Jurisprudence : Contenus illicites
Cour d’appel de Paris 25ème chambre, section A Arrêt du 03 mars 2006
Datexia / Nyco
assignation - confidentialité - contenus illicites - dénigrement - diffamation - liberté d'expression - nullité
FAITS ET PROCEDURE
Vu l’appel interjeté le 23 octobre 2003 par la société Datexia d’un jugement rendu le 30 septembre précédent par le tribunal de commerce de Paris qui rejetant l’exception de nullité de l’assignation soulevée par la société Datexia, l’a condamnée à payer à la société Nyco, outre 2500 € en application de l’article 700 du ncpc, 25 000 € à titre de dommages-intérêts, lui a ordonné sous astreinte de faire disparaître de son serveur toute information sur la société Nyco, a ordonné des mesures de publication et débouté les parties de toutes autres demandes ;
Vu l’arrêt rendu le 18 novembre 2005 par cette chambre qui a ordonné la réouverture des débats pour production de l’acte introductif d’instance argué de nullité ;
Vu les dernières conclusions du 6 décembre 2005 par lesquelles la société Datexia demande à la cour de réformer le jugement déféré en constatant la nullité de l’assignation par application des articles 65 et 53 de la loi du 29 juillet 1881 ou subsidiairement, le mal fondé des demandes et de condamner la société Nyco, outre aux dépens, à lui payer 6000 € pour ses frais irrépétibles de première instance et d’appel ;
Vu les dernières conclusions du 13 décembre 2004 par lesquelles la société Nyco demande à la cour, au visa de l’article 1382 du code civil, de rejeter les moyens adverses et de débouter la société Datexia de l’ensemble de ses demandes, de confirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a dit que la société Nyco n’avait subi aucun préjudice moral et commercial, de dire et juger que la société Nyco a subi un préjudice moral et commercial ayant pour cause la diffusion d’informations erronées publiées par la société Datexia et de condamner celle-ci à lui payer, outre 2500 € au titre de l’article 700 du ncpc, 55 000 € en réparation des préjudices subis ainsi qu’aux entiers dépens ;
DISCUSSION
Considérant que dans l’assignation qu’elle a délivrée le 12 septembre 2002 à la société Datexia, la société Nyco incrimine l’envoi que celle-ci a fait, le 2 mai 2002, sans souci de confidentialité, d’une télécopie rédigée en ces termes :
« Nous vous avisons qu’après analyse des comptes de Nyco plusieurs éléments financiers révèlent que votre entreprise se trouve dans une position peu confortable.
En effet, les informations étudiées ont permis à nos services de réaliser une synthèse globale de votre situation mettant en évidence les déficiences de votre structure.
Vous pouvez accéder au diagnostic complet de votre entreprise ainsi qu’à son score de probabilité de défaillance en composant le 08 36 29 01 17 (1,395 € TTC/min) sur votre Minitel… » ;
Qu’elle fait grief à la société Datexia, d’avoir, d’une part, par ce courrier, volontairement porté de fausses informations à la connaissance de son personnel, d’avoir, d’autre part, publié sur son site télématique de fausses informations relatives à sa santé financière ternissant ainsi gravement son image et sa crédibilité tant au sein de son entreprise qu’auprès de ses clients et fournisseurs ;
Considérant que pour s’opposer à l’exception de nullité qui lui est opposée, la société Nyco fait valoir qu’elle n’a pas fait le choix de placer son action dans le cadre spécial de la loi du 29 juillet 1881 et de saisir la juridiction pénale mais d’agir sur le seul terrain de l’article 1382 du code civil, « dans la mesure où la diffusion, par le biais d’une télécopie, d’informations erronées, est constitutive d’une faute civile de nature à engager la responsabilité délictuelle de son auteur » et que cette faute civile est indépendante de la faute pénale ;
Mais considérant que la société Nyco qui fait état dans son assignation d’actes de dénigrement, incrimine en fait l’expression d’allégations, en l’espèce sa mauvaise santé financière et la déficience de sa structure, portant atteinte à son honneur et à sa considération et constituant, en application de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, une diffamation ;
Considérant que contrairement à ce que soutient la société Nyco, les abus de la liberté d’expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l’article 1382 du code civil ;
Que c’est à tord que les premiers juges ont rejeté l’exception de nullité de l’assignation aux seuls motifs que la contestation est du domaine purement civil, que l’assignation ne serait pas hors délai et que l’article 29 qualifie valablement les faits dénoncés ;
Considérant en effet que l’assignation, qui se borne à viser tout à la fois les articles 29 de la loi du 29 juillet 1881, 1382 et 1383 du code civil, ne qualifie pas les faits incriminés et n’indique pas le texte applicable à la poursuite en violation des dispositions de l’article 53 de la loi de 1881 ;
Que sa nullité sera constatée ; que par voie de conséquence le jugement déféré sera annulé et non pas infirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant que l’équité conduit au rejet des demandes au titre de l’article 700 du ncpc ;
DECISION
Par ces motifs,
La cour :
. Prononce la nullité de l’assignation du 12 septembre 2002 ;
. Prononce la nullité subséquente du jugement déféré ;
. Rejette toutes demandes autres ou contraires aux motifs ;
. Condamne la société Nyco au paiement des dépens de première instance et d’appel.
La cour : M. Jean Paul Betch (président), Mme Odile Blum et M. Jean Claude Septe (conseillers)
Avocats : Me Nicolas Courtier, Me Jean Bernard Titiun
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