Jurisprudence : Responsabilité
Cour d’appel de Paris 14ème chambre, section B Arrêt du 12 juillet 2006
Journal le Parisien / ADE
article de presse - directeur de la publication - droit de réponse - responsabilté - site internet
PROCEDURE
Vu l’appel formé par la Snc Le Parisien Libéré et la Snc E.Paris de l’ordonnance de référé rendue le 23 mai 2006 par le président du tribunal de grande instance de Fontainebleau qui a :
– ordonné au directeur de la publication du journal Le Parisien, à la Snc Le Parisien Libéré et la Snc E.Paris, chacun en ce qui les concerne, de publier dans le délai de huit jours à compter de la signification de la décision :
1/ dans l’édition Seine et Marne du quotidien Le Parisien, à la même place et en mêmes caractères que l’article « le directeur de l’institut médico-éducatif licencié » publié le 16 janvier 2006,
2/ et dans les archives du site internet du journal, à l’adresse www.leparisien.com le texte du droit de réponse de l’Association Départemental Elysée (ADE) à cet article, et ce, sous astreinte de 300 € par jour de retard pendant deux mois,
– condamné solidairement le directeur de la publication et la Snc Le Parisien Libéré à payer à l’ADE la somme de 800 € en application de l’article 700 du ncpc,
– rejeté le surplus des demandes ;
Vu l’autorisation donnée aux appelantes de plaider l’affaire à jour fixe ;
Vu les conclusions du 23 juin 2006 par lesquelles Mlle Aurore A. et M. Jean Etienne A., héritiers de M. Philippe A., décédé le 23 mai 2006, interviennent volontairement à l’instance comme appelants ;
Vu les dernières conclusions des appelants, auxquels s’est jointe Mme Marie-Odile A. en sa qualité de directeur de la publication du quotidien Le parisien et de son site internet www.leparisien.com, qui demandent à la cour d’infirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions, de débouter l’ADE de ses demandes et de la condamner à leur payer 5000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive et 3000 € en application de l’article 700 du ncpc ;
Vu les dernières conclusions de l’ADE qui sollicite :
– la confirmation de l’ordonnance en ce qu’elle a ordonné la publication du texte du droit de réponse dans le quotidien Le Parisien, sauf à porter l’astreinte à 1500 € par jour de retard à compter de l’arrêt à intervenir et mentionner que l’insertion du droit de réponse est ordonnée par la cour d’appel ;
– la confirmation de l’ordonnance en ce qu’elle a ordonné la publication de ce droit de réponse dans les archives du site internet sauf à y ajouter l’obligation d’insérer un lien hypertexte au dessus des articles litigieux du 16 janvier 2006 intitulés « le directeur de l’institut médico-légal licencié » et « Pascal V., spécialiste de l’enfance » pour renvoyer gratuitement à ce droit de réponse ;
– la condamnation solidaire du directeur de la publication, de la Snc Le Parisien Libéré et de la Snc E.Paris à lui verser 7500 € de provision sur dommages-intérêts en réparation du préjudice que lui a causé la résistance abusive à l’exécution d’obligations légales et 5000 € en application de l’article 700 du ncpc ;
DISCUSSION
Considérant qu’il résulte des écritures des parties et des pièces versées aux débats qu’à la suite de la parution, dans l’édition de Seine et Marne du journal Le Parisien du 16 janvier 2006, d’un article intitulé « le directeur de l’institut médico-légal licencié » la mettant en cause, l’ADE a sollicité la publication d’une réponse dont l’insertion forcée a été refusée par ordonnance du juge des référés du 14 mars 2006 dès lors qu’elle comportait des assertions susceptibles de porter atteinte aux droits d’un tiers ; qu’un nouveau texte, adressé le 15 mars 2006, a été publié dans le journal Le Parisien du 21 mars 2006 et diffusé sur son site internet sous le titre « l’association Elysée nous écrit », le texte de la réponse entièrement reproduit étant toutefois précédé du préambule :
« l »association départementale Elysée réagit à l’article « le directeur de l’institut médico-légal licencié » publié le 16 janvier 2006″ ;
