Jurisprudence : Marques
Tribunal de grande instance de Paris 3ème chambre, 2ème section Jugement du 30 novembre 2007
SFR / Comtel
marques
FAITS ET PROCEDURE
La Société Française de Radiotéléphonie (ci-après la société SFR) propose des services de téléphonie mobile pour les particuliers et professionnels, notamment en France.
Elle justifie être titulaire de la marque verbale « Texto », déposée le 23 janvier 2001, enregistrée sous le n°013078467 pour les produits ou services « Messagerie écrite pour radio-téléphone » de la classe 38.
La société SFR expose que le 28 octobre 2005, Benoît K., de la société Comtel & Dolyin Toys, lui a soumis un produit dénommé « Hariko Texto », consistant en la délivrance d’un message par un haricot à faire pousser.
Malgré son refus explicite de voir ce produit nommé ainsi en raison de l’atteinte portée, selon elle, à sa marque « Texto », la société SFR a constaté par la suite la commercialisation, dans des enseignes telles que Toys’R’us, King Jouet, Auchan et Truffaut, de l’article « Hariko Texto ».
La société Comtel & Dolyin Toys ayant déclaré que la dénomination du produit constituait une marque déposée, la société SFR a constaté qu’une société Editions de Tournon avait quant à elle déposé la marque verbale « Haricot Texto » le 4 novembre 2005, sous le n°053389684 pour des produits et services des classes 16 (« papiers, cartons et tous produits en ces matières à savoir mouchoirs en papier, nappes, journaux, livres, manuels, produits de l’imprimerie,articles pour reliures »), 28 (« jeux, jouets »), 31 (« produits agricoles, graines, semences, plantes, fleurs, produits forestiers, horticoles ») et 41 (« édition de livres, magazines, revues »).
L’opposition à l’enregistrement de cette marque, formée par la société SFR sur le fondement de marques « Texto + » et »Texto Card », a été rejetée par l’Inpi.
Autorisée par ordonnance de Monsieur le Président du Tribunal de grande instance de Nanterre du 10 mai 2006, la société SFR a fait procéder deux jours plus tard à une saisie-contrefaçon au sein d’un magasin de jouets Toys’R’us situé à la Défense.
Autorisée par ordonnance de Monsieur le Président du Tribunal de grande instance de Paris du 23 mai 2006, elle a fait procéder le 30 mai 2006 à une seconde saisie-contrefaçon dans les locaux de la société Comtel.
Il est ressorti de ces opérations que les produits litigieux avaient été fournis par une société Compagnie Médiatique de Télécommunication dont l’objet social vise « en France et à l’étranger, la création et l’édition artistiques et littéraires, la publicité et toutes formes de communication, téléphone et télématique ».
Par acte d’huissier de justice en date du 26 mai 2006, la société SFR a assigné la société Comtel devant le Tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon d’obtenir, outre les mesures d’interdiction et de publication usuelles, réparation du préjudice subi.
Le 12 juin 2006, en cours de procédure, un contrat de licence, conclu le 14 décembre 2005 entre les sociétés Comtel et Editions de Tournon, en vue de l’exploitation de la marque « Haricot Texto » par la première, a été publié au Registre National de la Propriété Intellectuelle.
La société Editions de Tournon est intervenue volontairement par conclusions signifiées le 27 octobre 2006.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 septembre 2007.
