Jurisprudence : E-commerce
Tribunal de grande instance de Paris 3ème chambre, 3ème section Ordonnance du juge de la mise en Etat 25 juin 2008
eBay et autres / Lancôme Parfums, L'Oréal
contrefaçon - e-commerce
FAITS ET PROCEDURE
La société Lancôme Parfums et Beauté & Cie (ci-après «Lancôme») et la société L’Oréal sont, notamment, titulaires des marques verbales ou semi-figuratives françaises Lancôme,Trésor,Trésor Lancôme, Amor Amor, déposées en classe 3 pour désigner notamment des «parfums» et des «eaux de toilettes»
Ces sociétés commercialisent depuis de nombreuses années, sous ces marques, des parfums extrêmement appréciés du public et qui ont acquis une notoriété mondiale.
Les demanderesses ont eu connaissance de la reproduction, de l’offre à la vente et de la vente, par un vendeur se présentant sous le pseudonyme «paupiette81», sur le site internet de vente aux enchères de la société eBay France accessible à partir de l’adresse http://www.ebay.fr, de parfums reproduisant notamment les marques précitées.
Afin d’identifier tant l’identité exacte que la nature contrefaisante de ces produits, la société L’Oréal a fait procéder, le 9 février 2007 à la commande et à l’achat auprès de ce vendeur, d’un flacon de parfum sous la marque « Amor Amor », mis à prix à 18 € sur le site ebay.fr.
Le vendeur, agissant sous le pseudonyme « paupiette 81 » indiquait alors à l’acheteur ses coordonnées afin que ce dernier puisse procéder au paiement :
« bonjour. Adresse : Mr B.
Mohamed, …. , 76140
petit quevilly »
Le même acheteur, après avoir réglé le prix, par un chèque libellé à l’ordre du vendeur Monsieur B., recevait le 14 février 2007, un colis contenant un flacon de parfum qui s’avérait reproduire non seulement la marque « Amor Amor », mais également le flacon et l’emballage du parfum « Amor Amor », commercialisés par la société L’Oréal.
Après vérifications par L’Oréal, il s’avérait que ce parfum était une contrefaçon manifeste.
Par acte d’huissier de justice en date du 29 mai 2007, la société Lancôme Parfums et Beauté & Cie et la société L’Oréal ont assigné M. Mohamed B. devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marque réalisé par la commercialisation de produits argués de contrefaçon sur le site eBay.
Par ordonnance du 26 mars 2008 le juge de la mise en état, à la demande des sociétés Lancôme et L’Oréal a ordonné la production de pièces par les sociétés eBay.
Par acte d’huissier de justice en date du 7 mai 2008, la société eBay France, SA, a saisi le juge de la mise en état statuant comme en matière de référé en rétractation de l’ordonnance du 26 mars 2008.
Par acte d’huissier de justice en date du 9 mai 2008, les sociétés eBay Inc, eBay international AG et eBay Europe Sarl ont saisi le juge de la mise en état statuant comme en matière de référés en rétractation de l’ordonnance du 26 mars 2008
Par dernières conclusions la société eBay France demande de :
– déclarer recevable et bien fondée la société eBay France en toutes ses demandes, fins, moyens et prétentions ;
– y faire droit ;
– rétracter l’ordonnance du 26 mars 2008.
Dans tous les cas, suspendre l’exécution de l’ordonnance rendue le 26 mars 2008 dans l’hypothèse où le Juge de la mise en état ne rendrait pas une décision exécutoire sur minute avant le 7 mai 2008 ;
– condamner les sociétés L‘Oréal et Lancôme Parfums et Beauté & Cie in solidum à payer à la société eBay France la somme de 3000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– dire que l’ordonnance à intervenir sera exécutoire sur minute ;
– condamner les sociétés L’Oréal et Lancôme Parfums et Beauté & Cie in solidum aux entiers dépens dont distraction au profit du Cabinet Alain Bensoussan Selas en application de l’article 699 du Code de procédure civile.
