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Jurisprudence : Responsabilité

lundi 03 mars 2014
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Tribunal de commerce de Paris 5ème chambre Jugement du 10 février 2014

Inoxdesign / La Métallerie

concurrence - concurrence parasitaire - condamnation - droit d'auteur - investissement - originalité - photographies - reproduction - site internet

FAITS

Inoxdesign et La Métallerie sont l’une et l’autre des sociétés fabriquant et/ou distribuant des produits de serrurerie pour le bâtiment.

Inoxdesign reproche à La Métallerie d’utiliser sur son site internet des images tirées de son propre site internet pour lesquelles elle a investi en matériel et savoir-faire autour d’une technologie 3D.

Inoxdesign reproche plus particulièrement à La Métallerie d’avoir reproduit 10 photographies de ses produits.

Par courrier en date du 17 septembre 2012, Inoxdesign enjoignait à La Métallerie de retirer sous 48 H les images litigieuses de son propre site internet.

Par courrier du 18 septembre 2012, La Métallerie répondait à Inoxdesign que les images contestées auraient été trouvées sur Google et seraient sans propriétaire. Inoxdesign fera procéder, le 11 octobre 2012 à un constat d’huissier des photographies litigieuses et mettra en demeure La Métallerie, le 22 octobre 2012, de les retirer de son site internet.

Constatant que La Métallerie persistait dans ses pratiques qu’elle considère parasitaires et déloyales, Inoxdesign a initié la présente procédure.

PROCEDURE

Par acte en date du 20 Novembre 2012 délivré à personne habitée, Inoxdesign assigne La Métallerie.

Par cet acte et à l’audience en date du 26 avril 2013, Inoxdesign demande, compte tenu de ses dernières modifications, au tribunal, de :
– La déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et prétentions ;
– Débouter La Métallerie de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
– Constater la reprise par La Métallerie sur son site internet http://inox.lametallerie.net des visuels illustrant :
* Les gardes corps en inox prêts à poser à anglaise que ce soit à 5, 7, 8 câbles ou barres sur le site internet www.inoxdesign.fr ;
* Les gardes corps en inox prêts à poser à la française que ce soit à 5, 7, 8 câbles sur le site internet www.inoxdesign.fr ;
* Les gardes corps en inox prêts à poser à la française à 8 barres ou barres sur le site internet www.inoxdesign.fr ;
– Dire que par ces reprises La Métallerie s’est immiscée sans le sillage d’Inoxdesign sans bourse déliée afin de tirer profit des investissements et des efforts de cette dernière ;
– Dire que La Métallerie a publié des visuels de produits fabriqués par Inoxdesign alors qu’elle n’en distribue pas les produits ;

En conséquence,
– Dire que La Métallerie a commis des actes déloyaux et parasitaires au détriment d’Inoxdesign ;
– Condamner La Métallerie à lui payer la somme de 38 891,27 € au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;
– Condamner La Métallerie à lui payer 10 000 € au titre du préjudice d’image ;

Sur le débouté des demandes reconventionnelles :
– Dire qu’Inoxdesign a légitimement exercé son droit d’ester en justice ;
– Débouter La Métallerie de sa demande en condamnation d’Inoxdesign à lui verser la somme de 10 000 € en réparation de cette prétendue procédure abusive ;

Sur les autres demandes :
– Constater que La Métallerie utilise toujours sur son site internet les visuels appartenant à Inoxdesign illustrant :
* Les gardes corps en inox prêts à poser à l’anglaise que ce soit à 5, 7, 8 câbles ou barres sur le site internet www.inoxdesign.fr ;
* Les gardes corps en inox prêts à poser à la française que ce soit à 5, 7, 8 câbles sur le site internet vvww.inoxdesign.fr ;
* Les gardes corps en inox prêts à poser à la française de 8 barres où barres sur le site internet www.inoxdesign.fr ;

