns avec les autres et en soumettant au débat des éléments incomplets, des considérations générales n’étant pas assorties de façon méthodique de l’analyse précise indispensable appliquée aux cas pouvant être retenus ;

Que pour autant, ce comportement procédural ne révèle pas une intention de nuire, de sorte qu’il ne peut être retenu que le demandeur a pu laisser dégénérer son droit d’agir en abus ;

Que cette demande sera en conséquence écartée ;

Sur les frais irrepetibles

Qu’il apparaîtrait en revanche inéquitable de laisser aux sociétés Google France et Google Inc. la charge des frais irrépétibles importants qu’elles ont dû engager ;

Que M. Sébastien D., qui aura la charge des dépens, sera condamné à leur verser à ce titre la somme globale de 4000 €.

DECISION

Par ordonnance contradictoire et en premier ressort, mise à disposition au greffe,

Vu les articles 445, 444 du Code de procédure civile,

. Ecartons la note en date du 2 novembre 2010 adressée par M. D. en cours de délibéré, et rejetons la demande tendant à la réouverture des débats,

. Mettons la société Google France hors de cause,

Vu les dispositions des articles 6.I.2, 6.I.5 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, 809 du code de procédure civile,

. Constatons que M. D. n’établit pas dans le cas de l’espèce le rôle actif de la société de droit de l’Etat de Californie (Etats-Unis d’Amérique) Google Incorporated dans la mise en œuvre de l’outil logiciel AdWords de référencement commercial,

. Constatons que M. D. n’établit pas le caractère manifestement illicite du trouble qu’il conviendrait de faire cesser,

. Disons n’y avoir lieu à référé,

Vu les dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile,

. Rejetons la demande tendant à la condamnation de M. Sébastien D. au paiement à la société Google Incoporated d’une indemnité pour abus de procédure,

. Condamnons M. Sébastien D. au paiement des dépens, et à payer aux sociétés Google France et Google Incorporated la somme globale de 4000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal : M. Emmanuel Binoche (premier vice-président)

Avocats : Me Eric de Caumont, Me Alexandra Neri

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