Par dernières conclusions, les sociétés eBay Inc, eBay International AG et eBay Europe Sarl demandent de :
– déclarer recevables et bien fondées les sociétés eBay Inc, eBay International AG et eBay Europe Sarl, en toutes leurs demandes, fins, moyens et prétentions ;
– y faire droit ;
En conséquence,
– rétracter l’ordonnance du 26 mars 2008 ;
– donner acte aux sociétés eBay International AG et eBay Europe Sarl qu’elles communiqueront, dans un délai raisonnable et sur autorisation judiciaire au visa de l’article 6-II de la loi n°2004-575 pour la confiance dans l’économie numérique : les nom et adresse qu’elles détiennent concernant le vendeur utilisant le pseudonyme « paupiette81 » ;
* les autres pseudonymes utilisés par Monsieur Mohamed B. ;
* les informations concernant les annonces identifiées dans le cadre de la procédure enrôlée sous le numéro RG 07/07495, à savoir la désignation de l’objet proposé à la vente, la date de début de l’enchère, la date de fin de l’enchère et le montant de l’enchère ;
– dans l’hypothèse où le Juge de la mise en état ne rendrait pas une décision exécutoire sur minute avant le 7 mai 2008, suspendre l’exécution de l’ordonnance rendue le 26 mars 2008 ;
– condamner les sociétés L’Oréal et Lancôme Parfums et Beauté & Cie in solidum à payer à chacune des sociétés eBay International AG, eBay Europe Sarl et eBay Inc, la somme de 3000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– dire que l’ordonnance à intervenir sera exécutoire sur minute ;
– condamner les sociétés L’Oréal et Lancôme Parfums et Beauté & Cie in solidum aux entiers dépens dont distraction au profit de la société Alain Bensoussan Selas en application de l’article 699 du Code de procédure civile.
Par dernières conclusions communiquées le 30 mai 2008, les sociétés Lancôme, Parfums et Beauté & Cie et L’Oréal demandent au juge de la mise en état de :
– Débouter les sociétés eBay de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
– Dire et juger n’y avoir lieu à rétracter l’ordonnance rendue le 26 mars 2008 ;
A titre subsidiaire.
– Modifier l’ordonnance rendue le 26 mars 2008 en précisant les marques, objets du litige, le territoire concerné et la durée d’obligation, soit en ces termes ;
« Ordonner aux sociétés eBay France, eBay International AG, eBay Europe Sarl, eBay Inc, dans un délai de dix jours à compter de la signification de la décision à intervenir, de communiquer, sous astreinte de cinq cent € (€ 500) par jour de retard :
– le nombre et l’identification exacte de chacun des pseudonymes éventuellement utilisés par le même Monsieur B. (au nombre desquels « paupiette81 ») sur la plateforme de vente aux enchères eBay, que ce soit sur le site accessible à l’adresse www.ebay.fr ou quelque autre site que ce soit des sociétés défenderesses eBay, en France ;
– le nombre de parfums portant les marques Lancôme, Trésor, Trésor Lancôme, Amor Amor, offerts à la vente et vendus par Monsieur B., par marque et par pseudonyme, depuis son inscription sur le site accessible à l’adresse www.ebay.fr jusqu‘au jour de la décision à intervenir ;
– la liste exhaustive des évaluations laissées par les acheteurs auprès de Monsieur B., quelque soit le pseudonyme utilisé (y inclus « paupiette81 ») , relatives à des parfums portant les marques Lancôme, Trésor, Trésor Lancôme, Amor Amor appartenant aux demanderesses, en particulier les évaluations dénonçant l’existence de contrefaçons des marques des demanderesses par Monsieur B. et ce depuis son inscription sur le site accessible à l’adresse www.ebay.fr jusqu’au jour de la décision à intervenir ;
– l’historique détaillé des ventes réalisées par Monsieur B., par pseudonyme (y inclus « paupiette81 »), comprenant les quantités vendues de parfums portant les marques Lancôme, Trésor, Trésor Lancôme, Amor Amor depuis son inscription sur le site accessible à l’adresse www.ebay.fr jusqu’au jour de la décision à intervenir ;
– le prix total des parfums vendus portant les marques Lancôme, Trésor, Trésor Lancôme, Amor Amor, sur eBay par Monsieur B. depuis son inscription sur le site accessible à l’adresse ebay.fr jusqu’au jour de la décision à intervenir ;
– le montant des commissions perçues par l’une ou l’autre des sociétés eBay et le chiffre d’affaire réalisé sur les ventes de M. B. -quel que soit le pseudonyme utilisé- sur le parfums portant les marques Lancôme, Amor Amor depuis son inscription sur le site accessible à l’adresse www.ebay.fr jusqu’au jour de la décision à intervenir ;
à titre infiniment subsidiaire,
si Mme le juge de la mise en état devait considérer qu’il y a lieu de se prononcer sur le statut juridique des sociétés eBay afin de statuer sur l’obligation d’information mise à leur charge,
– surseoir à statuer dans l’attente de la décision à intervenir dans l’affaire opposant les sociétés L’Oréal et Lancôme aux sociétés eBay, enrôlée sous le numéro de RG 07 11365, pendante devant la 3ème chambre-3ème section du tribunal de grande instance de Paris,
à titre très infiniment subsidiaire, si Mme le juge de la mise en état ne devait pas estimer nécessaire de surseoir à statuer et devait se prononcer sur le statut juridique des sociétés eBay,
– renvoyer cette affaire à une audience ultérieure pour permettre aux sociétés Lancôme et L’Oréal de conclure sur la question du statut juridique des sociétés eBay,
– condamner solidairement les sociétés eBay à leur verser la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les sociétés eBay aux dépens avec distraction au profit de Maître Isabelle Leroux, avocat, en application de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.
