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Jurisprudence : Marques

lundi 16 avril 2012
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Tribunal de grande instance Nanterre 1ère chambre Jugement du 02 février 2012

Institut national des arts divinatoires / Virginie F.

contrefaçon - droit d'auteur - internet - publication judiciaire - réseaux sociaux

FAITS ET PROCÉDURE

L’institut National des Arts Divinatoires (ci-après Inad) est une association qui, aux termes de ses statuts établis le 15 novembre 1999, a pour objet essentiellement l’information du public sur les arts divinatoires, la défense des consommateurs victimes de ces activités et la recherche dans ce domaine.

Il exploite un site internet “www.inad.info” réservé depuis le 8 octobre 2001 et édite une revue trimestrielle intitulée “Inad Consommateurs”, déclarée le 15 février 2000.

Ayant appris que Madame Virginie F. souhaitait lancer un magazine Inad Magazine et que la marque semi figurative IN-AD Magazine avait été déposée le 15-10-2010 à l’Inpi dans les classes 16, 35, 38 et 41( pour les produits de l’imprimerie, la publicité, les télécommunications et la formation), l’association Inad a entrepris auprès d’elle des démarches amiables en vue de l’empêcher d’utiliser ce titre, mais vainement.

Par acte du 5 janvier 2011, elle a assigné Madame F. devant ce tribunal au visa des articles L 112-1, L 112-4, L 122-4, L 335-3, L 711-4b), L 711-4b)e) et L 714-3 du code de la propriété intellectuelle, ainsi que de l’article 1382 du code civil, aux fins de :
– voir déclarer nul l’enregistrement de la marque “IN-AD Magazine” n° 3768938 en ce qu’il porte atteinte aux droits sur sa dénomination, son nom de domaine ainsi qu’à ses droits d’auteur antérieurs sur le terme “Inad”, et ordonner la transmission du jugement à intervenir à l’Inpi pour inscription au registre de marques,
– voir condamner Madame F. à lui verser 15 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon qu’elle a commis en déposant et exploitant la marque “IN-AD Magazine”, reproduisant et représentant le terme “Inad,” et 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour avoir créé un risque de confusion dans l’esprit du public,
– voir interdire à Madame F. sous astreinte de 300 € par jour de retard et infraction constatée d’utiliser le titre “Inad” à l’identique ou de manière similaire comme nom de domaine, titre de magazine ou titre de groupe ou page facebook,
– voir condamner Madame F. à lui verser 3000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Madame F., régulièrement assignée à sa personne, n’a justifié que du dépôt d’une demande d’aide judiciaire en date du 1er avril 2011, à laquelle aucune suite n’avait été donnée au 12 décembre 2012, date fixée pour la clôture à défaut de constitution dans son intérêt.

L’intéressée ne s’étant plus manifestée, cette clôture a été prononcée.


DISCUSSION

Sur la nullité de marque

Aux termes de l’article L 711-4 du code de la propriété intellectuelle, “ne peut être adoptée comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment à une dénomination ou raison sociale ou à des droits d’auteur, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public.”

En application de l’article L 112-1 du code de la propriété intellectuelle, la protection des droits d’auteur s’applique à toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. Est toutefois requis que l’œuvre soit originale.

En l’espèce, l’Inad invoque l’atteinte à sa dénomination sociale et à son nom de domaine par la marque déposée par Madame F. qui leur est postérieure en raison d’un risque de confusion dans l’esprit du public.

Elle invoque également la protection du droit d’auteur pour sa dénomination sociale, son nom de domaine et également le titre du magazine qu’elle édite, en ce, bénéficiant de l’antériorité sur la dite marque, ils présentent un caractère original.

L’Inad établit en produisant ses statuts que l’association qui porte cette dénomination sociale a été créée en 1987, et déclarée en préfecture le 3 novembre 1987, que celle-ci exploite le nom de domaine “inad.info” enregistré le 8 octobre 2001, comme le montre une capture d’écran dont la validité n’est pas remise en cause, qu’elle a édité un livre sous cette dénomination en 2008, versé aux débats, et une revue “Inad consommateurs” dont elle verse au dossier deux numéros datant de 2003.

