Jurisprudence : Contenus illicites
Cour de cassation 1ère chambre civile Arrêt du 19 juin 2008
AFA et autres / UEJF et autres
accès - contenus illicites - fournisseur d'accès - hébergeur - interdiction - lcen - référé
Statuant sur le pourvoi formé par :
1°/ l’Association des fournisseurs d’accès et de service internet – AFA, dont le siège est à Paris,
2°/ la société Telecom ltalia, anciennement dénommée société anonyme Tiscali accès, ayant pour nom commercial Liberty Surf Universal Toobo Toboo, dont le siège est à Paris,
3°/ Ia société France Telecom services de communication résidentiels à l’enseigne Wanadoo, société anonyme, dont le siège est à Paris,
4°/ la société Neuf Cegetel anciennement dénommée Neuf Telecom, dont le siège est à Boulogne Billancourt,
5°/ la société T Online France, société par actions simplifiée, dont le siège est à Paris,
6°/ la société Numericable, dont le siège est à Paris,
7°/ la société Tété 2 France, société par actions simplifiée, dont le siège est à Vélizy,
8°/ la société Noos, société anonyme, venant aux droits et obligations de LCO, anciennement dénommée Suez Lyonnaise Telecom, dont le siège est à Champs-sur-Marne,
contre l’arrêt rendu le 24 novembre 2006 par la cour d’appel de Paris (14ème chambre, section B), dans le litige les opposant :
1°/ à l’association l’Union des étudiants juifs de France -UEJF- dont le siège est à Paris,
2°/ à l’association J’Accuse !… Action Internationale pour la justice, dont le siège est à Paris,
3°/ à l’association SOS Racisme dont le siège est à Paris,
4°/ à l’association La Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen, dont le siège est à Paris,
5°/ à I’association Le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples -MRAP-, dont le siège est à Paris,
6°/ à l’association Mémoire 2000, dont le siège est à Paris,
7°/ à l’association l’Union des déportés d’Auschwitz dont le siège est à Paris,
8°/ à l’association Le Consistoire central de l’union des communautés juives de France, dont le siège est à Paris,
9°/ à l’association La Ligue contre le racisme et de l’antisémitisme -LICRA-, dont le siège est à Paris,
10°/ le société OLM LLC, société de droit américain, dont le siège est au Connecticut (Etats-Unis),
11°/ à la société Globat LLG, dont le siège est à Los Angeles (Etats-Unis,
12°/ la société The Planet.com internet services INC, dont le siège est à Dallas (Etats-Unis),
13°/ au groupement d’intérêt public Renater Ensam, dont le siège est à Paris,
défendeurs la cassation ;
En présence de :
1°/ la société AOL France, société en nom collectif, dont le siège est à Neuilly-sur-Seine,
2°/ la société Free, société par actions simplifiées, dont le siège est à Paris,
Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
Sur le moyen unique
Attendu que diverses associations de lutte contre le racisme et l’antisémitisme ont déposé plainte afin de dénoncer l’existence du caractère négationniste du site www.aaargh-intemational.org, puis saisi en référé le président du tribunal de grande instance de demandes dirigées contre les sociétés OLM LLC et The Planet.com internet, services hébergeurs du site précité, ainsi que contre différentes sociétés fournisseurs d’accès et de services internet (FAI) pour faire interdire l’accès aux sites hébergés aux adresses suivantes :
www.vho.org/aaargh, www.aaargh-international.org et www.aaargh.com.mx et ce, pour l’ensemble des abonnés desdites sociétés à partir du territoire français, en application de l’article 6-1.8 de la loi 2004-575 du 21 juin 2004 dite pour la confiance dans l’économie numérique ; que par ordonnances des 20 avril et 13 juin 2005, le juge des référés a rejeté la demande de sursis à statuer de la FAI, fait injonction aux sociétés France Telecom services, Free, AOL France, Tiscali accès, Télé 2 France, Suez Lyonnaise Telecom, Neuf Telecom, T Online France, Nurnericable et au GIP Renater de mettre en oeuvre toutes mesures propres à interrompre l’accès à partir du territoire français au contenu du service de communication en ligne hébergé actuellement à l’adresse www.vho.org/aaargh ;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt (Paris, 24 novembre 2006) d’avoir confirmé les ordonnances des 20 avril et 13 juin 2005, alors, selon le moyen :