M. B. s’en est rapporté à justice.
DISCUSSION
Sur la jonction des procédures
Les deux actions introduites devant le juge de la mise en état ont toutes les deux pour objet la rétractation d’une ordonnance précédemment rendue le 26 mars 2008 à la requête des sociétés Lancôme et L’Oréal et tendant à la production de pièces par les sociétés eBay, tiers au litige initial.
Dès lors, il est dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice que les deux instances soient jointes puisque la contestation porte sur la même ordonnance.
Sur le fondement juridique de l’action des sociétés eBay
Les sociétés eBay soutiennent que leur action s’analyse en une tierce opposition formée en application des articles 582 et 583 et 587 du code de procédure civile et qu’elle serait également soumise aux dispositions des articles 496 alinéa 2 et 487 du code procédure civile relatives au référé rétractation.
II convient de relever que les sociétés eBay ne faisaient référence qu’à la procédure de tierce opposition dans les requêtes qu’elles ont présentées afin d’être autorisées à assigner en référé d’heure à heure.
En l’espèce, il y a lieu de relever que la décision attaquée n’est pas une ordonnance sur requête mais a été prononcée par le juge de la mise en état saisi de conclusions en ce sens après débat contradictoire.
Il résulte de l’article 141 du code de procédure civile que “en cas de difficulté, ou s’il est invoqué quelques empêchements légitimes le juge qui a ordonné la délivrance ou la production de pièces peut, sur la demande sans forme qui lui en serait faite, rétracter ou modifier sa décision. Le tiers peut interjeter appel de la nouvelle décision dans les quinze jours de son prononcé”.
Dès lors, il convient de nous déclarer régulièrement saisi sur le fondement textuel de cette procédure, la décision querellée portant atteinte aux droits des tiers et la décision litigieuse ayant été rendue par nous en qualité de juge de la mise en état.
Sur la recevabilité à agir des sociétés Lancôme et L’Oréal
L’article L716-7-1 du code de propriété intellectuelle sur lequel est fondé l’ordonnance du 26 mars 2008 est relatif à la communication de pièces relatives à des “réseaux de distribution des produits contrefaisants qui portent atteinte aux droits des demandeurs”.
Les sociétés eBay soutiennent que les sociétés Lancôme et L’Oréal seraient dépourvues d’intérêt à agir n’ayant pas précisé les numéros d’enregistrement des marques dont elles se prévalent.
Il convient d’observer que dans le cadre de la présente procédure la société Lancôme justifie être titulaire des marques suivantes :
– Lancôme déposée le 25 juin 1980 et enregistrée sous le n°1 595 133, régulièrement renouvelée,
– Trésor déposée le 8 septembre 1986 enregistrée sous le numéro 1 369 732, régulièrement renouvelée,
– Trésor Lancôme déposé le 3 octobre 1989 et enregistrée sous le numéro 1 553 482, régulièrement renouvelée,
La société L’Oréal justifie être titulaire de la marque Amor Amor déposée le 3 décembre 2002 et enregistrée sous le numéro 023 197314.
Dès lors, ces sociétés sont recevables à agir pour les marques précitées.
