Jurisprudence : Droit d'auteur
TGI de Paris, 3ème ch. – 2ème sec., jugement du 22 septembre 2017
M. X. / M. Y., Société Textile des Articles Renoma et Renoma Invest
calcul du préjudice - diffusion en ligne sans autorisation - dommages-intérêts - photographie - reproduction sans autorisation
Monsieur X. se présente comme exerçant la profession d’artiste photographe spécialisé dans les photographies argentiques. Il indique être l’auteur des trois photographies litigieuses, à savoir :
– Une photographie n° 1 représentant une enseigne lumineuse du Chelsea Hôtel, situé à New York ;
– Une photographie n° 2 représentant un modèle debout dans un couloir et devant une porte de chambre du Chelsea Hôtel ;
– Une photographie n°3 représentant un modèle allongé sur un lit dans une chambre du Chelsea Hôtel.
Monsieur Y., se présente comme un styliste, créateur de la Société Renoma, s’étant tourné vers d’autres voies artistiques allant de la haute couture au design en passant par la photo et exposant ainsi parfois ses créations artistiques en France comme à l’étranger.
La société S.A.S. Société Textile des Articles Renoma S.T.A.R et la société S.A.S. Renoma Invest, ci-dessous désignée « les sociétés Renoma » sont des sociétés immatriculées à Paris et dont le président est Monsieur Y.
Ayant constaté selon procès verbal de constat d’huissier en date des 6 et 7 mai 2015 que les trois photographies précitées consacrées au Chelsea Hôtel dont il se prétend être l’auteur étaient reproduites et représentées sans son autorisation par Monsieur Y. et les sociétés Renoma sur un dossier de presse, le carton de présentation et divers blogs consacrés à la présentation d’une exposition de photographies sur le thème du Chelsea Hôtel dénommée « Renoma présente Chelsea Hôtel » devant se tenir entre le 29 mai et le 31 juillet 2015 puis prolongée au 31 octobre 2015, Monsieur X. a mis en demeure Monsieur Y. et les sociétés Renoma par lettre du 22 mai 2015, et compte tenu de la poursuite des reproductions,
notamment sur internet, a fait procéder à un second constat d’huissier les 9 et 17 décembre 2015.
C’est dans ces conditions, que les tentatives de rapprochement amiable étant restées infructueuses, Monsieur X. a assigné Monsieur Y. et les sociétés Renoma devant le tribunal de grande instance de Paris, par acte du 29 décembre 2015, aux fins de les voir condamner à l’indemniser de son préjudice constitué par de prétendus actes de contrefaçon et subsidiairement d’actes de parasitisme.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 octobre 2016, Monsieur X. demande au tribunal , au visa des articles L.111.1, L.112-2, L. 122-4, L. 121-1 et L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle et de l’article 1382 du Code Civil, de :
Dire et Juger recevable et bien fondée l’action de Monsieur X. à l’encontre de la SAS Société Textile des Articles Renoma Star, la SAS Renoma Invest et Monsieur Y ;
À titre principal,
Juger que les photographies n° 1, n° 2 et n° 3 dont Monsieur X. est l’auteur sont originales et protégées par le droit d’auteur ;
Juger que les défendeurs ont commis des actes de contrefaçon en reproduisant et en représentant les photographies dont Monsieur X. est l’auteur ;
Juger que les défendeurs ont porté atteinte aux droits patrimoniaux de Monsieur X. en reproduisant et en représentant sans autorisation les photographies dont il est l’auteur ;
Juger que les défendeurs ont porté atteinte aux droits moraux de Monsieur X. en reproduisant sans mention de son nom les photographies dont il est l’auteur, en leur attribuant une fausse paternité et en y apportant des modifications graphiques non autorisées ;
En conséquence,
Faire interdiction aux défendeurs d’exploiter en violation des droits patrimoniaux et moraux de Monsieur X., les photographies dont celui-ci est l’auteur, sur tous supports, sous astreinte de 2.000 euros par infraction constatée, à compter d’un délai d’un mois après la signification du jugement à intervenir ;
Condamner solidairement la SAS Société Textile des Articles Renoma Star, la SAS Renoma Invest et Monsieur Y. à payer à Monsieur X. :
– une somme de 19.459 euros en réparation de l’atteinte aux droits patrimoniaux concernant la photographie n° 1 ;
– une somme de 29.188,50 euros en réparation de l’atteinte au droit moral concernant la photographie n° 1 ;
– une somme de 1.344 euros en réparation de l’atteinte aux droits patrimoniaux concernant la photographie n° 2 ;
– une somme de 2.017,50 euros en réparation de l’atteinte au droit moral concernant la photographie n° 2 ;
– une somme de 2.785 euros en réparation de l’atteinte aux droits patrimoniaux concernant la photographie n° 3 ;
– une somme de 4.177,50 euros en réparation de l’atteinte au droit moral concernant la photographie n° 3 ;
À titre subsidiaire :
Juger que la reproduction et la représentation par les défendeurs des photographies n° 1, n° 2 et n° 3 dont Monsieur X. est l’auteur, sans son autorisation, sans contrepartie et sans mentionner son nom constituent des actes de parasitisme ;
