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Jurisprudence : Marques

mercredi 23 septembre 2009
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Tribunal de grande instance de Paris 3ème chambre, 2ème section Jugement du 18 septembre 2009

Kenzo et autres / eBay

autorisation - contrefaçon - lien commerciaux - marques - mot-clé - moteur de recherche - utilisation

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Les sociétés anonymes Parfums Christian Dior, Kenzo, Parfums Givenchy et Guerlain, filiales du groupe LVMH, ont pour principale activité la commercialisation, par l’intermédiaire d’un réseau de distribution sélective, de produits de beauté et de Parfums.

La société Parfums Christian Dior justifie être titulaire des marques suivantes :
– la marque française verbale « Dior » déposée le 6 août 1985, enregistrée sous le numéro 1319530 et renouvelée le 13 juillet 2005,
– la marque française verbale « Hypnotic Poison» déposée le 27 janvier 1998, enregistrée sous le numéro 98714912 et renouvelée le 11 janvier 2008,
– la marque française verbale « Eau Sauvage» déposée le 6 août 1985, enregistrée sous le numéro 1319531 et en dernier lieu renouvelée le 13 juillet 2005,
– la marque française semi-figurative « Tendre poison » déposée le 6 janvier 2005 et enregistrée sous le numéro 3333532,
– la marque communautaire verbale « Tendre Poison» déposée le 3 janvier 2005 et enregistrée sous le numéro 4227583,
– la marque française semi-figurative « Higher Energy Dior» déposée le 26 mars 2003 et enregistrée sous le numéro 3218242,
– la marque française verbale « Higher Energy Dior » déposée le 7 février 2003 et enregistrée sous le numéro 3209629,
– la marque française verbale « Pure Poison » déposée le 28 février 2003 et enregistrée sous le numéro 3213824,
– la marque française verbale « Miss Dior Chérie » déposée le 30 juillet 2004 et enregistrée sous le numéro 3306397.

La société Parfums Givenchy démontre quant à elle être titulaire des marques suivantes :
– la marque française verbale « Givenchy » déposée le 6 janvier 1995, enregistrée sous le numéro 95552504 et renouvelée le 21 décembre 2004,
– la marque française semi-figurative « Hot Couture» déposée le 2 juin 2000 et enregistrée sous le numéro 3033072,
– la marque française verbale « Very Irrésistible » déposée le 30 octobre 2002 et enregistrée sous le numéro 3192481,
– la marque française verbale « Ysatis » déposée le 5 décembre 1983, enregistrée sous le numéro 1258855 et en dernier lieu renouvelée le 29 mars 2004,
– la marque française semi-figurative « Ange ou Démon Givenchy Paris » déposée le 5 avril 2006 et enregistrée sous le numéro 3421207,
– la marque française verbale « Ange ou Démon» déposée le 29 avril 1999 et enregistrée sous le numéro 99790542,
– la marque française verbale « Amarige » déposée le 4 septembre 1990, enregistrée sous le numéro 1613382 et renouvelée le 30 juin 2000,
– la marque française verbale « Givenchy Gentleman» déposée le 30 mars 1988, enregistrée sous le numéro 1458148 et en denier lieu renouvelée le 5 décembre 2007,
– la marque communautaire verbale « Xeryus » déposée le 5 avril 1996, enregistrée sous le numéro 228502 et régulièrement renouvelée.

La société Guerlain est titulaire des marques suivantes :
– la marque française verbale « Guerlain » déposée le 2 juillet 1985, enregistrée sous le numéro 1314761 et en dernier lieu renouvelée le 22 avril 2005,
– la marque française verbale « Habit Rouge » déposée le 6 avril 1988, enregistrée sous le numéro 1459023 et en dernier lieu renouvelée le 30 janvier 2008,
– la marque française verbale « Shalimar » déposée le 22 septembre 1983, enregistrée sous le numéro 1254131 et en dernier lieu renouvelée le 1er septembre 2003,
– la marque française verbale « Mahora» déposée le 22 juin 1994, enregistrée sous le numéro 94526695 et renouvelée le 8 décembre 1999,
– la marque française verbale « Jardins de Bagatelle » déposée le 10 août 1982, enregistrée sous le numéro 1211178 et en dernier lieu renouvelée le 5 juillet 2002,
– la marque française verbale « Jicky » déposée le 6 avril 1988, enregistrée sous le numéro 1459019 et en dernier lieu renouvelée le 30 janvier 2008,
– la marque française verbale « L’heure Bleue » déposée le 22 mars 1991, enregistrée sous le numéro 1651912 et renouvelée le 8 janvier 2001,
– la marque française verbale « Mitsoulco » déposée le 22 septembre 1983, enregistrée sous le numéro 1245861 et en dernier lieu renouvelée le 1er septembre 2003,
– la marque française verbale « Vol de Nuit » déposée le 6 juin 1986, enregistrée sous le numéro 1357931 et en dernier lieu renouvelée le 21 décembre 2005,
– la marque française verbale « Samsara » déposée le 3 mai 1988, enregistrée sous le numéro 1463212 et en dernier lieu renouvelée le 27 mai 2008.

La société Kenzo justifie enfin être titulaire des marques suivantes :
– la marque française verbale « Kenzo » déposée le 24 décembre 1991, enregistrée sous le numéro 1714335 et renouvelée le 28 novembre 2001,
– la marque française verbale « Flower By Kenzo » déposée le 30 mars 2000 et enregistrée sous le numéro 3018268,
– la marque française verbale « Kenzoair » déposée le 16 mai 2002 et enregistrée sous le numéro 3164526,
– la marque française verbale « Kenzoki » déposée le 16 décembre 1999 et enregistrée sous le numéro 99829522.

L’ensemble de ces marques ont été déposées pour désigner notamment en classe 3 les produits de parfumerie et les produits cosmétiques.