La marque “IN-AD Magazine” de Madame F. est indéniablement postérieure à ces droits, puisque déposée le 24 septembre 2010, pour désigner des produits et services des classes 16, 35, 38 et 41.

Les activités de Madame F. visant, comme l’Inad, les publications et réseaux informatiques en matière d’arts divinatoire, et sa marque apparaissant comme la reproduction du sigle de l’Inad, uniquement coupé d’un trait d’union, avec l’adjonction du “Magazine”, intégrant ainsi la dénomination sociale de l’Inad, et l’élément attractif de ses déclinaisons “inad info” et “Inad consommateurs”: le risque de confusion pour le consommateur moyen est évident.

La marque porte donc atteinte à ses droits antérieurs, ainsi qu’à ses droits d’auteur sur le titre de son journal “Inad Consommateurs”, dont l’originalité ne lui est pas contestée, et la nullité de l’enregistrement de sa marque est encourue : la demande de l’Inad de ce chef sera accueillie.

Sur la réparation du préjudice

La contrefaçon ainsi mise en évidence justifie les demandes d’interdiction formulées, auxquelles il sera fait droit.

Par ailleurs, l’Inad fonde sa demande de dommages et intérêts sur les actes de contrefaçon par reproduction et représentation de sa dénomination sociale, de son nom de domaine et du titre de son magazine sans son autorisation, et sur la faute qu’elle impute à Madame F. du fait du risque de confusion qu’elle crée dans l’esprit du public, provoquant un manque à gagner en raison de la licence qu’elle aurait pu lui octroyer et de la déperdition de ses membres et clients.

Au titre de la contrefaçon, l’Inad réclame une somme de 15 000 €, à défaut de tout élément justificatif, notamment sur le préjudice que lui aurait causé une exploitation de la marque contrefaisante, c’est une somme de un euro qui lui sera allouée de ce chef.

L’Inad sollicite encore 15 000 € sur le fondement de l’article 1382 du code civil.

Toutefois, elle ne justifie pas de faits distincts de ceux qui fondent la contrefaçon en évoquant le risque de confusion dans l’esprit du public, ni ne démontre qu’elle aurait pu octroyer une quelconque licence, dont aucun élément ne permet d’évaluer le montant, et qu’elle a subi une déperdition de clientèle.

Cette prétention sera par conséquent écartée.


Sur l’indemnité de procédure

L’Inad ayant dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité de 3000 € lui sera accordée par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

L’exécution provisoire, compatible avec la nature de l’affaire, sera ordonnée.

DÉCISION

Par ces motifs

. Prononce la nullité de l’enregistrement de la marque IN-AD Magazine n° 3768938 déposée le 24 septembre 2010 par Madame F. à l’Inpi et dit que le présent jugement sera transmis à l’Inpi à la diligence de l’association Inad, aux frais de la défenderesse,

. Dit que Madame F. a commis des actes de contrefaçon au préjudice de l’institut national des arts divinatoire (Inad) et la condamne à verser à celui-ci la somme de 1 euro à titre de dommages et intérêts,

. Fait interdiction à Madame F., sous astreinte de 100 € par jour de retard et par infraction constatée, d’utiliser le vocable IN-AD comme nom de domaine, titre de magazine ou titre de groupe ou page facebook, passé le délai de quinze jours de la signification du présent jugement,

. Se réserve la liquidation éventuelle de l’astreinte,

. Déboute l’institut national des arts divinatoire (Inad) du surplus de ses demandes,

. Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement,

. Condamne Madame F. à verser à l’institut national des arts divinatoire (Inad) une indemnité de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

. La condamne aux entiers dépens.

Le tribunal : Mme Nicole Girerd (première vice-présidente), Mme Gwenaël Cougard (vice présidente), M. Benoit Chamouard (juge)

Avocats : Me Pablo Montoya, Me Arnaud Dimeglio

 
 

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