1°/ qu’en délivrant l’injonction critiquée aux fournisseurs d’accès et de services internet la juridiction d’appel des référés a violé l’article 6-I.8 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 tel qu’elle doit être interprété à la lumière de l’article 12 de la directive européenne 2000/31/CE dont la loi du 21 juin 2004 n’est que la transposition, comme l’impossibilité de délivrer telle injonction dès lors qu’existent des moyens de contraindre les fournisseurs d’hébergement à mettre fin à leur hébergement du site illicite ou à donner les informations nécessaires à l’identification de l’éditeur du site ;
2°/ qu’en décidant de faire injonction aux fournisseurs d’accès et de services internet de mettre en oeuvre toutes mesures propres interrompre l’accès à partir du territoire français du contenu du service de communication en ligne hébergé actuellement à l’adresse www.vho.org/aaargh et en disant que chacun deux devra justifier auprès des demandeurs, dans le délai de dix jours faisant suite au prononcé de la décision, des dispositifs précisément mis en oeuvre à la fin demandée, tout en reconnaissant que les mesures prises seraient nécessairement inefficaces, c’est-à-dire sans que soit déterminé le contenu exact de l’injonction ainsi prononcée, la juridiction d’appel des référés a violé l’article 12 du code de procédure civile ainsi que l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme garantissant le procès équitable en relation avec l’article 1er du 1er protocole additionnel, ensemble l’article 6-I.8 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 tel qu’il doit être interprété à la lumière de la directive européenne 2000/31/CE ;
3°/ qu’en faisant injonction de mettre en oeuvre toutes mesures propres à interrompre l’accès à partir du territoire français au contenu du service de communication en ligne hébergé actuellement à l’adresse www.vho.org/aaargh sans limiter dans le temps la validité ni les effets de cette mesure, quand il lui incombait de juger que celle-ci serait caduque, faute pour les associations d’avoir justifié dans tel délai de l’engagement d’une action au fond tendant à la condamnation des hébergeurs identifiés à empêcher toute mise à disposition à partir de leurs serveurs et sur le territoire français du site internet de l’AAARGH, voire d’une constitution de partie civile à l’appui de la plainte pénale contre X d’ores et déjà déposée à l’effet de saisir de manière effective la juridiction pénale pour identifier l‘éditeur du site illicite en vue de prendre à son encontre toute mesure utile d’interdiction, la juridiction d’appel des référés a pris à l’encontre des fournisseurs d’accès et de services internet, à titre principal et en violation du principe de subsidiarité, une mesure indéterminée dans sa portée, inefficace dans ses effets et à caractère définitif, portant ainsi une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté de communication au public par voie électronique, en violation des articles 484 du code de procédure civile, 6-I.8 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 et 10 de la Convention européenne des droits de l‘homme ;
Mais attendu que la cour d’appel a exactement énoncé que si l’article 6-l.2 de la loi du 21 juin 2004, conformément à la directive européenne n°2000/31 qu’elle transpose, fait peser sur les seuls prestataires d’hébergement une éventuelle responsabilité civile du fait des activités ou informations stockées qu’ils mettent à la disposition du public en ligne, l’article 6-I.8 prévoit que l’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête à toute personne mentionnée au 2 (les prestataires d’hébergement) ou à défaut à toute personne mentionnée au 1 (les fournisseur d’accès), toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne ; que la prescription de ces mesures n’est pas subordonnée à la mise en cause préalable des prestataires d’hébergement, que c’est à bon droit que la cour d’appel qui n’a méconnu ni le principe de proportionnalité, ni le caractère provisoire des mesures précitées a statué comme elle l’a fait ;
D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
DECISION
Par ces motifs,
. Rejette le pourvoi ;
. Condamne les demanderesses aux dépens ;
. Vu l’article 700 du ncpc, condamne ensemble des demanderesses au pourvoi à payer aux défendeurs représentés par la SCP Waquet, Farge et Hazan, la somme globale de 2500 € ;
. Rejette la demande des demanderesses au pourvoi ;
Moyen produit par la SCP Tiffreau, avocat aux Conseils, pour l’Association des fournisseurs d’accès et de service internet -AFA-
et des sept autres demanderesses.
