Jurisprudence : Marques
Cour d’appel de Paris 4ème chambre, section A Arrêt du 19 mars 2008
Safenames, Lantec Corporation / Auto IES
assignation - constat - contrefaçon - enregistrement - marques - mauvaise foi - nom de domaine - transfert
PROCEDURE
Vu l’appel interjeté le 27 novembre 2006 par la société Safenames Limited d’un jugement rendu le 22 novembre 2006 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :
– dit que les sociétés Safenames Limited et Lantec Corporation, en enregistrant le nom de domaine “Autoies.fr” et en l’exploitant pour faire de la publicité pour des sites offrant des prestations dans le domaine automobile ont commis des actes de contrefaçon par imitation des marques Autoies numéro 3060944 et les numéro 1645545 au détriment de la société Autoies et des actes d’usurpation du nom commercial et des noms de domaine de cette dernière,
– interdit la poursuite de ces actes illicites sous astreinte de 1500 € par infraction constatée passée la signification du jugement,
– dit que la société Safenames Limited, en transférant le nom de domaine “Autoies.fr” à la société Lantec Corporation postérieurement à la mise en demeure de la société
Autoies, a commis au préjudice de cette dernière, une faute sur le fondement de l’article 1382 du Code civil,
– l’a condamnée in solidum avec la société Lantec Corporation à payer à la société Autoies la somme de 60 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de marques et d’usurpation de nom commercial et de noms de domaine,
– l’a condamnée à payer à la société Autoies une somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du transfert fautif du nom de domaine “Autoies.fr” au profit de la société Lantec Corporation,
– ordonné à la société Lantec Corporation de procéder à ses frais au transfert du nom de domaine “Autoies.fr” à la société Autoies et ce, sous astreinte de 7500 € par jour de retard passé le délai d’un mois après la signification du jugement,
– autorisé cette dernière à notifier le jugement à l’Afnic pour procéder au dit transfert,
– ordonné à la société Safenames Limited de publier sur la page d’accueil de son site internet “www.safenames.net” le dispositif du jugement pendant un mois passé le délai de 15 jours après la signification du jugement et ce, sous astreinte de 1000 € par jour de retard passé ce délai,
– dit que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes prononcées,
– condamné in solidum les sociétés Safenames Limited et Lantec Corporation à payer à la société Autoies la somme de 10 000 € par application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens qui comprendront les frais de constat APP et d’huissier ainsi que les frais engagés par la société Autoies pour obtenir le blocage du nom de domaine “Autoies.fr” auprès de l’Afnic,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
Vu les dernières conclusions, signifiées le 7 mai 2007, par lesquelles la société Safenames Limited, poursuivant la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu’il l’a condamnée au paiement de dommages-intérêts au titre d’un prétendu préjudice de la société Autoies et prononcé sa solidarité avec la société Lantec Corporation, demande à la Cour de :
– dire et juger qu’il n’y a lieu à prononcer de condamnation solidaire entre les sociétés Safenames Limited et Lantec Corporation,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la condamnation in solidum de ces sociétés à payer à la société Autoies la somme de 6000 € à titre de dommages- intérêts,
– l’infirmer en ce qu’il l’a condamnée à payer à cette dernière la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts,
– débouter la société Autoies de l’intégralité de ses demandes à son égard,
– la condamner à lui payer la somme de 2000 € en cause d’appel au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel avec le bénéfice des dispositions de l’article 699 du même Code ;
Vu les uniques conclusions signifiées le 11 juin 2007, par lesquelles la société Autoies demande à la Cour, aux termes d’un dispositif comportant une énumération de constater et de dire et juger qui ne sauraient constituer des prétentions au sens de l’article 4 du Code de procédure civile, de :
– constater que le nom de domaine “autoies.fr” enregistré dans un premier temps par la société Safenames Limited et dont le titulaire est à ce jour la société Lantec Corporation reproduit à l’identique les marques lES et Autoies,
– constater que le nom de domaine “autoies.fr” constitue un emploi injustifié des marques IES et Autoies,
– constater que les sociétés Safenames Limited et Lantec Corporation ont commis des fautes en ayant respectivement permis, malgré deux notifications adressées par la société Autoies, le transfert du nom de domaine “autoies.fr” au profit de la société Lantec Corporation qui a accepté ce transfert en toute connaissance de cause,
– dire et juger que cette société a été créée pour les seuls besoins de la cause et constitue une manoeuvre frauduleuse,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
* jugé que les sociétés Safenames Limited et Lantec Corporation ont commis des actes de contrefaçon des marques IES et Autoies, d’usurpation de nom commercial et de noms de domaine,
