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Jurisprudence : Marques

mercredi 05 juin 2013
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Tribunal de grande instance de Paris Ordonnance de référé 23 mai 2013

Frédéric P. / Etat français

état - marque - référé - ressemblances - risque de confusion - site internet

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur P. est titulaire de la marque française “Data Connexion” n° 3284874 enregistrée le 8 avril 2004 pour désigner les produits et services suivants en classes 35, 38 et 41 :
“Publicité – diffusion de matériel publicitaire (tracts, imprimés, échantillons, prospectus) – conseil en organisation des affaires – gestion des fichiers informatiques – organisation d’expositions. Publicité en ligne sur réseaux informatiques – location de temps et d’espaces publicitaires sur tout moyen de communication – publication de textes publicitaires. Location d’adresses et de fichiers d’adresses – conseil marketing. Diffusion d’annonces publicitaires. Fourniture d’accès à un réseau informatique mondial – agence de presse ou d’informations – service de messagerie électronique. Publication électronique de livres et de périodiques en ligne – organisation et conduite de colloques

II indique effectuer des formations, organiser des conférences et rédiger des guides spécialisés dans le marketing des données.

Il a créé le 28 septembre 2004 la société Data Connexion qui exerce, au vu de son extrait Kbis, une activité de conseil en marketing, marketing direct et e-marketing, organisation d’opérations de communication directe ou globale, routage d’emails, organisation de salons professionnels, de symposium et de formations spécialisées et d’enseignement dans des organismes universitaires ou privés.

Monsieur P. a enregistré le nom de domaine “dataconnexion.net” le 13 janvier 2004 et la société Data Connexion est titulaire du nom de domaine “dataconnexion.fr” depuis le 16 mai 2006.

Le requérant expose avoir découvert que le site internet www.etalab.gouv.fr reproduisait sa marque sous la forme “dataconnexions” et que l’Etat français exploitait le nom de domaine “dataconnexions.fr”, enregistré le 2 décembre 2011 par le secrétariat général du gouvernement, pour renvoyer au site “www.etalab.gouv.fr”.

Par ailleurs, l’Etat français a enregistré la marque “Dataconnexions” le 24 janvier 2012 sous le numéro 3891220 pour désigner des produits et services en classes 35, 38, 41 et 42.

Le demandeur a donc fait dresser un constat d’huissier sur internet le 29 janvier 2013.

L’Etat expose que le projet Dataconnexions a été initié en mai 2012 par la mission Etalab, qui coordonne l’action de ses services et de ses établissements publics pour faciliter la réutilisation la plus large possible de leurs informations publiques. A cette fin, elle organise notamment des concours Dataconnexions destinés à accompagner ou mettre en valeur des projets d’application, de service ou de visualisation des données interactives réutilisant les données publiques.

Le 30 janvier 2013, Monsieur P. amis en demeure l’Etat français de cesser toute exploitation de la marque et du nom “data connexion” à l’identique ou de manière similaire, de radier la marque n° 3891220 et de supprimer le nom de domaine “dataconnexions.fr” et a sollicité une indemnité en réparation des préjudices subis.

Cette mise en demeure étant restée vaine, il a fait assigner l’Etat français pris en la personne de l’agent judiciaire de l’Etat, par acte d’huissier délivré le 21 février 2013.

L’affaire, appelée à l’audience du 21 mars 2013, a été renvoyée à l’audience du 18 avril suivant pour permettre aux parties de répliquer aux conclusions et pièces communiquées tardivement.