Le moyen reproche à la juridiction d’appel des référés d’avoir confirmé les ordonnances des 20 avril 2005 et 13 juin 2005, en ce qu’elles, avaient «fait injonction aux sociétés France Telecom services, Free, AOL France, Tiscali accès, Télé 2 France, Suez Lyonnaise Telecom, Neuf Telecom, T Online France, Nurnericable et au GIP Renater de mettre en oeuvre toutes mesures propres à interrompre l’accès à partir du territoire français au contenu du service de communication en ligne hébergé actuellement à l’adresse «wwwvha.org/aaargh» (…) dit que chacun d’eux devra justifier auprès des demandeurs dans le délai de 10 jours faisant suite au prononcé de la décision des dispositifs précisément mis en oeuvre à la fin demandée» et «invité les demanderesses et intervenantes volontaires», mais seulement «au cas où elles entendraient poursuivre leurs diligences relatives aux astreintes prononcées contre les prestataires d’hébergement ainsi que celles permettant s’il y a lieu, de faire reconnaître aux décisions prises leur caractère exécutoire à l’égard de ceux-ci, à tenir informés les fournisseurs d’accès du résultat de ceux-ci»,
Aux motifs que « les sociétés appelantes soutiennent en premier lieu qu’en prenant une telle décision sans que soient épuisées toutes les possibilités d’atteindre la société Planet.com internet services, seule apte à mettre fin efficacement au dommage “en coupant le mal à la racine” c’est-à-dire en cessant de stocker les informations illicites et sans qu‘aient été totalement exploités les moyens d’obtenir auprès des sociétés américaines ayant hébergé ce site les informations permettant d’identifier les auteurs, le premier juge a méconnu le principe de subsidiarité consacré par l’article 6-1.8 de la loi précitée lequel ne l’autorisait à prononcer des mesures à l’encontre des fournisseurs d’accès qu‘en cas de défaillances des fournisseurs d’hébergement ;
qu’elles reprochent à cet égard aux associations de n‘avoir pas exercé tous les recours possibles notamment par le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile contre I‘auteur du site désormais connu, et de s‘être abstenues de toute démarche susceptible de conduire à l’exécution effective de l‘injonction prononcée par la première ordonnance ; que l’article 6-12 de la loi du 21 juin 2004 fait peser sur les seuls prestataires d‘hébergement une éventuelle responsabilité du fait des activités ou des informations stockées qu’ils mettent à disposition du public en ligne, conformément à la directive européenne n° 2000/31 qu‘elle transpose ; qu’il s‘ensuit que les moyens permettant de mettre en oeuvre les mesures destinées à faire cesser le dommage causé par le contenu illicite des informations communiquées doivent être recherchés en priorité, auprès des sociétés assurant de tels services ;
que les associations intimées ont assigné devant le juge des référés, le 7 février 2005, les hébergeurs déclarés à cette date, à savoir les sociétés OLM LLC et The Planet.com internet services pour qu‘il leur soit imparti d‘empêcher toute mise à disposition du site litigieux, à partir de leur serveur et sur le territoire français et ordonné de fournir tous les éléments permettant d‘identifier l’éditeur ; que les fournisseurs d’accès à l’encontre desquels aucune demande n‘était formulée ont été appelés en cause pour que l’ordonnance leur soit rendue commune dans la perspective énoncée plus haut ;
qu’un troisième prestataire d‘hébergement, la société Globat LLC, apparue en cours de procédure a été mise en cause ; qu‘après l’audience du 14 mars 2005, il est apparu que seule la société Planet.com internet services continuait à héberger le site ; que les associations demanderesses ont réitéré leurs demandes selon assignation du 29 mars 2005 dirigées contre les sociétés Planet.com internet services et Globat LLC et délivrées à parquet étranger ; qu‘il est établi par les pièces du dossier que les courriers directement adressés à ces sociétés aux Etats-Unis ont été reçus par la société The Planet.com internet services et par la société Globat LLC le 28 mars 2005 ; que la première a fait savoir par courrier électronique du 31 mars qu‘elle n‘avait aucun contrôle sur le contenu des sites hébergés et ne serait susceptible de les en retirer que sur injonction de la loi américaine ou sur ordre d’une juridiction compétente des Etats-Unis d‘Amérique tandis que la seconde s‘est plainte de n‘avoir pas reçu une assignation traduite en français ;
