Jurisprudence : E-commerce
Tribunal de commerce de Paris, 8ème chambre, jugement du 2 septembre 2014
Accent Digital / Google Ireland
application - compte - conditions générales d'utilisation - contrat - diffusion - position dominante - réseaux sociaux - suspension - trafic - video
Faits et Procédure
Suite à requête Accent Digital a obtenu une ordonnance du Président du tribunal de commerce de Paris du 9 décembre 2013 l’autorisant à assigner à bref délai Google Ireland.
Par acte en date du 18 décembre 2013 Société Accent Digital, SARLU immatriculée au RCS de Créteil sous le n°8 539 369 066, assigne Google Ireland LTD, société de droit Irlandais.
Par cet acte, Société Accent Digital, SARLU immatriculée au RCS de Créteil sous le n° B 539 369 066, demande au tribunal, de :
Vu les articles 1134 et 1147 du code civil :
• Dire que l’action d’Accent Digital est recevable et bien fondée,
• Dire que Google Ireland a engagé sa responsabilité contractuelle en rompant sans motif et abusivement le contrat AdSense conclu le 12 janvier 2012 et référencé sous le numéro 850-026-0800,
• Ordonner le rétablissement du compte AdSense dans les 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500€ par jour retard,
• Condamner Google Ireland à verser à la société Accent Digital 10.000€ à titre de dommages-intérêts.
• Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir,
• Condamner Google Ireland à payer à Accent Digital 5000€ au titre de
l’article 700 du CPC ainsi qu’aux dépens.
A l’audience en date du 19 mai 2014, Google Ireland LTD, société de droit irlandais, demande au tribunal de :
Vu les articles 1134 et 1135 du code civil et L.442-6 du code de commerce :
• Constater que la résiliation du compte d’Accent Digital numéro 650-026-0800 était justifiée, et que Google Ireland n’a pas engagé sa responsabilité en résiliant le compte,
• Débouter Accent Digital de toutes ses demandes,
• Condamner Accent Digital à payer à Google Ireland 20.000€ au titre de
l’article 700 du CPC et aux dépens,
• Ordonner l’exécution provisoire.
L’ensemble de ces demandes a fait l’objet du dépôt de conclusions qui ont été échangées en présence d’un greffier qui en a pris acte sur la cote de procédure.
A l’audience en date du 19 mai 2014, après avoir entendu les parties en leurs explications et observations, te juge chargé d’instruire l’affaire clôt tes débats, met l’affaire en délibéré et dit que le jugement sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 2 septembre 2014 conformément à l’article 450 alinéa 2 du CPC.
Moyens des parties
Après avoir pris connaissance de tous les moyens et arguments développés par les parties dans leurs écritures appliquant les dispositions de l’article 455 du CPC, le tribunal les résumera succinctement de la manière suivante :
Accent Digital soutient ses dires en expliquant :
• Qu’Aga Innovation, devenue te 3 octobre 2013 Accent Digital, connue de ses clients sous le nom commercial « Ikedum » était une agence de communication spécialisée dans l’internet,
• qu’elle disposait depuis plusieurs années d’un compte Google AdWords sous le numéro 869-911-5379 toujours valide,
• qu’elle disposait depuis le 12 janvier 2012 d’un compte Google AdSense sous le numéro 850-026-0800,
• que grâce à ces deux comptes Aga Innovation s’est développée courant 2012, en travaillant pour le compte de plusieurs sociétés exploitant des sites internet et souhaitant monétiser le contenu, via le programme AdSense.
• qu’elle disposait aussi d’un contrat de services Vidéo Youtube de Google lié à l’adresse e-mail : txxxx.pxxxx.fxxxxx@gmail.com toujours valide le 6 novembre 2013 d’après constat d’huissier,
• que le 14 septembre 2012 le compte You tube de Accent Digital pouvait être monétisé.