À l’audience du 18 avril 2013, Monsieur P., développant oralement ses observations écrites, demande au juge des référés, vu les articles L. 716-6, L. 713-2 et 3, L. 711-4 et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle et l’article L. 45-2 du code des postes et communications électroniques, de :
– Dire et juger que l’enregistrement de la marque “Dataconnexions” par l’Etat français constitue vraisemblablement sur le fondement des articles L.713-2 et 3 du code de la propriété intellectuelle, une contrefaçon de sa marque “Data connexion” ;
– Dire et juger que l’utilisation par l’Etat français d’un signe identique à la marque de Monsieur P. “Data Connexion” enregistrée le 8 avril 2004 à l’Inpi sous le numéro 3284874 dans les classes 35, 38 et 41 pour désigner des services identiques à ceux visés dans l’acte d’enregistrement de la marque et à ceux exploités par la société Data Connexion, constitue vraisemblablement des contrefaçons de sa marque, au sens de l’article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle ;
– Dire et juger que l’utilisation de la marque Data Connexion par l’Etat français pour des services similaires à ceux désignés dans l’acte d’enregistrement de la marque de Monsieur P. et l’utilisation imitée de la marque Data Connexion par le rattachement des deux mots Data et Connexion et l’adjonction de la lettre “s” crée un risque de confusion dans l’esprit du public et constitue vraisemblablement des actes contrefaçons de marque, au sens de l’article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;
– Dire et juger que l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine “dataconnexions.fr” par l’Etat français constituent vraisemblablement des actes de contrefaçon de la marque “Data Connexion” au sens de l’article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;
– Condamner par conséquent l’Etat français, sous astreinte de 1000 € par jour de retard à :
* cesser toute utilisation de la marque et du nom “Data Connexion” à l’identique ou de manière similaire et sur tous supports ;
* effectuer la radiation de la marque “Dataconnexions” enregistrée sous le numéro 3891220 auprès de l’Inpi ;
* demander auprès de l’Afnic la suppression du nom de domaine “dataconnexions.fr” ;
* communiquer à Monsieur P. tous documents bancaires, financiers, comptables ou commerciaux et informations pertinentes permettant d’évaluer au mieux le préjudice de la contrefaçon de la marque Data Connexion et notamment les contrats conclus entre l’Etat français et ses partenaires au projet Etalab/DataConnexions ;
– Condamner l’Etat français à verser à Monsieur P. la somme de 94 552 € à titre de provision sur les préjudices ;
– Condamner l’Etat français à verser à Monsieur P. la somme de 8945,74 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;
– Ordonner l’exécution provisoire de l‘ordonnance à intervenir.

Monsieur P. se prévaut d’une part d’un usage à titre personnel de la marque “dataconnexion” dont il est titulaire et d’autre part d’un usage par la société Data Connexion depuis sa création le 28 septembre 2004, conformément à une licence aujourd’hui publiée à l’Inpi, concédée pour l’ensemble des produits et services visés.

Il estime que sa marque n’encourt aucune déchéance, ne serait-ce que partielle, compte tenu de son exploitation sérieuse et effective.

Monsieur P. fait valoir que l’enregistrement et l’utilisation de la marque “Dataconnexions” par l’Etat français pour des produits et services identiques et similaires à ceux désignés dans sa marque française, constituent des actes de contrefaçon vraisemblable par reproduction ou à tout le moins par imitation, compte tenu du risque de confusion existant aux yeux du public, lequel peut être amené à croire qu’il existe un lien économique entre Monsieur P. et l’Etat français dans le domaine de la gestion des données. II déclare subir un manque à gagner économique, accentué par le référencement de l’Etat sur le moteur de recherche Google avec le mot clef “dataconnexion”.

Il considère par ailleurs que le nom de domaine “dataconnexions.fr” constitue une contrefaçon de sa marque antérieure.

Monsieur P. soutient que l’usage du signe “dataconnexions” par l’Etat français intervient dans la vie des affaires puisqu’au travers de l’utilisation de la marque Dataconnexions, l‘Etat fait sa propre promotion mais également de la publicité pour des sociétés privées, qui concurrencent directement Monsieur P. En outre, ce dernier soutient que le projet Dataconnexions est bien dans sa phase d’exploitation et en déduit que l’Etat intervient bien dans la vie des affaires.

Il sollicite une provision à valoir sur son préjudice patrimonial et moral subi à titre personnel pendant un an, qu’il évalue à 94 552 €, résultant notamment d’une perte de revenus au titre de son mandat social et de ses dividendes compte tenu de la perte d’activité de la société Data connexion. Il excipe en outre d’une perte de redevance et d’une perte de marchés.