Condamner solidairement la SAS Société Textile des Articles Renoma Star, la SAS Renoma Invest et Monsieur Y. à payer à Monsieur X. :
– une somme de 19.459 euros au titre du préjudice économique concernant la photographie n° 1 ;
– une somme de 29.188,50 euros au titre du préjudice moral concernant la photographie n° 1 ;
– une somme de 1.344 euros au titre du préjudice économique concernant la photographie n° 2 ;
– une somme de 2.017,50 euros au titre du préjudice moral concernant la photographie n° 2 ;
– une somme de 2.785 euros au titre du préjudice économique concernant la photographie n° 3 ;
– une somme de 4.177,50 euros au titre du préjudice moral concernant la photographie n° 3 ;
En tout état de cause,
Condamner les défendeurs à payer à Monsieur X. une somme de 3.975 euros au titre de la perte de chance de vendre des tirages originaux ;
Condamner les défendeurs à procéder à la publication du jugement à intervenir dans trois titres de presse, au choix du demandeur, aux frais avancés par les défendeurs, dans la limite de 5.000 euros HT par publication ;
Condamner les défendeurs à procéder à la publication du jugement à intervenir sur la page d’accueil du blog https://…com sous le titre « Publication judiciaire : condamnation de Renoma », pendant une durée de six mois, avec une présentation identique aux autres articles du blog (caractères noirs sur fond blanc, titre en majuscule, taille des caractères du titre et du texte) dans un délai d’un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
Condamner les défendeurs à payer à Monsieur X. une somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, augmentée des frais des constats d’huissier en date des 6 et 7 mai 2015 et du 22 mai 2015, soit 498,40 euros T.T.C. et des frais de constat d’huissier en date des 9 et 17 décembre 2015, soit 465,20 euros T.T.C. ;
Condamner les défendeurs aux entiers dépens ;
Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel et sans constitution de garantie ;
Débouter les défendeurs de leurs demandes au titre de la procédure abusive et au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 septembre 2016, la Société Renoma Star, la Société Renoma Invest et Monsieur Y. demandent au tribunal de :
Débouter Monsieur X. de ses demandes au titre d’actes de contrefaçon et de parasitisme.
Subsidiairement, limiter à 340 Ä le préjudice subi par Monsieur X. ;
Débouter Monsieur X. de ses demandes au titre de la perte d’une chance.
Débouter Monsieur X. de l’intégralité de ses demandes accessoires.
Condamner Monsieur X. à payer à la Société Renoma Star, la Société Renoma Invest et Monsieur Y. :
– 10.000 € à titre de dommages intérêts pour procédure abusive
– 10.000 € au titre de l’article 700 CPC ainsi que les dépens
La clôture de l’instruction a été prononcée le 15 décembre 2016.
DISCUSSION
Sur l’originalité des photographies
Monsieur X. soutient que la photographie n°1 est originale, qu’elle résulte de choix techniques et de choix esthétiques en ce qu’il souhaitait transformer cette enseigne en une icône symbolique et a cherché à s’approcher d’une vision axonométrique de l’enseigne, qui lui est personnelle. Parmi ses choix créatifs, il expose notamment avoir fait le choix d’une pellicule argentique afin d’être en accord avec la période qui a marqué l’histoire du Chelsea Hôtel, de faire la prise de vue avec des pellicules en noir et blanc pour renforcer le côté obscur et « underground » du lieu, avoir choisi l’heure de prise de vue pour mettre en avant l’enseigne lumineuse et l’esprit sombre du Chelsea Hôtel, un film Kodak 320 Tri-X pour sa granulométrie en format 120, pour accentuer le côté ancien de la photographie, le cadrage, l’éclairage et l’angle de vue pour éliminer les éléments parasites, isoler l’enseigne et renforcer l’aspect axonométrique et sombre de la photographie ainsi que mettre en valeur la façade et a ainsi fait un choix méticuleux de l’emplacement depuis lequel il a pris la photographie en fonction du rendu esthétique qu’il désirait.
Concernant la photographie n°2, il soutient que l’originalité de la photographie est caractérisée par ses choix artistiques personnels et notamment le fait que le modèle ait été personnellement choisi à la suite d’un casting, le choix du lieu, le couloir permettant d’y faire préalablement déambuler le modèle dans l’optique de la mise en scène, la lumière avec un éclairage plongeant permettant d’obtenir une lumière uniforme sur le visage tout en soulignant le dessous du menton ainsi que la poitrine du modèle, la scénarisation et la pose du modèle puisque c’est le demandeur qui lui a demandé de poser dénudée, de s’accouder contre l’un des murs et de poser sa main contre l’autre, le cadrage pour que la contre plongée mette en exergue un personnage de pin-up semblant tituber, et la coiffure et le maquillage du modèle qui participent à l’esprit érotique de la photographie et donnent l’image de luxure et de décadence recherchée.
