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Jurisprudence : Logiciel

mercredi 10 avril 2002
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Tribunal de Grande Instance de Paris, Ordonnance de référé du 10 avril 2002

Société TT Car Transit France / José V.

code source - contrat - logiciel

Vu l’assignation en référé introductive d’instance du 6 décembre 2001 délivrée à la demande de la société TT Car Transit France en vue d’obtenir la production des codes sources du logiciel TALWEG ;

Vu la réplique de M. V. formalisée dans ses conclusions du 5 mars 2002 qui tend au débouté, avec une demande reconventionnelle ;

La discussion

La société TT Car Transit France a confié à M. V. le développement d’un logiciel permettant, notamment, l’édition et la gestion de bons de commande d’acquisition et/ou de location de véhicules, ainsi que l’interfaçage de ces données informatiques avec son logiciel de comptabilité (Harmony).

Cette prestation de service n’a donné lieu à l’établissement d’aucun contrat. Le logiciel développé par M. V. dénommé « Key Services » fonctionne avec le logiciel TT Car. La société TT Car Transit France lui a confié, en outre, différentes missions de maintenance dudit logiciel « Key Services » et ce au sein des locaux de la société TT Car Transit France.

Par suite, la société TT Car Transit France a confirmé à M. V. la tâche de réaliser une réécriture des logiciels « Key Services » et de la migration des données informatiques afférentes, et ce, afin notamment d’en permettre le fonctionnement au delà du 1er janvier 2000.

Cette prestation de services n’a pas davantage fait l’objet d’un contrat particulier. Il s’agissait notamment d’un simple contrat d’entreprise sans aucune cession de droits.

M. V. a procédé à la réécriture complète d’une application reprenant les fonctionnalités de ces deux logiciels, ainsi que l’adjonction de développements complémentaires. Ce tout indivisible constitue le logiciel dénommé Talweg, dont M. V. est l’auteur unique.

Ce logiciel Talweg a fait l’objet d’une réception par la société TT Car Transit France, laquelle continue à l’utiliser depuis conformément à la licence personnelle d’utilisation qui lui a été implicitement mais nécessairement accordé par M. V.

M. V. a effectué (sous le n° IDDN.FR.001.510029.00.S.P.2000000.31500) un dépôt des sources dûment commentées de son logiciel Talweg auprès de l’APP.

La société TT Car Transit France réclame judiciairement les codes sources et une documentation sur le logiciel Talweg, en invoquant l’existence d’un trouble manifestement illicite.

En l’absence de cession de droits de propriété sur le logiciel Talweg, le contrat de commande verbal passé entre les parties ne peut que s’analyser en un simple louage d’ouvrage, sans droit pour la société TT Car Transit France de l’exploiter au-delà de l’accord contractuel, ou de l’adapter hors des limites prévues par la loi.

En conséquence, la société TT Car Transit France n’est pas fondée en premier lieu à invoquer l’article L 122-7 du code de la propriété intellectuelle, à défaut pour elle d’être cessionnaire des droits de propriété intellectuelle afférents au logiciel.

Il faut relever qu’aucun accord permettant à la société TT Car Transit France de le modifier aux fins de passage à l’euro n’est avéré.

En second lieu, la société TT Car Transit France ne justifie pas que pour sa simple exploitation, seule autorisée, soit « indispensable » pour elle, au sens de l’article L 122-6-1 IV du code de la propriété intellectuelle, l’obtention d’informations complémentaires « nécessaires à l’interopératibilité » du logiciel Talweg créé de façon indépendante avec notamment son logiciel de comptabilité, alors que les erreurs invoquées ne sont pas caractérisées en la présente instance en référé.

Il ressort, en effet, des notes en délibéré, expressément acceptées par nous et régulièrement communiquées de façon contradictoire (en date des 12 et 18 mars 2002 pour la société TT Car Transit France et du 18 mars 2002 pour M. V.) que les écrans visuels du logiciel Talweg sont suffisamment explicites pour, en complémentarité avec le manuel d’utilisation « Key Services », permettre de se passer d’une documentation écrite papier.

D’ailleurs, la société TT Car Transit France ne conteste pas continuer à user quotidiennement de ce logiciel.

Indifférente est ainsi la question du droit à la décompilation ou ingénierie inverse, alors que la société TT Car Transit France n’a pas obtenu l’accord de M. V. pour qu’il adapte son logiciel ou qu’un autre informaticien puisse le faire pour permettre le passage à l’euro.

Enfin, le dépôt des codes sources auprès de l’APP par M. V. suffit à rendre le logiciel Talweg conforme aux obligations fiscales en la matière.

La commande du logiciel Talweg n’a nullement emporté de la part de M. V. de cession de droits de propriété intellectuelle conforme aux dispositions protectrices de l’article L 131-3 du code de la propriété intellectuelle, ne laissant à la société TT Car Transit France, en l’absence de toute convention particulière, qu’une simple licence tacite d’utilisation que l’auteur est recevable à résilier à tout moment, sauf à supporter la conséquence d’un éventuel abus de sa part.

Il y a lieu de noter que M. V. a déclaré à l’audience du 5 mars 2002 qu’il impartissait à la société TT Car Transit France un délai de résiliation de deux mois à compter de la présente ordonnance, en allongeant ainsi de façon substantielle le délai de 15 jours initialement fixé dans sa lettre du 13 février 2002.

Il convient de lui en donner acte, sans pouvoir l’ordonner sous astreinte, les parties ne disconvenant pas que la désinstallation du logiciel Talweg puisse s’effectuer sous le contrôle de l’APP. Les frais y afférents doivent être mis en frais avancés de M. V.

L’équité ne commande pas, compte tenu des circonstances, d’allouer l’indemnité procédurale à l’une ou l’autre des parties sur le fondement de l’article 700 du ncpc.

Les dépens doivent être mis à la charge de la société TT Car Transit France.

La décision

Statuant publiquement en premier ressort, par ordonnance contradictoire,

.Déboutons la société TT Car Transit France de toutes ses demandes ;

.Constatons que M. V. a résilié le contrat tacite de licence d’exploitation Talweg, avec effet à compter des deux mois qui suivront la signification à la société TT Car Transit France de la présente ordonnance ;

.Disons que l’APP est autorisée à contrôler la désinstallation dudit logiciel, aux frais avancés de M. V. ;

.Condamnons la société TT Car Transit France aux dépens ;

.Déboutons pour le surplus, plus ample ou contraire ;

.Rappelons que l’exécution provisoire est de droit.

Le Tribunal : M. Jacques Gondrand de Robert (Premier vice-président), Mme Sylvaine Le Strat (Greffier).

Avocats : Mes Nolwenne Loyer / Cyril Fabre.

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