Afin d’être éclairé sur son préjudice exact, il sollicite la communication des documents bancaires, financiers, comptables et commerciaux ainsi que toute informations pertinentes, dont notamment les contrats conclus par l’Etat avec ses partenaires.

Enfin, il réclame le remboursement des frais de constat et de ses frais de justice.

Madame l’Agent Judiciaire de l’Etat, représentant l’Etat français, a exposé oralement à l’audience ses observations écrites et sollicite, vu les articles L. 713-2, L. 713-3, L. 714-5 et L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle, de :
– Constater que le demandeur ne justifie pas d’avoir fait un usage de la marque Data Connexion ;
– Constater que Monsieur P. encourt la déchéance de cette marque ;
– Rejeter les demandes présentées par Monsieur P. ;
– Condamner Monsieur P. à lui verser la somme de 4000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Le condamner aux entiers dépens.

L’Agent judiciaire de l‘Etat fait valoir que les signes étant différents, seule une contrefaçon par imitation pourrait être caractérisée mais qu’en l’espèce, l’Etat n’utilise le signe “Dataconnexions” que pour l’organisation de concours, alors que ce service n’est pas visé dans la marque française du requérant ni exploité par Monsieur P. Il conclut à l’absence de risque de confusion et donc à l’absence de contrefaçon vraisemblable.

Par ailleurs, l’Etat s’interroge sur l’exploitation sérieuse du signe “Data connexion” à titre de marque telle que déposée, par la société éponyme ou par Monsieur P. à titre personnel et soutient que la déchéance est encourue, ce qui doit entraîner le rejet de la demande de cessation d’usage.

Subsidiairement, le défendeur considère que l’usage de la marque Dataconnexions par Etalab n’est pas fait dans la vie des affaires dès lors qu’il ne tend pas à l’obtention d’un avantage direct ou indirect de nature économique puisque le seul usage qui en est fait porte sur l’organisation d’un concours gratuit qui poursuit un but d’intérêt général, dont l’Etat ne retire aucun avantage économique.

A titre infiniment subsidiaire, il s’oppose aux demandes indemnitaires. Il fait observer que Monsieur P. ne peut se prévaloir d’un préjudice personnel directement subi par la société Data Connexion. Il ajoute que l’organisation d’un concours gratuit ne peut porter préjudice aux activités économiques du demandeur et que les éléments comptables communiqués en demande ne sont pas certifiés.

DISCUSSION

En vertu de l’article L 716-6 du code de la propriété intellectuelle, “toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon (…) Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu‘il est porté atteinte à ses droits ou qu‘une telle atteinte est imminente.

La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l’indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d’un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux (…)

Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l‘existence de son préjudice n‘est pas sérieusement contestable ».

Sur la contestation tirée de la déchéance encourue

Il y a lieu de rappeler que le juge des référés n’a pas le pouvoir de prononcer la déchéance d’une marque mais, saisi d’une contestation sur la validité du titre au jour de la contrefaçon alléguée, il doit apprécier le caractère sérieux de cette contestation qui peut, le cas échéant, faire obstacle à la vraisemblance de l’atteinte alléguée.

La marque française “Data Connexion” a été enregistrée le 8 avril 2004 pour désigner les produits et services précités en classes 35, 38 et 41. Elle est constituée d’un élément verbal et est dépourvue de tout élément figuratif, le choix du dépôt dans une écriture manuscrite ne constituant pas un visuel.

Le demandeur ne reprochant à l’Etat des actes de contrefaçon que du fait de l’emploi du signe “Dataconnexions” pour désigner des produits et services de la publicité, de la relation clients, d’organisation de conférences, de conseils en gestion d’affaire et de gestion des données informatiques, la déchéance alléguée à titre reconventionnel doit être appréciée au regard de ces seuls produits et services.