Concernant l’originalité de la photographie n°3, Monsieur X. soutient qu’elle est caractérisée par ses choix artistiques, en ce que le modèle a été personnellement choisi à la suite d’un casting, que le lieu a été choisi, après la visite de plusieurs chambres, pour son exposition quasi plein sud et l’éclairage en résultant, qu’il a choisi l’éclairage naturel qui souligne le corps du modèle, que l’absence de vêtement du modèle, les accessoires, la coiffure et le maquillage participent à l’esprit érotique de la photographie et donnent l’image de luxure et de décadence recherchée, que l’emplacement du modèle (allongée dans la diagonale du lit), tel que demandé par le photographe, permet d’obtenir une profondeur au niveau de l’arrière plan. Il soutient avoir choisi la scénarisation et la pose du modèle puisque c’est le demandeur lui a demandé de tenir dans sa main le flyer du salon de coiffure « clandestin » d’April Barton dans lequel se rendaient de nombreuses célébrités dans les années 60 et 70, et d’adopter une pose lascive, et ajoute que le cadrage final permet d’exploiter la profondeur de l’arrière plan, d’accentuer l’effet d’allongement des jambes et de souligner la ligne centrale et les diagonales qui ressortent de la photographie, donc que ces choix constituent manifestement des choix arbitraires de création et dès lors cette photographie traduit une empreinte personnelle.
Monsieur Y. et les sociétés Renoma rétorquent que la photographie n°1 n’est pas originale, en ce qu’elle est la représentation servile de l’enseigne et d’une partie de la façade de l’hôtel dans un décor sur lequel le photographe n’a aucune emprise et que Monsieur X. justifie de sa création par une vision proche de l’axonométrie, technique de représentation graphique des objets à l’aide de projections effectuées sur des plans perpendiculaires aux directions principales, octogonales de ces objets, particulièrement utilisée en architecture et en photographie, simple procédé technique ne constituant pas une originalité témoignant de la personnalité de son auteur. Ils ajoutent que le choix d’une prise de vue de nuit est tout à fait banal et évident lorsqu’on veut restituer toute l’importance d’une enseigne qui est éclairée la nuit et est en cela mise en exergue par rapport à la façade et que les arguments présentés par Monsieur X. sont des choix techniques qui ne témoignent aucunement de la personnalité de l’auteur. Ils soutiennent ensuite que la représentation litigieuse de l’enseigne du Chelsea Hotel a été reproduite sur une création graphique de Monsieur Y. laquelle se retrouve sur les lunettes portées par ce dernier, que la société a pris une photo de Mme Z. en tout point similaire de celle de Monsieur X. et l’a transformée pour qu’elle soit identique à celle utilisée par Monsieur Y., et qu’il est impossible de reconnaître la photo de Monsieur X. en ce que cela pourrait aussi bien être la sienne ou celle de Mme Z..
Concernant la photographie n°2, Monsieur Y. et les sociétés Renoma rétorquent que Monsieur X. se contente de décrire les caractéristiques esthétiques de sa photographie mais ne dit pas en quoi elle revêt l’empreinte de son auteur, que le cadrage, l’usage du noir et blanc et l’éclairage sont banals et n’apportent aucune originalité, que le choix du modèle, allongé sur le lit, n’est que la reprise d’œuvres antérieures créées par d’autres photographes et qui ne reflètent aucune originalité, et que la photo a été retravaillée et la nouvelle création insère une tête d’homme en marge de la photo, dont on pense qu’il regarde la femme nue, prouve le manque d’originalité de la photo.
Concernant la photographie n°3, ils soutiennent que les choix de Monsieur X. témoignent plus d’un savoir-faire, d’une technique comme par exemple l’explication du cadrage que d’une empreinte personnelle, et que la Société Renoma a trouvé les photos dont s’agit sur internet où elles étaient diffusées sans mention du nom du photographe et sans interdiction de reproduction, que les sociétés Renoma ne connaissaient pas Monsieur X. et donc ne connaissaient pas son site et qu’il est pour le moins contestable de diffuser ses photos sur internet sans aucune mention et d’indiquer par la suite en être l’auteur et réclamer une indemnisation.
Sur ce,
L’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.
Le droit ainsi conféré l’est, selon l’article L. 112-1 dudit code, à l’auteur de toute œuvre de l’esprit, quels qu’en soit le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.
Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une œuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale.
De plus, l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne en date du 1er décembre 2011 dans l’affaire C-145/10, Eva-Maria P. c/ Standard Verlags GmbH et a. est venu préciser qu’il «résulte du dix-septième considérant de la directive n° 93/98, qu’une création intellectuelle est propre à son auteur lorsqu’elle reflète la personnalité de celui-ci. Or tel est le cas si l’auteur a pu exprimer ses capacités créatives lors de la réalisation de l’œuvre, en effectuant des choix libres et créatifs (…). S’agissant d’une photographie de portrait, il y a lieu de relever que l’auteur pourra effectuer ses choix libres et créatifs de plusieurs manières et à différents moments lors de sa réalisation. Au stade de la phase préparatoire, l’auteur pourra choisir la mise en scène, la pose de la personne à photographier ou l’éclairage. Lors de la prise de la photographie de portrait, il pourra choisir le cadrage, l’angle de prise de vue ou encore l’atmosphère créée. Enfin, lors du tirage du cliché, l’auteur pourra choisir parmi diverses techniques de développement qui existent celle qu’il souhaite adopter, ou encore procéder, le cas échéant, à l’emploi de logiciels. A travers ces différents choix, l’auteur d’une photographie de portrait est ainsi en mesure d’imprimer sa ‘touche personnelle’ à l’œuvre créée ».
