Jurisprudence : Responsabilité
Cour de cassation 1ère chambre civile Arrêt du 9 juillet 2008
Gérard S. / AMF
responsabilité - site internet
DISCUSSION
Sur le moyen unique
Attendu que M. Gérard S., candidat à l’élection présidentielle de 2007, s’est présenté sur son site internet, ainsi que dans un communiqué comme «candidat des maires» ; que l’Association des maires de France (AMF), estimant que cette mention portait atteinte à l’intérêt collectif de ses membres en raison de la confusion susceptible de naître dans l’esprit du public, a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris qui, par une ordonnance du 2 avril 2007, a ordonné à M. Gérard S. de supprimer de son site internet toute mention ou document contenant le terme «candidat des maires» et lui a interdit de se présenter comme tel dans toute déclaration qu’il pourrait faire jusqu’au premier tour de l’élection présidentielle ;
Attendu que M. Gérard S. fait grief à l’arrêt attaqué (Paris, 6 avril 2007) d’avoir confirmé l’ordonnance de référé alors, selon le moyen, qu’il n’appartient pas aux tribunaux de l’ordre judiciaire d’interférer dans les opérations électorales dont le contentieux ressortit au Conseil constitutionnel ; que la cour d’appel a manifestement outrepassé sa compétence en considérant que le réseau internet pour les candidats de l’élection présidentielle ne constitue pas un matériel électoral soumis au contrôle de la Commission nationale de contrôle pour l’élection présidentielle (CNCCEP) ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a commis un excès de pouvoir en violation de l’article 809 du code de procédure civile et du principe constitutionnel de la séparation des autorités et des juridictions résultant de l’article 59 de la Constitution ;
Mais attendu que, dès lors que les mesures ordonnées pour faire cesser un trouble manifestement illicite né d’une atteinte à des droits privés ne portaient pas sur les documents électoraux, ni ne remettaient en cause un acte administratif préparatoire à l’élection, la cour d’appel s’est, à bon droit, reconnue compétente pour statuer sur la demande de I’AMF ; que le moyen n’est pas fondé ;
DECISION
Par ces motifs,
. Rejette le pourvoi ;
. Condamne M. Gérard S. aux dépens ;
. Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Gérard S. et le condamne à payer à l’Association des maires de France la somme de 2000 € ;
Moyen produit par Me Ricard, Avocat aux Conseils, pour M. Gérard S.
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé l’ordonnance de référé rendue le 2 avril 2007 par le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris qui avait ordonné notamment à Monsieur Gérard S. de supprimer du site internet « http://www.s…com » toute mention ou tout document contenant les termes «candidat des Maires» ou «le candidat des Maires» et lui interdit de se présenter de se présenter comme «candidat des Maires» dans toutes déclarations qu’il pourrait faire jusqu’au déroulement du premier tour du scrutin présidentiel,
Aux motifs que : « L’Association des Maires de Frances » a saisi le juge des référés d’une demande tendant, au visa des articles 809 du nouveau code de procédure Civile et 1382 du code civil, à voir interdire à Monsieur Gérard S. de se présenter, dans le cadre de la campagne à l’élection présidentielle comme étant le «candidat des Maires» alors qu’il ne représente que «quelques maires» lui ayant apporté leur soutien et non la généralité des maires de France comme il le laisse croire dans ses déclarations reprises sur son site internet ainsi que dans ses communiquées de presse ; Considérant qu’au soutien de l’appel de l’ordonnance qui a fait droit à cette demande M. Gérard S. reprenant l‘argumentation développée, devant le premier juge, prétend qu’il appartiendrait au Conseil Constitutionnel de connaître de ce litige, le principe de la séparation des pouvoirs interdisant au juge judiciaire d’interférer dans les opérations électorales de nature politique ou de leurs préliminaires dont le contentieux appartient au seul «juge de l’élection» ;
Mais considérant qu‘il entre dans les pouvoirs du président du tribunal de grande instance, statuant en application, de l‘article 809 du nouveau code de procédure civile de prescrire en référé les mesures propres à faire cesser un trouble manifestement illicite, né d‘une atteinte portée à des droits privés, fut-elle commise en période électorale, dès lors que les mesures demandées ne portent pas sur le matériel électoral dont le contrôle lui échappe en vertu des règles de la séparation des autorités et des juridictions reconnues par la constitution ;
Qu’en l’état des textes légaux en vigueur, l’instrument de propagande que peut constituer le réseau internet pour les candidats à l’élection ne constitue pas un matériel électoral soumis au contrôle de la commission nationale de contrôle pour l’élection présidentielle (CNCCEP), la preuve étant que cette commission, saisie par l‘AMF a refusé d’homologuer la profession de foi et les affiches électorales de Monsieur Gérard S. en relevant que les termes «candidats des maires» exprimaient «un soutien de la généralité des maires des communes de France, soutien que le candidat n‘a pas justifier», mais n‘a pas été appelée à se prononcer sur l‘emploi de ses termes dans les déclarations de ce candidat diffusées sur son site internet, de même que dans ses déclarations orales ;
Considérant qu’il est établi par les pièces versées aux débats que l‘AMF est une association qui regroupe la quasi totalité des maires de France (93%.) :
qu’elle est ouverte aux maires de toutes tendances politiques, son bureau étant constitué dans le strict respect de la parité ; qu’en s‘intitulant «candidat des maires», M. Gérard S. s‘inscrit incontestablement dans le sillage de celte association alors qu‘il ne bénéficie pas de son soutien mais de celui d’un parti politique ; que la revendication de cette qualité, à l’évidence contraire à la vérité, est de nature à créer une confusion dans l’esprit du public, en particulier dans celui des adhérents de I‘AMF attachés à la neutralité de celle-ci ; que cette association, à qui il appartient d’assurer la protection de l’intérêt collectif de ses membres, est fondée à invoquer le caractère manifestement illicite du trouble que lui cause l‘emploi de ces termes trompeurs ;
Que dès lors, c’est à juste que le premier juge s‘est déclaré compétent ;
(…) Qu’il y a lieu en conséquence, de confirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions».
Alors qu’il n’appartient pas aux tribunaux de l’ordre judiciaire d’interférer dans les opérations électorales dont le contentieux ressortit au Conseil constitutionnel ; que la Cour d’appel a manifestement outrepassé sa compétence en considérant que le réseau internet pour les candidats de l’élection présidentielle ne constitue pas un matériel électoral soumis au contrôle de la commission nationale de contrôle pour l’élection présidentielle (CNCCEP) ; Qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a commis un excès de pouvoir en violation de l’article 809 du nouveau code de procédure civile et du principe constitutionnel de la séparation des autorités et des juridictions résultant de l’article 59 de la Constitution.
La Cour : M. Bargue (président), M. Falcone (conseiller rapporteur),
M. Pluyette (conseiller doyen), M. Gueudet, Mme Pascal M. Rivière,
Mmes Monéger, Bignon, M. Chaillou (conseillers), Mmes Chardonnet,
Trapero, lngall-Montanier, Vassallo, Gorce (conseillers référendaires),
M. Pagès (avocat général),
Avocats : Me Ricard, SCP Piwnica et Molinié.
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