que bien qu‘informées de I‘action engagées contre elles, aucune de ces sociétés n‘a comparu à l’audience du 18 avril 2005 ; qu‘il est démontré par les pièces du dossier que l’ordonnance du 20 avril 2005, signifiée au parquet étranger, a été portée à la connaissance de la société The Planet.com internet services le 10 mai 2005 et à celle de la société OLM LLC les 4, 12 et 18 mai 2005 ; qu‘aucune de ces sociétés n‘a déféré aux injonctions qui leur étaient faites et ne s‘est présentée à l‘audience de renvoi dont la date était mentionnée sur la décision ;
qu‘il est donc clair que les sociétés de droit américain, ayant assuré ou assurant toujours l’hébergement incriminé, n‘entendent pas se plier aux injonctions qui leur ont été adressées ni se présenter devant le juge saisi des demandes formées à leur encontre ; que c’est précisément pour permettre à l’autorité judiciaire d’intervenir dans les délais les plus rapides afin de faire cesser le dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne nonobstant l‘inertie des hébergeurs domiciliés à l‘étranger ou leur refus d’admettre les mesures de contrainte prononcées contre eux, que le législateur a prévu, à l’article 6-1.8 de la loi précitée que lesdites mesures peuvent être imposées “à toute personne mentionnée au 2 (les fournisseurs d‘hébergement), ou, à défaut, à toute personne mentionnée au 1” (les fournisseurs d’accès) ;
que les conditions d’applications de ce principe de subsidiarité se trouvent remplies en l’espèce dès lors qu‘il est démontré que les associations ont accompli les diligences nécessaires pour mettre en cause, par priorité, les sociétés prestataires d’hébergement et que toute possibilité d’agir efficacement à l’encontre de celles-ci s’avère objectivement vaine en tous cas incompatible avec les exigences d’une procédure conçue pour la prise rapide de mesures dictées par l’intérêt général ;
qu‘il ne saurait être fait grief aux associations intimées de n‘avoir pas tenté d’obtenir I‘exequatur de la décision et la liquidation de l’astreinte vues les difficultés encourues pour aboutir à un résultat positif ; qu’enfin, il ne peut leur être reproché de n‘avoir pas déposé plainte avec constitution de partie civile contre l‘auteur dont l’identité serait connue alors que la mise en oeuvre des dispositions particulières prévues par la loi du 21 juin 2004 n‘est pas soumise à cette condition ; que dès lors, le premier moyen soulevé au soutien de l’appel n‘est pas fondé ;
en deuxième lieu, les appelantes font valoir que la mesure ordonnée par le premier juge est inefficace et impropre à faire cesser le dommage, la preuve étant que l’association AAARGH a trouvé les moyens de contourner le blocage d‘accès au site vho.org appliqué par les prestataires techniques en exécution de l’ordonnance; qu’elle est disproportionnée en ce que le blocage opéré entrave non seulement l’accès au site concerné mais également les sites auxquels renverrait le même nom de domaine et constitue une atteinte aux principes de non discrimination et de libre concurrence ;
qu’elle serait même impossible à mettre en oeuvre, la société Suez Lyonnaise Telecom soutenant qu‘en l’état de sa technologie, elle n’a aucun moyen d‘empêcher l’accès à la seule adresse www.vho/aaargh ; qu‘elle est contre-productive en ce qu‘elle permet la diffusion de micro sites garantissant l’anonymat de leurs auteurs et n‘a pas empêché l‘AAARGH de rendre son site accessible à partir de deux nouvelles adresses ; que le filtrage opéré par les fournisseurs d‘accès est, en fin de compte, inadapté à la lutte contre les contenus illégaux, la meilleure protection contre leur diffusion passant nécessairement par la poursuite des auteurs des sites ;
que cette argumentation déjà développée par les fournisseurs d’accès au moment des débats parlementaires n‘a pas été retenue par le législateur qui, en dépit des difficultés techniques du filtrage, du coût et de la complexité de sa mise en oeuvre et de son efficacité contestable, n‘a pas exclu le recours à ce procédé et qui, en utilisant la formule “toutes mesures propres à prévenir ou faire cesser un dommage” sans autre précision, a laissé au juge la possibilité d’empêcher ou, pour le moins, de limiter la consultation du contenu mis en ligne dans le cas où, comme en l’espèce, il n‘est pas possible d’agir contre les hébergeurs étrangers ;