L’auteur doit donc être en mesure d’expliciter les éléments permettant de comprendre son effort créatif et ce qu’il revendique comme étant l’empreinte qu’il a imprimée à cette œuvre et qui ressort de sa personnalité.
Sur l’originalité de la photo n°1 ;
La photographie n°1 représente l’enseigne lumineuse du Chelsea Hôtel. Monsieur X. expose qu’il a voulu par le choix de la couleur (noire), la prise de vue dans la nuit garder l’essentiel afin de transformer cette enseigne en « icône symbolique ».
Il a ainsi décidé du moment à laquelle cette photographie a été réalisée (autour de 23h00) pour bénéficier de la nuit noire, le choix d’un film noir et blanc Kodak 320 tri-X en format 120, qui selon lui permet « d’accentuer le côté ancien », le choix du cadrage afin d’éliminer « la nuisance visuelle de la rue » et d’avoir moins d’effet de perspective, le tout pour que les lignes fuyantes de la façade sur la gauche et la droite de l’image se retrouvent plongées dans le noir pour faire disparaître la perspective conique et laisser place à « l’effet visuel d’axonométrie » et enfin pour « faire ressortir l’enseigne lumineuse comme objet iconique et solitaire ». Cette photographie est ainsi le résultat de délibérés et non imposés du photographe, qui a ainsi su capter l’objectif visé avec un angle de vue, un cadrage et un jeu de lumière spécifiques. Cette photographie procède d’un effort créatif et porte ainsi l’empreinte de la personnalité de son auteur.
Sur l’originalité de la photo n°2 ;
Cette photographie n°2 en noir et blanc représente un modèle féminin, dénudé, debout dans un couloir, posant devant la porte d’une chambre du Chelsea Hôtel.
Monsieur X. expose qu’il a voulu reproduire « une scène de vie du Chelsea Hôtel, lieu de luxure et de décadence dans les années 60/70 ».
Il a ainsi pour ce faire procédé au choix du modèle, du lieu (une chambre la plus délabrée, moquette ancienne, peinture écaillée située au 5ème étage pour bénéficier de la lumière extérieure), de l’éclairage plongeant permettant d’avoir une lumière uniforme sur le visage, d’un film noir et blanc, d’un optique grand angle « pour faire rentrer le spectateur dans la scène », et de la pose de la modèle (déambulant, fatigué/ébouriffé), avec un bras replié derrière la tête et un bras tendu, le coude en appui sur le mur d’un côté ».
Monsieur X. justifie ainsi que cette photographie est le résultat de ses choix délibérés et qu’il a ainsi su capter l’objectif visé avec un angle de vue, un cadrage et un jeu de lumière spécifiques et qui, procédant d’un effort créatif, porte ainsi l’empreinte de sa personnalité.
Sur l’originalité de la photo n°3 ;
Cette photographie n°2 en noir et blanc représente un modèle féminin, allongé sur un lit d’une chambre du Chelsea Hôtel.
Monsieur X. expose qu’il a voulu reproduire « une scène de vie du Chelsea Hôtel, lieu de luxure et de décadence dans les années 60/70 » et décrire le retour au petit matin d’une « pin-up » habitant au Chelsea Hôtel, fatiguée de sa nuit. Monsieur X. a ainsi fait le choix du lieu, du casting, de la lumière (exploitation de la lumière naturelle entrant dans la pièce et jeu sur l’effet rasant de cette lumière afin de créer un aspect clair-obscur), de la mise en scène (modèle dénudé, allongé en biais sur le lit, chevelure ébouriffée, robe posée sur la chaise), et du cadrage (utilisation de la masse sombre et verticale du décrochement du mur comme ligne centrale).
Cette photographie est donc le résultat de choix délibérés et non imposés du photographe, qui a ainsi su capter l’objectif visé avec un angle de vue, un cadrage et un jeu de lumière spécifiques et qui, procédant d’un effort créatif, porte l’empreinte de sa personnalité.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments que les trois photographies litigieuses, dont Monsieur X. est l’auteur, sont originales au sens du code de la propriété intellectuelle.
Sur les actes contrefaçon
Monsieur X. prétend d’abord avoir subi une violation de ses droits patrimoniaux du fait des actes de contrefaçon commis par Monsieur Y. et les sociétés Renoma en reproduisant et représentant sans autorisation les photographies dont il est l’auteur.
Concernant la photographie n°1, il invoque des reproductions sur le web dans le cadre de la promotion de l’exposition « Renoma présente Chelsea Hôtel », notamment dans le dossier de presse Renoma intitulé « Chelsea Hôtel », sur le carton de présentation de l’exposition «
Renoma présente Chelsea Hôtel » envoyé par courriel, sur les réseaux sociaux, dans plusieurs vidéos de présentation de l’exposition et dans de nombreux articles de presse en ligne. Il ajoute que les reproductions ont eu lieu dans le magazine Monsieur, également disponible à l’adresse https://…jpg, ce qui ressort du constat d’huissier des 9 et 17 décembre 2015, puis dans le cadre de l’exposition « Renoma présente Chelsea Hôtel ». Il soutient que des produits dérivés ont été commercialisés dans le cadre de cette exposition, à savoir des tee-shirts et sweat-shirts, avec la photographie de l’enseigne lumineuse du Chelsea Hôtel incrustée dans les lunettes sur un portrait de Monsieur Y.