Qu’assimilant à un refus d’insertion, constitutif d’un trouble manifestement illicite au sens de l’article 809 alinéa 1er du ncpc, le fait d’avoir publié son texte avec un rajout et sans mentionner qu’il s’agissait de l’exercice du droit de réponse et estimant que sa diffusion sur internet était vidée de son sens si le texte n’était pas relié par un lien hypertexte à l’article du 16 janvier 2006, l’ADE a saisi à nouveau le juge des référés qui, par ordonnance soumise à la cour, a partiellement fait droit à ses demandes en ordonnant l’insertion, sous astreinte, dans l’édition Seine et Marne du quotidien et dans les archives du site internet du journal, du texte précédé du titre « Droit de réponse de l’ADE à l’article « le directeur de l’institut médico-légal licencié » publié le 16 janvier 2006″ mais a rejeté ses prétentions relatives à la création d’un lien hypertexte, estimant qu’elles se heurtaient à une contestation sérieuse ;
Considérant que le droit de réponse prévu à l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 trouve son fondement dans la nécessité pour une personne nommée ou désignée dans un article de presse de faire connaître ses explications et rectifier des erreurs ; que si ce droit est traditionnellement reconnu comme un droit général et absolu, l’insertion d’une réponse peut cependant être refusée lorsqu’elle est contraire à l’intérêt des tiers ;
Considérant qu’en l’espèce le texte, même rectifié par rapport à sa rédaction initiale, comporte la mise en cause de l’ancien directeur de l’IME, M. V., dont il est dit que les propos relatés dans l’article litigieux sont mensongers ; que ce dernier est encore cité lorsqu’il est signalé qu’il « a refusé de contresigner un courrier le convoquant à un entretien préalable avec mise à pied à titre conservatoire », « (qu’)il a alors laissé à l’IME l’ensemble de ses outils de travail (…) ce qui permet de mettre en scène sa victimisation » ; qu’il est par ailleurs reproché au délégué syndical de relayer ses propos mensongers ;
Considérant qu’en présence de telles assertions qui sont de nature à nuire à des tiers et à justifier un refus d’insertion de la part du directeur de la publication, c’est à tort que le premier juge a estimé qu’il avait été porté atteinte au droit de réponse institué par l’article 13, l’existence d’éléments sérieux de nature à fonder la résistance du journal à publier la réponse privant de tout caractère manifestement illicite le trouble dont se plaint l’ADE pour la manière dont le journal a porté sa réaction à la connaissance des lecteurs ;
Considérant que la loi du 21 juin 2004 qui institue un droit de réponse pour toute personne nommée et désignée dans un service de communication en ligne, soumet l’exercice de ce droit aux conditions de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 ; que l’exigence du respect du droit des tiers est à l’évidence applicable à la diffusion du droit de réponse en ligne ;
Que pour les motifs ci-dessus énoncés, le premier juge ne pouvait pas non plus ordonner la publication du texte en question dans les archives du site internet du journal ;
Que, dans ses conditions, et sans qu’il soit besoin de répondre aux moyens surabondants, il convient d’infirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions et de débouter l’ADE de ses demandes ;
Considérant que faute par les appelants de caractériser et de démontrer le principe, la nature et l’étendue du préjudice dont ils réclament réparation, leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive sera rejetée ;
Qu’il y a lieu, en revanche, de leur allouer une indemnité de procédure ;
DECISION
Par ces motifs,
. Infirme l’ordonnance en toutes ses dispositions,
. Déboute l’ADE de ses demandes,
. Rejette la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
. Condamne l’ADE à payer à la Snc Le Parisien Libéré, la Snc E.Paris et aux consorts A. 1500 € en application de l’article 700 du ncpc,
. La condamne aux dépens de première instance et d’appel.
La cour : Mme Feydeau (président), Mmes Provost-Lopin et Darbois (conseillers)
Avocats : Me Basile Ader, Me Jean Baptiste Moquet
Voir décision de Cour de cassation
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