qu’une telle mesure, pour imparfaite qu‘elle soit, a le mérite de réduire, autant que faire se peut en l’état actuel de la technique, l’accès des internautes à un site illicite et trouve sa place dans la politique menée par l’association des Fournisseurs d’accès et de service internet (AFA), selon la charte AFA du 14 juin 2004, pour lutter contre les contenus odieux tels que ceux faisant l’apologie des crimes contre I‘Humanité ou incitant à la haine raciale ; que le nomadisme allégué du site l‘AAARGH ne saurait justifier la remise en cause d’une mesure propre à en entraver l’accès ;
qu’il n‘est pas démontré par les prestataires d’accès qui invoquent des difficultés d’ordre technique l’impossibilité pour eux de mettre en place le filtrage effectué par les autres, étant observé que le premier juge a laissé à chacun de ces fournisseurs le soin de mettre en oeuvre tous les moyens dont il peut disposer en l’état de sa structure et de la technologie ; qu‘enfin, les principaux fournisseurs d’accès ayant été attraits dans la cause, la discrimination alléguée n‘est pas caractérisée et la libre concurrence ne souffre pas de limites disproportionnées ; que le deuxième moyen allégué par les appelants est donc inopérant ;
qu ‘il est enfin prétendu que la mesure ordonnée, en ce qu’elle n‘est pas limitée dans le temps, contredit le caractère provisoire de la décision de référé ; qu‘il est demandé à la Cour de la cantonner et de la déclarer caduque à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du présent arrêt si les associations demanderesses n‘ont pas engagé dans ce délai les procédures nécessaires pour rendre exécutoire l’ordonnance du 20 avril 2005 à l’encontre des hébergeurs ou si, dans ce même délai, elles ne se sont pas constituées parties civiles sur la plainte contre X déposée par certaines d’entre elles auprès du procureur de la République le 25 janvier 2005 ; que l’ordonnance rendue en application de l‘article 6-1.8 de la loi sur l’économie numérique s’inscrit dans le cadre d’une procédure qui, pour être spécifique, n‘en relève pas moins des règles de droit commun ;
que, cependant, le caractère provisoire de la décision énoncé par l‘article 484 du nouveau Code de procédure civile ne signifie pas que les mesures ordonnées soient nécessairement limitées dans le temps ; que si une telle limite s‘impose lorsque la mesure est prise à titre conservatoire, ainsi qu‘il résulte de la jurisprudence versée par les appelantes, elle ne saurait être admise, sauf à vider la décision de son sens et la priver d‘efficacité, lorsque l’interruption de l‘accès ordonnée par le président a pour but de faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication en ligne ; qu‘un tel moyen n‘est pas pertinent et les prétentions des appelantes à cet égard ne sauraient être admises » ;
Alors que 1°) sauf cas particuliers non discutés en l’espèce, les fournisseurs d’accès et de services à internet ne peuvent être tenus pour responsables du contenu de l’information transmise ; que la possibilité de leur faire injonction d’exiger de mettre un terme à une violation ou de prévenir une violation ne peut être mise en oeuvre que subsidiairement, par rapport à la responsabilité des fournisseurs d’hébergement ;
que ce principe de subsidiarité s’entend, au sens de la directive 2000/31, dont la loi du 21 juin 2004 n’est que la transposition, comme l’impossibilité de délivrer une telle injonction, dès lors qu’existent des moyens de contraindre les fournisseurs d’hébergement à mettre fin à leur hébergement du site illicite ou à donner les informations nécessaires à l’identification de l’éditeur du site ;
qu’en l’espèce, dès lors qu’elles avaient obtenu la condamnation sous astreinte des fournisseurs d’hébergement, il appartenait aux associations demanderesses de mettre tout en oeuvre en vue de poursuivre l’exécution forcée de cette décision, fût-ce en demandant à l’étranger l’exequatur de ladite décision ; que dès lors, en délivrant l’injonction critiquée aux fournisseurs d’accès et de services internet, la juridiction d’appel des référés a violé l’article 6-1.8 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 tel qu’il doit être interprété à la lumière de l’article 12 de la directive européenne 2000131/CE.