Ces sociétés indiquent avoir découvert que des produits de beauté et des Parfums revêtus de leurs marques étaient offerts à la vente sur le site internet de ventes aux enchères “eBay” et avoir engagé à l’encontre des sociétés eBay Inc et eBay International AG une action devant le Tribunal de Commerce de Paris, lequel a notamment dans un jugement rendu le 30 juin 2008, et depuis frappé d’appel, enjoint aux défenderesses de cesser et interdire la diffusion sur leurs sites d’annonces portant sur de tels produits et les a en outre condamnées au paiement de dommages-intérêts.

Elles ajoutent avoir par ailleurs constaté que l’utilisation de leurs dénominations déposées à titre de marques permettait de générer, sur les pages de résultat des différents moteurs de recherche sur internet, l’affichage de liens commerciaux renvoyant vers les sites eBay

Estimant que “la plateforme eBay” se livrait ainsi à une activité d’annonceur publicitaire dont elle tirait directement bénéfice, ce au mépris de leurs droits de propriété industrielle, et après l’établissement de procès-verbaux de constat par l’Agence pour la Protection des Programmes (ci-après APP) sur les moteurs de recherche Google, MSN et AOL Search en date des 02 août, 24 octobre, 06 et 07 novembre et 22 novembre 2006, les sociétés Parfums Christian Dior, Kenzo, Parfums Givenchy et Guerlain ont, selon actes d’huissier en date des 05 et 15 décembre 2006, fait assigner la société eBay Inc et la société eBay International AG en contrefaçon de marques et concurrence déloyale aux fins d’obtenir, outre des mesures d’interdiction sous astreinte et de publication, paiement de dommages-intérêts et d’une indemnité au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, le tout au bénéfice de l’exécution provisoire.

Suivant ordonnance rendue le 14 décembre 2007, le juge de la mise en état a rejeté l’exception d’incompétence territoriale soulevée par les sociétés eBay Inc et eBay International AG.

Dans leurs conclusions récapitulatives signifiées le 20 mars 2009, auxquelles il est expressément référé, les sociétés Parfums Christian Dior, Kenzo, Parfums Givenchy et Guerlain demandent au Tribunal de :
– déclarer les sociétés Parfums Christian Dior, Kenzo, Guerlain et Parfums Givenchy recevables et bien fondées à saisir le Tribunal de grande instance de Paris aux fins d’obtenir la condamnation in solidum des sociétés eBay Inc. et eBay International AG au titre des actes de contrefaçon, de concurrence déloyale et de publicité trompeuse commis par celles-ci à leur préjudice,

Vu les articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle. L. 115-33 et L. 121-1 et suivants du Code de la consommation et 1382 du Code civil,
– dire qu’en utilisant à titre de mots-clés les dénominations « Dior », « Hypnotic Poison », « Eau Sauvage », « Pure Poison », « Tendre Poison», « Higher Energy Dior », « Miss Dior Chérie », «Givenchy », « Very Irresistible », « Ysatis », « Ange ou démon Givenchy Paris », « Ange ou Démon », « Amarige », « Givenchy Gentleman », « Xéryus », « Hot Couture », « Guerlain », « Habit Rouge », « Shalimar », « Mahora », « Jardins de Bagatelle », «Jicky », « L’heure bleue », « Mitsouko », « Vol de Nuit », « Samsara », « Kenzo », « Flower By Kenzo », « Kenzoki », et « Kenzoair » afin de faire apparaître un lien commercial, permettant d’accéder aux sites internet ebay.fr et ebay.com, les sociétés eBay Inc. et eBay International AG ont commis des actes de contrefaçon des marques :

* n°1319530, n°98714912, n°1319531, n°3333532, n°3218242 n°3209629, n°4227583, n°3306397 et n°3213824 au préjudice de la société Parfums Christian Dior, titulaire de ces marques,
* n°95552504, n°3033072, n°3192481, n°1258855, n°3421207, n°99790542, n°1613382, n°1458148 et n°228502 au préjudice de la société Parfums Givenchy, titulaire de ces marques,
* n°1314761, n°1459023, n°1254131, n°94526695, n°1211178, n°1459019, n°1651912, n°1245861, n°1357931 et n°1463212 au préjudice de la société Guerlain, titulaire de ces marques,
* n°1714335, n°3018268, n°3164526 et n°99829522 au préjudice de la société Kenzo, titulaire de ces marques,
– dire que les sociétés eBay Inc et eBay International AG ont par ailleurs commis des actes de publicité trompeuse et de concurrence déloyale à leur préjudice,

En conséquence,
– faire interdiction, sous astreinte de 10 000 € par infraction constatée, aux sociétés eBay Inc. et eBay International AG d’acquérir et/ou faire usage sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, notamment à titre de mots clés ou de lieu commercial, directement ou par l’intermédiaire d’« affiliés » et de « plateformes d’affiliation», des dénominations suivantes : « Dior », « Hypnotic Poison », « Eau Sauvage », « Pure Poison», « Tendre Poison», « Higher Energy Dior », « Miss Dior Chérie », « Givenchy », « Very Irresistible », « Ysatis », « Hot Couture », « Ange ou Démon Givenchy Paris », « Ange ou Démon », « Amarige », « Givenchy Gentleman », « Xéryus », « Guerlain », « Habit Rouge », « Shalimar », « Mahora », « Jardins de Bagatelle », « Jicky », « L’heure bleue », « Mitsouko », « Vol de Nuit », « Samsara », « Kenzo », « Flower By Kenzo », « Kenzoki » et « Kenzoair »,
– condamner in solidum les sociétés eBay Inc. et eBay International AG à verser à chacune des sociétés Parfums Christian Dior, Kenzo, Parfums Givenchy et Guerlain les sommes de :
* 600 000 €, à parfaire, en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon de marques
* 400 000 €, à parfaire, en réparation du préjudice résultant des actes de publicité trompeuse et de concurrence déloyale,
– autoriser les sociétés Parfums Christian Dior, Kenzo, Guerlain et Parfums Givenchy à faire publier le dispositif du jugement à intervenir aux frais des sociétés eBay Inc. et eBay International AG dans la limite de 150 000 €, dans quatre publications de leur choix, et en partie haute des pages d’accueil des sites eBay.fr et eBay.com aux frais des sociétés eBay Inc. et eBay International AG pendant une durée d’un mois dans les quinze jours de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 5000 € par jour de retard passé ce délai,
– condamner in solidum les sociétés eBay Inc. et eBay International AG à verser à chacune des sociétés Parfums Christian Dior, Kenzo, Guerlain et Parfums Givenchy la somme de 50 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– débouter les sociétés eBay International AG et eBay Inc. de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
– ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir,
– condamner in solidum les sociétés eBay Inc. et eBay International AG aux entiers dépens, en ce compris les frais de constats, dont distraction au profit de Maître Eric Deubel, avocat. Dans leurs dernières écritures en date du 04 mai 2009, auxquelles il est pareillement expressément référé, les sociétés eBay Inc et eBay International AG entendent voir :

