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Jurisprudence : E-commerce

mardi 05 avril 2016
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Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – Chambre 1, arrêt du 8 mars 2016

Manageo anciennement dénommée Optima On Line / CD-Prospect

achat - antériorité - concurrence déloyale - dénomination sociale - mot-clé - nom de domaine

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Septembre 2014 – Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 10/40797

ARRÊT :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Benjamin Rajbaut, Président et par Madame Karine Abelkalon, Greffier présent lors du prononcé.

***

Vu le jugement rendu le 8 septembre 2014 par le tribunal de commerce de Paris,

Vu l’appel interjeté le 30 septembre 2014 par la société Manageo,

Vu les dernières conclusions de la société Manageo transmises le 19 janvier 2016,

Vu les dernières conclusions de la société Cd-prospect, intimée et appelante incidente, transmises le 21 janvier 2016,

Vu l’audience du 25 janvier 2016 où, avant la tenue des débats, les parties ayant exprimé leur accord par l’intermédiaire de leurs avocats postulants, l’ordonnance de clôture rendue le 19 janvier 2016 a été révoquée et une nouvelle ordonnance de clôture a été prononcée,

DISCUSSION

Considérant que la société Cd-prospect a pour activité la réalisation de logiciels, la constitution de bases de données et leur commercialisation ;

Qu’elle commercialise depuis son site internet www.cdprospect.fr, sous la forme de CD-Roms et sous le nom de “cd-prospect”, une base de données spécifique compilant les coordonnées de nombreux professionnels dans divers secteurs d’activité à l’intention des professionnels du marketing direct et de la prospection commerciale ;

Qu’elle expose que cet annuaire a été créé par la société Bis média software, dont elle déclare avoir acquis le fonds de commerce au mois de décembre 2008 ;

Que la société Manageo, anciennement dénommée Optima on line, a notamment pour activité la gestion de bases de données et la création de sites internet ; qu’elle commercialise, à partir de son site internet www.france-prospect.fr, sous la forme de CD-Roms et sous le nom de France prospect une base de données du même type que celle de la société Cdprospect ;

Qu’estimant que la société Manageo se livrait à des actes de concurrence déloyale à son égard, la société Cd-Prospect a mandaté un huissier de justice lequel, selon procès-verbal dressé le 2 février 2010, a constaté sur le moteur de recherche www.google.fr, que l’entrée des mots clés “cdprospect”, “cd prospect” et “cd-prospect”, faisait apparaître en première position des liens commerciaux le site internet www.france-prospect.fr, avant le site www.cdprospect.fr ;

Que par acte du 26 mai 2010, la société Cd-prospect a fait assigner la société Manageo devant le tribunal de commerce de Paris ;

Que par jugement du 21 juin 2011, statuant avant dire droit, le tribunal a ordonné une mesure de constat, confiée à Maître Stéphane Van Kemmel, huissier de justice ;

Que dans son procès-verbal, dressé le 13 juin 2012, celui-ci a identifié trois comptes Adwords de la société Manageo :
1) le compte man_ppc@optima-online.fr (Manageo), où il a constaté que :
– seule la recherche lancée sur le mot clé “CD PROSPECT” générait des résultats, soit 245 clics pour une période d’activation comprise entre le 1er mars 2008 et le 28 février 2010,
2) le compte fp_ppc@optima-online.fr (France Prospect), où il a constaté que :
– la recherche lancée sur le mot clé “CDPROSPECT” générait 185 clics, pour une période comprise entre le 1 juin 2009 er et le 31 juillet 2011,
– la recherche lancée sur le mot clé “CD PROSPECT” générait 7.873 clics pour une période d’activation comprise entre le 1er janvier 2007 et le 13 juin 2012,
– la recherche lancée sur le mot clé “CD-PROSPECT” en ramenait aucune occurrence,
3) le compte leadbox_ppc@manageo.fr (Leadbox), où il a constaté que les recherches lancées à partir des trois mots clés “CDPROSPECT”, “CD PROSPECT” et “CD-PROSPECT” ne généraient aucun résultat ;

Que par jugement du 28 février 2014, le tribunal a débouté la société Cd-prospect de sa demande de levée du séquestre portant sur les éléments recueillis par Maître Van Kemmel lors de sa visite au siège de la société Manageo le 13 juin 2012 et enjoint aux parties de conclure au fond ;

Considérant que dans son jugement du 8 septembre 2014, le tribunal a :
– condamné la société Manageo à verser à la société Cd-prospect la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale commis,
– condamné la société Manageo à verser à la société Cd-prospect la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires,
– condamné la société Manageo aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 121,44 € dont 20,02 € de TVA ;

