Jurisprudence : Droit d'auteur
Tribunal de grande instance de Toulouse Ordonnance de référé 24 janvier 2008
Association Vent de colère ! / Jean Marie W.
droit d'auteur
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS
Par acte en date du 4 octobre 2007, l’association Vent de colère ! Fédération Nationale a fait attraire Jean Marie W. devant le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Toulouse, sur le fondement des articles 808 et 809 du Nouveau Code de procédure civile, afin de :
– voir juger que M. W. a eu un comportement manifestement illicite en usurpant les noms de domaine « ventdecolere.org » et “ventdecolere.info », en refusant de les transférer à l’association, en usurpant les fonctions du Président de l’association Vent de colère ! Fédération Nationale, en retenant de manière abusive les codes informatiques des sites “ventdecolere.org” et “ventdecoIere.info ».
– entendre ordonner en conséquence la condamnation de M. W., sous astreinte de 150 € par jour de retard, à :
* transférer à l’association Vent de colère ! Fédération Nationale les noms de domaine « ventdecolere.org” et « ventdecolere.info »,
* communiquer à l’association Vent de colère ! Fédération Nationale les codes relatifs à la gestion des noms de domaines « ventdecolere.org” et « ventdecolere.info »,
* communiquer à l’association Vent de colère ! Fédération Nationale les codes relatifs à l’administration du site “ventdecolere.org” (code FTP, code de messagerie, etc…),
* cesser toute administration du site internet de l’association Vent de colère ! Fédération Nationale, et toute communication au nom de l’association,
– voir condamner son adversaire à lui payer la somme de 5000 € à titre de provision en raison du préjudice créé,
– voir condamner son adversaire à lui verser la somme de 5000 € sur le fondement de l’article 700 du même Code et à payer les dépens en ce compris le coût du constat de Me Baillon pour 351,47 €.
L’association Vent de colère ! Fédération Nationale expose notamment à l’appui de ses demandes que :
– l’association Vent de colère !, créée en 2001 dans le but de fédérer des associations de lutte contre l’implantation d’éoliennes en France, regroupe actuellement plus de 429 associations sur le territoire national, dont le recrutement et l’adhésion se fait grâce au site internet “ventdecolere.org”.
– le site de l’association a été créé par M. W. pour le compte de l’association, et celui-ci a enregistré sous son nom, le 26 mai 2003, le nom de domaine
« ventdecolere.org » qui est l’adresse principale du site ainsi que, le 29 novembre 2005, le nom de domaine “ventdecolere.info”,
– M. W. sollicité en février 2007 par le président de l’association M. B. qui veut garder le contrôle du site et le rénover, a refusé de transférer les codes du site « ventdecolere.org » et les noms de domaine,
– lors du conseil d’administration de l’association tenu le 28 avril 2007, M. W. a donné oralement son accord pour transférer à l’association les noms de domaine et informé l’association qu’il ne souhaitait plus assurer sa fonction d’administrateur du site,
– le 30 juin 2007, le président de l’association a interrogé par lettre M. W. sur l’indemnisation qu’il souhaitait et sur la date et les modalités de sa succession,
– le 13 juillet 2007 M. W. a répondu qu’il recourait à un expert pour faire évaluer le site “ventdecolere.org” et qu’il contestait toute donation à l’association,
– la mise en demeure adressée à M. W. le 6 août 2007 est restée vaine,
– selon constat d’huissier en date du 13 septembre 2007, la concluante a fait constater que M. W. n’a pas supprimé du site un contenu en violation des instructions reçues et qu’il communique au contraire sur des événements d’associations concurrentes,
– ainsi M. W. usurpe les pouvoirs du président de l’association, et empêche l’association de mettre en ligne la nouvelle version du site réalisée par la société WLUP et de récupérer le contenu adressé par les autres associations.
En réponse, M. W. conclut au principal au rejet de la demande faute de mandat spécial du président de l’association pour agir en justice.
Subsidiairement il soutient qu’aucune urgence n’est caractérisée, qu’il existe des contestations sérieuses, et qu’aucun trouble manifestement illicite n’est caractérisé de sorte que le juge des référés ne peut retenir sa compétence.
Il sollicite qu’il soit jugé que la demanderesse a commis une faute qui engage sa responsabilité en refusant de l’assurer en qualité de webmestre et demande condamnation de celle-ci, sous astreinte de 300 € par jour de retard, à contracter une assurance responsabilité civile à son profit.