A titre liminaire,
– prononcer la nullité des procès-verbaux de constat établis par un agent assermenté de l’Agence pour la Protection des Programmes (pièces Parfums Christian Dior n° 32, 33, 34, 35, 87 et 88), dès lors que les procès-verbaux ont été établis en violation des dispositions de l’article L. 331-2 du Code de la propriété intellectuelle,

À titre principal,
– dire et juger que les sociétés eBay Inc. et eBay International AG sont étrangères aux faits allégués,
– en conséquence, débouter les sociétés Parfums Christian Dior, Kenzo SA, Parfums Givenchy et Guerlain Société Anonyme de l’intégralité de leurs demandes,

A titre subsidiaire,
– dire et juger que les conditions propres à établir la contrefaçon des marques « Dior », « Hypnotic Poison », « Eau sauvage, « Hot couture, «Tendre Poison », « Higher energy », « Givenchy », « Very Irresistible », « Ysatis », « Ange ou démon », « Amarige », « Givenchy Gentleman », « Xéryus », « Guerlain », « Habit rouge », « Shalimar », « Mahora », « Jardins de Bagatelle », « Jicky », « L’heure bleue », « Mitsouko », « Vol de nuit », « Samasara », « Kenzo », « Flower by Kenzo », « Kenzoki », « Kenzoair », « Higher energy Dior », « Miss Dior Chérie » et « Pure Poison» ne sont pas réunies,
– en tant que de besoin, dire et juger qu’il appartient au Tribunal de poser à la Cour de justice des Communautés européennes la question préjudicielle suivante :
«La réservation par un opérateur économique, par voie de contrat de référencement payant conclu avec un moteur de recherche sur internet, d’un mot-clé déclenchant l‘affichage d’un lien vers un site exploité par cet opérateur afin d‘offrir à la vente des produits ou services, lorsqu‘il imite ou reproduit une marque enregistrée par un tiers afin de désigner des produits identiques, sans I‘autorisation du titulaire de cette marque, caractérise-t-elle une atteinte au droit exclusif garanti à ce dernier par l’article 5 de la première Directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 ?»
– en conséquence, débouter les sociétés Parfums Christian Dior, Kenzo SA, Parfums Givenchy et Guerlain Société Anonyme de l’intégralité de leurs demandes,
– dire et juger que les agissements reprochés aux sociétés eBay Inc. et eBay AG ne sont pas constitutifs de concurrence déloyale ni de publicité trompeuse,
– en conséquence, débouter les sociétés Parfums Christian Dior, Kenzo SA, Parfums Givenchy et Guerlain Société Anonyme de l’intégralité de leurs demandes,

À titre très subsidiaire,
– dire et juger que les sociétés Parfums Christian Dior, Kenzo SA, Parfums Givenchy et Guerlain Société Anonyme ne démontrent pas de préjudice justifiant l’application des mesures de réparation formulées par elles,
– en conséquence, débouter les sociétés Parfums Christian Dior, Kenzo SA, Parfums Givenchy et Guerlain Société Anonyme de leurs demandes d’indemnisation, d’interdiction et de publication judiciaire,
– en tout état de cause, circonscrire les mesures d’indemnisation, d’interdiction et de publication judiciaire au territoire français, soit au site www.ebay.fr,

En tout état de cause,
– condamner les sociétés Parfums Christian Dior, Kenzo SA, Parfums Givenchy et Guerlain Société Anonyme à verser à chacune des sociétés eBay International AG et eBay Inc. la somme de 30 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Olivier Laude, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 mai 2009.

DISCUSSION

Sur la demande de rejet de pièce

Attendu que les sociétés eBay Inc et eBay International AG, sans toutefois reprendre une telle demande dans le dispositif de leurs écritures, sollicitent dans le corps de celles-ci, et plus précisément en page 47, que soit écarté des débats le procès-verbal de constat dressé les 04, 07, 08 et 11 janvier 2008 par Maître Jérôme Llopis, Huissier de Justice associé près le Tribunal de Grande Instance de Paris, et constituant la pièce adverse n° 77, ce au motif que l’huissier instrumentaire n’a pas cliqué sur les liens constaté et que ce procès-verbal ne permettrait pas dès lors d’établir le caractère authentique, contrefaisant ou concurrent des produits figurant dans les annonces vers lesquelles redirigent les liens commerciaux litigieux ;

Mais attendu qu’une telle argumentation, relative à la force probante et à la portée du procès-verbal de constat en cause, doit être appréciée dans le cadre de l’examen au fond du litige et ne saurait à ce stade justifier son rejet des débats ;

Que les sociétés défenderesses seront donc déboutées de leur demande formée à ce titre.

