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Jurisprudence : Contenus illicites

lundi 11 juillet 2005
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Cour de cassation Arrêt du 21 juin 2005

Aavac / Ordre des Avocats de Toulouse et autre

contenus illicites

La cour de cassation, première chambre civile, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par l’Association aide aux victimes d’accidents corporels (Aavac), en cassation d’un arrêt rendu le 10 février 2003 par la cour d’appel de Toulouse (1ère chambre civile – 1ère section), au profit :
1°/ de l’Ordre des avocats du barreau de Toulouse,
2°/ de l’association Union des jeunes avocats (UJA),
3°/ de l’association des avocats conseils d’entreprise (ACE),
défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

DISCUSSION

Attendu que l’Aavac a ouvert un site internet à l’intention des victimes de la catastrophe survenue en septembre 2001 au sein des établissements AZF ; qu’estimant que l’offre d’une assistance juridique figurant sur ce site, ainsi que les publicités par voie de tracts et d’articles de presse révélaient que l’Aavac se livrait à des actes de démarchage en vue de donner des consultations juridiques ou de rédiger des actes, l’Ordre des avocats au barreau de Toulouse a engagé une action en référé, à laquelle l’UJA et l’ACE sont intervenues volontairement, afin qu’il soit ordonné à l’association de cesser ces pratiques ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l’Aavac reproche à l’arrêt attaqué (Toulouse, 10 février 2003) d’avoir déclaré recevable l’action dirigée à son encontre, alors, selon le moyen, que la demande en référé tendant à faire cesser un trouble manifestement illicite ne peut être formée, à peine d’irrecevabilité, qu’à l’encontre de l’auteur du trouble invoqué ; que dans ses conclusions d’appel, elle avait fait valoir que son site internet ayant été alloué temporairement à l’association « La Maison des victimes », seule cette dernière association pouvait être tenue pour responsable du contenu de cet espace ; qu’en se fondant sur le contenu du site internet pour déclarer recevable l’action en référé, prétexte pris qu’il s’agissait du site de l’Aavac, sans répondre au moyen tiré de la mise à disposition de ce site à une association distincte, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences des articles 455 du ncpc et 6-1 de la Cedh ;

Mais attendu que l’arrêt attaqué relève non seulement que l’Aavac était titulaire du site hébergeant l’offre de service litigieuse, mais aussi qu’elle était l’auteur de cette offre d’aide juridique précisément destinée à ses adhérents ; que la cour d’appel ayant répondu aux conclusions, le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses cinq branches :

Attendu que l’Aavac fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré fondée l’action engagée à son encontre, alors, selon le moyen :

1°/ que seule est sanctionnée l’activité de consultation juridique ou de rédaction d’actes sous seing privé par des personnes non légalement autorisées ; que tout en constatant qu’aucun document produit n’établissait l’existence de consultations juridiques personnalisées, la cour d’appel qui a cependant considéré que l’activité de l’Aavac constituait un trouble manifestement illicite, n’a pas tiré les conséquences de ses constatations et par suite violé les articles 54 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée et 809 du ncpc ;

2°/ qu’une simple offre potentielle de conseils personnalisés effectuée sur un site internet n’est pas assimilable à l’établissement effectif d’une consultation juridique par une personne non autorisée ; qu’en procédant à une telle assimilation pour qualifier de trouble illicite l’offre de conseil, la cour d’appel a violé l’article 54 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée ;

3°/ que la cour d’appel ne pouvait sans se contredire affirmer à la fois qu’aucun document n’était produit établissant l’existence de consultations juridiques personnalisées et qu’il appartenait à l’Aavac de démontrer que l’auteur de la consultation était membre d’une profession juridique réglementée ; que ce faisant, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du ncpc ;

4°/ qu’en mettant à la charge de l’Aavac la preuve de ce que les consultations auraient été établies par un membre d’une profession juridique réglementée, alors qu’il appartenait aux demandeurs de démontrer que les conseils auraient été donnés par des personnes non autorisées, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 du code civil et 809 du ncpc ;