Sur l’application de la loi du 29 octobre 2007
Les sociétés eBay soutiennent que la loi ne dispose que pour l’avenir et que dès lors l’article L716-7-1 du code de propriété intellectuelle dans sa rédaction issue de la loi adoptée le 29 octobre 2007 ne peut s’appliquer à des faits commis antérieurement à cette date, or les sociétés Lancôme et L’Oréal se plaignent de faits datant du début de l’année 2007 et ont assigné M. B. le 29 mai 2007.
Il convient de rappeler qu’en application de l’article 2 du code civil la loi ne dispose que pour l’avenir et n’a point d’effet rétroactif.
L’article L716-7-1 du code de propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de la loi du 29 octobre 2007 a créé un droit d’information “afin de déterminer l’origine et les réseaux de distribution de produits contrefaisants qui portent atteinte aux droits du demandeur” permettant à la juridiction saisie d’ordonner, sauf empêchement légitime, et au besoin sous astreinte “la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits contrefaisants ou qui fournit des services utilisés dans les activités de contrefaçon ou encore qui a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits ou la fourniture de ces services.”
Ce texte est la transposition de l’article 8 de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004, imposant aux états membres de l’Union Européenne de veiller à ce que : ”dans le cadre d’une action relative à une atteinte à un droit de propriété intellectuelle et en réponse à une demande justifiée et proportionnée du requérant, les autorités judiciaires compétentes puissent ordonner que les informations sur l’origine et les réseaux de distribution des marchandises et des services qui portent atteinte à un droit de propriété intellectuelle soient fournies “notamment” par le contrevenant“. Le délai de transposition de la directive a expiré le 29 avril 2006, soit à une date antérieure à la constatation des actes argués de contrefaçon.
L’article L716-6-1 de code de propriété intellectuelle ne modifie pas les règles relatives à la charge de la preuve, mais précise la nature des informations qui pourront être recherchées et créé une procédure spécifique pour y parvenir.
Il convient d’observer que les articles 11 et 138 du code de procédure civile permettaient déjà sur le fondement du droit commun d’obtenir des éléments de preuve détenus par des tiers en cours de procédure.
Les règles gouvernant les modes de preuve et relatives à la procédure sont celles en vigueur le jour où le juge statue.
Dès lors, l’article L716-7-1 du code de propriété intellectuelle dans sa rédaction issue de la loi du 29 octobre 2007 est applicable en l’espèce.
Sur la compétence du juge de la mise en état,
La société eBay France soutient également que la mise en oeuvre de l’article L716-7-1 du code de propriété intellectuelle suppose qu’une décision sur le fond soit déjà intervenue puisque le texte se réfère à des “produits contrefaisants”.
II convient d’observer que l’article L716-7-1 du code de propriété intellectuelle dispose que : “si la demande lui en est faite, la juridiction saisie d’une procédure civile prévue au présent titre peut ordonner (…) afin de déterminer l’origine et les réseaux de distribution des produits contrefaisants qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tout documents d’information détenue (…) par toute personne (…) qui fournit des services utilisés dans les activités de contrefaçon (…)“.
Il en résulte que ce texte vise “la juridiction saisie d’une procédure” ce qui englobe le juge de la mise en état. Par ailleurs, il y a lieu de noter que le juge de la mise en état est compétent en vertu de l’article 770 du code de procédure civile selon lequel “le juge de la mise en état compétent exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production de pièce”. Enfin, il apparaît que la compétence du juge de la mise en état se déduit de l’esprit de la loi du 29 octobre 2007 qui est dédiée à la lutte contre la contrefaçon.
Sur la production de pièces par des tiers
En l’espèce, il existe des présomptions suffisantes pour établir que M. B. a commercialisé des produits contrefaisants (cf. : parfum Amor Amor contrefaisant acquis sur eBay de “paupiette 81″ pseudonyme de M. B., avis négatifs des ebayeur dénonçant des produits contrefaits, approvisionnement auprès du commerce “aux bonnes affaires ”lequel s’approvisionne en produits à vil prix) dans ces conditions il convient de faire droit aux demandes des sociétés demanderesses à l’encontre tant de M. B. que des sociétés eBay par l’intermédiaire desquelles les parfums contrefaisants ont été commercialisées, selon des modalités précisées au dispositif.
