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Jurisprudence : Marques

mercredi 09 décembre 2009
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Tribunal de grande instance de Paris 3ème chambre, 4ème section Jugement du 16 octobre 2009

Mister Gooddeal / MGD Management

antériorité - appellation sociale - commerce électronique - contrefaçon - marque notoire - marques - nom de domaine - risque de confusion - site

FAITS ET PROCEDURE

La société Mister Gooddeal expose qu’elle exploite un site internet marchand à l’adresse “mistergooddeal.com”, nom de domaine réservé le 25 janvier 2000, qui a connu une croissance importante et qu’elle est titulaire des marques “Mister Good Deal”, communautaire déposée le 25 janvier 2000 et enregistrée sous le n° 1790153 et française déposée le 31 janvier 2000 et enregistrée sous le n° 00 3004300, pour couvrir en classes 35 et 38 notamment des services d’organisation d’opérations promotionnelles, d’offres promotionnelles de produits et services via internet et de collecte et distribution d’informations via internet.

Elle indique que, au vu du nombre de clients dont elle dispose, les marques dont elle est titulaire sont renommées au sens de l’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle.

Le 30 avril 2004, la société Mister Gooddeal a constaté la publication d’une demande d’enregistrement de marque “Mr Good Deal” déposée le 18 mars 2004 sous le n° 043 281961 pour le compte de la société en formation MGD Management (ci-après MGD) qui a été inscrite au RCS de Brest le 4 mars 2004 portant sur des produits et services des classes 25, 28, 35 et 38 comprenant notamment la publicité en ligne et la location d’espaces publicitaires sur tout support de communication.

Le 30 juin 2004, elle a formé devant l’Inpi une opposition partielle à l’encontre de cette demande d’enregistrement, sur le fondement de la marque française antérieure “Mister Good Deal”, pour les services des classes 35 et 38 identiques ou similaires à ceux couverts par sa marque antérieure.

Cette opposition a été accueillie par l’Inpi, de sorte que la marque “Mr Good Deal” n° 043281961 n’a été enregistrée que pour les produits des classes 25 et 28, à savoir “vêtements, chaussures, ceintures, chaussettes, chaussures de plage, de ski ou de sport, sous-vêtements, planches à voile ou pour le surf, rembourrages de protection (habillement de sport)”.

Le 3 janvier 2008, le conseil de la société MGD mettait en demeure la société Mister Gooddeal de cesser immédiatement ses actes de contrefaçon de la marque « Mr Good Deal” commis en commercialisant notamment sur son site internet Mister Gooddeal des vêtements et des chaussures de sport (revêtus de leurs propres marques de fabrique tels que le Coq Sportif Timberland ou Nike).

À l’occasion de cette réclamation, la société Mister Gooddeal indique avoir découvert que la société MGD menait quant à elle, sous le signe “Mr Good Deal”, une activité de commerce électronique identique aux services qu’elle couvre en diffusant des vêtement de sport de mer de toutes marques.
Ce site, édité sous le nom de domaine “mr-good-deal.fr” réservé en décembre 2006, aurait été supprimé à compter du 20 février 2008.

Dans ce contexte, par acte en date du 19 mars 2008, la société Mister Gooddeal a fait assigner la société MGD devant ce tribunal en contrefaçon des marques antérieures Mister Good Deal dont elle est titulaire et en indemnisation de son préjudice.

