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Jurisprudence : Marques

vendredi 20 juin 2003
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Tribunal de Grande Instance de Paris, 3ème chambre, 2ème section, Jugement du 20 juin 2003

ANPE / Emmanuel R., K Nai Production

marque - marque communautaire - nom de domaine - parasitisme - transfert de nom de domaine

Les faits et procédure

L’Agence Nationale pour l’Emploi, ci-après Anpe, expose qu’elle est titulaire de plusieurs marques semi-figuratives, françaises et communautaires, reprenant son sigle et déposées pour désigner les produits et les services des classes 9, 16, 35, 38, 41 ou 42. Elle exploite également des sites internet sous les noms de domaine « anpe.net », « anpe.fr », « anpe.com ».

Or, elle s’aperçut qu’un site à caractère pornographique dénommé « JeTeBaise.com » était accessible à partir des noms de domaine « emploi-paris.com » et « anpe-paris.com », déposés par une entité appelée « JFF », ayant comme contact administratif Emmanuel R., gérant d’une société K Nai Production. Le nom de cette société figure sur le site « JeTeBaise.com » accessible notamment par l’adresse « anpe-paris.com ».

Estimant que de tels faits constituent des actes de contrefaçon par reproduction ainsi que des actes de parasitisme, l’Anpe a alors fait assigner Emmanuel R. et la société K Nai Production pour les voir condamnés solidairement à lui verser les sommes de 5000 et 7000 € en réparation respectivement des actes de contrefaçon et de l’atteinte portée à son image, le tout avec exécution provisoire et publication de la décision.

Puis le 19 mars, elle sollicita du président statuant en la forme des référés une mesure d’interdiction d’usage du nom « Anpe » qui fut prononcée avec exécution provisoire par ordonnance rendue le 21 mai 2002.

Les défendeurs opposent en substance une exception de transaction intervenue entre les deux parties après transfert à l’Anpe des noms de domaine litigieux, et une absence de préjudice subi par la demanderesse.

La discussion

Sur l’exception de transaction

Attendu que Emmanuel R. et la société K Nai Production soutiennent que l’Anpe a accepté l’offre qu’ils lui ont faite de transférer à son profit la propriété des noms de domaine « anpe-paris.com » et « emploi-paris.com » et qu’elle s’était engagée à régulariser des conclusions de désistement.

Attendu cependant que si par lettre du 1er juillet 2002 la société K Nai Production a fait connaître à la société Gandi – qui a enregistré lesdits noms de domaine – qu’ « elle reconnaissait que l’Anpe était propriétaire de ceux-ci », cette démarche était particulièrement insuffisante pour réaliser le transfert dès lors que les noms de domaine avaient été déposés sous les initiales « JFF » et non pas par société K Nai Production, et qu’elle n’a été suivie d’aucune démarche permettant de rendre effectif le transfert de propriété décidé par les parties ;

Attendu que l’exception de transaction ne peut donc qu’être rejetée ;

Sur la contrefaçon de marques

Attendu que l’Anpe oppose ses droits sur les marques semi-figuratives et communautaires suivantes :

– françaises :

« Anpe n° 98718092 »

« Anpe Agence National Pour l’Emploi » n° 98718093

« Anpe » n° 98718094

« Anpe – Notre métier, l’emploi » n° 98718095

– communautaires :

« Anpe » n° 1021914

« Anpe » n° 1021872

« Anpe Agence Nationale Pour l’Emploi » n° 1021831

« Anpe – Notre métier, l’emploi » n° 1022003 ;

Attendu que ces marques ont été déposées et enregistrées pour désigner les produits et services des classes n° 9, 16, 35, 36, 38, 41 et 42 ;

Attendu que l’Anpe avance que l’enregistrement et l’exploitation du nom de domaine « anpe-paris.com » constituent des actes de contrefaçon par reproduction des huit marques précitées ;

Attendu que c’est d’ailleurs sous le seul visa de l’article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle qu’elle a fondé son action en contrefaçon ;

Mais attendu que la contrefaçon par reproduction n’est caractérisée, comme l’a rappelé la cour de justice des communautés européennes, que lorsque le signe constituant la marque est reproduit à l’identique, sans modification ni ajout ou lorsque la reproduction réalisée « recèle des différences si insignifiantes qu’elles peuvent passer inaperçues aux yeux d’un consommateur moyen » 20.03.03 LTH Diffusion C/Sada Verbaudet.