PRETENTIONS
Par conclusions récapitulatives signifiées le 7 juin 2007, la société SFR demande au Tribunal :
– de rejeter la demande de redistribution de la présente affaire devant la Troisième section de la Troisième chambre du Tribunal de grande instance de Paris en vue de sa jonction avec l’affaire enrôlée sous le n°06/07781 formée par la société Editions de Tournon ;
– de constater que la société SFR est titulaire de la marque française « Texto » déposée le 23 janvier 2001 et enregistrée sous le n°013078467 désignant le service suivant « Messagerie écrite pour radiotéléphone » ;
– de constater que la marque « Texto », est une marque de renommée en France ;
A titre principal,
– de dire et juger que la société Comtel, en commercialisant directement ou indirectement un produit dénommé « Hariko Texto » a imité, sans autorisation préalable, la marque « Texto » dont la société SFR est titulaire au sens des articles L. 713-3 et suivants du Code de la propriété intellectuelle ;
– de dire et juger que les Editions de Tournon, en déposant le 4 novembre 2005 la marque « Haricot Texto » enregistrée sous le n°053389684 a porté atteinte aux droits antérieurs de la société SFR sur la marque « Texto »;
En conséquence,
– de prononcer la nullité de la marque « Haricot Texto » enregistrée sous le n°053389684 en application de l’article L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
– de condamner solidairement les sociétés Comtel et Editions de Tournon à lui verser la somme de 150 000 €, sauf à parfaire, en réparation des actes de contrefaçon, soit de l’atteinte portée à son droit de marque ;
– d’interdire aux défenderesses d’utiliser ou d’imiter directement ou indirectement la dénomination « Texto »sous quelque forme que ce soit, et à quelque titre que ce soit, pour tout produit ou service identique ou similaire au service visé au libellé de la marque dont la société SFR est titulaire, sous astreinte de 5000 € par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir ;
– d’interdire aux défenderesses, directement ou indirectement, d’importer, détenir, et de vendre quelque produit que ce soit revêtu de la marque contrefaisante ou de toute dénomination imitant la marque « Texto », et ce, sous astreinte de 5000 € par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir ;
A titre subsidiaire,
– de dire et juger que les défenderesses, en imitant la marque « Texto », en ont fait une exploitation injustifiée et ont porté préjudice à la société SFR au sens de l’article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle ;
En conséquence,
– de prononcer la nullité de la marque de la marque « Haricot Texto » enregistrée sous le n°053389684 en application de l’article L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
– d’interdire aux défenderesses directement ou indirectement d’utiliser et/ou d’imiter la dénomination « Texto » sous quelque forme que ce soit, et à quelque titre que ce soit, sous astreinte de 5000 € par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir ;
– de condamner solidairement les sociétés Comtel et Editions de Tournon à lui verser la somme de 150 000 €, sauf à parfaire, en réparation du préjudice subi ;
En tout état de cause,
– d’ordonner la publication du présent jugement à intervenir dans cinq quotidiens ou revues hebdomadaires ou mensuels, au choix de la demanderesse, à hauteur de 5000 € hors taxes par insertion, aux frais avancés des sociétés Comtel et Editions de Tournon, à titre de dommages intérêts complémentaires ;
– de dire et juger que la condamnation portera intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement à intervenir ;
– de dire et juger que le Tribunal restera compétent pour la liquidation de l’astreinte ainsi ordonnée ;
– de dire et juger que la décision à intervenir sera inscrite en marge du Registre National des Marques sur réquisition du Greffier dans le mois de son prononcé ou qu’à défaut, le Tribunal autorisera la société SFR à y faire procéder ;
– de condamner solidairement les défenderesses à lui verser la somme de 12 000 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
– d’ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir à l’exception des mesures de publication, nonobstant appel et sans constitution de garantie ;
– de condamner solidairement les défenderesses aux entiers dépens, en ce compris les frais de saisie-contrefaçon.
