Jurisprudence : Jurisprudences
TGI de Paris, ordonnance de référé du 4 février 2015
MFM Développement / Radio Madras et consorts
nom de domaine - radio - territorialité - usage de la marque
La société MFM Développement anciennement LV & CO a reçu le 28 mai 2006 par transmission universelle de patrimoine de la société CIRTES l’ensemble de son patrimoine, en ce compris son nom commercial et ses droits sur les marques MFM. Elle déclare exploiter notamment une activité d’édition et de diffusion de programmes radiophoniques.
Elle indique exploiter le site www.mfmradio.fr qui permet aux internautes d’écouter 15 radios web, être titulaire des noms de domaine mfm.fr et mfmradio.fr, de sa dénomination sociale, son nom commercial et son enseigne, ainsi que des marques suivantes :
– la marque verbale MFM-Montmartre, déposée le 7 mars 1996 sous le numéro 96/615028 pour les classes 9, 14, 15 et 16,
– la marque verbale MFM déposée le 21 décembre 2001 sous le numéro 3138277 pour les classes 9, 16, 28, 35, 38 et 41,
– la marque semi-figurative Mfm enregistrée le 13 juillet 2004 sous le numéro 043304151, pour les classes 9, 16, 28, 35, 38 et 41.
L’association Radio Madras Indienne a été créée en 1984, elle a été autorisée à émettre par le CSA dès 1993, autorisation reconduite depuis.
Elle a été déclarée à la préfecture par X., qui en serait le président.
La société Madras FM Television est une SARL unipersonnelle dont le gérant est X., immatriculée le 15 octobre 2010, qui a déclaré pour activité l’édition et la diffusion de programmes radio.
Une autre société Madras FM Television est une SAS ayant comme président X., immatriculée le 26 juin 2012, qui a déclaré pour activité la production de films et de programmes pour la télévision.
Monsieur X. est titulaire de la marque MFMTV n°3821806, enregistrée le 7 avril 2011, dans les classes 9, 16, 35, 38 et 41.
Il est aussi le gérant de la société Pub Régie Show Media, SARL unipersonnelle à laquelle serait confiée, selon la demanderesse, la régie publicitaire de la radio exploitée par l’association Radio Madras Indienne.
Monsieur Y. est titulaire des noms de domaine mfmradio.fm et mfmtv.tv enregistrés les 31 décembre 1999 et 18 avril 2013.
La société MFM Développement indique avoir découvert :
– la diffusion d’une chaîne de télévision musicale sous le nom MFM TV, exploitée sous un signe très proche du signe MFM, qui serait éditée par la société Madras FM television SARL,
– l’existence d’un site www.mfmfradio.fm depuis lequel est diffusée la chaîne de télévision MFM TV précitée, ce site étant également disponible à partir de l’adresse www.mfmtv.tv, et l’enregistrement de ces deux noms de domaine “mfmradio.fm” et “mfmtv.tv”,
– le dépôt et l’enregistrement de la marque MFMTV n°3821806, le 7 avril 2011, cette marque étant exploitée au travers du site répondant aux deux adresses internet précitées par l’association Radio Madras indienne et par les deux sociétés Madras FM Télévision,
– l’immatriculation des sociétés Madras FM Television SARL et Madras FM Television SAS.
Par acte des 4, 6, 8 et 29 août 2014, la société MFM Développement a fait citer devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris monsieur X., l’association Radio Madras Indienne, la société SARL Madras FM Television, la société SAS Madras FM Television et monsieur Y.