Sur la validité des procès-verbaux de constat dressés par l’Agence pour la Protection des Programmes

Attendu que les sociétés eBay International AG et eBay Inc entendent voir prononcer la nullité des procès-verbaux de constat dressés par les agents assermentés de I’APP les 02 août, 24 octobre, 06 et 07 novembre et 22 novembre 2006 et demandent subsidiairement au Tribunal de les écarter des débats ;

Qu’elles se prévalent à cet égard de l’article L.331-2 du Code de la Propriété Intellectuelle, lequel dispose qu’ “outre les procès-verbaux des officiers ou agents de police judiciaire, la preuve de la matérialité de toute infraction aux dispositions des livres Ier, Il et III du présent code et de l’article 52 de la loi n°85-660 du 3 juillet 1985 relative aux droits d’auteur et aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle peut résulter des constatations d’agents assermentés désignés selon les cas par le Centre national de la cinématographie, par les organismes de défense professionnelle visées à l’article L. 331-1 et par les sociétés mentionnées au titre II du présent livre”, pour soutenir que la compétence matérielle des agents assermentés de l’APP est en vertu de ce texte limitée aux seuls constats d’infraction aux droits d’auteur, aux droits voisins et aux droits des producteurs de bases de données ;

Qu’arguant du fait que les constats versés aux débats par les demanderesses portent exclusivement sur de prétendues infractions aux dispositions relatives aux marques de fabrique, de commerce ou de service, et estimant en outre que les agents assermentés de l’APP n’ont pas fait preuve de l’objectivité requise en intitulant leurs procès-verbaux “violation de droits de propriété intellectuelle”, elles considèrent que de tels constats sont nuls ou doivent “à tout le moins” être écartés des débats ;

Mais attendu que les sociétés Parfums Christian Dior, Kenzo, Parfums Givenchy et Guerlain rappellent à bon droit que, conformément à l’article L.716-7, alinéa 1er du Code de la Propriété Intellectuelle, la preuve de la contrefaçon peut être rapportée par tous moyens ;

Que dès lors, ces constats, quand bien même ils ont été réalisés en dehors du champ de compétence des agents assermentés de I’APP, constituent des éléments de preuve des faits litigieux, étant observé qu’il ne s’agit pas d’actes d’huissier relevant du régime des nullités instauré par le Code de procédure civile, mais de simples constatations soumises à l’appréciation du Tribunal ;

Que le défaut d’objectivité des agents assermentés par ailleurs allégué, qui ne saurait résulter du simple intitulé des procès-verbaux en cause, n’est pas autrement démontré ;

Que la demande des sociétés eBay International AG et eBay Inc tendant à voir prononcer la nullité des procès-verbaux de constat dressés par les agents assermentés de l’APP les 02 août, 24 octobre, 06 et 07 novembre et 22 novembre 2006 doit en conséquence être rejetée ;

Qu’il n’y a pas plus lieu, et pour les mêmes motifs, à les écarter des débats.

Sur l’imputabilité des agissements incriminés

Attendu qu’il convient à titre liminaire de relever que l’argumentation des sociétés défenderesses selon laquelle les sociétés Parfums Christian Dior, Kenzo, Parfums Givenchy et Guerlain ne font pas dans leurs écritures de distinction entre la société eBay Inc
– hébergeur du site www.ebay.com – d’une part, et la société eBay International AG – hébergeur du site www.ebay.com – d’autre part, rendant ainsi impossible la détermination des griefs formés à leur encontre, ce qui suffirait à justifier le rejet de l’intégralité de leurs prétentions, constitue en réalité un moyen relatif à un éventuel partage de responsabilité entre chacune des défenderesses et sera donc examinée après que le Tribunal aura préalablement statué sur l’imputabilité et la nature ou non illicite des agissements incriminés dans le cadre de la présente instance ;

Attendu qu’il est constant que les sociétés demanderesses font grief aux sociétés eBay International AG et eBay Inc d’avoir utilisé – et non pas seulement d’avoir acquis – à titre de mots-clés des dénominations reproduisant ou imitant les marques dont elles sont titulaires afin de faire apparaître sur les pages de résultat des moteurs de recherche sur internet un lien commercial dirigeant les internautes vers les sites ebay.fr ou ebay.com ;

Que les sociétés défenderesses, avant même de discuter du caractère ou non contrefaisant de tels agissements, soutiennent qu’aucun fait personnel ne leur est imputable dès lors que les mots-clés incriminés dans le cadre de la présente instance – à l’exception toutefois, selon leurs propres écritures, de cinq d’entre eux – ont été achetés par des affiliés ;

Qu’à ce titre elles exposent avoir à l’époque des faits mis en place des “programmes d’affiliation eBay” permettant à une personne – l’affilié souhaitant promouvoir le site eBay de conclure un contrat avec la plateforme d’affiliation de leur choix, à savoir sur le marché français les sociétés Trade Doubler ou Commission Junction ;

Qu’elles précisent n’avoir eu aucune maîtrise a priori des choix de mots-clés opérés par les affiliés, disposant uniquement par le truchement des plateformes d’affiliation des données journalières, hebdomadaires et mensuelles des “clics” générés par les affiliés, ainsi que des rémunérations versées à ces derniers, et ajoutent avoir exigé que ceux-ci respectent les lignes de conduite édictées par elle, comprenant notamment le respect de la législation française en matière de droits de propriété intellectuelle ;

Qu’elles estiment en conséquence que leur responsabilité ne saurait être engagée faute de toute participation personnelle aux actes de contrefaçon allégués ;