En défense, par conclusions signifiées le 27 avril 2007, la société Comtel et les Editions de Tournon demandent au Tribunal :
– de dire et juger recevable l’intervention volontaire des Editions de Tournon ;
– de constater qu’il y a un lien étroit entre la présente instance et celle enrôlée devant la Troisième Section de la Troisième Chambre du Tribunal de grande instance de Paris sous le n°0607781, d’ordonner la redistribution de la présente affaire devant la Troisième Section de la Troisième Chambre du Tribunal de grande instance de Paris en vue de sa jonction avec l’affaire n°0607781 ;
– de constater que la marque « Texto » n°013078467 dont est titulaire la société SFR est devenue un terme usuel pour désigner un service de messagerie pour radiotéléphone ;
– en conséquence de prononcer la déchéance de la marque de la société SFR par application de l’article L. 714-6 a) du Code de la propriété intellectuelle ;
A titre subsidiaire,
– de dire et juger que les sociétés Comtel et Editions de Tournon n’ont commis aucun acte de contrefaçon à l’encontre de la marque « Texto » n°013078467 dont est titulaire la société SFR, en conséquence de débouter la société SFR de l’ensemble de ses demandes formées à ce titre ;
– de dire que les sociétés Comtel et Editions de Tournon ne se sont livrées à aucune exploitation injustifiée de la marque « Texto »dont est titulaire la société SFR, en conséquence de débouter la société SFR de l’ensemble de ses demandes formées à ce titre ;
A titre reconventionnel,
– de constater le caractère abusif des opérations de saisie-contrefaçon effectuées à la demande de la société SFR ainsi que de la procédure qu’elle a initiée ;
– de constater que le comportement de la société SFR a causé un préjudice à la société Comtel ;
– de condamner la société SFR à verser à la société Comtel la somme de 150 000 € à titre de dommages intérêts ;
– de condamner la société SFR à verser aux sociétés Comtel et Editions de Tournon la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
– de condamner la société SFR aux entiers dépens, dont distraction au profit de la Selarl Odinot & Associés.
DISCUSSION
A titre liminaire, sur la demande tendant à la redistribution de l’affaire en vue d’une éventuelle jonction
Attendu qu’aux termes de l’article 779 du nouveau Code de procédure civile, le juge de la mise en état déclare l’instruction close dès que l’état de celle-ci le permet, et renvoie l’affaire devant le Tribunal pour être plaidée à la date fixée ;
Qu’en vertu de l’article 784 du même Code, l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée, d’office ou à la demande des parties, que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue ;
Attendu que les défenderesses demandent au Tribunal d’ordonner la redistribution de la présente affaire devant la Troisième Section de la Troisième Chambre du Tribunal de grande instance de Paris en vue de sa jonction avec l’affaire n°0607781 ;
Que la société SFR s’oppose à cette demande ;
Attendu que par ordonnance du 13 septembre 2007, le Juge de la mise en état, estimant que l’affaire était en état d’être jugée, a ordonné la clôture de l’instruction ;
Qu’en l’absence de demande tendant au rabat de cette ordonnance de clôture, et motivée par une cause grave révélée depuis lors, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de redistribution.
Sur la déchéance des droits sur la marque « Texto » n°013078467
Attendu que pour voir rejeter l’action en contrefaçon, la société Comtel invoque la déchéance pour dégénérescence de la marque invoquée, au motif que si le signe « Texto », employé pour désigner des services de messagerie pour radiotéléphones, constituait à l’époque de l’enregistrement de la marque un usage nouveau lui conférant un caractère distinctif, il est aujourd’hui devenu un terme du langage courant, indifféremment utilisé par les consommateurs avec les termes « SMS » ou « mini-messages » pour désigner ces services, quelque soit l’opérateur téléphonique ; qu’elle précise que la société SFR ne démontre pas avoir agi pour faire cesser l’usage générique de sa marque ;
Attendu qu’en réponse, la société SFR oppose que le seul usage de la marque fait par des tiers ne saurait emporter la déchéance, et prétend justifier de sa vigilance contre les utilisations illicites de sa marque ;
Attendu qu’aux termes de l’article L. 714-6 a) du Code de la propriété intellectuelle, encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d’une marque devenue de son fait la désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service, le caractère usuel de la marque devant résulter de l’inaction de son titulaire ;