L’enregistrement du nom de domaine “data-connexion.net” ou “data-connexion.fr » ne suffit pas à établir un usage sérieux de la marque invoquée. II en est de même de l’adoption de ce signe verbal comme nom d’une association ou encore de dénomination sociale ou nom commercial d’une société, puisque l’usage sérieux de la marque suppose un usage à titre de marque dans sa fonction de garantie d’origine.

Monsieur P. verse au débat une plaquette d’intervention au Cirvad en date du 24 avril 2008 et une présentation sur le marché e-business de février 2010 qui reproduisent à l’identique l’élément verbal Data Connexion de la marque. Il produit par ailleurs des factures de la société Data Connexion émises entre 2006 et 2011, portant notamment sur des services de routage mailing fax, conseils et audit en marketing, travaux de rédaction de guides marketing, honoraires d’interventions au salon Marketing Direct Expo, développement de frame et composition de newsletter, ouvertures de boîte à lettre, mise à jour de sites internet, création et mise en ligne de site internet.

En outre, l’agent judiciaire de l’Etat produit des impressions écrans en date du 19 mars 2013 des sites internet www.data-connexion.fr et www.data-connexion.net qui démontrent une exploitation de la marque pour les activités de marketing et e- marketing, gestion des bases de données, analyses de données, utilisation de médias interactifs, programmes de fidélisation, de marketing.

Ces éléments ressortent également du procès-verbal d’huissier sur internet effectué antérieurement le 29 janvier 2013.

Il s’infère de ces documents un usage de l’élément verbal dominant “data connexion” par le titulaire de la marque ou avec son consentement par la société Data Connexion dont il est le gérant, pour les services et produits suivants : “Publicité – diffusion de matériel publicitaire (tracts, imprimés, échantillons, prospectus) – conseil en organisation des affaires – gestion des fichiers informatiques – Publicité en ligne sur réseaux informatiques – location de temps et d’espaces publicitaires sur tout moyen de communication – publication de textes publicitaires. Location d’adresses et de fichiers d’adresses – conseil marketing. Diffusion d’annonces publicitaires – service de messagerie électronique. Publication électronique de livres et de périodiques en ligne – organisation et conduite de colloques“.

Le défendeur conteste que ces usages remplissent bien la fonction essentielle de la marque de garantie d’origine mais cela ne ressort pas manifestement des conditions d’exploitation et dès lors que cette discussion relève du fond, elle échappe à la compétence du juge des référés.

Par ailleurs, le défendeur ne fait qu’évoquer un usage de la marque sous une forme modifiée ce qui n’apparaît pas manifeste au vu des éléments produits.

Il s’ensuit que la déchéance n’est pas manifestement encourue pour les produits et services opposés dans le cadre de la présente instance et il y a donc lieu d’apprécier la vraisemblance de la contrefaçon alléguée.

Sur la vraisemblance de la contrefaçon alléguée

Aux termes de l’article L 713-2 a) du code de la propriété intellectuelle “Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que : « formule, façon, système, imitation, genre, méthode “, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement”.

Un signe est considéré comme identique à la marque s‘il reproduit, sans modification ni ajout tous les éléments constituant la marque ou si, considéré dans son ensemble, il recèle des différences si insignifiantes qu’elles peuvent passer inaperçues aux yeux du consommateur moyen.

L’article L. 713-3 a) du code de la propriété intellectuelle dispose que “sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public, la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque reproduite pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement”.

Cela suppose de rechercher si, au regard d’une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les produits désignés, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public concerné, ce risque de confusion devant être apprécié en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants.

Afin de déterminer l’identité ou la similitude des produits, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits ou services. Ces facteurs incluent en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire.

L’appréciation de l’identité ou de la similitude des produits se fait au regard du libellé du dépôt de la marque antérieure, les conditions d’exploitation de celle-ci étant indifférentes, de même que les classes administratives visés au dépôt à titre informatif.