Il résulte du procès verbal de saisie que la contrefaçon ne s’est pas limitée à la seule vente du parfum Amor Amor acquis sur eBay par les sociétés demanderesses, les ventes ayant duré plusieurs mois, dès lors c’est à juste titre que le sociétés demanderesses demandent la production de documents concernant d’autres marques dont elles sont titulaires.
Sur les obstacles soulevées par les différentes sociétés eBay à la communication des documents demandés
Les sociétés eBay International AG et eBay Europe Sarl soutiennent qu’elles ne sont pas des “intermédiaires dans la commercialisation de produits contrefaisants”, qu’en effet elles n’interviennent pas dans le processus de rédaction des annonces, n’effectuent pas de contrôle éditorial de l’annonce avant sa mise en ligne, ne revoient, n’approuvent ni ne modifient le titre d’une annonce, la description de l’objet, la photographie avant sa mise en ligne de l’annonce par le vendeur, n’interviennent pas dans la mise en ligne de l’annonce laquelle est mise en ligne automatiquement, n’agissent ni pour le compte du vendeur, ni pour celui de l’acquéreur, n’interviennent pas dans le paiement de l’objet, ni dans sa livraison et sont tierces à la conclusion du contrat de vente entre le vendeur et l’acheteur.
Les sociétés eBay International AG et eBay Europe Sarl soutiennent également qu’elles n’entrent pas dans le champ des personnes visées aux articles L716-7-1 du code de propriété intellectuelle qu’elles ne sauraient notamment être qualifiées de “fournisseurs de services utilisés dans des activités de contrefaçon”, la plate forme eBay permettant uniquement à des personnes de se mettre en relation pour vendre leurs produits à l’instar de La Poste qui achemine le courrier.
Sur ce point les sociétés Lancôme et L’Oréal font valoir qu’à la différence de La Poste les sociétés eBay perçoivent des commissions sur les transactions effectuées grâce à leur intermédiaire.
Il convient d’observer qu’à supposer que les sociétés eBay International et eBay Europe ne soient que de simples prestataires de stockages, elles fournissent bien un service utilisé dans le cadre des actes de contrefaçon étant précisé en l’espèce qu’il n’appartient pas au juge de la mise en état de se prononcer sur la responsabilités des sociétés eBay dans les actes de contrefaçon, la communication de pièces par des tiers, ordonnée par le juge de la mise en état étant distincte de toute recherche de responsabilités desdits tiers.
Dès lors, les sociétés eBay ne sauraient soutenir qu’elles ne sont tenues que par les dispositions de l’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique applicable aux prestataires de stockage et que les dispositions de l’article L716-7-1 leur sont applicables.
La société eBay France fait valoir l’existence d’un empêchement légitime à la communication de pièces sollicitées au motif qu’elle n’héberge aucun site internet, et n’a aucun lien avec le site www.ebay.fr son activité se limitant exclusivement à la fourniture à eBay International AG d’un service de conseil en gestion, marketing, assistance juridique et réglementaire sur le marché français.
Il convient d’observer que la société eBay France affirme ces faits sans en justifier ; en effet l’extrait Kbis du registre du commerce qu’elle produit aux débats définit ainsi son activité : “ fourniture de services pour les sites internet ainsi que pour les activités commerciales des entreprises traditionnelles”, ce qui ne permet pas d’exclure qu’elle puisse servir d’intermédiaire entre les consommateurs utilisant la plate forme eBay.
Sur le caractère exhaustif de la liste de l’article L716-7-1 du code de propriété intellectuelle
Les sociétés eBay soutiennent que l’article L716-7-1 définit une liste exhaustive des informations que les autorités judiciaires sont habilitées à ordonner de communiquer et dispose en son alinéa 3 : “les documents ou informations recherchés portent sur :
a) les nom et adresse des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des produits ou services ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants ;
b) les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que sur le prix obtenu pour les produits ou services en causes.”
Les sociétés eBay soulignent que le but de cette législation n’étant pas en effet d’établir le principe de la contrefaçon et de permettre d’identifier d’éventuelles nouvelles infractions mais de prouver l’origine et les réseaux de distribution relatifs aux faits de contrefaçon.
II y a lieu de souligner que le juge de la mise en état en application des articles 11 et 138 et 770 du code de procédure civile a le pouvoir d’ordonner la production d’éléments de preuve détenues par des tiers en cours de procédure.
Dès lors, il lui appartient de déterminer les pièces utiles à la procédure en cours qui doivent être communiquées par des tiers.