Par conclusions du 23 janvier 2009, elle demande au tribunal de dire que la marque « Mr Good Deal” n° 043281961 porte atteinte à ses droits antérieurs sur les marques notoirement connues « Mister Good Deal”, d’annuler, en conséquence, la marque « Mr Good Deal » précitée, d’interdire sous astreinte à la société MGD l’usage de ce signe, d’ordonner sous astreinte à cette dernière de procéder au transfert à son bénéfice du nom de domaine « mr-good-deal.fr” et de condamner la société MGD à lui payer les sommes de 100 000 € à titre de dommages et intérêts et de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Mister Gooddeal fait notamment valoir que ses marques sont utilisées pour désigner un site internet du même nom, que la société MGD a procédé à I’enregistrement en décembre 2006 du nom de domaine « mr-good-deal.fr” pour exploiter un site internet de commerce électronique et ainsi contrefait ses marques antérieures déposées en 2000 pour désigner notamment des services identiques de commerce électronique, que les marques dont s’agit étaient renommées au moment du dépôt, le 18 mars 2004, de la marque Mr Good Deal, que ce dépôt porte donc atteinte aux droits qu’elle détient sur lesdites marques par application de l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle et, plus précisément, que l’emploi de cette marque constitue un exploitation injustifiée de cette dernière qui doit être sanctionnée par la nullité dès lors que c’est en réalité pour des services de vente en ligne que la société MGD l’exploite.

Par ailleurs, elle demande le débouté de la société MGD de sa demande reconventionnelle en contrefaçon de la marque « Mr Good Deal » en faisant valoir que les produits de vêtements et de chaussures couverts par cette marque ne sont ni identiques ni similaires aux services de vente en ligne qu’elle exploite sous ses marques “Mister Good Deal” depuis l’année 2000.

Elle ajoute que la société MGD ne peut davantage se prévaloir de prétendus droits antérieurs sur un nom de domaine ou sur une dénomination sociale dont elle ne justifie pas de l’exploitation effective avant le dépôt de ses marques.

Par conclusions du 10 juillet 2008, la société MGD faisait valoir, en substance :
– qu’elle a réservé régulièrement le nom de domaine « mr-good-deal” depuis le 21 octobre 1999 et qu’elle utilise les termes « Mister Good Deal” comme dénomination sociale depuis le 4 août 1998.
– qu’elle est titulaire de la marque « Mr Good Deal” depuis le 18 mars 2004 notamment pour désigner des vêtements et chaussures de sport, que la société Mister Gooddeal commercialise des produits identiques sur son site marchand “mistergooddeal.com” et qu’elle a commis des actes de contrefaçon de la marque précitée dès lors que le signe est utilisé par la demanderesse comme nom de domaine afin de vendre en ligne des vêtements et des chaussures de sport.
– que les produits et services qu’elle même offre à la vente sont différents de ceux visés dans l’enregistrement des marques de la société Mister Gooddeal qui ne sont pas renommées au sens de l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle.
– que l’enregistrement des marques “Mister Good Deal” doit être annulé sur le fondement de l’article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle dans la mesure où il porte atteinte à ses droits antérieurs sur son nom de domaine et sur sa dénomination sociale.

La société MGD demande notamment, en conséquence, la condamnation de la société Mister Gooddeal à lui payer la somme de 100 000 € à titre de provision, à parfaire en fonction du résultat du droit d’information dont elle sollicite par ailleurs la mise en oeuvre et celle de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre une mesure d’interdiction sous astreinte.

DISCUSSION

Sur la renommée des marques « Mister Good Deal”

La marque renommée au sens de l’article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle est une marque connue d’une partie significative du public concerné par les produits et services qu’elle désigne.

Pour l’appréciation de la renommée, doivent être prises en compte notamment la part de marché occupée par la marque, l’intensité de son exploitation, son étendue géographique, la durée de son usage et l’importance des investissements auxquels elle donne lieu.

En l’espèce, la demanderesse soutient que les marques “Mister Good Deal” dont elle est titulaire étaient connues d’une partie significative du public concerné par les services de commerce électronique au moment du dépôt, le 18 mars 2004, de la marque “Mr Good Deal”.

Elle verse aux débats, pour le démontrer, un extrait de la revue professionnelle LSA selon lequel le site “mistergooddeal.com” était en 2004 le 15ème site français de commerce électronique en termes de chiffre d’affaires, tous secteurs confondus, avec un CA de 47 millions d’euros sur un chiffre d’affaires global pour les 25 premiers sites de 2.2 milliards d’euros.

