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Jurisprudence : Marques

vendredi 08 février 2008
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Cour d’appel de Paris 14ème chambre, section A Arrêt du 16 janvier 2008

Sunshine, Afnic / André D., OVH

marques

FAITS

La société Sunshine a le 19 juillet 2001 déposé à l’Inpi la marque Sunshine sous le n°013 112 371 pour la classe 25 (la classe 25 concerne les vêtements, y compris les bottes, les souliers et les pantoufles).

Le 7 avril 2005 la OVH réservait auprès de l’association pour le nommage internet en coopération – Afnic – et pour le compte de André D. le nom de domaine « sunshine.fr ».

Une société Sunshine Productions était enregistrée au registre du commerce et des sociétés le 22 juin 2005 dont le gérant est André D.

Par ordonnance contradictoire du 13 juillet 2007 le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris :
– disais n’y avoir à référé sur la demande de la société Sunshine tendant u transfert de l’enregistrement du nom de domaine « sunshine.fr » au bénéfice de la société Sunshine,
– rejetait la demande de l’Afnic tendant à retenir un abus de la société Sunshine dans l’exercice de son droit d’agir.

La société Sunshine interjetait appel le 31 juillet 2007 et l’Afnic le 27 août 2007.

L’ordonnance de clôture était rendue le 4 décembre 2007.

PRETENTIONS ET MOYENS

La société Sunshine

Par dernières conclusions du 13 novembre 2007 auxquelles il convient de se reporter, la société Sunshine critique la décision du premier juge :
– puisque André D., qui n’avait pas annexé aux statuts de la société en formation, l’enregistrement du 7 avril 2005, ne pouvait dans ces conditions avoir agi pour le compte de la dite société,
– puisque conformément à l’article R.20-44-45 du code des postes et télécommunications électroniques et à l’article 10 du règlement 874/2004 du 28 avril 2004, ses droits (ceux de la société Sunshine) étaient antérieurs à ceux de André D.,
– puisque ni l’Afnic ni OVH n’ont respecté les articles 12 et 14 du dit règlement,
– puisque André D. est de mauvaise foi (il n’a pas respecté les prescriptions de l’article 21 du dit règlement),
– puisque le juge des référés était « compétent » tant au regard du droit français que les normes européennes.

Elle demande :
– l’infirmation de l’ordonnance,
– d’ordonner le transfert du nom de domaine à son bénéfice,
– à André D., OVH et à l’Afnic, 2000 € au titre de l’article 700 du ncpc.

Cette partie entend bénéficier des dispositions de l’article 699 du ncpc.

André D.

Par dernières conclusions du 28 novembre 2007 auxquelles il convient de se reporter, André D. soutient :
– que les conditions de l’article 809 du ncpc ne sont pas réunies,
– que la société Sunshine ne démontre pas qu’elle a un droit de propriété exclusif ni que sa marque est effectivement exploitée depuis 5 ans,
– avoir agi pour le compte de la société « Sunshine Productions » (qui exerce l’activité de réalisation de photographies) et de bonne foi,
– qu’il n’y a aucun risque de confusions entre les deux sociétés qui ont des activités radicalement opposées,
– que sa réservation du 7 avril 2005 était très antérieure à l’article R.20-44-45 du code des postes et télécommunications électroniques.

Il demande :
– la confirmation de l’ordonnance,
– 4000 € au titre de l’article 700 du ncpc.

Cette partie entend bénéficier des dispositions de l’article 699 du ncpc.

OVH

Par dernières conclusions du 30 novembre 2007 auxquelles il convient de se reporter, OVH expose :
– n’être qu’un « bureau d’enregistrement » de noms de domaine (de l’article R.20-44-34 du code des postes et télécommunications électroniques) c’est-à-dire un prestataire technique,
– avoir dès réception de la lettre de la société Sunshine, invité cette dernière à entrer en contact avec la société Sunshine Productions,
– qu’il ne lui appartient pas de se substituer à l’ordre judiciaire ou à l’office d’enregistrement (article R.20-44-49 du code des postes et télécommunications électroniques).

Elle demande :
– la confirmation de l’ordonnance,
– 2000 € au titre de l’article 700 du ncpc.

Cette partie entend bénéficier des dispositions de l’article 699 du ncpc.