En conséquence,
– Ordonner le retrait des visuels susvisés du site internet http://inox.lametallerie.net sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;
– Dire que l’ensemble des astreintes prononcées sera productif d’intérêts ;
– Se réserver expressément le pouvoir de liquider les astreintes prononcées ;
– Ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil ;
– Ordonner la publication du jugement à intervenir sur la page d’accueil du site internet http://inox.lametallerie.net en caractère 12 police Arial pendant une période de 3 mois à compté de la signification du jugement ;
– Ordonner à titre de complément de dommages et intérêts la parution du jugement à intervenir dans 5 journaux aux choix de la demanderesse et aux frais de La Métallerie dans une limite de 5000 € par insertion soit un total de 25 000 € HT ;
– Condamner La Métallerie à lui payer outre les frais exposés pour la réalisation du procès-verbal en date du 11 octobre 2012, la somme de 10 000 au titre de l’article 700 du CPC ;
– Condamner La Métallerie aux entiers dépens et ce y compris les frais exposés pour la réalisation du procès-verbal de constat du 11 octobre 2012 pour 615,65 € TTC ;
– Ordonner l’exécution provisoire ;
– Dire que conformément aux dispositions de (article 699 du CPC, Maitre Gérard Haas pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision.

Aux audiences en date du 29 mars 2013 et 27 septembre 2013, La Métallerie, demande compte tenu de ses dernières modifications au tribunal de :
– Débouter Inoxdesign de l’ensemble de ses demandes ;
– Dire qu’Inoxdesign a fait preuve d’une légèreté blâmable dans l’introduction de la présente instance ;
– Condamner Inoxdesign à lui verser 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
– Condamner Inoxdesign à lui verser 5000 € au titre de l’article 700 du CPC ;
– Condamner Inoxdesign aux entiers dépens.

L’ensemble de ces demandes a fait l’objet du dépôt de conclusions et ont été échangées en présence d’un greffier qui en a pris acte sur la cote de procédure.

A l’audience en date du 2 décembre 2013, après avoir entendu les parties en leurs explications et observations, le juge chargé d’instruire l’affaire clôt les débats met l’affaire en délibère et dit que le jugement sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 janvier 2014 en application du 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile date reportée au 10 février 2014.

MOYENS

Après avoir pris connaissance de tous les moyens et arguments développés par les parties, tant dans leurs plaidoiries que dans leurs écritures appliquant les dispositions de l’article 455 du CPC, le tribunal les résumera succinctement de la façon suivante :
A l’appui de ses demandes, Inoxdesign soutient que La Métallerie s’est placée dans son sillage pour profiter de ses investissements sans bourse déliée et relève que les agissements fautifs se sont poursuivis en dépit d’une mise en garde.

Inoxdesign indique avoir investi dans la création de visuels en « 3D réaliste » à partir desquels elle peut reconstituer des visuels d’un graphisme incomparable tant pour ses catalogues que pour des plans en situation faisant ressortir l’éclat des inox utilisés que l’imagerie usuelle ne permet pas d’obtenir.

Inoxdesign liste les investissements réalisés en rapport avec cette technologie 3D réaliste.

Inoxdesign précise ne pas revendiquer l’originalité de ses visuels – qui relèverait du droit d’auteur – mais le droit à la protection de ses investissements.

Pour s’opposer aux demandes d’Inoxdesign, La Métallerie indique qu’Inoxdesign ne rapporte pas la preuve que La Métallerie se serait appropriée son travail alors qu’elle ne justifie ni de la titularité des droits sur les images litigieuses ni de l’antériorité des clichés relevés sur le site internet d’Inoxdesign.

La Métallerie conteste la réalité des investissements revendiqués par Inoxdesign et prétendument parasités.

La Métallerie conteste la valeur économique des 10 visuels contestés noyés au sein d’un site internet en comportant plusieurs centaines.

DISCUSSION

Sur les faits de parasitisme

Attendu que la jurisprudence indique que « le parasitisme est caractérisé dès lors qu’une personne physique ou morale à titre lucratif et de façon injustifiée s’inspire ou copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements” ;

Attendu que La Métallerie indique s’être appropriée les images litigieuses sur le site internet Google image dont elle soutient qu’elles étaient nécessairement libres de droit ;

Attendu que ces visuels, qui ne font que mettre en situation des produits techniques communs aux catalogues des deux sociétés concurrentes si elles ne peuvent constituer des images originales ou artistiques de nature à créer des droits privatifs ne sauraient être dupliquées par une entreprise concurrente dès lors qu’il serait établi qu’elles ont été réalisées à partir d’un savoir-faire et d’investissements spécifiques ;