Que pour statuer comme il l’a fait, le tribunal a retenu que la société Manageo, en acquérant auprès du site de référencement des mots clés correspondant à la fois à la dénomination sociale de Cd-Prospect, au nom de son produit phare ainsi qu’au nom de domaine de son site internet et en acquérant les déclinaisons de ces noms, a bénéficié du trafic généré par le nom de domaine et a ainsi détourné une partie de la clientèle de Cd-Prospect et que le choix du nom de domaine par la société Manageo avait pour but d’entretenir le confusion dans l’esprit de la clientèle et ce d’autant que cela ne correspond pas à sa dénomination sociale ; qu’il a analysé ces agissements comme une usurpation de nom de domaine et de nom commercial caractérisant une concurrence déloyale ;

Considérant que, selon l’article 954 du code de procédure civile, les prétentions des parties sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ;

Considérant que, dans le dispositif de ses écritures, la société CD-Prospect demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a jugé que la société Manageo s’est rendue coupable d’agissements constitutifs de concurrence déloyale à son préjudice en usurpant sur Adwords son nom de domaine et son nom commercial ; qu’elle lui reproche d’avoir choisi un nom de domaine proche du sien, ainsi que de son nom commercial et de son enseigne, d’avoir acquis des mots-clés correspondant à des déclinaisons de ces signes et d’avoir rédigé une annonce publicitaire comportant les termes constituant ces signes, et ce, dans le but d’entretenir la confusion dans l’esprit de leur clientèle commune ;

Que la société Manageo répond qu’il ne peut lui être reproché d’avoir fait usage de termes descriptifs qui sont la désignation nécessaire des produits vendus, soit des CD de prospects, que son nom de domaine est différent et les mentions portées tant sur l’annonce publicitaire que sur son site internet permettent de l’identifier sans confusion possible ; qu’elle ajoute que, surtout, l’historique des évolutions des statuts de la société Cd-prospect, tel qu’apparaissant sur les pièces qu’elle verse aux débats, ne permet pas à celle-ci de lui reprocher l’usage de signes intervenu avant sa constitution ;

Que la société Cd-prospect n’a pas entendu répondre sur ce dernier point ;

Considérant qu’il résulte des statuts de la société Cd-prospect produits par la société intimée que celle-là est issue de la société Under Pressure, créée le 16 avril 2007, dont l’activité n’avait rien à voir avec la sienne, et dont son dirigeant n’a acquis les parts sociales que le 23 décembre 2008 ; que ses nouveaux statuts, adoptés le 9 janvier 2009, par lesquels elle a notamment modifié son objet social et changé sa dénomination sociale, mis à jour le 5 février 2009 pour tenir compte de son changement de siège social, n’ont été enregistrés au greffe que le 16 février 2009, date où sa dénomination sociale est devenue opposable aux tiers ;

Que par ailleurs, il résulte encore du constat d’huissier de justice réalisé les 12 et 13 janvier 2016 à la requête de la société intimée que l’achat du nom de domaine “cdprospect.fr” n’est intervenue que le 13 janvier 2009 ;

Que s’il n’est pas formellement contesté par la société Manageo que l’annuaire Cd-prospect a été créé par la société Bis média software – dont la société Cd-prospect déclare avoir acquis le fonds de commerce au mois de décembre 2008 – depuis au moins 1999, force est de constater que la société appelante ne justifie ni que cette société ait eu le signe “Cdprospect” comme nom commercial (celui figurant sur la publicité diffusée en 1999 versée aux débats apparaît désigner seulement le produit vendu), ni du transfert de celui-ci à son profit, alors que son propre extrait K bis ne mentionne comme nom commercial que le signe “Under pressure” ;

Considérant qu’il résulte du procès-verbal de constat judiciaire du 13 juin 2012 que l’achat par la société Manageo du mot clé “CD PROSPECT” sur le site adwords date au moins du 1 janvier 2007 et que son nom de domaine renvoyant er à son site internet www.franceprospect.fr est préexistant au nom de domaine et à la dénomination sociale actuelle de la société Cd-prospect ; que, dès lors, cette dernière n’est pas fondée à solliciter la protection de signes qu’elle n’a exploité qu’ultérieurement ; qu’il convient donc, infirmant le jugement, de rejeter sa demande au titre de la concurrence déloyale et toutes ses demandes subséquentes ;

Considérant que le sens de la présente décision commande d’infirmer également le jugement en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens ; qu’il sera statué de ces chefs tant au titre de la procédure de première instance qu’au titre de la procédure d’appel tel que précisé au dispositif ci-après ;

DECISION

LA COUR,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Rejette les demandes de la société Cd-prospect,

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Cd-prospect et la condamne à payer à la société Manageo la somme de 10 000 €,

Condamne la société Cd-prospect aux dépens.

La Cour : Benjamin Rajbaut (président), Nathalie Auroy (conseillère, rédacteur), Isabelle Douillet (conseillère), Bruno Reitzer (greffier)

Avocats : Me Florence Guerre, Me Nicolas Courtier, Me Frédéric Jeannin

 
 

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