L’Afnic

Par dernières conclusions du 26 novembre 2007 auxquelles il convient de se reporter, l’Afnic constate :
– que tout demandeur à l’attribution d’un nom de domaine en .fr est réputé accepter la « Charte de nommage .fr »,
– que selon cette charte l’Afnic n’est pas responsable du choix fait par le demandeur,
– que le règlement CE 874/2004 du 28 avril 2004 n’est pas applicable aux noms de domaine en .fr,
– que le litige concerne un nom de domaine enregistré avant le décret 2007-162 du 6 février 2007 (article R.20-44-46 et autres du code des postes et télécommunications électroniques),
– qu’elle n’est pas encore désignée « office d’enregistrement » au sens du décret,
– que André D. a manifestement agi pour le compte de la société Sunshine Productions,
– que André D. est de bonne foi.

Elle demande :
– de confirmer l’ordonnance entreprise,
– à la société Sunshine 7000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive et 15 000 € au titre de l’article 700 du ncpc,
– de dire que l’éventuel transfert de nom ne pourrait se faire qu’aux frais de la société Sunshine qui devra accepter les règles de la charte,
– à être éventuellement garantie par André D. et OVH.

Cette partie entend bénéficier des dispositions de l’article 699 du ncpc.

DISCUSSION

Considérant que pour apprécier la demande concernant le transfert du nom de domaine la cour doit se placer au jour où elle statue, alors que pour statuer sur la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive rejetée par le premier juge, elle doit se placer au jour où ce dernier s’est prononcé ;

Sur la demande de ce transfert

Considérant que s’il est établi que André D. a réservé le nom de domaine litigieux auprès d’OVH, absolument aucun élément ne permet de soutenir qu’il l’a fait pour le compte de la société Sunshine Productions dont il est le gérant, si ce n’est son affirmation ; qu’il ne communique d’ailleurs pas les documents justifiant qu’il ait effectué les démarches prévues par l’article R.210-5 du code de commerce (sans s’expliquer sur ce point, invoqué par la société Sunshine), qu’il n’aurait pas manqué de le faire si tel avait été le cas ;

Considérant que André D. ne justifie donc d’aucun droit ni d’un intérêt légitime – au sens de l’article R.20-44-45 du code des postes et télécommunications électroniques tel qu’il résulte du décret 2007-162 du 6 février 2007, applicable au jour où la cour statue – à choisir le nom de domaine qui est la marque – justifiée – de la société Sunshine ;

Que le juge avec les pouvoirs de l’article 809 du ncpc peut donc ordonner le transfert du nom de domaine « sunshine.fr » au bénéfice de la société Sunshine ;

Considérant que s’il n’est pas démontré que l’Afnic a été nommée en qualité d’office prévu à l’article R.20.44.35 du code des postes et télécommunications électroniques il n’en demeure pas moins que l’Afnic est tenue d’exécuter une décision de justice (ce qu’elle s’est d’ailleurs engagée à faire) et de respecter les prescriptions de la loi ; que de même la société Sunshine, qui a recours aux services de l’Afnic devra respecter les prescriptions contractuelles de celles-ci, non contraires à ladite loi ;

Sur la demande de dommages-intérêts de l’Afnic

Considérant que cette demande n’est formée qu’à l’encontre de la société Sunshine qui n’est pas condamnée ;

Sur les demande au titre du ncpc et sur les dépens

Considérant que les dépens seront supportés par André D. ;

Considérant qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Sunshine les frais non compris dans les dépens, qu’il y a lieu de lui accorder à ce titre la somme visée dans le dispositif ;

Considérant qu’il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de OVH les frais non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu de la débouter de ce chef de demande ;

DECISION

Vu l’évolution du litige ;

. Infirme l’ordonnance entreprise sauf en ce qui concerne le rejet de la demande de l’Afnic au titre de dommages-intérêts ;

Statuant à nouveau :

. Ordonne le transfert de l’enregistrement du nom de domaine « sunshine.fr » au bénéfice de la société Sunshine,

. Dit que cette décision sera opposable à l’Afnic,

. Dit que la société Sunshine devra souscrire à la charte de nommage de l’Afnic dans ses dispositions non contraires à la règle légale actuelle,

. Dit que les frais de transfert seront à la charge de la société Sunshine,

Y ajoutant :

. Condamne André D. à payer 2500 € à la société Sunshine au titre de l’article 700 du ncpc,

. Déboute la société OVH de sa demande au titre de l’article 700 du ncpc,

. Condamne André D. aux dépens de première instance et d’appel qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l’article 699 du ncpc.

La cour : M. Marcel Foulon (président), Mme Marie Josée Percheron et M. Renaud Blanquart (conseillers)

Avocats : Me Stéphane Lévi, Me Eric Barbry, Me Alexandre Bouthier, Me Blandine Poidevin

Notre présentation de la décision

Voir décision de Cour de cassation

 
 

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