5°/ que le démarchage juridique est défini comme le fait d’offrir ses services en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique ou de provoquer la souscription d’un contrat aux mêmes fins, en se rendant personnellement ou en envoyant un mandataire soit au domicile ou à la résidence d’une personne, soit sur les lieux de travail, de repos, de traitement ou dans un lieux public ; qu’en qualifiant d’acte de démarchage la simple offre de services faite sur un site internet, la cour d’appel a violé les articles 1er du décret du 25 août 1972, 809 du ncpc et 66-4 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée ;

Mais attendu, d’une part, qu’après avoir constaté qu’il n’était pas démontré que l’Aavac avait effectivement prodigué des conseils personnalisés à ses adhérents, l’arrêt attaqué retient, sans contradiction, ni violation de la loi par fausse application, que le trouble dont il convenait d’ordonner la cessation ne résidait pas dans l’exercice consommé d’une activité illicite de consultation juridique, mais résultait de faits constitutifs d’un démarchage en vue de donner des consultations juridiques , que, d’autre part, en application des dispositions générales de l’article 66-4 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, le démarchage en matière juridique est interdit ; qu’enfin, ayant constaté que, sur son site internet, l’Aavac proposait à ses adhérents d’étudier leurs dossiers d’indemnisation, de se prononcer sur les offres transactionnelles faites par les assureurs, de négocier des réparations et de les conseiller sur les voies de recours envisageables, la cour d’appel a caractérisé une situation manifestement illicite de démarchage en vue de donner des consultations juridiques ou de rédiger des actes en matière juridique ; que le moyen, qui manque en fait en ses deux premières branches et qui est inopérant en ses troisième et quatrième griefs, est mal fondé en sa dernière branche ;

DECISION

Par ces motifs :

. Rejette le pourvoi;

. Condamne l’Aavac aux dépens.

Moyens produits par la SCP Boutet, avocat aux conseils pour l’Aavac

Premier moyen de cassation

Il est fait grief à l’arrêt attaqué,

D’avoir déclaré recevable l’action engagée par l’Ordre des avocats à la cour de Toulouse, l’UJA et l’ACE, spécialisée dans l’aide aux victimes d’erreurs médicales en vue de voir déclarer constitutif d’un trouble manifestement illicite l’offre de conseils pratiques et juridiques aux victimes de l’explosion de l’usine AZF ;

Aux motifs que le site de l’Aavac a édité des pages « spécial Toulouse » dans le but de venir en aide aux nombreux blessés par l’explosion de l’usine AZF ; qu’elle propose dans ces pages une aide médicale, des conseils pratiques aux blessés par l’explosion de l’usine AZF et une aide juridique ; que l’on ne peut dès lors soutenir, comme le fait l’Aavac, que seule « La Maison des victimes », association distincte de l’Aavac, est intervenue dans les suites de la catastrophe AZF alors même que cette dernière hébergée matériellement par les victimes présente comme ayant vocation à regrouper des associations ayant un objet proche fait des offres de service extrêmement précises à ses adhérents ;

Alors que toute demande en référé tendant à voir cesser un trouble manifestement illicite ne peut être formulée, à peine d’irrecevabilité, qu’à l’encontre de l’auteur du trouble invoqué ; que dans ses conclusions d’appel, l’Aavac avait fait valoir que son site internet ayant été alloué de manière temporaire à l’association indépendante « Maison des victimes », seule cette association pouvait être tenue pour responsable du contenu de cet espace ; qu’en se fondant sur le contenu du site internet pour déclarer recevable l’action en référé diligentée contre l’Aavac, prétexte pris qu’il s’agissait du site internet de cette association, sans répondre au moyen pertinent tiré de cette mise à disposition du site litigieux à une autre association indépendante, la cour d’appel a violé les articles 455 du ncpc et 6-1 de la Cedh.