– le dépôt de la marque “Data connexions” par l‘Etat français

L’Etat français a déposé le 24 janvier 2012 la marque “Dataconnexions” pour désigner les produits et services suivants :
* classe 35 Publicité ; gestion des affaires commerciales diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons) ; présentation de produits sur tout moyen de communication pour la vente au détail ; conseils en organisation et direction des affaires ; bureaux de placement ; gestion de fichiers informatiques ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ; publication de textes publicitaires ; locations d’espaces publicitaires ; diffusion d’annonces publicitaires ; relations publiques ;
* classe 38 Télécommunications ; informations en matière de télécommunications ; fourniture de forums de discussion sur l’internet ; fourniture d’accès à des bases de données ; services d’affichage électronique (télécommunications) ; agences de presse ou d’informations (nouvelles) ; émissions radiophoniques ou télévisées ; services de téléconférences ; services de messagerie électronique ;
* classe 41 Education ; formation ; activités sportives et culturelles ; informations en matière de divertissement ou d’éducation ; publication de livres ; production de films sur bandes vidéo ; montage de bandes vidéo ; organisation de concours (éducation ou divertissement) ; organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès ; organisation d’expositions à buts culturels ou éducatifs ; services de jeu proposés en ligne à partir d’un réseau informatique ; publication électronique de livres et de périodiques en ligne ; micro-édition ;
* classe 42 Evaluations, estimations et recherches dans les domaines scientifique et technologiques rendues par des ingénieurs ; conception et développement d’ordinateurs et de logiciels ; recherche et développement de nouveaux produits pour des tiers ; étude de projets techniques ; élaboration (conception), installation, maintenance ; mise à jour ou location de logiciels programmation pour ordinateur ; analyse de systèmes informatiques ; conception de systèmes informatiques ; consultation en matière d’ordinateurs ; conversion de données et de programmes informatiques autre que conversion physique ; conversion de données ou de documents d’un support physique vers un support électronique ; services de dessinateurs d’arts graphiques.

Le dépôt d’une marque constitue un usage dans la vie des affaires dès lors qu’il tend à s’assurer un monopole sur le signe enregistré et à priver les autres acteurs du marché de son usage pour les produits et services ainsi réservés.

En l’espèce, les deux marques opposées sont dépourvues de tout visuel et sont donc des marques verbales.

La marque déposée par l’Etat français se distingue uniquement de la marque antérieure “data connexion” par la construction en un seul vocable du terme “dataconnexions” et par l’ajout d’un “s” final muet dans la marque attaquée.

Cependant, ces différences sont d’une part imperceptibles au niveau auditif et au niveau conceptuel puisque les deux marques renvoient à l’exploitation de données et d’autre part insignifiantes au niveau visuel. Dès lors, elles passent manifestement inaperçues aux yeux du consommateur moyen et la marque “Dataconnexions” constitue à l’évidence la reproduction à l’identique de la marque antérieure “data connexion”.

Les produits et services suivants “publicité ; diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons) ; conseils en organisation et direction des affaires ; gestion de fichiers informatiques ; publicité en ligne sur un réseau informatique, location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ; publication de textes publicitaires ; locations d’espaces publicitaires ; diffusion d’annonces publicitaires ; agences de presse ou d’informations (nouvelles) ; services de messagerie électronique ; organisation d’expositions à buts culturels ou éducatifs ; publication électronique de livres et de périodiques en ligne ; organisation et conduite de colloques” sont manifestement identiques à ceux visés dans l’enregistrement de la marque “Data connexion” de Monsieur P.

La similitude entre les autres produits visés n’est pas discutée à l’exception de l’organisation de concours, qui n’est vraisemblablement ni identique, ni similaire au libellé du dépôt de la marque “data connexions”. A cet égard, il y a lieu de relever que le requérant ne soutient pas que l’organisation de concours soit similaire à un des services visés à l’enregistrement de sa marque antérieure. Pour ce service, il n’existe donc aucun risque de confusion entre la marque de Monsieur P. et celle déposée par l’Etat français.

L’identité des signes alliés à la forte similitude des autres produits et services visés au dépôt de la marque “Data Connexions”, à l’exception de l’organisation de concours, entraîne un risque de confusion manifeste aux yeux du consommateur d’attention moyenne, s’agissant d’un professionnel averti cherchant à exploiter ses données, lequel sera vraisemblablement amené à attribuer aux services proposés une origine commune.

