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Jurisprudence : Droit d'auteur

mardi 30 janvier 2007
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Tribunal de grande instance de Paris 31ème chambre Jugement du 20 juin 2006

Emmanuel F. / Sacem, Sdrm

contrefaçon - droit d'auteur - moteur de recherche - peer to peer - site internet - telechargement

PROCEDURE

Emmanuel F. est prévenu :

D’avoir, sur le territoire national, du 30 septembre 2003 au 5 janvier 2004 en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, diffusé et représenté des œuvres de l’esprit sans autorisation et en violation des droits de leurs auteurs, en l’espèce par l’incorporation sur le site MP3 Academy d’un lien vers le moteur de recherche du site Jigle, interface de téléchargement en peer to peer de fichiers audio MP3 constituant autant d’enregistrements sous format informatique de chansons de variétés.

Faits prévus par les articles L 335-3, L 335-2 al. 2, L 112-2, L 121-2 al. 1, L 122-2, L 122-4, L 122-6 du code de la propriété intellectuelle et réprimés par les articles L 335-2 al. 2, L 335-5 al. 1, L 335-6, L 335-7 du code de la propriété intellectuelle,

FAITS

Le 30 septembre 2003, un agent assermenté au titre des dispositions des articles L 331-2 et R 331-1 du code de la propriété intellectuelle, constatait puis relatait par procès verbal que le site internet payant Mp3academy comportait en bandeau l’accès au site Jigle, moteur de recherche de fichiers téléchargeables sur sites « peer to peer » tels que Kazaa et eMule.

Cet agent relevait qu’il était possible via ce bandeau de sélectionner puis de télécharger de nombreux albums de Mylène Farmer, Johnny Hallyday et Pascal Obispo, sans s’acquitter des droits d’auteur.

Le 6 novembre 2003, la Sacem déposait en conséquence plainte auprès de la brigade de recherches de Paris.

Le 10 novembre 2003, les services de gendarmerie effectuaient des constatations similaires.

Une information des chefs de contrefaçons d’œuvres de l’esprit et complicité par fourniture de moyens était ouverte par réquisitoire du 5 janvier 2004.

Il résultait des investigations entreprises dans le cadre de l’enquête sur commission rogatoire qu’Emmanuel F. qui réside à Paris, était le responsable du site Mp3academy.

Il expliquait que le bandeau de recherches litigieux n’avait figuré sur le site qu’environ deux mois, d’octobre à novembre 2003.

Il estimait le chiffre d’affaires mensuel de ce site entre 15 000 € et 20 000 €.

Un rapport d’expertise remis par l’institut de recherches de la gendarmerie nationale, concluait que ce bandeau de recherches avait été présent sur le site lors de sa sauvegarde en date du 23 novembre 2003 et qu’il avait disparu le 12 février 2004.

Le 30 septembre 2004, Emmanuel F. était mis en examen des chefs de contrefaçons.

La Sacem et la Sdrm se constituaient parties civiles.

Le 12 octobre 2005, il était renvoyé devant le tribunal correctionnel pour être jugé de ces faits commis du 30 septembre 2003 au 5 janvier 2004.

La Sacem sollicitait la condamnation d’Emmanuel F. au paiement de la somme de 12 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel et moral et à la somme de 5000 € en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

A l’audience, le conseil du prévenu plaidait à titre principal la relaxe de son client pour l’absence de l’élément matériel et moral et subsidiairement le prononcé d’une dispense de peine. Il a sollicité la non inscription du bulletin n°2 du casier judiciaire de son client d’une éventuelle condamnation.

La Sdrm déclarait se désister de sa constitution de partie civile.

DISCUSSION

Il résulte des dispositions de l’article L 335-4 du code de la propriété intellectuelle que toute reproduction ou mise à disposition du public d’œuvres sans autorisation de l’auteur interprète ou du producteur est constitutive du délit de contrefaçon.

En l’espèce, le site Mp3academy comportait de nombreuses accroches visuelles et textuelles incitant les internautes à rechercher, télécharger et graver des fichiers de jeux, de musiques et de film et permettant le téléchargement de sites « peer to peer » tels que Kazaa et eMule.

Le procès verbal de constat, les déclarations du prévenu ainsi qu’une expertise, établissent l’existence sur le site Mp3academy d’un lien destiné à permettre l’accès à des fichiers d’enregistrement d’œuvres de l’esprit sans autorisation des titulaires de droits.

Compte tenu du succès rencontré par le site Mp3academy et du nombre de fichiers disponibles par l’intermédiaire du moteur de recherche Jigle, le fait qu’un procès verbal ne constate pas de téléchargements effectifs de fichiers par des internautes ne saurait faire obstacle à la certitude que de nombreux fichiers ont été téléchargés illégalement.

Il convient de relever que l’auteur des faits a tiré profit d’un site qu’il a sciemment élaboré pour favoriser et organiser la distribution d’oeuvres de l’esprit dépourvues d’autorisation des titulaires de droits. Il ne saurait légitimement alléguer de la présence d’un avertissement légal aux caractères typographiques minuscules au bas d’une page pour échapper à sa responsabilité pénale.

Cette mise à disposition d’œuvres illicitement téléchargées est ainsi clairement constitutive du délit de contrefaçon et en conséquence le prévenu sera déclaré coupable.

Il sera fait droit à la demande de non inscription au bulletin n°2 du casier judiciaire de la condamnation figurant au dispositif du présent jugement.

Sur l’action civile

La Sacem, partie civile, est recevable en sa constitution. Il convient de fixer le montant du préjudice moral et matériel à la somme de 12 000 € et de condamner Emmanuel F. à lui payer la somme de 3000 € en application des dispositions de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

Il y a lieu de donner acte à la Sdrm de son désistement.

DECISION

Le tribunal statuant publiquement, en matière correctionnelle, en premier ressort et par jugement contradictoire à l’encontre d’Emmanuel F. prévenu, à l’égard de la Sacem, partie civile ;

Sur l’action publique :

. Déclare Emmanuel F. coupable pour les faits qualifiés de : contrefaçon par diffusion ou représentation d’œuvre de l’esprit au mépris des droits de l’auteur, faits commis du 30 septembre 2003 au 5 janvier 2004, sur le territoire national ;

Vu les articles susvisés :

. Condamne Emmanuel F. à une amende délictuelle de 6000 € ;

Vu les articles susvisés ; à titre de peine complémentaire :

. Ordonne à l’encontre d’Emmanuel F. la confiscation des scellés ;

Le président avise le condamné que s’il s’acquitte du montant de cette amende dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle cette décision a été prononcée, ce montant sera minoré de 20% sans que cette diminution puisse excéder 1500 €. Le président informe le condamné que le paiement de l’amende ne fait pas obstacle à l’exercice des voies de recours.
Dans le cas d’une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l’intéressé de demander la restitution des sommes versées.

. Dit qu’en application des dispositions de l’article 775-1 du code de procédure pénale, il ne sera pas fait mention au bulletin n°2 du casier judiciaire de Emmanuel F. de la condamnation qui vient d’être prononcée.

Sur l’action civile :

. Déclare recevable, en la forme, la constitution de partie civile de la Sacem,

. Donne acte à la Sdrm,

. Condamne Emmanuel F. à payer à la Sacem, partie civile la somme de 12 000 € à titre de dommages-intérêts, et en outre la somme de 3000 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale,

Le tribunal : M. Monereau (président), M. Alçufrom et Mme Poirier (juges)

Avocats : Me Cyril Fabre, Me Josée Anne Benazeraf

 
 

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