Attendu, en l’espèce, qu’au soutien de son argumentation, la société Comtel invoque divers textes obtenus après recherche sur le réseau internet, sur les sites www.filsantejeune.com, fr.answers.yahoo.com, www.lesnumeriques.com/news, www.etudes-francaises.net/dico/final.htm www.granddictionnaire.com, ainsi que des extraits d’un ouvrage intitulé « Le Guide des nouveaux langages du réseau – Parlez-vous Texto ? « , prétendant « donner quelques clés pour comprendre et tirer le meilleur de ces nouveaux modes de communication électronique qui se sont multipliés ces dernières années : (…) Messages brefs, sur les téléphones portables, appelés plus particulièrement « textos » » ;
Attendu que si ces éléments démontrent que le terme litigieux est utilisé par certains, en tant que nom commun, pour désigner les messages écrits radiotéléphoniques, sans aucune référence à la société demanderesse, il n’est pas démontré que cet usage est le fait de l’ensemble des consommateurs et utilisateurs finals concernés par le service désigné ;
Qu’ainsi, le « Guide des nouveaux langages du réseau » invoqué en défense indique lui-même, au sujet de la désignation des services de messagerie concernés, que « la terminologie anglaise varie », et que « les opérateurs fiançais n’ont pas fait le même choix pour traduire (télémessages de Bouygues, mini-messages de France Télécom,
Texto de SFR) » ;
Qu’il n’existe donc aucun usage massif et généralisé du terme « Texto », de sorte qu’il ne peut être considéré comme étant, dans le commerce, la désignation usuelle des produits de « Messagerie écrite pour radiotéléphone » ;
Attendu, en toute hypothèse, que la société SFR verse notamment aux débats :
– sept lettres de mises en demeure, datées de juillet 2003 à avril 2006, attestant de ce qu’elle a proposé aux déposants de marques comprenant le terme « Texto » de retirer leurs demandes d’enregistrement,
– une décision de l’Institut National de la Propriété Industrielle du 17 avril 2003 accueillant, partiellement, son opposition à l’enregistrement d’un signe verbal « Free Texto » dans la classe, jugé comme imitant la marque litigieuse ;
– une coupure de presse décrite comme provenant de l’édition du Figaro du 22 janvier 2004, faisant état de son opposition à la définition donnée au terme « Texto » dans un dictionnaire publié par la société Hachette en 2004, exclusive de tout renvoi à la marque enregistrée ;
– des courriers datés du 11 mai 2006, exigeant de la société TV5 Monde et de l’Office Québécois de la Langue Française qu’ils mentionnent, dans leurs définitions des termes « Texto », « langage SMS », « langage texto », « texto » données dans des dictionnaires mis en ligne sur l’internet, le fait que sa marque soit déposée ;
– des documents autorisant, mais sous conditions, l’utilisation du terme « Texto » par diverses sociétés,
– enfin, un courrier du 28 octobre 2005 demandant à Monsieur Benoît K. et à la société Comtel & Dolyin Toys de renoncer à nommer leur projet « Hariko Texto » ;
Qu’il en résulte que la société SFR, confrontée à l’emploi du signe litigieux par des tiers, a fait preuve de réactions multiples, suffisantes et proportionnées ; qu’en l’absence d’emploi du terme « Texto » par des concurrents directs, il ne saurait lui être reproché de n’avoir pas fait connaître le caractère inapproprié de cet emploi par le biais de campagnes publicitaires ;
Attendu que la demande de déchéance formulée par la défenderesse sera rejetée comme étant mal fondée.
Sur la contrefaçon de la marque n°013078467
Par la société Comtel
Attendu que la société SFR demande au Tribunal de juger que la société Comtel, en commercialisant directement ou indirectement un produit dénommé « Hariko Texto » a imité, sans autorisation préalable, la marque « Texto » dont elle est titulaire ;
Qu’en réponse, la société Comtel fait en substance valoir d’une part que l’impression d’ensemble laissée par les deux signes en présence est radicalement différente, tant sur le plan visuel, phonétique qu’intellectuel, d’autre part que le produit revêtu du signe « Hariko Texto » ne présente aucune similitude avec les produits et services déposés lors de l’enregistrement de la marque invoquée ;
Attendu que les signes protégés et les signes argués de contrefaçon étant différents, c’est au regard de l’article L. 713-3 b) du Code de la propriété intellectuelle, qui prohibe, « sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public, l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement », qu’il convient d’apprécier le bien-fondé de la demande en contrefaçon ;
Qu’il convient particulièrement de rechercher au regard d’une appréciation des degrés de similitude entre la marque et le signe, et entre les produits désignés, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;
Attendu, en l’espèce, que la marque verbale « Texto » n°013078467 a été déposée pour les produits ou services « Messagerie écrite pour radio-téléphone » ;
Que le signe « Hariko Texto » est apposé sur un récipient métallique de type canette, comportant les mentions « Vous avez reçu un nouveau message », « SMS Végétal », « Pour consulter votre nouveau message : 1- Ouvrir votre Hariko Texto 2- Arrosez 3 – Dans quelques jours un message perso vous sera délivré » ;