Attendu qu’il convient de relever que les procès-verbaux de constat dressés les 02 août 24 octobre, 06 et 07 novembre et 22 novembre 2006 par l’APP et le procès-verbal de constat dressé les 04, 07, 08 et 11 janvier 2008 par Maître Jérôme Llopis, Huissier de Justice associé près le Tribunal de Grande Instance de Paris – qui n’est pas à cet égard critiqué – établissent qu’en tapant dans la barre de recherche des moteurs de recherche Google, MSN, Yahoo ou AOLSearch les signes opposés dans le cadre de la présente instance, la page de résultat ainsi obtenue propose notamment à l’internaute un lien commercial lui permettant d’accéder aux sites ebay.fr ou ebay.com ;

Que cependant, il n’est pas pour autant démontré que les sociétés eBay International AG et eBay Inc ont elles-mêmes procédé à la réservation et/ou à l’achat de ces signes à titre de mots-clés, mais tout au plus que ces dernières sont directement ou indirectement les bénéficiaires de cette réservation ;

Qu’il résulte au contraire de l’analyse des procès-verbaux de constat de l’APP réalisée par Madame Christel T., responsable “Search Marketing” et “Affiliation” au sein de la société eBay France, dans une attestation en date du 14 janvier 2009 versée aux débats par les défenderesses – qui, contrairement à ce que prétendent les sociétés Parfums Christian Dior Kenzo, Parfums Givenchy et Guerlain, n’est nullement dépourvue de valeur probante dès lors qu’elle se fonde sur les constatations des agents assermentés de l’APP et que la méthodologie adoptée pour parvenir au tableau analytique y annexé est parfaitement exposée et n’est contredite par aucun élément présenté en défense – que sur un total de quarante liens commerciaux incriminés, seuls trois d’entre eux résultent d’une réservation de mot-clé effectuée par les sociétés défenderesses ;

Qu’ainsi, le mot-clé “Ange ou démon” a été réservé par la société eBay International AG tandis que les mots-clés “Kenzo” et “Hot couture” ont été réservés par la société eBay lnc ;

Que cette analyse permet en outre d’établir que les autres liens commerciaux constatés – soit trente-sept au total – résultent d’une réservation de mots-clés par des affiliés aux sociétés Trade Doubler ou Commission Junction, qui ont pour la plupart pu être identifiés et auxquels la société eBay France a adressé une mise en demeure de cesser l’usage desdits mots-clés ;

Que s’agissant du procès-verbal de constat dressé les 04, 07, 08 et 11 janvier 2008 par Maître Jérôme Llopis, et sans que cela le prive pour autant de toute portée, une telle analyse n’a pu être effectuée par les services des sociétés défenderesses à défaut, pour chaque mot-clé incriminé, de mention de I’URL de redirection correspondante, l’huissier ayant simplement constaté la présence de liens commerciaux sur divers moteurs de recherche sans cliquer sur ces liens ;

Que toutefois, les informations contenues dans ce procès-verbal ont permis à Madame Christel T. d’attester, à partir d’un faisceau d’indices, que sur les trente-trois liens commerciaux en cause, seuls deux résultaient ou résulteraient d’une réservation de mot-clé par la société eBay International AG, à savoir les mots-clés “l’heure bleue” et “parfum habit rouge” ;

Qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que, dans le cadre de la présente instance, seule la réservation de cinq mots-clés par les sociétés défenderesses est avérée, les demanderesses échouant pour le surplus à rapporter la preuve de leurs allégations ;

Attendu que ces dernières ne sauraient soutenir que la réservation des mots-clés par des affiliés est juridiquement indifférente dès lors que la publicité ainsi générée est effectuée pour le compte et dans l’intérêt des sociétés eBay International AG et eBay Inc, qui auraient selon elles ainsi la qualité d’annonceurs et seraient responsables en tant que bénéficiaires de ce programme ;

Qu’en effet, ainsi que le soulignent justement les défenderesses, la mise en jeu de la responsabilité d’un tiers sur le terrain de la contrefaçon nécessite la démonstration d’un fait personnel d’usage, de reproduction, d’apposition ou d’imitation de la marque opposée ;

Or attendu qu’il est établi que les affiliés n’ont pas de lien contractuel avec les sociétés eBay International AG et eBay Inc, mais seulement avec les plates-formes d’affiliation, à savoir les sociétés Trade Doubler ou Commission Junction, ce bien qu’ils acceptent expressément, dans le cadre des contrats souscrits avec lesdites plateformes, les “lignes de conduite eBay” – lesquelles comprennent au demeurant le respect des droits de propriété intellectuelle – ;

Qu’il n’est pas plus démontré que les sociétés eBay International AG et eBay Inc proposeraient ou fourniraient une liste de mots-clés à leurs affiliés, les pages extraites du site internet eBay versées aux débats en pièces 64 et 65 par les demanderesses à l’appui de leur argumentation à ce titre étant manifestement destinées non pas aux affiliés, mais aux vendeurs, et étant dès lors sans portée dans le cadre du présent litige ;

Qu’il résulte de ce que précède que les sociétés eBay International AG et eBay Inc n’ont ni la maîtrise, ni n’exercent de contrôle a priori sur le choix des mots-clés par leurs affiliés ;

Qu’en conséquence, et quand bien même il est manifeste que ces dernières tirent un bénéfice économique des liens commerciaux ainsi générés, lesquels contribuent à assurer la promotion de leurs sites, un tel élément est à lui seul insuffisant à engager leur responsabilité dès lors qu’elles n’ont pas procédé elles-mêmes à la réservation des mot-clés litigieux et qu’elles n’en font pas personnellement usage ;

Attendu que les sociétés Parfums Christian Dior, Kenzo, Parfums Givenchy et Guerlain ne pourront dans ces conditions, à défaut d’agissements personnels directement imputables aux sociétés eBay International AG et eBay Inc, qu’être déboutées de leurs demandes s’agissant des mots-clés pour lesquels il n’est pas établi qu’ils ont été réservés et/ou achetés par ces dernières ;

Qu’il n’est cependant pas contesté que les mots-clés “Ange ou démon”, “l’heure bleue” et “parfum habit rouge” ont été réservés par la société eBay International AG et que les mots-clés “Kenzo” et “Hot couture” ont quant à eux été réservés par la société eBay Inc ;

Que s’agissant de ces cinq mots-clés, la responsabilité des sociétés eBay International AG et eBay Inc au regard du droit commun de la contrefaçon sera ci-après examinée.

