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Jurisprudence : Marques

mardi 07 mars 2000
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Cour de Cassation chambre commerciale Arrêt du 7 mars 2000

M. P. / Société nationale de télévision France 2

compétence territoriale - contrefaçon de marque - service télématique

La Cour de cassation (chambre commerciale) a rendu l’arrêt suivant sur le pourvoi formé par M. P., en cassation d’un arrêt rendu le 17 septembre 1997 par la cour d’appel de Paris (1ère chambre, section D), au profit de la Société nationale de télévision France 2, défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 17 septembre 1997), que la Société nationale de télévision France 2, titulaire de la marque  » France 2  » déposée le 14 janvier 1992 pour désigner les services et produits des classes 9, 16, 35, 38 et 41, a assigné en nullité de la marque  » 3615 FR 2 « , contrefaçon de marque, atteinte à sa dénomination sociale et parasitisme, M. P., propriétaire de ladite marque déposée le 30 mars 1993 pour désigner les services et produits des classes 35, 38 et 41 et titulaire d’un service télématique accessible par le 3615, code  » FR 2  » ; que M. P. a soulevé l’incompétence du tribunal de grande instance de Paris au profit de celui de Marseille ; que la cour d’appel, statuant sur contredit, a déclaré compétent la juridiction de Paris ;

Attendu que M. P. fait grief à l’arrêt d’avoir statué comme il l’a fait, alors, selon le pourvoi, d’une part, qu’en matière délictuelle, la loi permet au demandeur de saisir soit la juridiction du lieu du fait dommageable, soit celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi, c’est-à-dire celle du lieu où il est survenu et non du lieu où ont pu être ensuite mesurées les conséquences financières du dommage, ce qui, sinon, serait toujours le lieu du domicile de la victime elle-même ;

– qu’en matière de contrefaçon, le dommage s’entendant de la contrefaçon elle-même et non de l’équivalent monétaire destiné à réparer le préjudice subi par la victime, le lieu où le dommage a été éprouvé est celui où il est survenu, c’est-à-dire celui où la contrefaçon a été constatée ;

– qu’en conséquence, s’agissant de la contrefaçon effectuée au moyen d’un service télématique, le lieu où le dommage est survenu, c’est-à-dire où la contrefaçon a été constatée, est non celui où l’information donnée par le serveur télématique a été rapatriée par l’utilisateur qui l’a lue sur le site mais le lieu où elle est stockée physiquement, ce qui ne peut être que celui où le serveur est installé ;

– qu’en retenant, pour justifier la compétence du tribunal de grande instance de Paris, que le service télématique incriminé aurait été reçu à Paris en sorte que le dommage aurait été subi en cette ville, bien qu’il n’eût pas été contesté que l’information était stockée à Marseille où était situé ledit serveur, techniquement incapable d’émettre ou de diffuser quoi que ce soit, la cour d’appel a violé l’article 46 , alinéa 3, du Ncpc ; alors, d’autre part, qu’il faisait valoir, adoptant les motifs des premiers juges, que si son serveur télématique installé à Marseille permettait une relation de communication par l’intermédiaire des réseaux de télécommunication depuis n’importe quel point géographique en France et même dans le monde entier, ce n’était pas par la démarche active des correspondants vers ce serveur, celui-ci se trouvant dans l’impossibilité technique de diffuser ses informations vers quelque point géographique que ce fût, que l’évolution des nouvelles techniques de communication ouvertes à tout un chacun ne pouvait mettre en échec de façon artificielle la volonté que le législateur avait exprimée dans l’alinéa 3 de l’article 46 du Ncpc, qui était de distinguer, selon le cas, le lieu où était survenu le dommage ou celui où il avait été subi, du lieu du domicile de la victime ou du lieu du domicile du défendeur au sens de l’alinéa 1er de ce texte pour le critère de droit commun ;

– qu’en délaissant de telles écritures, qui soulignaient l’impossibilité technique dans laquelle se trouve un serveur télématique de diffuser ou d’émettre des informations à destination de quelque point géographique que ce fût, en sorte que la contrefaçon, à la supposer caractérisée, n’avait pu être perpétrée qu’à Marseille où était installé le serveur incriminé, la cour d’appel a privé sa décision de tout motif, ne satisfaisant pas ainsi aux prescriptions de l’article 455 du Ncpc ;

Mais attendu qu’ayant constaté que le service télématique, dont le code d’appel est litigieux, était accessible à Paris, c’est à bon droit que la cour d’appel en a déduit que le dommage ayant été subi dans cette ville, le tribunal de grande instance de Paris est compétent, peu important que le fait dommageable se soit également produit dans le ressort d’autres tribunaux, fût-ce sur l’ensemble du territoire national ; d’où il suit que le moyen n’est fondé sur aucune de ses deux branches.