Concernant la photographie n°2, Monsieur X. prétend qu’elle a fait l’objet de reproductions sur internet dans le cadre de la promotion de l’exposition sur le web à différentes adresses, ainsi que dans le cadre de l’exposition, et pour la photographie n°3 qu’elle a été reproduite
dans le dossier presse Renoma, intitulé « Chelsea Hôtel » rédigé en langue française et anglaise et dans le cadre de l’exposition sur le carton de présentation de l’exposition « Renoma présente Chelsea Hôtel ».
Monsieur X. invoque une violation du droit au respect du nom ainsi qu’à son droit au respect de l’œuvre. Il soutient d’abord que son nom et sa qualité d’auteur des photographies ne sont jamais mentionnés, puisqu’il y a eu une fausse attribution de paternité à Monsieur Y., en ce que certaines des photographies du demandeur sont assorties de la mention « Création graphique : M.Y. » ce qui laisse planer une ambiguïté quant à la paternité des photographies en cause et que d’autres photographies sont purement et simplement assorties de la mention « Crédit photos : M.Y. » ou bien « M.Y.» ce qui constitue une fausse attribution de la paternité de ces photographies, renforcée par la vidéo de présentation de l’exposition et le texte de présentation de l’exposition qui contiennent une voix off mentionnant Monsieur Y.
Il ajoute que les trois photographies ont subi diverses modifications graphiques constituant une atteinte au droit au respect de l’œuvre. Pour la photographie n°1, il prétend qu’elle a été doublement reproduite par la société Renoma, soit l’enseigne lumineuse du Chelsea Hôtel reproduite seule à l’instar de la photographie originale, et l’enseigne lumineuse du Chelsea Hôtel intégrée dans les lunettes, soit d’un personnage, soit d’un animal et que dans les deux cas la photographie originale de Monsieur X. a manifestement subi plusieurs modifications graphiques, en ce que pour la première des effets graphiques ont été ajoutés tout autour de l’enseigne lumineuse et l’effet sombre et iconique de la photographie a ainsi été amoindri, et pour la seconde la photographie a été intégrée dans une seconde photographie représentant soit le visage d’un homme, soit celui d’un animal (un cheval ou un chien), portant des lunettes dans lesquelles est intégrée l’enseigne lumineuse du Chelsea Hôtel, les dimensions de la photographie ont été réduites et la photographie a été dédoublée, l’enseigne apparaissant sur les deux verres des lunettes. Concernant la photographie n°2, Monsieur X. soutient qu’elle a subi des modifications graphiques par un recadrage, seul le buste et les bras du modèle apparaissant dans la vidéo de présentation de l’exposition et que dans le cadre de l’exposition, la photo d’un escalier a été ajoutée en surimpression. Concernant la photographie n°3, il invoque le fait qu’un filtre a été ajouté, tout comme un visage d’homme au premier plan à droite de la photographique et que le sens de la photographie a été inversé.
La société Textile des Articles Renoma Star, la société Renoma Invest et Monsieur Y. font valoir s’agissant de la photographie n°1 qu’ils ont pris une photo de Mme Z. qui est en tout point similaire de celle de Monsieur X. et l’ont transformée et font valoir qu’il est impossible de reconnaître la photo de ce dernier. Elles ajoutent que les photos ont été trouvées sur internet où elles étaient diffusées sans mention du nom du photographe et sans interdiction de reproduction.
Sur ce ;
Aux termes de l’article L.122-4 du code de la propriété intellectuelle, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayant droits ou ayant cause est illicite. Il en va de même pour la traduction, l’adaptation ou la
transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque ».
De même, en application de l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle « l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre ».
En l’espèce, il a été constaté selon procès-verbal de constat dressé par un huissier de justice les 6 et 7 mai 2015, puis les 9 et 17 décembre 2015, les reproductions suivantes :
S’agissant de la photographie n°1, dans le dossier de presse Renoma intitulé « Chelsea Hôtel » ; sur le carton de présentation de l’exposition « Renoma présente Chelsea Hôtel » ; sur les réseaux sociaux (blog, Facebook, Twitter de la société Renoma) et dans plusieurs vidéos de présentation de l’exposition et de nombreux articles de presse en ligne ainsi que dans le cadre de l’exposition « Renoma présente Chelsea Hôtel ». Enfin, cette photographie a été incrustée dans les lunettes sur un portrait de Monsieur Y. et a servi d’illustration de tee- shirts proposés à la vente. Contrairement aux allégations des défendeurs, le tribunal constate que l’image incrustée dans les lunettes que porte Monsieur Y. reprend les caractéristiques essentielles de l’œuvre de Monsieur X. et notamment la volonté de centrer sur l’enseigne lumineuse pour en faire un objet iconique et solitaire, de telle sorte que la reproduction, même si elle s’accompagne de modifications secondaires, est établie.
S’agissant de la photographie n°2, celle-ci a été reproduite et diffusée à l’occasion de la promotion de l’exposition sur internet et dans le cadre de l’exposition étant observé qu’un recadrage a été opéré, seuls le buste et les bras du modèles apparaissant dans la vidéo.