La reproduction à l’identique de la marque dont Monsieur P. est titulaire constitue donc une atteinte vraisemblable à ses droits à l’exception du service d’organisation de concours.

Cependant, il n’appartient pas au juge des référés de se prononcer sur la nullité de la marque seconde ni sur la radiation de celle-ci dès lors que cette mesure excède les mesures provisoires prévues par l’article L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle. Il n’y a donc lieu à référé sur la demande de radiation de la marque
“Data Connexions”.

– l’exploitation de la marque “Dataconnexions”

Il ressort du procès-verbal d’huissier en date du 29 janvier 2013 (pages 78 et suivantes) que l’Etat français exploite le signe Dataconnexions sur le site français www.etalab.gouv.fr pour désigner un concours ouvert aux seuls membres de la communauté en ligne Dataconnexions, constituée des acteurs de l’innovation open data.

La communauté Dataconnexions créée par l’Etalab, rassemble de nombreux acteurs de l’innovation. Elle est destinée à faciliter la mise en réseau et la collaboration de ses membres.

Elle encourage la réutilisation de données publiques pour la création de projet d’applications ou de services innovants grâce à l’organisation de plusieurs concours et rassemblements dédiés à l’open data et à une communauté d’échanges en lignes.

L’objectif est de développer l’utilisation des données publiques et l’institution d’une communauté de l’innovation dénommée Dataconnexions dans le cadre du programme éponyme piloté par l’Etalab.

Les seuls usages constatés sur le site internet www.etalab.gouv.fr se réfèrent à ce programme destiné à coordonner les projets relatifs à l’exploitation et à la réutilisation des données publiques, par le biais d’une communauté rassemblant divers acteurs de l’open data en vue de faciliter les contacts entre professionnels pour développer les projets intéressants et par l’organisation d’un concours.

Par conséquent, le terme “Dataconnexions” ne désigne ni des services de publicité commerciale, ni des services de relations client, de gestion d’affaire ou de gestion des fichiers informatiques ni aucun produit ou service identique ou similaire à ceux visés dans l’enregistrement de la marque de Monsieur P. puisqu’il a été vu ci-dessus que le service d’organisation de concours n’était ni similaire ni identique aux services visés à l’enregistrement de la marque “Data connexion”.

En l’absence d’identité ou de similitude des services proposés par l’Etat français avec ceux visés à l’enregistrement de la marque opposée, il n’est pas manifeste que le public concerné sera amené à croire qu’il existe un lien économique entre Monsieur P. et l’Etat français, d’autant qu’aucune notoriété de la marque première n’est alléguée.

Il s’ensuit qu’aucun risque de confusion vraisemblable n’est démontré entre l’usage du signe “dataconnexions” fait par l’Etat dans le cadre d’un programme gouvernemental destiné à encourager l’exploitation des données publiques et la marque “data connexions” déposée dans les domaines de marketing, publicité et gestion des affaires.

Enfin, il existe une contestation sérieuse sur l’usage de ce terme par l‘Etat français dans la vie des affaires puisque aucun produit ni service n’est proposé sous ce signe, ni même aucune activité commerciale dont l’Etat tirerait un avantage économique.

Dès lors, Monsieur P. ne démontre pas l’existence ou l’imminence d’une atteinte vraisemblable à ses droits et il n’y a lieu à référé de ce chef.
– le nom de domaine dataconnexions.fr

En l’espèce, aucune exploitation d’un site internet à l’adresse “dataconnexions.fr” n’est établie et la demande de cessation du nom de domaine doit donc être rejetée, étant observé que les seuls usages incriminés du signe “Dataconnexions” ont été réalisés sur le site internet “www.etalab.gouv.fr”.

En effet, seul un référencement du site www.etalab.gouv.fr sous le mot-clef “data connexion” est démontré sans aucun lien actif vers le site dataconnexions.fr dont l’Etat est titulaire.