Elle indique que la croissance de l’entreprise, spécialiste du déstockage, a été importante, qu’en 2003, elle comptait 300 000 clients et 350 000 abonnés à sa newsletter, que son succès ne s’est pas démenti depuis lors puisque, selon la Fevad, le site dont s’agit était en 2007, parmi les “pure players”, en nombre de visiteurs uniques par trimestre, dans les 5 premiers sites en France et que ses investissements publicitaires sont passés de 1,2 millions d’euros en 2001 à 3,5 millions d’euros en 2004.

Cependant, la société Mister Gooddeal ne rapporte pas la preuve de ses allégations et ne produit notamment pas sa newsletter et ses bilans ni ne justifie de ses investissements publicitaires à la date du dépôt de la marque « Mr Good Deal” en mars 2004 par la société MGD.

En outre, elle ne produit pas d’enquête de notoriété de nature à établir qu’elle est suffisamment connue du public effectuant des achats en ligne.

Par conséquent. elle ne démontre pas que, courant 2004, les marques Mister Good Deal qu’elle exploite étaient connues d’une partie significative du public concerné par les services de commerce en ligne, et elle ne peut se prévaloir des dispositions de l’article L. 715-5 précité.

Dans ces conditions, il convient de la débouter de sa demande en nullité de la marque “Mr Good Deal” n° 04328 1961 sur ce fondement.

Sur la contrefaçon des marques « Mister Good Deal »

II convient de rappeler que, par une décision du Directeur de l’Inpi du 29 décembre 2004, ont été exclus du périmètre de la marque senti- figurative “Mr Good Deal” déposée par la société MGD les services suivants : Publicité, Diffusion de matériel publicitaire…. Reproduction de documents, Gestion de fichiers informatiques, Organisation d’expositions à buts commerciaux ou de publicité, Publicité en ligne sur un réseau informatique, Location de temps publicitaires sur tout moyen de communication, publication de textes publicitaires, location d’espaces publicitaires, diffusion d’annonces publicitaires, relations publiques”.

La marque “Mr Good Deal », dont est titulaire la société MGD désigne, en classe 25, les vêtements, chaussures, ceintures, chaussettes, chaussures de plage, de ski et de sport et les sous-vêtements et, en classe 28, les planches à voile ou pour le surf et les rembourrages de protection (habillement de sport.

II est constant que la société MGD a procédé, le 20 décembre 2006, à l’enregistrement du nom de domaine “mr-good-deal.fr” pour vendre en ligne les produits susvisés.

Il n’est pas démontré que la société MGD, qui s mis les produits de sa boutique en ligne, ait exploité son site pour commercialiser d’autres produits que ceux désignés dans l’enregistrement de sa marque “Mr Good Deal” ni qu’elle ait cherché à développer un service de commerce électronique portant sur des produits différents de ceux qui sont couverts par ladite marque.

Cependant, si la société MGD a le droit de vendre en ligne les produits couverts par sa marque, force est de constater qu’elle a pris le parti de les distribuer en l’espèce à partir du nom de domaine “mr-good-deal.fr” entre décembre 2006 et février 2008 et qu’il existe une similitude visuelle et phonétique entre ce signe et les marques “Mister Good Deal” dont la demanderesse est titulaire pour les offres de produits et services via internet.

Ces similitudes étroites entre les marques antérieures et le nom de domaine litigieux pour exploiter un service de vente de produits sur internet sont susceptibles d’entraîner un risque de confusion dans l’esprit du public sur l’identité des fournisseurs des services dont s’agit.

Par conséquent, en faisant le choix, qui n’était pas nécessaire de procéder à l’enregistrement du nom de domaine « mr-good-deal.fr” pour vendre ses produits en ligne, la société MGD a commis des actes de contrefaçon des marques antérieures “Mister Good Deal”.

Compte tenu des éléments versés aux débats, il convient d’accorder à la société Mister Gooddeal une somme de 10 000 € titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte portée aux marques susvisées.