Sur l’obligation d’identifier précisément les sociétés objets de l’injonction
Il est constant que les sociétés tierces à une procédure aux quelles il est demandé de produire des pièces doivent être identifiées précisément ainsi qu’il sera précisé au dispositif.
Sur la communication d’informations concernant le site accessible en France ou accessible au public français, y inclus depuis l’étranger
Les sociétés L’Oréal et Lancôme se prévalant de l’atteinte portée à des marques françaises, leur protection n’est assurée que sur le territoire français.
Dans ces conditions, il convient de limiter la communication de renseignements aux connections au site eBay à partir du territoire français.
Sur la limitation dans la durée des informations
La communication des informations doit être aussi précise que possible et limitée dans la durée selon des modalités précisées au dispositif.
Sur la communication de la “liste exhaustive des évaluations laissés par les ebayeurs”
Les sociétés eBay s’opposent à la communication de ces informations qui selon elles n’entrent pas dans les informations pouvant être communiquées.
Il apparaît que les évaluations laissées par les ebayeurs ne sont pas très fiables puisqu’il est constant qu’elles peuvent émaner du vendeur lui même et ne peuvent donc dès lors asseoir une action en contrefaçon
Les sociétés Lancôme et L’Oréal qui bénéficient déjà de ces évaluations pour une période limitée ne justifient pas de l’intérêt qu’elles auraient à obtenir ces évaluations pour une période antérieure. Dans ces conditions, il convient de rétracter sur ce point notre ordonnance.
Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile
II ne parait pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles et non compris dans les dépens.
Sur les dépens
Il convient de faire masse des dépens de la présente procédure de rétraction et de dire qu’ils seront supportés par moitié par chacune des parties
DECISION
Nous Juge de la Mise en Etat, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, dans les conditions de l’article 141 du code de procédure civile,
. Ordonnons la jonction des procédures N°RG 0806929 et RG 0806930,
. Rétractons notre ordonnance en date du 26 mars 2008 en ce qu’elle a ordonné la production de pièces détenues par des tiers,
. Ordonnons aux sociétés eBay France, eBay International AG, eBay Europe Sarl, eBay Inc, dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, de communiquer, sous astreinte de 150 € par jour de retard :
– le nombre et l’identification exacte de chacun des pseudonymes éventuellement utilisés par Monsieur B. (au nombre desquels «paupiette81 ») sur la plateforme de vente aux enchères eBay, sur le site accessible à l’adresse www.ebay.fr,
– le nombre de parfums portant les marques Lancôme, Trésor, Trésor Lancôme, Amor Amor, offerts à la vente et vendus par Monsieur B., par marque et par pseudonyme, depuis son inscription sur le site accessible à l’adresse www.ebay.fr jusqu‘à ce jour ;
– l’historique détaillé des ventes réalisées par Monsieur B., par pseudonyme (y inclus « paupiette81 »), comprenant les quantités vendues de parfums portant les marques Lancôme, Trésor, Trésor Lancôme, Amor Amor depuis son inscription sur le site accessible à l’adresse www.ebay.fr jusqu’à ce jour, (désignation de l’objet proposé à la vente, la date de début et de fin de l’enchère, la date de fin de l’enchère et le montant de l’enchère) ;
– le prix total des parfums vendus portant les marques Lancôme, Trésor, Trésor Lancôme, Amor Amor sur eBay par Monsieur B. depuis son inscription sur le site accessible à l’adresse www.ebay.fr jusqu’à ce jour ;
– le montant des commissions perçues par l’une ou l’autre des sociétés suivantes les sociétés eBay France, eBay International AG, eBay Europe Sarl, eBay Inc, et le chiffre d’affaire réalisé sur les ventes de M. B. -quel que soit le pseudonyme utilisé- sur le parfums portant les marques Lancôme, Amor Amor depuis son inscription sur le site accessible à l’adresse www.ebay.fr jusqu’à ce jour,
. Dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,
. Faisons masse des dépens et disons qu’ils seront supportés par moitié par chacune des parties avec distraction au profit de Maître Isabelle Leroux et de la société Alain Bensoussan, avocat, en application de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.
Le tribunal : Mme Agnès Thaunat (vice-président)
Avocats : Me Alain Bensoussan, Me Isabelle Leroux, Me Redouane Mahrach
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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.