Sur la contrefaçon

Attendu qu’aux termes de l’article L 713-2 a) du Code de la Propriété Intellectuelle “Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que : « formule, façon, Système, imitation, genre, méthode “, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement” ;

Que selon l’article 713-3 b) du même Code, “sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s‘il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public, l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement” ;

Attendu qu’il a été précédemment exposé que la société Parfums Givenchy est titulaire de la marque française semi figurative « Hot Couture » n° 3033072, de la marque française semi-figurative « Ange ou Démon Givenchy Paris » n° 3421207 et de la marque française verbale « Ange ou Démon » n° 99790542 ;

Qu’il a également été indiqué que la société Guerlain est titulaire des marques françaises verbales « Habit Rouge » n° 1459023 et « L’heure Bleue » n° 1651912 et que la société Kenzo est titulaire de la marque française verbale « Kenzo » n°1714335 ;

Qu’il est établi que les mots-clés “Ange ou démon”, “l’heure bleue” et “parfum habit rouge” ont été réservés par la société eBay International AG et que les mots-clés “Kenzo” et “Hot couture” ont quant à eux été réservés par la société eBay Inc ;

Qu’il est en outre constant que ces mots-clés permettent d’accéder, sur les pages de résultat affichées par le biais des moteurs de recherche Google, MSN ou AOL Search, à des liens commerciaux dirigeant l’internaute vers les sites eBay.fr ou eBay.com ;

Attendu que pour s’opposer à l’action en contrefaçon, les sociétés eBay International AG et eBay Inc soutiennent en premier lieu qu’elles n’ont pas fait un usage à titre de marque des signes contestés, le public concerné comprenant selon elles parfaitement que les reproductions critiquées sont utilisées “pour représenter les objets offerts à la vente sur le site eBay”, et non pour distinguer le produit ou le service du titulaire de la marque ;

Qu’elles ajoutent que l’emplacement publicitaire et la notoriété du site eBay, associés à l’intitulé du lien, excluent tout risque de confusion dans l’esprit de l’internaute normalement avisé et attentif ;

Qu’elles estiment dès lors qu’il n’est ainsi nullement porté atteinte à la fonction de garantie de la provenance de la marque et, en tant que de besoin, demandent au Tribunal, à l’instar de la Cour de cassation qui dans un arrêt du 20 mai 2008 rendu dans l’affaire Google France c/ CNRRH a notamment soumis à la Cour de Justice des Communautés européennes la question de savoir si “la réservation par un opérateur économique, par voie de contrat de référencement payant sur internet, d’un mot-clé déclenchant en cas de requête utilisant ce mot, l’affichage d’un lien proposant de se connecter à un site exploité par cet opérateur afin d’offrir à la vente des produits ou services, d’un signe reproduisant ou imitant une marque enregistrée par un tiers afin de désigner des produits identiques ou similaires, sans l’autorisation du titulaire de cette marque, caractérise-t-elle en elle-même une atteinte au droit exclusif garanti à ce dernier par l’article 5 de la première Directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 ?“, de saisir le CJCE de cette même question préjudicielle ;

Mais attendu qu’une telle argumentation ne saurait prospérer dès lors que les défenderesses affirment elles-mêmes dans leurs écritures, comme il a été précédemment relevé, que les mots-clés litigieux sont utilisés “pour représenter les objets offerts à la vente sur le site eBay”, caractérisant ainsi un usage à titre de marque, laquelle a pour fonction de garantir au consommateur l’origine du produit ou du service ainsi désigné ;

Que la question du risque de confusion, distincte de celle relative à l’usage à titre de marque, sera quant à elle ci-après examinée ;

Attendu que les sociétés eBay International AG et eBay Inc soutiennent subsidiairement qu’elles font un usage légitime de la marque aux fins de représenter les objets authentiques offerts à la vente sur leurs sites internet de courtage aux enchères et considèrent que l’utilisation des mots-clés litigieux est le seul moyen en pratique de fournir au public une information compréhensible et complète sur les produits disponibles sur le site eBay, se prévalant notamment à cet égard des dispositions de l’article L.713-6 b) du Code de la Propriété Intellectuelle aux termes desquelles “l‘enregistrement d’une marque ne fait pas obstacle à l’utilisation du même signe ou d’un signe similaire comme référence nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoire ou pièce détachée, à condition qu‘il n‘y ait pas de confusion dans leur origine” ;

Qu’elles ajoutent qu’il n’est nullement établi que les produits offerts à la vente sur leurs sites sous les dénominations invoquées sont des produits contrefaisants et affirment que la présence de produits dits “concurrents” – en réalité selon elles des produits de classes différentes comprenant dans leur désignation le terme en cause – ne rend pas illicite cet usage ;

Que cependant, il y a lieu de relever que l’usage en l’espèce incriminé consiste non pas dans l’utilisation de la marque sur les pages du site internet eBay pour désigner des produits authentiques ou prétendument non authentiques ou concurrents, mais bien dans l’utilisation non autorisée de la marque à titre de mot-clé générant un lien commercial dirigeant l’internaute vers ce site ;

Que comme le soulignent justement les demanderesses, la marque est alors utilisée non pas à titre informatif, mais à des fins purement promotionnelles, une telle utilisation ne pouvant dès lors constituer une référence nécessaire au sens des dispositions susvisées ;