Par ailleurs, la demande de suppression du nom de domaine dataconnexions.fr ne constitue ni une mesure conservatoire, ni une mesure de remise en état et il n’y a donc lieu à référé sur ce chef de demande.

Sur les mesures provisoires sollicitées

Compte tenu de l’atteinte vraisemblable portée aux droits antérieurs de Monsieur P. sur sa marque française verbale “data connexion” n° 3284874 enregistrée le 8 avril 2004 par l’Etat français du fait de l’enregistrement de la marque française verbale “dataconnexions” le 24 janvier 2012, il y a lieu de faire droit à sa demande d’interdiction dans les conditions fixées au dispositif ci-après, pour l’ensemble des produits et services visés à l’enregistrement, à l’exclusion de l’organisation de concours.

Aucune exploitation illicite de ladite marque n’étant manifestement établie, il n’y a pas lieu d’assortir cette mesure d’une astreinte.

Monsieur P. se plaint d’un préjudice économique mais ainsi qu’il l’a été vu ci-dessus, l’usage de la marque litigieuse par l’Etat français pour désigner un concours, un programme ou une communauté de professionnels participant à ce programme en vue de favoriser l’utilisation des données publiques n’est pas manifestement contrefaisant.

Faute d’exploitation illicite, le seul enregistrement de la marque “Dataconnexions” n’a pu entraîner une perte de marché pour le demandeur et l’existence de ce prétendu préjudice est donc contestable.

En outre, Monsieur P. évalue de manière étonnante son préjudice économique personnel à partir des résultats financiers de la société Data Connexion.

Par ailleurs, il invoque une perte de redevances, mais aucun élément permettant d’en évaluer le montant n’est produit au débat puisque le contrat de licence conclu le 14 février 2013 avec la société Data Connexion ne détermine pas le montant de la redevance prévue.

Enfin, il ne produit aucun élément comptable au titre de sa prétendue activité à titre personnel.

En conséquence, compte tenu de la contestation sérieuse sur l’existence du préjudice allégué, il y a lieu de débouter Monsieur P. de sa demande de provision et de sa demande de communication de pièces comptables, bancaires, commerciales et financières.

Sur les autres demandes

Madame l’agent judiciaire de l’Etat, qui succombe, supportera les entiers dépens de la présente instance.

Elle doit en outre être condamné à payer à Monsieur P. la somme de 2000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en ce inclus les frais du constat d’huissier.

DÉCISION

Nous, Mélanie Bessaud, juge des référés, statuant publiquement, par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire et rendue en premier ressort,
– Disons que la marque verbale française “Dataconnexions” visant des produits et services identiques ou similaires à ceux visés au dépôt de la marque verbale française “Data connexion”, à l’exclusion du service d’organisation de concours, porte vraisemblablement atteinte aux droits de Monsieur Frédéric P. sur sa marque française n° 3284874 ;
– Interdisons, en tant que de besoin, à l’Etat français toute utilisation, de quelle que manière que ce soit et quel qu’en soit le support, de la marque française “Dataconnexions” enregistrée sous le numéro 3891220 pour l’ensemble des produits et services visés à l’enregistrement à l’exclusion du service d’organisation de concours, à compter du prononcé de la présente décision ;
– Disons n’y avoir lieu d’assortir cette mesure d’une astreinte ;
– Disons n’y avoir lieu à référé sur les demandes de radiation de la marque française 3891220, de cessation et suppression du nom de domaine “dataconnexions.fr” ;
– Déboutons Monsieur Frédéric P. de ses demandes de provision et de communication de pièces ;
– Condamnons Madame l’Agent judiciaire de l’Etat aux dépens de la présente instance ;
– Condamnons Madame l’Agent judiciaire de l’Etat à payer à Monsieur Frédéric P. la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire à titre provisoire.

Le tribunal : Mme Mélanie Bessaud (président),

Avocats : Me Arnaud Dimeglio, Me Pablo Montoya, Me Jean-Baptiste Schroeder

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