S’agissant de la photographie n°3, celle-ci a été reproduite dans le dossier de presse Renoma, intitulé « Chelsea Hôtel », dans le cadre de la promotion de l’exposition et sur sur le carton de présentation de l’exposition « Renoma présente Chelsea Hôtel » étant observé que la photographie a été modifiée, un visage ayant été ajouté au premier plan et l’image ayant été inversée.
En outre, il peut être constaté que le nom de Monsieur X. n’est pas mentionné étant observé que certaines des photographies sont assorties de la mention « graphique création : M.Y. » ou de la mention « Crédit photos : M.Y. ». De même, il est indiqué sur le blog Renoma que « Avec un jeu de mots, M.Y. transmute son exposition sur le Chelsea Hôtel en une collection capsule de t-shirts, Chel « see ». Étant l’auteur de ces projets, le Chelsea Hôtel est perçu à travers son regard ».
Il ressort de ces éléments que la contrefaçon des trois photographies litigieuses est établie outre l’atteinte portée aux œuvres en elles-mêmes au regard des modifications opérées ainsi que l’atteinte faite à Monsieur X. à la paternité de ses œuvres.
Sur la réparation du préjudice :
Monsieur X. procède au chiffrage du préjudice subi du fait de la violation de ses droits patrimoniaux et moraux des actes de contrefaçon. Il estime, pour la photographie n°1 et concernant l’atteinte à ses droits patrimoniaux, que le montant de la redevance qui lui aurait été due s’évalue à 2.419,50 + 732 = 3.151,50 euros, s’il avait donné son accord préalable à la reproduction de la photographie dont il est l’auteur, et ajoute qu’eu égard à l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle et conformément aux règles des barèmes UPP et ADAGP, il convient d’ajouter à ce montant une pénalité de 100% du fait de l’absence d’accord préalable à la reproduction de la photographie, soit un montant total de 3.151,50 + 3.151,50 = 6.303 euros. Il prétend que le préjudice patrimonial du fait de la reproduction sans accord préalable des photographies dans le cadre de l’exposition s’élève à 1.545 + 1.545 euros, soit 3.090 euros, et que le préjudice patrimonial du fait du merchandising sans accord préalable s’élève à 5.033 + 5.033 euros, soit 10.066 euros et sollicite la somme globale de 6.303 + 3.090 + 10.066 = 19.459 euros en réparation des atteintes portées à ses droits patrimoniaux du fait de la reproduction de la photographie n° 1 dont il est l’auteur. Au titre du droit moral, il estime que le préjudice moral du fait de la reproduction de la photographie n° 1 pour la promotion de l’exposition (sur support papier et internet) se chiffre à 3.151,50 x 3 = 9.454,50 euros, celui du fait de la reproduction de la photographie n° 1 dans le cadre de l’exposition se chiffre pareillement à 1.545 x 3, soit
4.635 euros, et du fait du merchandising se chiffre pareillement à 5.033 x 3, soit 15.099 euros donc il sollicite la somme globale de 9.454,5 + 4.635 + 15.099 = 29.188,50 euros en réparation des atteintes portées à ses droits moraux afférents à la photographie n° 1.
Concernant la photographie n°2, Monsieur X. soutient pour le préjudice patrimonial que le montant de la redevance qui lui aurait été due s’évalue à 276,50 + 63 = 339,50 euros, s’il avait donné son accord préalable à la reproduction de la photographie dont il est l’auteur, et d’ajouter à ce montant une pénalité de 100% du fait de l’absence d’accord préalable à la reproduction de la photographie dont il est l’auteur, soit un montant total de 339,50 + 339,50 = 679 euros. Au titre du préjudice moral, il soutient que le préjudice moral du fait de la reproduction de la photographie n° 2 pour la promotion de l’exposition (sur internet) se chiffre à 339,50 x 3 = 1.018,50 euros et celui du fait de la reproduction de la photographie n° 2 dans le cadre de l’exposition se chiffre pareillement à 333 x 3, soit 999 euros et sollicite la somme globale de 1.018,50 + 999 = 2.017,50 euros.
Concernant la photographie n°3, Monsieur X. soutient que le montant de la redevance qui lui aurait été due s’évalue à 1.392,50 euros, s’il avait donné son accord préalable à la reproduction de la photographie dont il est l’auteur, auquel il convient d’ajouter à ce montant une pénalité de 100% du fait de l’absence d’accord préalable à la reproduction de la photographie dont il est l’auteur, soit un montant total de 1.392,50 + 1.392,50 = 2.785 euros, et ajoute au titre du droit moral qu’il convient d’ajouter une pénalité de 100% du fait de l’absence de mention de son nom, outre une pénalité de 100% du fait de la fausse attribution de paternité et une pénalité de 100% du fait de l’atteinte à l’intégrité de l’œuvre, soit un montant total de 1.392,50 x 3 = 4.177,50 euros.