Enfin il demande que l’association Vent de colère ! Fédération Nationale soit condamnée à lui payer une provision de 3000 € au titre de son préjudice moral outre la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du Nouveau code de procédure civile.
A l’appui de ses prétentions, M. W. expose que :
– en accord avec le conseil d’administration de l’association, il a créé le site internet en 2003 qu’il a développé ensuite en protégeant les noms de domaine par leur enregistrement,
– il a annoncé son désir de démissionner de son poste de webmestre au conseil d’administration du 28 avril 2007, et le bureau a accepté sa demande tout en lui demandant de prolonger son activité le temps de la transition, de sorte que l’on ne peut lui reprocher de ne pas quitter ses fonctions,
– il continue de remplir correctement sa fonction de webmestre et de mettre à jour le site, en respectant les instructions de l’association,
– il a acquis le nom de domaine “ventdecolere.org” en son nom propre avec l’autorisation du président de l’association de l’époque, et le nom de domaine « ventdecolere.info » dans l’urgence et dans le souci de protection de l’association lorsqu’il s’est rendu compte qu’un tiers avait acquis le site ventdecolere.com,
– il n’a jamais fait un usage personnel des noms de domaine et il n’existe donc aucun trouble manifestement illicite,
– il ne saurait être ordonné le transfert du nom de domaine alors que cette mesure n’est pas prévue par la loi et que l’unité de réservation n’est pas dans la cause,
– il est propriétaire du site en qualité d’auteur conformément aux dispositions de l’article L 112-2 du Code de la propriété intellectuelle, et l’association ne pourra devenir propriétaire du site que s’il cède son droit patrimonial,
– il n’a causé à l’association Vent de colère ! Fédération Nationale aucun préjudice,
– il n’a jamais obtenu d’être assuré malgré les demandes répétées alors qu’il peut voir sa responsabilité engagée.
Par ordonnance contradictoire rendue le 20 décembre 2007 la présente juridiction a dit que l’action introduite par le président de l’association, es qualité de représentant de celle-ci, était recevable, et ordonné la réouverture des débats afin de recueillir éventuellement l’accord des parties sur la mise en place d’une médiation, l’affaire étant renvoyée à l’audience du jeudi 10 janvier 2008.
A cette date, les parties ont fait connaître leur refus de la médiation.
DISCUSSION
Il est constant que M W. a, pour le compte de l’association Vent de colère ! Fédération Nationale, créé le site de l’association, et a enregistré sous son nom, le 26 mai 2003, le nom de domaine “ventdecolere.org” qui est l’adresse principale du site ainsi que, le 29 novembre 2005, le nom de domaine “ventdecolere.info”.
Il est également constant qu’une mésentente s’est installée entre I’association Vent de colère ! Fédération Nationale et le président de l’association et que, lors du conseil d’administration du 28 avril 2007 dont le compte rendu est versé aux débats,
M. W. s’est engagé à transférer à la fédération la propriété des noms de domaine “vent de colère » et à lui transmettre les codes d’accès, ce dont le conseil lui a donné acte en lui demandant de poursuivre temporairement ses fonctions de webmestre dans l’attente d’un successeur, demande que M. W. a accepté.
Il résulte des pièces versées aux débats par la demanderesse que, dès le 17 juillet 2007, la fédération a indiqué à M. W. par courrier de son président les coordonnées de son successeur en le convoquant à une rencontre avec celui-ci le 25 juillet suivant.
M. W. a refusé la rencontre et indiqué dans divers courriers qu’il voulait discuter des conditions financières du transfert.
Devant le blocage de la situation, la fédération a engagé une procédure d’exclusion de M. W. de sa fonction d’administrateur, lui demandant de venir fournir ses explications.
L’article 809 du code de procédure civile dispose en son premier alinéa que le juge des référés peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En l’espèce, la fédération a, par la voix de son conseil d’administration, donné acte à M. W. de son engagement à lui transférer les noms de domaine et à lui transmettre les codes d’accès dès qu’un successeur serait trouvé.