Que l’action en contrefaçon par reproduction engagée par l’Anpe n’est donc pas fondée.

Sur les actes de parasitisme

Attendu que lors du dépôt, le 14 septembre 1999, du nom de domaine « JeTeBaise.com », Emmanuel R. est désigné comme contact administratif ; qu’il n’est pas contesté que ce site est exploité par la société K Nai Production dont Emmanuel R. est le gérant, et qu’il est accessible par les sites dénommés « anpe-paris.com » et « emploi-paris.com » pour lesquels Emmanuel R. est également désigné comme contact administratif ;

Attendu que les internautes se connectant à ces derniers sites se trouvent ainsi incités à consulter le site « JeTeBaise.com » ; qu’il s’agit d’actes de parasitisme portant en outre atteinte à l’image de l’Anpe au regard tant de la dénomination du site que de son contenu à caractère pornographique ;

Sur les mesures réparatrices

Attendu que, par l’usage parasitaire du vocable « Anpe », les demandeurs ont facilité l’accès à leur site payant « JeTeBaise.com » à de nombreux internautes ;

Attendu que si aucun élément n’est fourni sur la fréquentation du site litigieux à partir des noms de domaine « anpe-paris.com » et « emploi-paris.com », il est en revanche manifeste que, par ce simple apparentement volontairement créé entre le site des défendeurs et l’Anpe, cette dernière a subi une atteinte caractérisée à son image ;

Attendu qu’il sera donc fait droit non seulement à la demande de transfert des noms de domaine « anpe-paris.com » et « emploi-paris.com », mais également à la demande de dommages-intérêts sollicités à hauteur de 7000 € ;

Attendu que la demande de publication de la présente décision sera également accueillie mais dans les limites précisées au dispositif ci-après ;

Attendu que l’exécution provisoire accompagnera la présente décision sauf pour la mesure de publication ;

qu’il n’est pas inéquitable de fixer à 3000 € la somme que les défendeurs devront in solidum verser à l’Anpe sur le fondement de l’article 700 du ncpc ;

La décision

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort ;

. Rejette l’exception de transaction ;

. Rejette l’action en contrefaçon de marques, en ce qu’elle est fondée sur l’article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle ;

. Dit que la société K Nai Production et Emmanuel R. en faisant enregistrer les noms de domaine « anpe-paris.com » et « emploi-paris.com », ont commis des actes de parasitisme au préjudice de l’Anpe et ont porté atteinte à l’image de cette dernière ;

En conséquence,

. Leur ordonne de procéder au transfert des noms de domaine « anpe-paris.com » et « emploi-paris.com » au profit de l’Anpe en effectuant, à leurs frais, les formalités nécessaires sous astreinte de 4000 € par jour de retard passé un délai de huit jours à compter de la signification de la présente décision ;

. Condamne in solidum Emmanuel R. et la société K Nai Production à verser à l’Anpe la somme de 7000 € à titre de dommages-intérêts ;

. Autorise l’Anpe à faire publier la présente décision dans trois quotidiens ou revues de son choix à la charge in solidum des défendeurs, mais dans la limite de 3500 € par insertion ;

. Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision sauf pour ce qui concerne la mesure de publication et les frais irrépétibles ;

. Condamne in solidum Emmanuel R. et la société K Nai Production à verser à l’Anpe la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du ncpc et à supporter les entiers dépens.

Le tribunal : M. Girardet (vice président), Mmes Saint Schroeder et Darbois (vice-présidentes)

Avocats : Selarle Michau, Me Philippe Lamotte

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