Que ce produit est similaire aux services désignés lors de l’enregistrement de la marque invoquée, en ce qu’il remplit la même fonction, communiquer un message alphanumérique, et ne s’en distingue que par la méthode employée, le haricot supplantant la voie radiotéléphonique ;
Attendu que sur le plan visuel, le signe argué de contrefaçon est composé de deux mots ; que toutefois le terme « Texto », identique à la marque verbale propriété de la société SFR, est apposé en caractères dont la couleur et la calligraphie produisent un effet de contraste l’individualisant incontestablement par rapport au terme « Hariko » et au reste de l’emballage, de sorte qu’il constitue l’élément dominant du signe examiné ;
Attendu, de plus, que les signes comparés ont une forte parenté sur le plan phonétique ; qu’en effet, la dénomination « Hariko Texto » ne se distingue de la marque première que par l’ajout du terme d’attaque « Hariko » ; que l’effet de rime ainsi produit met l’accent sur le terme final, identique à la marque propriété de la demanderesse ;
Attendu, enfin, que sur le plan intellectuel, la dénomination « Hariko Texto » est reproduite selon un graphisme comprenant une enveloppe ; que le signe litigieux est entouré des mentions « Vous avez reçu un nouveau message « , répétée à quatre reprises, mais aussi « SMS Végétal », « Pour consulter votre nouveau message : 1- Ouvrir votre Hariko Texto 2- Arrosez 3 – Dans quelques jours un message perso vous sera délivré » ; que l’emballage du produit comporte en outre d’une part le portrait d’un petit personnage représentant manifestement un haricot en train de courir et de laisser échapper une enveloppe, d’autre part une enveloppe de taille sensiblement équivalente au personnage évoqué ; que cette présentation est évocatrice de la délivrance rapide, ou prétendue telle, d’un message écrit ;
Attendu que ces similitudes engendrent, sur le plan visuel, phonétique et conceptuel, une impression d’ensemble de nature à engendrer un risque de confusion, le consommateur normalement attentif étant amené à attribuer aux produits proposés une origine commune ;
Qu’il en résulte qu’en commercialisant un produit revêtu du signe « Hariko Texto », imitant la marque « Texto » n°013078467, sans autorisation de la société SFR, la société Comtel a commis des actes de contrefaçon.
Par les Editions de Tournon
Attendu que la société SFR ajoute que les Editions de Tournon, en déposant le 4 novembre 2005 la marque « Haricot Texto » enregistrée sous le n°053389684, a commis des actes de contrefaçon ;
Que les Editions de Tournon demandent au Tribunal de débouter la société SFR des demandes formulées de ce chef, pour les mêmes raisons que celles précédemment exposées pour le compte de la société Comtel ;
Attendu que les signes protégés et les signes argués de contrefaçon étant différents, c’est là encore au regard de l’article L. 713-3 b) du Code de la propriété intellectuelle, qui prohibe, « sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public, l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement », qu’il convient d’apprécier le bien-fondé de la demande en contrefaçon ;
Que le contenu du droit du propriétaire de la marque étant déterminé par le dépôt, l’identité ou la similitude entre les produits ou services dont il s’est réservé l’exclusivité sous le signe déposé, et ceux désignés lors de l’enregistrement de la marque prétendument contrefaisante, doit s’apprécier par rapport aux libellés des dépôts respectifs et non par rapport aux produits ou services effectivement exploités sous les marques comparées ;
Attendu, en l’espèce, que la marque « Texto » n°013078467 a été déposée par la demanderesse pour les produits ou services « Messagerie écrite pour radio-téléphone » de la classe 38 ;
Que la marque « Haricot Texto » a quant à elle été déposée sous le n°053389684 pour des produits et services des classes 16 (« papiers, cartons et tous produits en ces matières à savoir mouchoirs en papier, nappes, journaux, livres, manuels, produits de l’imprimerie, articles pour reliures »), 28 (« jeux, jouets « ), 31 (« produits agricoles, graines, semences, plantes, fleurs, produits forestiers, horticoles ») et 41 (« édition de livres, magazines, revues ») ;
Qu’il n’existe ni identité, ni similitude entre les produits et services désignés lors des enregistrements respectifs des marques comparées, de sorte que l’enregistrement de la marque « Haricot Texto » par les Editions de Tournon pour les produits et services désignés ne saurait être constitutif de contrefaçon ;
Que les demandes tendant à l’octroi de dommages intérêts et au prononcé de la nullité de la marque « Haricot Texto » formulées de ce chef seront rejetées.