• qu’elle souhaitait disposer d’une chaine Youtube afin de publier des vidéos sur Paris en décidant d’appeler sa chaine : « A Tourist in Paris. France » pour provoquer le maximum de traffic sur ses vidéos et ainsi espérer générer des revenus grâce à AdSense,
• qu’elle a reçu, le 19 novembre 2012, 31 notifications du service You tube l’informant que 31 de ses vidéos avaient été retirées du site You tube, pour non respect des conditions d’utilisation, en augmentant artificiellement le trafic sur ses vidéos en utilisant le service premium de Jumpstart, qu’elle a dès le lendemain mis un terme à sa collaboration avec Jumpstart,
• qu’elle a reçu le 19 janvier 2013 un e-mail automatique lui Indiquant que son compte Ad Sense était désactivé, du fait notamment d’une activité Incorrecte sur son site,
• que le 29 janvier 2013 elle avait répondu à Google pour demander des explications et justifier de l’arrêt de l’utilisation de Jumstart,
• que le 1er février 2013 par un e-mail au1omatique, Google rejetait toute réclamation et maintenant sa décision de désactivation,
• qu’il y a rupture abusive des relations commerciales, que Accent Digital n’a pas commis de faute contractuelle, que vu la jurisprudence et les décisions de l’autorité de la concurrence Google aurait dû s’expliquer,
• qu’elle a subi un préjudice qu’elle estime à 10000€.
Google Ireland soutient sa contestation en expliquant :
• que les arguments de Accent Digital sont inopérants en droit car la jurisprudence confirme qu’un contrat à durée indéterminée peut être résilié sans motif et que c’est prévu dans les conditions d’utilisation d’AdSense, que de surcroit la relation était trop courte pour justifier d’un préjudice,
• que Accent Digital a commis une faute contractuelle d’une particulière gravité en utilisant Jumpstart dont elle ne pouvait pas ignorer qu’un tel service était nécessairement incompatible avec la monétisation de ses vidéos sur Youtube, vu les conditions générales d’Adsense le règlement du programme AdSense et les conditions d’utilisation de Youtube,
• qu’en fait Accent Digital a été avertie le 19 décembre 2012 des raisons de la rupture et qu’en conséquence elle devait s’attendre à la désactivation du compte AdSense qui a eu lieu le 19 janvier 2013,
• que Google Ireland n’est pas tenu de réactiver le compte :
– l’activité alléguée par Accent Digital n’est soutenue par aucun élément de fait,
– l’activité alléguée par Accent Digital n’est pas entravée par le fait qu’elle
ne dispose pas d’un compte AdSense, que l’autorité de la concurrence
soulignait le 14 décembre 2010 que Google ne disposait que d’une part de
marché inférieure à 20%,
– les conditions d’utilisation d’AdSense interdisent toute utilisation du compte
pour monétiser des contenus appartenant à des tiers,
• qu’Accent Digital ne justifie pas d’un quelconque préjudice.
DISCUSSION
Sur la résiliation de Google
Attendu qu’Accent Digital avait depuis plusieurs années une activité de réalisation de sites internet et de gestion de campagnes de publicité en ligne et qu’elle disposait d’un compte Google AdWords,
Attendu qu’Accent Digital a souhaité monétiser les vidéos de sa chaine « A tourist in Paris. France » qu’elle a créé le 12 janvier 2012 un compte Adsense puis un compte YouTube qui a été monétisé à compter du 14 septembre 2012,
Attendu qu’Accent Digital reconnait qu’elle était bien au courant des conditions restrictives de Google sur l’utilisation des comptes,
Attendu qu’à fin 2012 Accent Digital a fait appel à Jumpstart qui proposait
d’augmenter le nombre de vues sur YouTube,
Attendu que le 19 décembre 2012 Accent Digital recevait 31 notifications l’informant de ta suppression de chacune de ses vidéos pour trafic illicite,
Attendu que le tribunal constate que le début du message est explicite sur le caractère illicite des systèmes automatiques permettant d’augmenter le nombre de vues,
Attendu de surcroit que Accent Digital fourni un e-mail de Jumpstart du 20
décembre 2012 expliquant que YouTube avait banni leur système,
Attendu que le tribunal constate qu’il dispose d’éléments suffisamment probants pour dire que dès le 20 décembre Accent Digital savait le caractère illicite de l’utilisation de Jumpstart,
Attendu que le 19 janvier 2013 les services d’Adsense notifiaient la désactivation du compte d’Accent Digital,
Attendu que seulement le 29janvier 2013 Accent Digital expliquait qu’il avait été trompé par Jumpstart,
Attendu que le 1er février 2013 Google confirmait la désactivation du compte Adsense conformément à ses conditions générales,
Attendu que le tribunal constate que Accent Digital était depuis plusieurs années un utilisateur de comptes Google, qu’en conséquence il connaissait les conditions restrictives de Google sur l’utilisation des comptes, qu’Accent Digital, en bon professionnel, ne pouvait ignorer que l’utilisation de JUMPSTART pouvait avoir un caractère illicite pour monétiser les vidéos sur YouTube,
Attendu qu’Accent Digital n’a pas réagi immédiatement vis-à-vis de Google après les notifications du 19 décembre 2012, que la durée d’utilisation de la monétisation n’était que de 4 mois, qu’Accent Digital ne peut prétendre à un quelconque préjudice lié à la rupture,
En conséquence le Tribunal dira la résiliation de Google était fondée, non abusive, conforme à ses conditions générales et déboutera Accent Digital de toutes ses demandes à l’encontre de cette résiliation y compris celles de dommages-intérêts.