La décision

La Cour, en son audience publique :

. rejette le pourvoi ;

. condamne M. P. aux dépens ;

. vu l’article 700 du Ncpc, rejette la demande de M. P..

Sur le moyen unique produit par la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. P. :
Le moyen reproche à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir dit que le tribunal de grande instance de Paris était territorialement compétent pour connaître d’une action en contrefaçon de marque et en cessation d’agissements parasitaires introduits par une société de télévision (France 2) ayant son siège à Paris contre un défendeur (M. P., l’exposant) domicilié à Marseille et y exerçant son activité d’exploitation d’un service télétel fournissant des renseignements aux seules personnes se connectant sur lui à cette fin ;

Aux motifs que les dispositions de l’article 46, alinéa 3, du Ncpc autorisaient le demandeur à saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeurait le défendeur, celle du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage avait été subi ; qu’il ressortait du procès-verbal de constat dressé à Paris le 9 février 1996 que le service télématique incriminé était  » reçu  » (sic) à Paris ; qu’il s’en déduisait que le dommage avait bien été ressenti à Paris, ce qui justifiait la compétence de la juridiction parisienne, peu important que le dommage eût pu être éprouvé dans le ressort d’autres tribunaux ;

Alors que, d’une part, en matière délictuelle, la loi permet au demandeur de saisir soit la juridiction du lieu du fait dommageable, soit celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi, c’est-à-dire celle du lieu où il est survenu et non du lieu où ont pu être ensuite mesurées les conséquences financières du dommage, ce qui, sinon, serait toujours le lieu du domicile de la victime elle-même ;

– qu’en matière de contrefaçon, le dommage s’entendant de la contrefaçon elle-même et non de l’équivalent monétaire destiné à réparer le préjudice subi par la victime, le lieu où le dommage a été éprouvé est celui où il est survenu, c’est-à-dire celui où la contrefaçon a été constatée ;

– qu’en conséquence, s’agissant de la contrefaçon effectuée au moyen d’un service télématique, le lieu où le dommage est survenu, c’est-à-dire où la contrefaçon a été constatée, est, non celui où l’information donnée par le serveur télématique a été rapatriée par l’utilisateur qui l’a lue sur le site, mais le lieu où elle est stockée physiquement, ce qui ne peut être que celui où le serveur est installé ;

– qu’en retenant, pour justifier la compétence du tribunal de grande instance de Paris que le service télématique incriminé aurait été reçu à Paris en sorte que le dommage aurait été subi en cette ville, bien qu’il n’eût pas été contesté que l’information était stockée à Marseille où était situé ledit serveur, techniquement incapable d’émettre ou de diffuser quoi que ce soit, la cour d’appel a violé l’article 46, alinéa 3, du Ncpc ;

Alors que, d’autre part, l’exposant faisait valoir, adoptant les motifs des premiers juges, que si son serveur télématique installé à Marseille permettait une relation de communication par l’intermédiaire des réseaux de télécommunication depuis n’importe quel point géographique en France et même dans le monde entier, ce n’était que par la démarche active des correspondants vers ce serveur, celui-ci se trouvant dans l’impossibilité technique de diffuser ses informations vers quelque point géographique que ce fût, que l’évolution des nouvelles techniques de communication ouvertes à tout un chacun ne pouvait mettre en échec de façon artificielle la volonté que le législateur avait exprimé dans l’alinéa 3 de l’article 46 du Ncpc, qui était de distinguer, selon le cas, le lieu où était survenu le dommage ou celui où il avait été subi, du lieu du domicile de la victime ou du lieu du domicile du défendeur au sens de l’alinéa 1er de ce texte pour le critère de droit commun ;

– qu’en délaissant de telles écritures, qui soulignaient l’impossibilité technique dans laquelle se trouve un serveur télématique de diffuser ou d’émettre des informations à destination de quelque point géographique que ce fût, en sorte que la contrefaçon, à la supposer caractérisée, n’avait pu être perpétrée qu’à Marseille où était installé le serveur incriminé, la cour d’appel a privé sa décision de tout motif, ne satisfaisant pas ainsi aux prescriptions de l’article 455 du Ncpc.

La Cour : M. Dumas(président), Mme Garnier (conseiller), M. Lafortune (avocat général)

Avocats : SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, SCP Piwnica et Molinié.

Notre présentation de la décision

 
 

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