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Jurisprudence : Marques

mercredi 26 février 2003
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Cour d’appel de Paris 14ème chambre, section A Arrêt du 26 février 2003

Sa Spcea Société des participations du Commissariat à l'Energie Atomique/Association Greenpeace, Sa société Internet Fr

contrefaçon - liberté d'expression - reproduction de marque

Les faits et procédure

Vu l’appel interjeté le 1er octobre 2002 par la SPCEA d’une ordonnance rendue le 2 août 2002 par le Président du Tribunal de grande instance de Paris qui a débouté cette société de ses demandes dirigées notamment contre l’association Greenpeace ;

Vu les conclusions du 13 janvier 2003 par lesquelles la SPCEA demande à la Cour de réformer l’ordonnance et de prendre les dispositions suivantes :

– ordonner sur les pages web du site www.greenpeace.fr la suppression totale de toutes reproductions, initiations et/ou usages des marques déposées par la SPCEA, ainsi que de toutes références illicites, implicites ou explicites à ces marques ;

– interdire à Greenpeace France de reproduire, imiter et/ou utiliser les marques de l’appelante sur tous supports physiques ou virtuels ;

– déclarer commun à la société Internet Fr l’arrêt à intervenir ;

– condamner l’association Greenpeace France à payer la somme de 4500 euros au titre de l’article 700 du ncpc ;

Vu les conclusions du 7 janvier 2003 par lesquelles l’association Greenpeace France demande à la Cour de dire irrecevable ou mal fondée la demande de la SPCEA, subsidiairement de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d’une question préjudicielle portant sur l’interprétation d’une directive et surseoir à statuer jusqu’à ce que la Cice se soit prononcée, de condamner la SPCEA à lui payer la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du ncpc ;

Vu les conclusions du 6 décembre 2002 par lesquelles la société Internet Fr demande à la Cour de la mettre hors de cause et de condamner la SPCEA à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du ncpc ;
La discussion

Considérant que la SPCEA, titulaire de marques semi-figuratives ou verbales comportant le mot Areva ou une lettre A stylisée, fait grief à l’association Greenpeace de contrefaire sur son site internet ses marques, notamment en les associant systématiquement à une tête de mort ; qu’agissant sur le fondement de l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle après avoir engagé devant le Tribunal de grande instance de Paris une action en contrefaçon, la SPCEA soutient que les conditions d’application de l’article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle sur l’interdiction de reproduction d’une marque sont réunies, que l’adjonction par Greenpeace de divers éléments figuratifs ne fait pas perdre aux marques leur individualité et leur pouvoir distinctif, que l’article L 713-3 du code de la propriété intellectuelle s’applique aussi le cas échéant, qu’en effet les services utilisés par Greenpeace sont strictement identiques à ceux visés par les marques Areva, que la similitude des signes litigieux n’est pas contestable, que le risque de confusion est avéré, que l’absence de finalité commerciale de la reproduction et/ou imitation critiquée ne peut justifier l’action commise par Greenpeace ;

Mais considérant que, quelle que soit la valeur de l’argumentation développée par la SPCEA et le sort de la procédure en contrefaçon qu’elle a engagée devant le tribunal, il appartient au Président de cette juridiction, saisi d’une demande d’interdiction provisoire des actes argués de contrefaçon, non seulement d’apprécier le sérieux de l’action, mais aussi de déterminer si les circonstances du litige imposent les mesures requises ;

Considérant que le principe à valeur constitutionnelle de la liberté d’expression implique que, conformément à son objet statutaire, l’association Greenpeace puisse, dans ses écrits ou sur son site internet, dénoncer sous la forme qu’elle estime appropriée au but poursuivi les atteintes à l’environnement et les risques causés à la santé humaine par certaines activités industrielles ; que si cette liberté n’est pas absolue, elle ne peut néanmoins subir que les restrictions rendues nécessaires par la défense des droits d’autrui ;

Considérant qu’à cet égard, il n’apparaît pas évident que la SPCEA puisse sérieusement revendiquer l’application de l’article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle, dès lors que les ombres et dessins systématiquement ajoutés par Greenpeace aux marques en cause sont susceptibles, par l’importance des modifications qu’ils y apportent, de priver l’appelante de la protection réservée par ce texte à la reproduction identique ou quasi-servile de la marque ;

Considérant en outre qu’en associant les marques appartenant à la SPCEA à des têtes de morts, des poissons ou des bombes nucléaires, l’association Greenpeace montre clairement sa volonté de dénoncer les activités de la société dont elle critique les incidences sur l’environnement, sans induire en erreur le public quant à l’identité de l’auteur des messages ; qu’ainsi, en l’état d’un différent étranger à la vie des affaires et à la compétition entre entreprises commerciales, l’application de l’article L 713-3 du code de la propriété intellectuelle est tout aussi contestable ;

Considérant en toute hypothèse, qu’à supposer que l’action de l’association Greenpeace revête un caractère fautif en excédant les limites de ce qui est indispensable au but poursuivi et nuise aux intérêts économiques de la SPCEA, les faits incriminés peuvent faire l’objet d’une réparation appropriée à l’issue de la procédure devant les juges du fond et n’imposent pas les mesures provisoires sollicitées ; que l’ordonnance doit en conséquence être confirmée, l’équité commandant par ailleurs de faire application de l’article 700 du ncpc en faveur des intimées ;
La décision

. Confirme l’ordonnance,

. Condamne la SPCEA à payer à chacune des parties intimées la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du ncpc ;

. Condamne la SPCEA aux dépens qui seront recouvrés dans les conditions de l’article 699 du ncpc.

La cour : M. Lacabarats (président), Mrs Pellegrin et Beaufrere (conseillers)

Avocats : Me Neri, Me Choukroun, Me Careto

Voir l’ordonnance de référé

 
 

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.