Sur la demande subsidiaire
Attendu que pour voir prononcer la nullité de la marque « Haricot Texto » et condamner les Editions de Tournon à une certaine somme de dommages intérêts, la société SFR invoque, à titre subsidiaire, les dispositions de l’article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle ; qu’elle se prévaut de la renommée de sa marque « Texto », et fait valoir que le dépôt de la marque « Haricot Texto » par les Editions de Tournon a pour objet de tirer indûment profit de cette notoriété ;
Que les défenderesses lui opposent qu’elle ne démontre ni la renommée de la marque « Texto », ni l’utilisation injustifiée de cette dernière, pas plus qu’elle ne justifie de l’existence du préjudice en résultant ;
Attendu qu’aux termes de l’article L. 713-5 alinéa 1er du Code de la propriété intellectuelle, l’emploi d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur s’il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cet emploi constitue une exploitation injustifiée de cette dernière ;
Que la renommée de la marque doit être appréciée notamment au regard de la part de marché détenue par la marque, de l’intensité, de l’étendue géographique et de la durée de l’usage de cette marque, de l’importance des investissements réalisés par l’entreprise qui en est propriétaire pour la promouvoir, de la proportion des milieux intéressés qui identifie les produits ou les services comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque, ainsi que des sondages d’opinion ;
Qu’en l’espèce, pour justifier de la renommée de la marque « Texto », la société SFR produit un document intitulé « 2003-2005 Suivi de l’efficacité des campagnes B2B », se bornant à illustrer un texte traitant des « campagnes les plus vues » et des « marques à forte notoriété » avec un visuel publicitaire de la société SFR comportant la mention « Texto : l’info en toute discrétion » ; que la demanderesse produit également deux attestations faisant état de ses sommes exposées pour la promotion de la marque Texto de 2000 à 2005 et en mars 2007 ;
Que faute de permettre au Tribunal d’évaluer l’impact de la marque considérée auprès du public concerné, ces éléments ne peuvent à eux seuls démontrer que la marque « Texto » est connue d’une part suffisamment significative de ce public pour être considérée comme renommée au sens du texte susvisé ;
Attendu, en conséquence, que les demandes d’indemnisation et de nullité de la marque « Haricot Texto » formulées de ce chef sont infondées.
Sur les mesures réparatrices
Attendu que la nature des faits dont la société Comtel s’est rendue coupable justifie de faire droit, en tant que de besoin, aux demandes d’interdiction formulées, dans les limites édictées par le dispositif de la présente décision ;
Attendu qu’au soutien de ses demandes indemnitaires, la société SFR expose avoir subi tant un préjudice résultant de l’atteinte à la marque dont elle est propriétaire qu’un préjudice commercial ;
Qu’en l’espèce, les faits commis par la société Comtel contribuent à la banalisation de la marque verbale « Texto » ;
Que les pièces versées aux débats attestent de la livraison à l’entrepôt de la société Toys’R’us sis à Lisses (91) de 3072 produits « Hariko Texto » entre le 20 février et le 15 mars 2006 ; qu’il apparaît que le prix de vente pratiqué par la société Comtel était de 4,05 € hors taxes, remises comprises ; que la société Toys’R’us pratiquait un prix de vente au public de 5,49 € ;
Que ces éléments conduisent le Tribunal à réparer le préjudice subi par la société SFR par l’octroi d’une somme de 30 000 € de dommages intérêts, cette condamnation emportant intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement, conformément aux dispositions de l’article 1153-1 du Code civil ;
Attendu qu’il convient, à titre d’indemnisation complémentaire, d’ordonner la publication de la présente décision dans les conditions fixées au dispositif du présent jugement ;
Attendu que la société SFR sera déboutée du surplus de ses demandes indemnitaires, au premier rang desquelles celles formulées à l’encontre des Editions de Tournon.