Force est de constater que M. W. est postérieurement revenu sur son engagement et prétend désormais à une rémunération pour sa qualité d’auteur. Cette question de la propriété intellectuelle, des droits d’auteur et de leur évaluation patrimoniale ressort exclusivement de la compétence du juge du fond et non du juge des référés qui n’est que le juge de l’apparence. Cette contestation sérieuse n’empêche pas la présente juridiction, en présence d’un trouble manifestement illicite, de prendre les mesures qui s’imposent.
Le trouble manifestement illicite est constitué en l’espèce d’une part par le refus de M. W. de satisfaire à son engagement en respectant l’accord conclu lors du conseil d’administration du 28 avril 2007, et d’autre part par le fait pour M. W. de s’approprier un site qui n’a jamais été un site à vocation d’utilisation personnelle mais qui a toujours été dédié à la fédération et à la diffusion des idées qu’elle défend. Celle-ci doit pouvoir en assurer pleinement le contrôle et la maîtrise, lesquels s’entendent notamment de la propriété des noms de domaine qui ne sauraient appartenir à un particulier quelle que soit la qualité de membre de la fédération de celui-ci. Une personne morale ne peut se voir priver de ses droits par un de ses membres.
Par ailleurs, les mesures qui peuvent être ordonnées par le juge des référés ne sont pas précisément déterminées par la loi, justement pour permettre de s’adapter au mieux à chaque espèce, et en l’occurrence les mesures réclamées par la demanderesse apparaissent adaptées au but poursuivi, à savoir la cessation du trouble manifestement illicite.
M. W. sera donc condamné, sous astreinte de 150 € par jour de retard, à :
* transférer à l’association Vent de colère ! Fédération Nationale les noms de domaine « ventdecoIere.org” et « ventdecolere.info »,
* communiquer à l’association Vent de colère ! Fédération Nationale les codes relatifs à la gestion des noms de domaine « ventdecolere.org” et « ventdecolere.info »,
* communiquer à l’association Vent de colère ! Fédération Nationale les codes relatifs à l’administration du site “ventdecolere.org” (code FTP, code de messagerie, etc…),
* cesser toute administration du site internet de l’association Vent de colère ! Fédération Nationale, et toute communication au nom de l’association,
L’article 609 alinéa 2 du même code dispose que dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.
En l’espèce la demande de provision formée par l’association Vent de colère ! Fédération Nationale se heurte à une contestation sérieuse dans la mesure où d’une part elle ne justifie pas en l’état du préjudice allégué et où d’autre part M. W. allègue à son encontre une créance au titre de son droit d’auteur qui pourrait venir en compensation avec l’éventuelle indemnisation à laquelle elle pourrait prétendre.
Dans ces conditions l’association Vent de colère ! Fédération Nationale sera déboutée de sa demande de provision.
II serait inéquitable que l’association Vent de colère ! Fédération Nationale supporte la charge des frais irrépétibles par elle exposés eu égard à la nécessité dans laquelle elle s’est trouvée de diligenter la présente procédure pour mettre fin au trouble illicite causé par M. W. Celui-ci devra lui verser la somme de 600 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Enfin M. W. supportera les dépens de l’instance.
DECISION
Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort,
. Condamnons M. W., sous astreinte provisoire de 150 € par jour de retard passé le délai de 7 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, à :
* transférer à l’association Vent de colère ! Fédération Nationale les noms de domaine « ventdecolere.org » et “ventdecolere.info »,
* communiquer à l’association Vent de colère ! Fédération Nationale les codes relatifs à la gestion des noms de domaine “ventdecolere.org” et “ventdecolere.info »,
* communiquer à l’association Vent de colère ! Fédération Nationale les codes relatifs à l’administration du site “ventdecolere.org” (code FTP, code de messagerie, etc…)
* cesser toute administration du site internet de l’association Vent de colère ! Fédération Nationale, et toute communication au nom de l’association,
. Nous réservons la liquidation de I’astreinte,
. Déboutons l’association Vent de colère ! Fédération Nationale de sa demande de provision,
. Condamnons M. W. à payer à l’association Vent de colère ! Fédération Nationale la somme de 600 € sur le fondement de article 700 du code de procédure civile,
. Condamnons M. W. aux dépens,
. Rappelons que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit en application de l’article 514 du Nouveau Code de procédure civile.
Le tribunal : Mme Agnès Le Monnyer (président)
Avocats : Me Arnaud Dimeglio, Me Annie Cohen Tapia
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