Par ailleurs, il sera fait droit à la demande de transfert du nom de domaine litigieux au bénéfice de la demanderesse dans les termes du dispositif du présent jugement.

Sur les demandes reconventionnelles de la société MGD

Sur la contrefaçon de la marque Mr Good Deal

La société MGD soutient qu’en utilisant le nom de domaine “mistergooddeal.com” pour commercialiser en ligne les produits visés dans l’enregistrement de la marque “Mr Good Deal” en classes 25 et 28, notamment des vêtements, la demanderesse a commis des actes de contrefaçon et porté atteinte à sa marque précitée.

Cependant, d’une part, le nom de domaine litigieux est effectivement exploité par la société Mister Gooddeal depuis janvier 2000 et il constitue un signe distinctif qui bénéficie d’une antériorité par rapport à la marque de la société MGD déposée le 18 mars 2004.

D’autre part, en vertu du principe de spécialité, les produits de vêtements et de chaussures couverts par la marque “Mr Good Deal” ne sont ni identiques ni similaires aux services de commerce électronique exploités par la demanderesse sous ses marques « Mister Good Deal” déposées en 2000 pour de tels services et les produits vendus sur son site sont clairement identifiés sous d’autres marques.

Par ailleurs, l’action en contrefaçon suppose de justifier de l’existence d’une marque antérieure, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, la société MGD n’ayant déposé la marque “Mr Good Deal” qu’en mars 2004.

Par conséquent, la société MGD sera déboutée de sa demande à ce titre.

Sur les droits antérieurs tirés du nom de domaine « mr-good-deal.fr »

La société MGD fait valoir qu’elle a enregistré le nom de domaine « mr-good-deal.fr” le 21 octobre 1999 et que ce signe distinctif ne pouvait donc être adopté comme marque par la demanderesse en janvier 2000.

Cependant, force est de constater qu’elle ne justifie pas de l’exploitation effective de ce nom de domaine antérieurement au dépôt des marques « Mister Good Deal” et qu’elle ne peut donc se prévaloir d’un droit antérieur à ce titre.

Sur les droits antérieurs tirés de la dénomination sociale

La société MGD soutient qu’elle a pour dénomination sociale Mister Good Deal depuis 1998 et que la demanderesse ne pouvait adopter ce signe comme marque.

Il résulte pourtant de l’extrait K bis de la défenderesse que sa raison sociale est bien MGD Management et qu’elle n’a été immatriculée au RCS de Brest que le 4 mars 2004, plus de 4 ans après le dépôt de la marque « Mister Good Deal’,

Par conséquent, la société MGD ne peut revendiquer aucun droit antérieur en invoquent une dénomination sociale qui ne lui appartient pas.

Il résulte de ce qui précède que la société MGD doit être déboutée de sa demande reconventionnelle en nullité des marques « Mister Good Deal” communautaire n° 1790153 et française n° 003004300.

L’équité commande l’allocation à la société Mister Gooddeal d’une somme de 5000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’exécution provisoire est nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire.

DECISION

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire en premier ressort,

. Condamne la société MGD Management à payer à la société Mister Good Deal la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte portée à ses marques “Mister Good Deal” communautaire n° 1790153 et française n° 003004300.

. Ordonne le transfert du nom de domaine “mr-good-deal.fr” au bénéfice de la société Mister Gooddeal, sous astreinte de 200 € par jour de retard passé un délai d’un mois à compter de la signification du jugement

. Se réserve le pouvoir de liquider l’astreinte.

. Déboute la société Mister Gooddeal du surplus de ses demandes.

. Déboute la société MGD Management de ses demandes reconventionnelles.

. Condamne la société MGD Management à payer à la société Mister Gooddeal la somme de 5000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.

. Ordonne l’exécution provisoire.

. Condamne la société Mister Gooddeal aux dépens de l’instance.

Le tribunal : Mme Marie-Claude Hervé (vice présidente), Mme Agnès Marcade et M. Rémy Moncorge (juges)

Avocats : Me Pierre Deprez, Me Gérard Haas

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