Par conclusions déposées à l’audience du 11 décembre 2014 et soutenues oralement, la société MFM Développement demande au juge des référés de :
– constater que les noms de domaine mfmradio.fm et mfmtv.tv, la marque verbale française “MFMTV” n°3821806 et ses représentations semi-figuratives, le nom commercial MFM TV des sociétés Madras FM Télévision SARL et Madras FM Télévision SAS constituent l’imitation des marques verbales MFM Montmartre n°96615028, MFM n°3138277 et semi- figurative n°3304151 de la société MFM Développement,
– juger que l’enregistrement et l’exploitation des noms de domaine mfmradio.fm et mfmtv.tv et de la marque verbale française MFM TV n°3821806 pour permettre l’accès à un site Internet, à une chaîne de radio et de télévision désignés sous le signe MFM et MFM TV et MFM RADIO via lesquels sont diffusés et publiés des programmes radiophoniques et télévisuels, constituent la contrefaçon par imitation de ses marques verbales MFM Montmartre n°96615028, MFM n°3138277 et semi- figurative n°3304151, au sens de l’article L. 713-3 b),
– juger que l’enregistrement et l’exploitation des noms de domaine mfmradio.fm et mfmtv.tv et de la marque verbale française MFMTV n°3821806 pour permettre l’accès à un site Internet, à une chaîne de radio et de télévision désignés sous le signe MFM et MFM TV et MFM RADIO via lesquels sont diffusés et publiés des programmes radiophoniques et télévisuels, constituent des actes d’usurpation de la dénomination sociale MFM Développement, du nom commercial et de l’enseigne MFM, des noms de domaine mfm.fr et mfmradio.fr de la société MFM Développement, par application des dispositions de l’article 1382 du code civil,
– juger qu’en enregistrant la marque verbale française MFMTV n°3821806 et les noms de domaine mfmradio.fm et mfmtv.tv pour exploiter des activités de programmation radiophonique et de diffusion de programmes radiophoniques et télévisuels, sur Internet et sur le réseau de la télévision, au mépris des droits de propriété intellectuelle antérieurs de la société MFM Développement SA sur le signe distinctif antérieur MFM Monsieur Y., et à tout le moins Monsieur X., Président de l’Association Radio Madras Indienne et dirigeant des sociétés Madras FM Télévision SARL et Madras FM Télévision SAS, ont fait preuve d’une mauvaise foi indéniable,
– juger que l’enregistrement des noms de domaine mfmradio.fm et mfmtv.tv et de la marque verbale française MFMTV n°3821806 est frauduleux,
– juger que l’utilisation des slogans “MFM la radio 100 % tubes” et “MFM TV la télé 100 % tubes” constitue des actes de parasitisme et de concurrence déloyale au préjudice de la société MFM Développement,
En conséquence
– condamner les défendeurs à verser in solidum à la société MFM Développement SA la somme de 50.000 euros, à titre de dommages et intérêts provisionnels en réparation du préjudice subi,
– ordonner aux défendeurs la cessation de la diffusion de la chaîne de télévision 0020MFM TV, sous astreinte in solidum de 5000 euros par infraction constatée à compter huit jours de la signification de l’ordonnance,
– ordonner aux défendeurs, dans l’attente du transfert effectif des noms de domaine mfmradio.fm et mfmtv.tv au bénéfice de la société MFM Développement SA, la suspension immédiate du site
Internet accessible aux adresses URL www.mfmradio.fm et www.mfmtv.tv et ce, sous astreinte in solidum de 5.000 euros par infraction constatée à compter de la signification de l’ordonnance,
– ordonner aux défendeurs et à tous tiers de leur chef de cesser toute utilisation de la dénomination MFM sous quelle que forme que ce soit (nom de domaine, marque, enseigne, titre de site
Internet, etc.) et sur quel que support que ce soit physique ou immatériel (site Internet et chaîne de télévision notamment) aux fins de désigner une activité radiophonique et/ou télévisuelle sur l’ensemble du territoire métropolitain, depuis et/ou à destination de la métropole, et ce sous astreinte in solidum de 5.000 euros par infraction constatée à compter de la signification de l’ordonnance,
– ordonner à monsieur Y. de transférer les noms de domaine mfmradio.fm et mfmtv.tv au bénéfice de la société MFM Développement SA, et ce sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance,
– autoriser, en tant que de besoin, la société MFM Développement SA à notifier entre les mains de la société OVH SARL, unité d’enregistrement en charge de la gestion des noms de domaine mfmradio.fm et mfmtv.tv ainsi que, le cas échéant, à l’Association Française de Nommage Internet en Coopération (AFNIC), l’Ordonnance en vue de faire procéder à leur transfert au bénéfice de la société MFM Développement SA,