Qu’il importe peu à cet égard que les produits présentés sur la page du site internet eBay correspondante soit ou non des produits authentiques, étant en tout état de cause relevé que la commercialisation de ces produits relèvent d’un réseau de distribution sélective ;

Attendu que les signes “Ange ou démon”, “Kenzo” et “l’heure bleue”, utilisés à titre de mots-clés pour générer un lien commercial désignant des produits de parfumerie identiques à ceux visés dans l’enregistrement des marques premières, constituent respectivement la reproduction à l’identique du signe « Ange ou Démon » déposé à titre de marque verbale sous le n° 99790542, du signe « Kenzo » déposé à titre de marque verbale sous le n° 1714335 et du signe « L’heure Bleue » déposée à titre de marque verbale sous le n° 1651912 ;

Que les signes “Ange ou démon”, “parfum habit rouge” et “Hot couture”, lesquels sont également utilisés à titre de mots-clés pour désigner des produits identiques à ceux visés dans l’enregistrement des marques opposées, reprennent quant à eux les éléments distinctifs et dominants respectivement de la marque semi-figurative « Ange ou Démon Givenchy Paris » n° 3421207, de la marque verbale « Habit Rouge » n° 1459023 et de la marque semi-figurative « Hot Couture » n° 3033072 – qui contrairement à ce que prétendent les défenderesses, sans toutefois en tirer une quelconque conséquence sur la validité de la marque, ne constitue pas la simple juxtaposition de mots du langage courant – , de sorte qu’il en résulte sur les plans visuel, phonétique et conceptuel une impression d’ensemble de nature à engendrer un risque de confusion pour le consommateur normalement attentif quant à l’origine des produits en cause ;

Que la contrefaçon par reproduction ou par imitation des marques françaises « Hot Couture » n° 3033072, «Ange ou Démon Givenchy Paris » n° 3421207, « Ange ou Démon » n° 99790542, « Habit Rouge » n° 1459023, « L’heure Bleue » n° 1651912 et « Kenzo » n° 1714335 est ainsi caractérisée.

Sur la concurrence déloyale

Attendu que les sociétés Parfums Christian Dior, Kenzo, Parfums Givenchy et Guerlain estiment en premier lieu que les sociétés eBay International AG et eBay Inc, en faisant usage des marques dont elles sont titulaires dans les liens commerciaux incriminés pour faire de la publicité pour leurs sites, se sont placées dans leur sillage et ont ainsi indûment tiré profit de la notoriété de leurs marques et de leur pouvoir attractif ;

Que ce faisant, elles ne caractérisent cependant, ainsi que le relèvent justement les défenderesses, aucun fait distinct de ceux précédemment retenus au titre de la contrefaçon ;

Que leurs demandes de ce chef ne sauraient donc prospérer ;

Attendu que les sociétés Parfums Christian Dior, Kenzo, Parfums Givenchy et Guerlain, se prévalant des dispositions de l’article L. 121-1 du Code de la consommation aux termes desquelles “Est interdite toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, lorsque celles-ci portent sur un ou plusieurs éléments ci-après : existence, nature, composition, qualités substantielles, teneur en principes utiles, espèce, origine, quantité, mode et date de fabrication, propriétés, prix et conditions de vente de biens ou services qui font l’objet de la publicité, conditions de leur utilisation, résultats qui peuvent être attendus de leur utilisation, motifs ou procédés de la vente ou de la prestation de services, portée des engagements pris par l’annonceur, identité, qualités ou aptitudes du fabricant, des revendeurs, de promoteurs ou des prestataires”, soutiennent en second lieu que les agissements des sociétés eBay International AG et eBay Inc sont de nature à tromper le consommateur d’attention moyenne et sont donc constitutifs de publicité trompeuse ;

Qu’elles font à ce titre valoir qu’en saisissant les marques dont elles sont titulaires sur la barre de recherche des moteurs de recherche sur internet, puis en cliquant sur les liens commerciaux ainsi générés, l’internaute “n‘imagine pas être dirigé vers des pages web qui ne font pas la promotion effective des produits authentiques désignés par les marques des sociétés, lorsqu‘il ne s‘agit pas de produits concurrents” ;

Qu’il convient préalablement de rappeler que seule la réservation des mots-clés “Ange ou démon”, “l’heure bleue”, “parfum habit rouge”, “Kenzo” et “hot couture » a été jugée imputable aux sociétés défenderesses et que le grief de publicité mensongère – qui suppose, sur le terrain de l’article 1382 du Code civil, la démonstration d’une faute personnelle de celui qui en a tiré profit – ne peut dans ces conditions être examiné que pour ces cinq mots-clés ;

Qu’il y a lieu en outre de préciser que l’usage desdits mots-clés, dans les conditions ci-dessus exposées, a été considéré comme contrefaisant et ne peut dès lors être sanctionné sur le terrain de la concurrence déloyale que s’il est rapporté la preuve de faits distincts ;

Or attendu qu’outre le fait qu’il n’est pas démontré que les liens commerciaux incriminés dirigent l’internaute vers des pages du site eBay proposant à la vente des produits non authentiques, il apparaît que la rédaction de l’annonce – du type “acheter moins cher sur Ebay” ou encore “faites de bonnes affaires sur Ebay” – associée à l’adresse du site en cause ne laissent subsister dans l’esprit du consommateur aucune ambiguïté sur l’identité de l’annonceur et les conditions de vente des produits concernés ;

Que les sociétés Parfums Christian Dior, Kenzo, Parfums Givenchy et Guerlain verront leurs demandes à ce titre pareillement rejetées.