Monsieur Y. et les sociétés Renoma rétorquent concernant la photographie n°1 que les demandes sont exorbitantes et que par comparaison le prix moyen pour l’utilisation de photographies pendant 6 mois est de 340 euros (selon devis de la société Getty Image), que quelques tee-shirts et sweats shirts offerts à la vente dans le cadre de l’exposition Capsul ont été fabriqués en interne, seulement pour le temps de l’exposition, et que seuls deux ont été vendus aux amis de Monsieur X. venus manifestement à cette fin. Ils ajoutent avoir demandé à leur expert-comptable une attestation concernant le chiffre d’affaires réalisé avec les vêtements litigieux, qui indique qu’il n’est pas possible de déterminer précisément les modèles vendus, et soutiennent en tout état de cause que la photo de Monsieur X. n’est absolument pas reconnaissable sur ces vêtements. Ils estiment que les demandes de pénalité de 100 % du fait de l’absence d’accord préalable à la reproduction, sont infondées et au titre de son préjudice moral sont infondées également, et reprennent les mêmes arguments pour la photographie n°2 et n°3 ajoutant avoir retiré la photographie n°2 de l’exposition, et s’agissant de la photographie n°3 que l’utilisation de celle-ci ne peut justifier les sommes demandées qui ne peuvent dépasser 340 euros.
Sur ce,
Afin d’évaluer le préjudice subi par Monsieur X. du fait des actes de contrefaçon commis par la société Textile des Articles Renoma Star, la société Renoma Invest et Monsieur Y., il y a lieu, en application des articles L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, de prendre en considération distinctement toutes « les conséquences économiques négatives » de la contrefaçon dont le manque à gagner et la perte subie, mais aussi les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral. Les conséquences négatives de la contrefaçon résultent du gain manqué et de la perte subie par la victime de la contrefaçon.
En l’espèce, il ressort des procès-verbaux de constat des 6 et 7 mai 2015, puis 9 et 17 décembre 2015 que la photographie n°1 a été reproduit à 5 reprises sur des supports papier, à 31 reprises sur divers courriels, sites et blogs internet, à 6 reprises dans le cadre de
l’exposition et a été utilisées comme visuel sur des tee-shirt. Au regard des tarifs moyens applicables issus tant du barème indicatif de l’Union des photographes professionnels que du barème élaboré par la société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques (ADAGP), calculés sur la base d’une reproduction d’une durée de 3 mois pour celles ayant
été perpétrés sur internet, Monsieur X. aurait dû percevoir une somme qui peut être évalué à 5 000 euros, à laquelle il convient d’appliquer un coefficient multiplicateur de 50% du fait de l’absence de recueil de son consentement de telle sorte que le montant dû à Monsieur X. au titre de son préjudice patrimonial peut être évalué à 7500 euros. Le préjudice moral de Monsieur X. sera évalué à une somme globale de 1000 euros, soit un préjudice évalué à une
somme totale de 8 500 euros.
S’agissant de la photographie n°2, il ressort de ces mêmes procès- verbaux que celle-ci a été reproduite à 12 reprises sur les sites internet et blogs, et une fois dans le cadre de l’exposition de telle sorte que le préjudice patrimonial au regard des tarifs moyens évoqués ci-dessus, peut être évalué à la somme de 650 euros, à laquelle il convient d’appliquer une coefficient multiplicateur de 50% du fait de l’absence de recueil de son consentement de telle sorte que le montant dû à Monsieur X. au titre de son préjudice patrimonial peut être évalué à 975 euros. Le préjudice moral de Monsieur X. sera évalué à une somme globale de 1 000 euros, soit un préjudice évalué à une somme totale de 1975 euros.
S’agissant de la photographie n°3, il ressort de ces mêmes procès verbaux et des demandes formées par Monsieur X. aux termes de ses conclusions que celle-ci a été reproduite à 3 reprises sur le dossier presse et le carton d’invitation de telle sorte que le préjudice patrimonial au regard des tarifs moyens évoqués ci-dessus, peut être évalué à la somme de 1 300 euros, à laquelle il convient d’appliquer une coefficient multiplicateur de 50% du fait de l’absence de recueil de son consentement de telle sorte que le montant dû à Monsieur X. au titre de son préjudice patrimonial peut être évalué à 1 950 euros. Le préjudice moral de Monsieur X. sera évalué à une somme globale de 1000 euros, soit un préjudice évalué à une somme totale de 2 950 euros.
La société Textile des Articles Renoma Star, la société Renoma Invest et Monsieur Y. seront en conséquence condamnés in solidum à payer à Monsieur X. la somme de 13 425 euros à titre de dommages et intérêts pour la contrefaçon des trois photographies litigieuses, ce dernier étant débouté pour le surplus en ce compris la demande de publication qui n’est pas justifiée en l’espèce, le préjudice étant réparé par l’octroi des dommages et intérêts précités.
Sur le préjudice lié à la perte de chance alléguée par Monsieur X.
Monsieur X. prétend que les actes de mise en vente et la reproduction non autorisés de ses œuvres ont engendré pour l’auteur une perte de chance de pouvoir vendre ses tirages originaux, en ce qu’un collectionneur n’achètera pas le tirage original d’une photographie alors que celle-ci figure sur des tee-shirts et des sweat- shirts Renoma ou a été reproduite sur internet à de multiples reprises et que le prix moyen de vente de ses photographies étant de 1.325 euros son préjudice peut être évalué à 1.325 x 3 = 3.975 euros.