Attendu qu’Inoxdesign justifie avoir réalisé des investissements importants en moyens matériels logiciels et humains autour de l’imagerie dite 3D réaliste afin de mettre en valeur le design des produits qu’elle commercialise ; que La Métallerie qui ne justifie pas avoir entrepris des investissements technologiques analogues ne saurait profiter de ces investissements sans engager sa responsabilité ;

Attendu que La Métallerie invitée à cesser d’utiliser les visuels litigieux s’est abstenue de se soumettre à cette injonction ;

Le tribunal dira que La Métallerie s’est appropriée une valeur économique procurant un avantage concurrentiel fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements appartenant à Inoxdesign et s’est ainsi rendue coupable de parasitisme aux dépens de son concurrent ; que sa responsabilité se trouve engagée.

Sur le quantum du préjudice

Attendu qu‘Inoxdesign justifie avoir investi la somme de 38 891,27 € dont elle demande l’entier dédommagement ;

Attendu qu’une faute ne donne lieu à indemnisation pour autant que se trouvent réunis une faute, un préjudice et un lien de causalite direct ;

Attendu que la faute commise par La Métallerie n’a en rien diminué la valeur économique des investissements réalisés par Inoxdesign ;

Attendu que seuls 10 visuels sont litigieux sur un total de plusieurs centaines d’images répertoriés sur chacun des deux sites ;

Le tribunal dira que le préjudice réparable est sans rapport avec le montant des investissements réalisés.

Attendu cependant que, de jurisprudence constante, il s’infère nécessairement un préjudice d’un acte de concurrence déloyale ;

Le tribunal, usant de son pouvoir d’appréciation condamnera La Métallerie à verser à Inoxdesign la somme de 2000 €, déboutant pour le surplus.

Sur les demandes de retrait sous astreinte

Attendu que La Métallerie utilise fautivement les visuels contestés que la demande de retrait desdits visuels du site internet de La Métallerie est légitime ;

Le tribunal ordonnera le retrait des dix visuels litigieux du site internet http://inox-lametallerie.net sous astreinte de 200 € par jour de retard, pendant une durée de 60 jours à l’issue de laquelle il sera fait à nouveau droit à compter d’un délai de 15 jours de la signification du jugement à intervenir, déboutant pour le surplus ;

Sur les demandes de publication

Attendu que des mesures de publication sous astreinte sont demandées ;

Attendu que les fautes relevées ne justifient pas que des mesures judiciaires soient ordonnées à titre de dommages-intérêts complémentaires ;

Le tribunal rejettera toutes les demandes de publication.

Sur les frais irrépétibles, l’exécution provisoire et les dépens

Attendu qu’il apparaît équitable de condamner La Métallerie qui succombe à indemniser Inoxdesign pour les frais irrépétibles qu’elle a du engager pour obtenir paiement de sa créance ;

Le tribunal condamnera La Métallerie à verser à Inoxdesign la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du CPC déboutant pour le surplus ce montant comprenant l’indemnisation des frais exposés pour la réalisation d’un procès-verbal de constat en date du 11 octobre 2012 d’un montant de 615,65 € ;

Attendu que vu la nature de l’affaire l’exécution provisoire qui est sollicitée est compatible avec les dispositions de l’article 515 du code de procédure civile ; qu’elle sera ordonnée ;

Le tribunal condamnera La Métallerie qui succombe à supporter les dépens de l’instance.

DÉCISION

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire en premier ressort :
– Déboute la société La Métallerie de l’ensemble de ses demandes ;
– Dit que la société La Métallerie a commis des actes de parasitisme aux dépens de la société Inoxdesign France qui engagent sa responsabilité ;
– Condamne la société La Métallerie à verser à la société Inoxdesign France la somme de 2000 € à titre de dommages intérêts ;
– Ordonne le retrait des dix visuels litigieux du site internet http://inox-lametallerie.net sous astreinte de 200 € par jour de retard pendant une durée de 60 jours à l’issue de laquelle il sera fait à nouveau droit, à compter d’un délai de 15 jours de la signification du présent jugement ;
– Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement ;
– Condamne la société La Métallerie à verser à la société Inoxdesign France la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du CPC ;
– Déboute des demandes plus amples et contraires ;
– Condamne la société La Métallerie aux dépens de l’instance.

Le tribunal : M. Gilles Guthmann (président)

Avocats : Me Gérard Haas, Me Romain Darriere

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