Sur les mesures réparatrices

Attendu qu’il sera fait droit à la mesure d’interdiction sollicitée dans les conditions énoncées au dispositif de la présente décision, étant précisé que cette mesure ne saurait s’étendre au-delà du territoire national, les marques dont la contrefaçon a été ci-dessus retenue étant exclusivement des marques françaises ;

Attendu qu’il a été dit que les mots-clés “Ange ou démon”, “l’heure bleue” et “parfum habit rouge” ont été réservés par la société eBay International AG tandis que les mots-clés “Kenzo” et “Hot couture” ont été réservés par la société eBay Inc ;

Que les agissements retenus à leur encontre au titre de la contrefaçon étant distincts, il y a lieu de les condamner non pas in solidum, mais chacune au paiement des dommages-intérêts alloués en réparation du préjudice subi par les titulaires de droits, lequel résulte de la seule atteinte portée à leurs marques mais ne saurait se limiter comme le prétendent les défenderesses aux liens commerciaux renvoyant sur le site accessible à l’adresse ebay.fr, le site ebay.com étant parfaitement accessible au public français ;

Qu’il y a lieu dans ces conditions de condamner :
– la société eBay International AG à payer à la société Parfums Givenchy la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de l’atteinte portée aux marques « Ange ou Démon Givenchy Paris » n° 3421207 et « Ange ou Démon » n° 99790542 et à la société Guerlain la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de l’atteinte portée aux marques « Habit Rouge » n° 1459023 et « L’heure Bleue » n° 1651912,
– la société eBay à payer à la société Parfums Givenchy la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de l’atteinte portée à la marque « Hot Couture » n° 3033072 et à la société Kenzo la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de l’atteinte portée à la marque « Kenzo » n° 1714335 ;

Attendu qu’il convient, à titre de complément d’indemnisation, d’autoriser la publication du dispositif du présent jugement selon les modalités ci-dessous précisées.

Sur les autres demandes

Attendu qu’il y a lieu de condamner les sociétés eBay International AG et eBay Inc, parties perdantes, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile et qui comprendront les frais de constat ;

Qu’en outre, elles doivent être condamnées in solidum à verser aux sociétés Parfums Christian Dior, Kenzo, Parfums Givenchy et Guerlain, qui ont dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir leurs droits, une indemnité au titre de l’article 700 du Code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 20 000 € ;

Qu’elles ne sauraient dès lors elles-mêmes ne prétendre à aucune indemnisation de ce chef ;

Attendu que les circonstances de l’espèce justifient le prononcé de l’exécution provisoire, qui est en outre compatible avec la nature du litige.

DECISION

Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,
– Rejette la demande des sociétés eBay International AG et eBay Inc tendant au rejet des débats de la pièce adverse n°77 ;
– Déboute les sociétés eBay International AG et eBay Inc de leur demande tendant à voir prononcer la nullité des procès-verbaux de constat dressés par les agents assermentés de I’APP les 02 août, 24 octobre, 06 et 07 novembre et 22 novembre 2006 et subsidiairement à les voir écarter des débats ;
– Dit qu’en procédant par le biais des moteurs de recherche sur internet, à la réservation des mots-clés “Ange ou démon”, “l’heure bleue” et “parfum habit rouge” générant sur les pages de résultat correspondantes un lien commercial vers les sites eBay, la société eBay International AG a commis des actes de contrefaçon par reproduction ou imitation des marques françaises « Ange ou Démon Givenchy Paris » n° 3421207 et « Ange ou Démon » n° 99790542 dont la société Parfums Givenchy est titulaire et des marques « Habit Rouge » n° 1459023 et « L’heure Bleue » n° 1651912 dont la société Guerlain est titulaire ;
– Dit qu’en procédant, par le biais des moteurs de recherche sur internet, à la réservation des mots-clés “Kenzo” et “Hot couture” générant sur les pages de résultat correspondantes un lien commercial vers les sites eBay, la société eBay Inc a commis des actes de contrefaçon par reproduction ou imitation de la marque française « Hot Couture » n° 3033072 dont la société Parfums Givenchy est titulaire et de la marque française « Kenzo » n° 1714335 dont la société Kenzo est titulaire ;

En conséquence,
– Fait interdiction aux sociétés eBay International AG et eBay Inc de poursuivre de tels agissements, et ce sous astreinte de 1000 € par infraction constatée à compter de la signification du présent jugement
– Condamne la société eBay International AG à payer :
* à la société Parfums Givenchy la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de l’atteinte portée aux marques « Ange ou Démon Givenchy Paris » n° 3421207 et « Ange ou Démon » n° 99790542
* à la société Guerlain la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de l’atteinte portée aux marques « Habit Rouge » n° 1459023 et « L’heure Bleue » n° 1651912 ;
– Condamne la société eBay à payer :
* à la société Parfums Givenchy la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de l’atteinte portée à la marque « Hot Couture » n° 3033072
* à la société Kenzo la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de l’atteinte portée à la marque « Kenzo » n° 1714335 ;
– Autorise la publication, aux frais in solidum des défenderesses, du dispositif du présent jugement dans trois journaux ou revues au choix des demanderesses, sans que le coût de chaque publication n’excède la somme de 4000 € HT, ainsi qu’en partie haute des pages d’accueil des sites eBay.fr et eBay.com pendant une durée de quinze jours passé un délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte de 300 € par jour de retard passé ce délai ;
– Déboute les sociétés Parfums Christian Dior Kenzo, Parfums Givenchy et Guerlain du surplus de leurs demandes ;
– Condamne les sociétés eBay International AG et eBay Inc à payer aux sociétés Parfums Christian Dior, Kenzo, Parfums Givenchy et Guerlain la somme de 20 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamne les sociétés eBay International AG et eBay Inc aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile et qui comprendront les frais de constat ;
– Ordonne l’exécution provisoire.

Le tribunal : Mme Véronique Renard (vice président), Mme Sophie Canas et Guillaume Meunier (juges)

Avocats : Me Eric Deubel, Me Olivier Laude

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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.