Second moyen de cassation

Il est fait grief à l’arrêt attaqué :

D’avoir déclaré fondée l’action engagée par l’Ordre des avocats à la Cour de Toulouse, l’UJA et l’ACE à l’encontre de l’Aavac, spécialisée dans l’aide aux victimes d’erreurs médicales ;

Aux motifs que le site internet de l’Aavac comporte les offres de service suivantes, aide médicale, aide juridique et des conseils pratiques ; qu’il ressort des articles 56 à 66 de la loi du 31 décembre 1971 que seules un certain nombre de professions réglementées ont le droit de délivrer des consultations juridiques et que les dérogations à cette règle sont prévues de façon limitative en faveur d’un certain nombre de personnes déterminées ; que la loi précise que ces dispositions ne font cependant pas obstacle à la diffusion de renseignements et informations juridiques de caractère documentaire ; qu’au bénéfice de cette dernière disposition, la publication de conseils pratiques de portée générale ou la description de différentes étapes d’une procédure, de la transaction amiable à l’indemnisation judiciaire, ne sauraient être considérées comme fautives, quand bien même l’association en cause ne bénéficie pas de la reconnaissance d’utilité publique ; qu’il s’agit en revanche en l’espèce d’une offre de conseils personnalisés qui va bien au-delà de renseignements et d’informations de caractère documentaire ; qu’aucun document n’est produit établissant l’existence de consultations juridiques personnalisées ; que l’offre de service telle qu’elle est formulée est cependant interdite au même titre qu’une consultation effective sauf pour l’association agissant dans le cadre d’un organe de communication audiovisuelle (internet) à rapporter la preuve de ce que la consultation aurait pour auteur un membre d’une profession juridique réglementée ; qu’en toute hypothèse, cette offre de service constitue un acte de démarchage en vue de donner des consultations, prohibé par l’article 66-4 constitutif d’un trouble illicite devant cesser ;

Alors d’une part que seul est sanctionné l’établissement de consultations juridiques ou la rédaction d’actes sous seing privé par des personnes non légalement autorisées ; que tout en constatant qu’aucun document produit n’établissait l’existence de consultation juridique personnalisée établie par l’Aavac, la cour d’appel qui a cependant considéré que l’activité de cette association d’aide aux victimes d’accidents corporels constituait un trouble manifestement illicite, n’a pas tiré les conséquences légales de ses observations au regard de l’article 54 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée et de l’article 809 du ncpc ;

Alors d’autre part qu’une simple offre potentielle de conseils personnalisés effectuée sur un site internet n’est pas assimilable à l’établissement effectif d’une consultation juridique par une personne non autorisée ; qu’en procédant dès lors à une telle assimilation pour qualifier de trouble manifestement illicite l’offre de conseil proposée par l’Aavac, la cour d’appel a violé l’article 54 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée ;

Alors encore que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; que la cour d’appel ne pouvait sans se contredire affirmer à la fois qu’aucun document n’était produit établissant l’existence de consultation juridique personnalisée d’une part et qu’il appartenait à l’Aavac de démontrer que la consultation aurait pour auteur un membre d’une profession juridique réglementée d’autre part ; que ce faisant, la cour a violé les dispositions de l’article 455 du ncpc ;

Alors en outre qu’il incombe à celui qui se prévaut de l’existence d’un trouble manifestement illicite de l’établir ; qu’en mettant dès lors à la charge de l’Aavac la preuve de ce que les consultations juridiques auraient été établies par des membres d’une profession juridique réglementée tandis qu’il appartenait à l’Ordre des avocats et autres demandeurs à l’action de démontrer que les consultations n’auraient pas été établies par des personnes autorisées, la cour d’appel a renversé le fardeau de la preuve et a violé les articles 1315 du code civil et 809 du ncpc ;

Alors enfin que le démarchage juridique est défini comme le fait d’offrir ses services en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique, ou de provoquer la souscription d’un contrat aux mêmes fins, en se rendant personnellement ou en envoyant un mandataire, soit au domicile ou à la résidence d’une personne, soit sur les lieux de travail, de repos ou de traitement ou dans un lieu public ; qu’en qualifiant dès lors d’acte de démarchage, la simple offre de services faite sur un site internet, la cour d’appel a violé les articles 1er du décret du 25 août 1972, 809 du ncpc et 66-4 de la loi du 31 décembre 1971.

La Cour : M. Ancel (président), m. Jessel (conseiller référendaire rapporteur), MM. Bouscharain, Bargue, Gridel, Charruault, Mme Crédeville, M. Gallet, Mme Marais (conseillers), Mmes Cassuto-Teytaud, Duval-Arnould, Gelbard-Le Dauphin, M. Creton, Mme Richard (conseillers référendaires), M. Cavarroc (avocat général).

Avocats : SCP Boutet, SCP Bachellier et Potier de La Varde

 
 

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