* prononcé leur condamnation in solidum sur ce fondement,
* jugé que la société Safenames Limited a commis une faute en transférant le nom de domaine à la société Lantec Corporation,
– l’infirmer en ce qu’il a jugé que cette dernière n’a pas commis de faute,
En conséquence,
– débouter la société appelante de ses demandes et prétentions,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée in solidum avec la société Lantec Corporation à lui payer la somme de 60 000 € en réparation de l’atteinte portée à ses marques, dénomination sociale, nom commercial et noms de domaines,
– condamner in solidum les sociétés Safenames Limited et Lantec Corporation à lui payer la somme de 30 000 € en réparation du préjudice subi du fait des fautes commises par elles,
– ordonner la cessation des actes illicites sous astreinte de 7500 € par infraction constatée,
– confirmer la mesure de publication sauf à ordonner que l’arrêt à intervenir sera publié en son intégralité sur chacun des noms de domaine détenus par les sociétés
Safenames Limited et Lantec Corporation pendant six mois, dans un délai de 48 heures à compter de la signification de l’arrêt sous peine d’une astreinte de 7500 € par jour de retard,
– condamner in solidum les sociétés Safenames Limited et Lantec Corporation à lui payer une indemnité complémentaire de 25 000 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel avec l’application des dispositions de l’article 699 du même Code ;
Vu l’assignation en date du 11 mai 2007 par laquelle ont été signifiées à la société Lantec Corporation, conformément aux dispositions de l’article 908 du Code de procédure civile, copie de la déclaration d’appel à l’encontre du jugement précité ainsi que des conclusions ci-dessus visées de la société appelante en date du 7 mai 2007 ;
Vu la signification à la société Lantec Corporation, en date du 16 juillet 2007, des uniques conclusions ci-dessus visées de la société Autoies ;
DISCUSSION
Sur la procédure
Considérant, aux termes de l’acte d’assignation en date du 11 mai 2007, que l’huissier instrumentaire, après avoir vérifié auprès du gardien de l’immeuble que la société Lantec Corporation a son domicile à Neuilly sur Seine et n’ayant trouvé aucune personne susceptible de recevoir l’acte, l’a déposé en son Etude suivant les prescriptions de l’article 658 du Code de procédure civile ;
Considérant que l’acte d’assignation n’ayant pas été remis à personne, le présent arrêt, conformément aux dispositions de l’article 473 du Code précité, sera rendu par défaut ;
Sur le fond
Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu’il suffit de rappeler que :
– la société de droit français Autoies déploie, sur internet principalement, une activité de commerce portant sur des véhicules automobiles de toutes marques, neufs ou d’occasion,
– elle est titulaire des noms de domaine suivants :
* “autoies.com” enregistré le 7 juillet 2000,
* “auto-ies.fr” enregistré le 25 octobre 2001,
* “auto-ies.com” enregistré le 17 mars 2003,
– elle est en outre, propriétaire des marques françaises suivantes :
* les, déposée le 21 février 1991 et renouvelée le 21 février 2001 sous le numéro 1645545 pour désigner dans les classes 6, 9, 11, 12, 20, 35, 36, 37, 41, divers produits et services et notamment les véhicules automobiles et leurs parties constitutives, entretiens et réparation de véhicules automobiles,
* Autoies, déposée le 27 octobre 2000 sous le numéro 3080944 pour désigner divers produits et services des classes 12, 36 et 39 et notamment les véhicules automobiles, cycles, motocycles locations de véhicules automobiles, cycles ou motocycles, location avec option d’achat de véhicules, location de garage et services de transport,
– la société de droit anglais Safenames Limited, ci-après Safenames, exerce l’activité de prestataire d’enregistrement de noms de domaine, accréditée à ce titre par l’association française pour le nommage internet en coopération (Afnic),
– elle a procédé le 18 mai 2004 à l’enregistrement du nom de domaine “autoies.fr “, qu’elle a transféré le 28 juin 2005 à la société Lantec Corporation, ci-après Lantec, qui a son siège social à Belize, immatriculée le 27 avril 2005 au RCS de Nanterre,
– la société Autoies leur faisant grief d’exploiter ce nom de domaine à des fins publicitaires au profit de sites offrant des produits et des services commerciaux dans le secteur de l’automobile et de commettre à son préjudice des actes de contrefaçon de marques, d’emploi injustifié de marques, d’usurpation de nom commercial et de noms de domaine, IES a assignées le 17 février 2006 devant le tribunal de grande instance de Paris et introduit la présente instance ;
Considérant, aux termes de ses écritures, que la société appelante, tout en poursuivant la confirmation du jugement déféré en ce qu’il lui a imputé des actes de contrefaçon de marques et d’usurpation de nom commercial ainsi que de noms de domaine au préjudice de la société Autoies en poursuit l’infirmation en ce qu’il a prononcé à son encontre des condamnations qu’elle conteste, tant en leur principe qu’en leur montant, faisant valoir d’une part que la solidarité, retenue par le tribunal, avec la société Lantec n’est pas justifiée, d’autre part que le préjudice allégué n’est pas établi ;