– ordonner à Monsieur X., en sa qualité d’associé unique et de gérant de la société Madras FM Télévision SARL et en sa qualité de Président de la société Madras FM Télévision SAS, et aux sociétés Madras FM Télévision SARL et Madras FM Télévision SAS, de procéder à la modification des dénominations sociales et du nom commercial MFM TV des sociétés Madras FM Télévision SARL et Madras FM Télévision SAS :
en convoquant et tenant pour ce faire, une Assemblée Générale Extraordinaire des sociétés Madras FM Télévision SARL et Madras FM Télévision SAS ayant pour objet la modification de leur dénomination sociale et nom commercial en supprimant toute référence au Signe Distinctif MFM,
en modifiant en conséquence les statuts des sociétés Madras FM Télévision SARL et Madras FM Télévision SAS, et en effectuant les formalités subséquentes auprès du Registre du Commerce et des Sociétés,
en notifiant au CSA le changement de dénominations sociales et de nom commercial comme du signe distinctif sous lequel la chaîne de télévision litigieuse MFM TV sera dorénavant exploitée,
– dire que les injonctions relatives à la modification des dénominations sociales et du nom commercial MFM TV des sociétés Madras FM Télévision SARL et Madras FM Télévision SAS prononcées seront assorties d’une astreinte in solidum de 5.000 euros par jour de retard constaté à compter d’un mois après la signification de l’ordonnance,
– ordonner aux défendeurs sous astreinte in solidum de 5.000 euros par jours de retard à compter de quinze jours de la signification de l’ordonnance la communication des éléments suivants, les trois dernières années :
/ les statistiques d’exploitation et/ou les chiffres des audiences effectuées par la radio MFM, la chaîne de télévision MFM TV et du site Internet accessible aux adresses URL suivantes
www.mfmradio.fm et www.mfmtv.tv établies par tout outil de tiers (Médiamétrie, Google Analytics, etc.),
/ le chiffre d’affaires certifié conforme par un expert-comptable généré par la radio MFM, la chaîne de télévision MFM TV et le site Internet accessible aux adresses URL suivantes www.mfmradio.fm et www.mfmtv.tv, comprenant la répartition des revenus,
/ la copie des contrats en cours conclus avec la société Free SAS1, opérateur de télécommunications permettant la diffusion de la chaîne de télévision MFM TV sur le bouquet d’offres de la « Freebox », et Alice ainsi que le nombre d’abonnés et les audiences réalisées par la chaîne,
/ la copie des contrats de régie publicitaire signés par l’Association Madras Indienne2, les sociétés Madras FM Télévision SARL et Madras FM Télévision SAS et pour chaque support (radio / télévision) le nombre de spots publicitaires diffusés,
/ la copie de la convention conclue avec le CSA,
– condamner les défendeurs à verser in solidum à la société MFM Développement SA la somme de 20.000 euros au titre des frais irrépétibles, par application des dispositions de l’article 700 du
code de procédure civile,
– condamner les défendeurs in solidum aux entiers dépens, en ce compris les frais de constat de l’Agence pour la Protection des Programmes et de Maître Eric Albou, Huissier de Justice.
Par conclusions soutenues oralement, monsieur X., l’association Radio Madras Indienne, les sociétés SARL et SAS Madras FM Television demandent au juge des référés de :
à titre préliminaire et préalable,
– déclarer MFM Développement irrecevable en son action, au vu des articles L 713-3 et L711-4,
– déclarer MFM Développement irrecevable en ses prétentions ne relevant pas de la contrefaçon visée par l’article L713-3,
à titre principal,
– juger que la demanderesse n’établit pas que l’exploitation et l’enregistrement de la marque MFMTV et des noms de domaine mfmradio.fm et mfmtv.fm sont constitutifs d’actes de contrefaçon,
– juger que la marque verbale “mfm” et les marques semi-figuratives MFM Montmartre appréciée de façon globale n’ont pas été imitées en l’espèce,
– juger que les services et produits visés par les signes distinctifs respectifs ne sont ni identiques, ni similaires,
– constater l’antériorité de l’usage de l’enseigne MFM par l’association Radio Madras Indienne depuis 1993,
– constater que l’aire de notoriété culturelle de la Radio Madras Indienne MFM correspond globalement au public domien établi dans un département d’outre-mer ou en métropole,
– juger qu’il ne peut résulter aucun risque de confusion dans l’esprit du public quant aux signes distinctifs incriminés,
– débouter en conséquence MFM Développement de ses demandes,
subsidiairement,
– débouter MFM Développement de ses demandes dont celles ne relevant pas de l’article L713-3 du code de propriété intellectuelle,
– condamner MFM Développement à verser à chacun des défendeurs la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– statuer ce que de droit sur les dépens.