Alors que 2°) le juge doit trancher le litige et ne peut laisser indéterminées les conditions d’exécution de sa décision sous peine de conférer à celle-ci un caractère subjectif exposant la partie condamnée et de bonne foi à une incertitude sur les moyens à employer, en vue de satisfaire à la condamnation prononcée ;
qu’en l’espèce, en décidant de faire injonction aux fournisseurs d’accès et de services internet «de mettre en oeuvre toutes mesures propres à interrompre l’accès à partir du territoire français au contenu du service de communication en ligne hébergé actuellement à l’adresse « www.vho.org/aaargh” et en disant «que chacun d’eux devra justifier auprès des demandeurs dans le délai de 10 jours faisant suite au prononcé de la décision des dispositif précisément mis en oeuvre à la fin demandée», tout en reconnaissant que les mesures prises seraient nécessairement inefficaces, c’est-à-dire sans que soit déterminé le contenu exact de l’injonction ainsi prononcée, la juridiction d’appel des référés a violé l’article 12 du nouveau Code de procédure civile, ainsi que l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantissant le procès équitable, en relation avec l’article 1er du 1 Protocole additionnel, ensemble l’article 6-1.8 de la loi n°004-575 du 21 juin 2004 tel qu’il doit être interprété à la lumière de l’article 12 de la directive européenne
Alors que 3°), le juge des référés ne peut prendre que des mesures nécessaires à caractère conservatoire et provisoire ; que cette exigence s’impose avec d’autant plus de force que les mesures envisagées viennent restreindre la liberté de communication ;
qu’en l’espèce, en faisant «injonction (…) de mettre en oeuvre toutes mesures propres à interrompre I‘accès à partir du territoire français au contenu du service de communication en ligne hébergé actuellement à l’adresse «www.vho.org/aaargh», sans limiter dans le temps la validité ni les effets de cette mesure, quand il lui incombait de juger que celle-ci serait caduque, faute pour les associations demanderesses d’avoir justifié dans tel délai de l’engagement d’une action au fond tendant à la condamnation des hébergeurs identifiés à empêcher toute mise à disposition à partir de leurs serveurs et sur le territoire français du site internet de I’AAARGH, voire d’une constitution de partie civile à l’appui de la plainte pénale contre X d’ores et déjà déposée à l’effet de saisir de manière effective la juridiction pénale pour identifier l’éditeur du site illicite en vue de prendre à son encontre toute mesure utile d’interdiction, la juridiction d’appel des référés a pris à l’encontre des fournisseurs d’accès et de services internet, à titre principal et en violation du principe de subsidiarité, une mesure indéterminée dans sa portée, inefficace dans ses effets et à caractère définitif, portant ainsi une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté de communication au public par voie électronique, en violation des articles 484 du nouveau Code de procédure civile, 6-1.8 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
La Cour : M. Bargue (président), Mme Crédeville (conseiller rapporteur), MM. Gridel, Charruault, Gallet, Mme Marais, M. Garban, Mme Kamara (conseillers), Mme Cassuto-Teytaud, M. Trassoudaine, Mme Gelbard-Le Dauphin, MM. Creton, Lafargue (conseillers référendaires), M. Pagès (avocat général),
Avocats : SCP Tiffreau, SCP Waquet, Farge et Hazan,
Notre présentation de la décision
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