Sur les autres demandes
Attendu que la société Comtel, succombant, ne saurait obtenir réparation du préjudice résultant du caractère prétendument abusif des opérations de saisie-contrefaçon pratiquées par la demanderesse ; qu’il convient donc de la débouter de sa demande tendant à l’octroi de dommages intérêts ;
Attendu que la nature de l’espèce commande d’assortir la présente décision de l’exécution provisoire ;
Attendu qu’il convient de laisser à la société Comtel la charge des entiers dépens, lesquels comprendront les frais d’huissier de justice exposés dans le cadre des opérations de saisie-contrefaçon du 12 et du 30 mai 2006 ;
Qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la société SFR les frais exposés pour sa défense et non compris dans les dépens ; qu’il convient dès lors de condamner la société Comtel à lui verser la somme de 4000 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Que l’équité commande en revanche de débouter les Editions de Tournon de leur demande fondée sur ce même texte.
DECISION
Le Tribunal,
Statuant publiquement, par mise à disposition du présent jugement au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l’article 450 du nouveau Code de Procédure Civile,
Par jugement contradictoire, rendu en premier ressort,
– Dit n’y avoir lieu à redistribution de la présente affaire à la Troisième section de la Troisième chambre du Tribunal de grande instance de Paris ;
– Rejette la demande de la société Compagnie Médiatique de Télécommunication et de la société Editions de Tournon, tendant à voir prononcer la déchéance de la marque verbale « Texto » n°013078467 déposée le 23 janvier 2001 par la société SFR ;
– Dit qu’en commercialisant un produit revêtu du signe « Hariko Texto », imitant la marque « Texto » n°013078467, sans autorisation de la société SFR, la société Compagnie Médiatique de Télécommunication a commis des actes de contrefaçon ;
– Rejette la demande de la société SFR en contrefaçon de la marque verbale « Texto » n°013078467 déposée le 23 janvier 2001 ;
– Rejette la demande de la société SFR fondée sur la renommée de la marque verbale « Texto » n°013078467 déposée le 23 janvier 2001 ;
En conséquence,
– Rejette la demande de la société SFR tendant à voir prononcer la nullité de la marque « Haricot Texto » n°053389684 ;
– Condamne la société Compagnie Médiatique de Télécommunication à payer à la société SFR la somme de 30 000 € de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant des faits de contrefaçon, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement ;
– Interdit, en tant que de besoin, à la société Compagnie Médiatique de Télécommunication la poursuite de ses agissements, sous astreinte de 500 € par infraction constatée à compter de la signification du présent jugement, le Tribunal se réservant la liquidation de l’astreinte ;
– Autorise la publication du dispositif du présent jugement dans trois quotidiens ou revues hebdomadaires au choix de la demanderesse, aux fiais avancés de la société Compagnie Médiatique de Télécommunication, dans la limite de 3500 € hors taxes par insertion ;
– Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
– Ordonne l’exécution provisoire ;
– Condamne la société Compagnie Médiatique de Télécommunication à payer à la société SFR la somme de 4000 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
– Déboute la société Editions de Tournon de sa demande formulée sur ce même fondement ;
– Condamne la société Compagnie Médiatique de Télécommunication aux entiers dépens, lesquels comprendront les frais d’huissier de justice exposés à l’occasion des opérations de saisie-contrefaçon des 12 et 30 mai 2006.
Le tribunal : Mme Véronique Renard (vice président), Mme Sophie Canas et M. Guillaume Meunier (juges)
Avocats : Me Isabelle Leroux, Me Gabrielle Odinot
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