Sur la demande de réactivation du compte.
Attendu qu’Accent Digital motive sa demande de réactivation sur le fait qu’elle est en position de faiblesse par rapport à ses nombreux concurrents qui peuvent proposer à leurs clients de gérer en leur nom les campagnes de publicité Adsense, Attendu que les clauses d’utilisation d’Adsense (article 2) interdisent toute utilisation d’un compte Adsense pour monétiser des contenus appartenant à des tiers,
Attendu que Google fournit une liste de 7 sociétés proposant les services réclamés par Accent Digital et qu’Accent Digital ne démontre pas que Google a une position dominante sur le marché de la monétisation des contenus vidéos.
Le tribunal déboutera Accent Digital de sa demande d’ordonner la réactivation de son compte.
Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile
Attendu que pour faire reconnaitre leurs droits, Google a dû exposer des frais non compris dans les dépens qu’il serait Inéquitable de laisser à sa charge. Il y aura donc lieu de condamner Accent Digital à lui payer la somme de 2000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant du surplus.
Sur l’exécution provisoire
Vu la nature de l’affaire, le tribunal l’ordonnera.
Sur les dépens
Les dépens seront mis à la charge d’Accent Digital qui succombe.
Attendu que le tribunal ne tiendra pas compte des autres moyens soulevés par les parties car inopérants ou mal fondés et statuera dans les termes suivants.
DECISION
Le tribunal statuant par jugement contradictoire en premier ressort :
• Déboute la SARLU Accent Digital de toutes ses demandes,
• Condamne la SARLU Accent Digital à payer à la Société Google Ireland
LTD la somme de 2000€ au titre de l’article 700 du CPC,
• Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,
• Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement sans constitution de garantie,
• Condamne la SARLU Accent Digital aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 € dont 13,52 € de TVA.
En application des dispositions de l’article 871 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19/05/2014, en audience publique, devant M. Jean-Jacques Doyen, juge chargé d’instruire l’affaire, les représentants des parties ne s’y étant pas opposés.
Ce juge a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré du tribunal, composé de : M. Jean-Jacques Doyen, Mme Catherine Poncelet et M. Laurent Levesque.
Délibéré le 26/05/2014 par les mêmes juges.
Dit que le présent jugement est prononcé par sa mise à disposition au greffe de ce tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées lors des débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
La Cour : M. Jean-Jacques Doyen (président), Mme Catherine Soyez (greffier)
Avocats : Me Romain Darriere, Me Sébastien Proust et Me Nicole Delaypeuch
Notre présentation de la décision
En complément
Maître Nicole Delay Peuch est également intervenu(e) dans les 11 affaires suivante :
En complément
Maître Romain Darriere est également intervenu(e) dans les 78 affaires suivante :
En complément
Maître Sébastien Proust est également intervenu(e) dans les 26 affaires suivante :
En complément
Le magistrat Catherine Soyez est également intervenu(e) dans les 3 affaires suivante :
En complément
Le magistrat Jean-Jacques Doyen est également intervenu(e) dans l'affaire suivante :
* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.