Ils indiquent que l’association Radio Madras Indienne a été créée en 1984 et autorisée à émettre par le CSA dès 1993 sous le nom Radio Madras FM (MFM), autorisation reconduite depuis, de sorte qu’elle serait antérieure à la dénomination sociale MFM et son exploitation en tant que radio par la société MFM Développement, qui ne daterait que de 1995 et non de 1976.
Dès lors, la demanderesse serait irrecevable à soutenir la moindre contrefaçon alors que l’usage et l’exploitation de l’enseigne MFM datent de 1993 et sont antérieurs.
Ils ajoutent qu’agissant en référé, la société MFM Développement est irrecevable à faire état d’actes d’usurpation au vu de l’article 1382 du code civil.
Monsieur Y. n’est pas présent ni représenté.
MOTIVATION
Il convient de relever que le transfert d’un nom de domaine n’est pas une mesure susceptible d’être ordonnée par le juge saisi en référé, de sorte que les demandes en ce sens présentées par la société MFM Développement apparaissent irrecevables.
La société MFM Développement fonde sa demande notamment sur les marques verbales “MFM-Montmartre” enregistrée en 1996, “M FM” enregistrée en 2001, et la marque semi-figurative MFM enregistrée en 2004. Elle soutient que la radio MFM a été créée en 1976, date de l’immatriculation au RCS de la société CIRTES son exploitante initiale.
Les défendeurs soutiennent que la demanderesse n’a pris pour nom commercial Montmartre-FM qu’à compter du 30 décembre 1994, au vu du procès-verbal d’assemblée générale de la société CIRTES, soit postérieurement à l’autorisation donnée en
1993 par le CSA à l’association Radio Madras Indienne d’émettre sous le nom de Radio Madras FM (MFM).
L’autorisation accordée le 16 novembre 1993 par le CSA à l’association Radio Madras Indienne porte sur l’exploitation d’un service de radiodiffusion “intitulé Radio Madras FM (MFM)”. Cette autorisation a été reconduite pour cinq années en 1998 et 2002.
En 2007 et 2012, le CSA a encore reconduit pour cinq années cette autorisation pour l’exploitation du service de radio dénommé “Radio Madras FM – MFM”.
Ainsi, l’association Radio Madras Indienne aurait obtenu depuis 1993 l’autorisation d’émettre sous le nom “Radio Madras FM (MFM)”, autorisations reconduites depuis, les dernières portant
sur le nom Radio Madras FM – MFM. Les défenderesses versent des pièces tendant à justifier d’un usage du signe MFM en 2013 et en 2014.
Si la demanderesse soutient que l’autorisation d’exploiter donnée à l’association Madras Indienne porte sur la dénomination Radio Madras FM (MFM) et non sur la seule dénomination MFM et qu’il ne serait pas justifié d’un usage continu de l’enseigne sur l’ensemble du territoire national, il convient de relever que l’autorisation d’émettre a été reconduite régulièrement depuis
1993 par le CSA, qui se réservait dans sa décision initiale la possibilité de prononcer la caducité de l’autorisation en cas d’absence d’exploitation effective débutée dans les deux mois.
Au vu de ce qui précède, il existe une contestation sérieuse sur l’antériorité de l’usage du signe MFM en tant qu’enseigne par l’association Radio Madras Indienne, et sur la possibilité pour la société MFM Développement de solliciter des mesures d’interdiction en invoquant des marques postérieures.
Pour les mêmes raisons, les demandes présentées sur le fondement de l’article 1382 du code civil se heurtent également à une contestation sérieuse.
En conséquence, il convient de dire n’y avoir lieu en référé, les parties étant renvoyées à mieux se pourvoir sur toutes les demandes.
Chaque partie supportera la charge de ses dépens.
Les demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
DECISION
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort ,
Déclarons la demande de transfert des noms de domaine irrecevable,
Disons n’y avoir lieu à référé,
Laissons à chaque partie la charge de ses dépens,
Rejetons les demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Tribunal : François Thomas (vice-président), Sylvaine Le Strat (greffier)
Avocats : Me Cyril Fabre, Me Marie-Pierre Saget-Joliviere
Source : Legalis.net
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* Nous portons l'attention de nos lecteurs sur les possibilités d'homonymies particuliérement lorsque les décisions ne comportent pas le prénom des personnes.