Qu’elle expose à cet égard n’avoir procédé à l’enregistrement litigieux en son propre nom que dans l’attente de l’immatriculation de la société Lantec au registre de commerce de Nanterre qui a conféré à cette dernière l’existence légale en France requise pour être titulaire d’un nom de domaine en .fr ;
Qu’elle réfute le grief de collusion entre les deux sociétés qui ne présentent par ailleurs un lien quelconque ;
Qu’elle estime en définitive, que les faits imputables aux sociétés en cause sont distincts, n’ayant pour sa part à répondre que des agissements illicites commis au cours de la période où elle a été titulaire du nom de domaine litigieux, soit du 18 mai 2004 date de son enregistrement au 28 juin 2005 date de son transfert à la société Lantec ;
Mais considérant, en droit, que chacun des coauteurs d’un dommage est tenu de le réparer en totalité sans que la victime ait à démontrer l’existence d’une fraude ou d’une collusion entre eux ;
Et considérant, en l’espèce, qu’il est pas contesté en cause d’appel que la société Autoies a eu à subir des suites de l’enregistrement le 18 mai 2004 par la société Safenames du nom de domaine www.autoies.fr des agissements illicites constitutifs de contrefaçon des marques IES et Autoies dont elle est propriétaires et d’usurpation des noms de domaines autoies.com, auto-ies.fr, auto-ies.com dont elle est titulaire outre de son nom commercial, que ces actes se sont poursuivis nonobstant les mises en demeure adressées le 25 mars 2005 et le 8 avril 2005 à la société Safenames aux fins de restitution du nom de domaine litigieux et au mépris desquelles elle l’a transféré le 28 juin 2005 à la société Lantec, de sorte que le tribunal a déclaré à juste titre les deux sociétés, auteurs de ces agissements, tenues in solidum à réparer l’atteinte aux droits privatifs de la société Autoies et retenu en outre à la charge de la société Safenames une faute sur le fondement de l’article 1382 du Code civil ;
Considérant, selon la société Autoies, que la société Lantec est également fautive pour avoir accepté en connaissance de cause le transfert de l’enregistrement illicite ;
Mais considérant, par confirmation du jugement entrepris, que les éléments de la procédure ne permettent pas d’établir que la société Lantec a eu connaissance des mises en demeure par lesquelles la société Autoies a revendiqué ses droits auprès de la société Safenames, ou que la société Lantec a été créée à des fins frauduleuses, ou encore que ces deux sociétés ont agi dans le cas d’espèce en collusion, étant observé à cet égard que sont dépourvus de valeur probante les articles de presse qui communiquent des informations d’ordre général de même que les condamnations et injonctions prononcées à l’endroit de la société Safenames par le centre d’arbitrage et de médiation de l’Ompi dans des espèces étrangères au présent litige ;
Considérant, toujours selon la société Autoies, que le tribunal aurait dû retenir à la charge des sociétés Safenames et Lantec des faits d’emploi injustifié de marques ;
Mais considérant que, par des motifs exempts de critique que la Cour adopte, le jugement déféré a écarté cette demande, non fondée au regard des dispositions de l’article L 713-5 du Code de la propriété industrielle ;
Considérant que le tribunal a procédé à une exacte appréciation des éléments de la cause, en tenant compte de l’exploitation illicite des marques et noms de domaine de la société Autoies à des fins publicitaires pour des entreprises exerçant dans le même secteur économique que cette dernière, en fixant à 30 000 € le préjudice résultant de l’atteinte aux marques, à 30 000 € celui résultant de l’atteinte aux noms de domaine et nom commercial, outre à 20 000 € le préjudice des suites de la faute imputable à la société Safenames dans le transfert du nom de domaine contrefaisant ;
Considérant que les mesures ordonnées par le tribunal pour faire cesser les agissements illicites méritent confirmation suivant les modalités retenues, sauf à faire mention, s’agissant de la mesure de publication, du présent arrêt ;
Considérant que le sens de l’arrêt et l’équité ne commandent pas de faire droit à la demande formée par la société Safenames sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ni d’allouer à la société Autoies une indemnité complémentaire sur ce même fondement ;
Que la société Safenames succombant à la procédure d’appel en supportera les dépens ;
DECISION
Par ces motifs,
. Confirme en toutes ses dispositions critiquées le jugement entrepris,
Y ajoutant,
. Dit que la mesure de publication fera mention du présent arrêt,
. Déboute les parties des demandes respectives formées sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
. Condamne la société Safenames aux dépens de la procédure d’appel qui seront recouvrés par les avoués de la cause conformément aux dispositions de l’article 699 du Code précité.
La cour : M. Alain Carre Pierrat (président), Mme Rosenthal Rolland et Brigitte Chokron (conseillers)
Avocats : Me Bernard Mandeville, Me Cyril Fabre
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