Monsieur Y. et les sociétés Renoma répondent que seulement deux tee-shirts ont été vendus à des amis de Monsieur X., manifestement mandatés dans ce but et que la probabilité que des collectionneurs veuillent acheter la photo n° 1 de Monsieur X. est quasi nulle, compte tenu du manque d’originalité totale de cette photo.
Sur ce,
Constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable.
Les photographies de Monsieur X. ayant été largement diffusées sans son consentement, celui-ci peut en effet se prévaloir d’une perte de chance de pouvoir espérer vendre des tirages originaux de ces photographies alors qu’il est photographe professionnel et justifie avoir participé à de nombreuses expositions présentant son travail.
Il est en conséquence fondé à solliciter la réparation de ce préjudice, lequel demeure cependant distinct de l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.
Il sera en conséquence accordé à Monsieur X. une somme qu’il convient de fixer à une somme de 2 000 euros au titre de la perte de chance et de le débouter pour le surplus
Sur la demande reconventionnelle de Monsieur Y. et des sociétés Renoma
Monsieur Y. et les sociétés Renoma soutiennent que Monsieur X. a engagé la présente instance alors que ses photos ne présentaient pas la moindre originalité, qu’il a cherché par des fondements successifs à obtenir l’indemnisation d’un préjudice inexistant, que ses photos ne présentent aucune originalité, ni notoriété, ni valeur économique et demande qu’il soit condamné à leur payer la somme de 10.000 Ä à titre de dommages intérêts pour procédure abusive.
Monsieur X. rétorque que la présente procédure n’a rien d’abusive et qu’ainsi la demande reconventionnelle à ce titre sera rejetée.
Sur ce,
L’exercice d’une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à des dommages et intérêts qu’en cas de faute susceptible d’engager la responsabilité civile de son auteur.
En l’espèce, la société Textile des Articles Renoma Star, la société Renoma Invest et Monsieur Y., qui succombent, seront déboutés de leur demande à ce titre.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Il y a lieu de condamner la société Textile des Articles Renoma Star, la société Renoma Invest et Monsieur Y., parties perdantes, aux dépens.
En outre, ils doivent être condamnés à verser à Monsieur X., qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 10 000 euros à laquelle s’ajouteront les frais des deux procès-verbaux de constat d’huissier en date des 6 et 7 mai 2015 (369,20 euros TTC) et en date des 9 et 17 décembre 2015 (465,20 euros TTC).
Compte tenu de l’ancienneté du litige, il convient d’assortir la présente décision de l’exécution provisoire qui apparaît compatible avec la nature de l’affaire.
DÉCISION
Le tribunal, statuant publiquement par décision mise à disposition au greffe rendue en premier ressort et contradictoire,
DIT que les photographies n° 1, n° 2 et n° 3, objet de la présente procédure, dont Monsieur X. est l’auteur, sont originales et protégées par le droit d’auteur ;
DIT qu’en reproduisant et en représentant les photographies dont Monsieur X. est l’auteur sans son consentement sur divers supports papiers, blogs et sites internet ainsi qu’au cours d’une exposition qui s’est déroulée entre le 29 mai et le 31 octobre 2015 la société Textile des Articles Renoma Star, la société Renoma Invest et Monsieur Y. se sont rendus coupables d’actes de contrefaçon des droits d’auteur de Monsieur X. ;
DIT qu’en reproduisant sans mention de son nom les photographies dont il est l’auteur, en leur attribuant une fausse paternité et en y apportant des modifications graphiques non autorisées, la société Textile des Articles Renoma Star, la société Renoma Invest et Monsieur Y. ont porté atteinte au droit moral de Monsieur X. ;
En conséquence,
FAIT INTERDICTION à la société Textile des Articles Renoma Star, la société Renoma Invest et Monsieur Y. de poursuivre ces agissements, et ce sous astreinte provisoire de 300 euros par infraction constatée, à compter d’un délai d’un mois après la signification du présent jugement et ce pendant un délai de 90 jours ;
DIT que le tribunal se réserve la liquidation de l’astreinte ;
CONDAMNE in solidum la société Textile des articles Renoma Star, la société Renoma Invest et Monsieur Y. à payer à Monsieur X. la somme de 13 425 euros à titre de dommages et intérêts pour la contrefaçon des trois photographies litigieuses et l’atteinte au droit moral ;
CONDAMNE in solidum la société Textile des Articles Renoma Star, la société Renoma Invest et Monsieur Y. à payer à Monsieur X. la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la perte de chance ;
DEBOUTE Monsieur X. pour le surplus ;
CONDAMNE in solidum la société Textile des Articles Renoma Star, la société Renoma Invest et Monsieur Y. à payer à Monsieur X. la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, augmentée des frais du constat d’huissier en date des 6 et 7 mai 2015 soit 369,20 euros TTC et des frais du constat d’huissier en date des 9 et 17 décembre 2015, soit 465,20 euros T.T.C. ;
CONDAMNE in solidum la société Textile des Articles Renoma Star, la société Renoma Invest et Monsieur Y. aux dépens ;
ORDONNE l’exécution provisoire.
Le Tribunal : François Ancel (premier vice-président adjoint), Françoise Barutel (vice-présidente), Marie Courboulay (vice-présidente), Jeanine Rostal (greffier)
Avocats : Me Guillaume Sauvage, Me Michel Delvoie
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