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Jurisprudence : Marques

lundi 12 février 2007
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Tribunal de grande instance de Mulhouse 1ère chambre civile Jugement du 7 février 2007

Groupe Philippe Bosc / MMT

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FAITS, PROCEDURE ET PRETENTION

Par acte d’huissier en date du 3 février 2005, la société Groupe Philippe Bosc nouvellement dénommée société Viadom Group, a saisi le tribunal d’une demande à l’encontre de la société MMT.

Dans ses dernières conclusions en date du 10 janvier 2006, la société Groupe Philippe Bosc, nouvellement dénommée société Viadom Group, conclut à la commission, par la société MMT :
– d’actes de contrefaçon des marques dont elle est propriétaire,
– d’actes de parasitisme à son détriment,

En conséquence elle sollicite du tribunal :
– l’interdiction pour la société MMT d’utiliser sous quelque forme que ce soit les dénominations Bosc et Bosc Office, et ce sous astreinte de 150 € par infraction et par jour à compter du présent jugement,
– la condamnation de la société MMT au paiement d’une somme de 800 000 € en réparation de son préjudice, outre les intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
– la publication du présent jugement dans trois journaux ou revues aux frais de la société MMT, à titre de complément de dommages-intérêts,
– l’insertion sur la page d’accueil du site shiva.fr d’un extrait du jugement,
– la condamnation de la société MMT au paiement de la somme de 700 000 € au titre de la concurrence déloyale,
– la condamnation de la société MMT au paiement de la somme de 4000 € sur le fondement de l’article 700 du ncpc, outre les dépens avec distraction au profit de Me Thierry Burkard.

Elle conclut enfin au débouté de la société MMT de l’ensemble de ses prétentions et à l’exécution provisoire du présent jugement.

Au soutien de ses prétentions, la société Groupe Philippe Bosc, nouvellement dénommée société Viadom Group, fait valoir qu’elle est propriétaire de plusieurs marques dont « Philippe Bosc » et « Groupe Philippe Bosc » et qu’elle bénéficie d’une expérience reconnue dans le domaine des services à la personne.

La société Groupe Philippe Bosc, nouvellement dénommée société Viadom Group, prétend que le site exploité par la société MMT, à savoir « shiva.fr », comportait dans son code source les noms Bosc et Bosc Office alors qu’elle proposait des services similaires aux siens.
Elle fonde sa demande relative à la contrefaçon sur les articles 713-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. Elle s’appuie, pour établir la matérialité des faits, sur un constat d’huissier en date du 23 août 2004.
En ce qui concerne la concurrence déloyale, elle explique que la société MMT est de création récente et ne dispose d’aucune notoriété contrairement à elle ; elle soutient qu’un internaute cherchant des informations sur la société Bosc trouvait parmi les résultats le site de la défenderesse et que le parasitisme est ainsi établi. Elle rappelle, en ce qui concerne son préjudice, que son chiffre d’affaires s’élève à la somme de 31 000 000 €.

En défense, dans ses dernières conclusions enregistrées le 21 avril 2006, la société MMT conclut au débouté de la société Groupe Philippe Bosc, nouvellement dénommée société Viadom Group, de l’ensemble de ses prétentions, à sa condamnation au paiement de la somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, la somme de 5000 € sur le fondement de l’article 700 du ncpc, outre les dépens, y compris les frais du procès verbal de constat en date du 1er mars 2005.

Au soutien de sa défense, la société MMT expose qu’elle propose, sous son nom commercial « Shiva », des services de ménage et de repassage à domicile.

La société MMT dénie tout caractère probant à l’acte d’huissier des 23 et 27 août 2004. Elle fait valoir que le procès verbal établi à sa demande le 1er mars 2005 démontre le contraire des allégations de la demanderesse.
Par ailleurs, elle exclut tout préjudice pour la société Groupe Philippe Bosc, nouvellement dénommée société Viadom Group, qui ne communique plus que sous le nom de Viadom, et ce depuis le mois de juin 2004, et qui ne justifie pas du montant sollicité.
Enfin, la société MMT fait valoir que la société Groupe Philippe Bosc, nouvellement dénommée société Viadom Group, ne peut reprendre les mêmes allégations que celles développées à l’appui de sa demande pour contrefaçon pour justifier sa demande au titre de la concurrence déloyale.

Par note en délibéré en date du 10 janvier 2007, la société Groupe Philippe Bosc, nouvellement dénommée société Viadom Group, a informé le tribunal de ce qu’elle avait modifiée sa dénomination sociale et sa forme juridique, qui sont actuellement la société Viadom Group.

DISCUSSION

Vu l’ordonnance de clôture en date du 14 novembre 2006 ;

Vu les pièces de la procédure et les documents joints,

Sur la demande fondée sur l’existence d’actes de contrefaçon

Attendu qu’il résulte de l’article 9 du ncpc qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ;

Attendu en l’espèce que, pour justifier ses demandes, la société Groupe Philippe Bosc nouvellement dénommée société Viadom Group, se fonde sur un procès verbal d’huissier en date des 23 et 27 août 2004 ;

Attendu qu’il résulte de ce procès verbal que, le 23 août 2004, un huissier a procédé « à une recherche sur le web par le biais du moteur de recherche Google, en mentionnant « Bosc Office » ; que l’huissier indique avoir pu identifier un résultat « shiva, ménage, repassage à domicile, personnel de maison, femme de… » lequel comporte en troisième ligne les noms « Bosc » et « Bosc Office » de la manière suivante « Bosc jardinage bosc menage bosc ménage bosc office bricolage domicile… » ; que l’huissier précise avoir édité cette page pour l’annexer à son procès verbal ;

Attendu cependant que ce résultat fait référence à la recherche aboutissant au site www.voileadventure.net » ; que ce site ne présente aucun lien avec le site internet de la société Shiva ; qu’en effet la société MMT établit le fait que ce nom de domaine a été enregistré par Bernard W. demeurant dans le Gard ; qu’en toute hypothèse, le fait de ne pas avoir cliqué sur ce lien et imprimé la page du site rend cette recherche sur internet incomplète et ne permet pas d’apprécier la réalité des griefs invoqués ;

Attendu, en ce qui concerne la recherche sous la dénomination « boscoffice », que l’huissier ne l’évoque absolument pas dans son procès verbal, ni dans son constat ni dans les annexes de celui-ci ;

Attendu que, dans le cadre de ses constatations, il n’évoque en effet que la recherche par le nom « Bosc Office » réalisée par lui-même dans son étude et non une recherche « Boscoffice » ;

Attendu que, dans le cadre des annexes remises par le référenceur de la demanderesse, il évoque « deux feuillets de recherche édités sous Google par le nom « Bosc Office » ; qu’il ne parle à aucun moment d’annexes relatives à la recherche sous le nom « Boscoffice », sans espace ; que bien plus, il n’est pas établi qu’il ait assisté à cette recherche ; qu’il est par conséquent impossible de savoir dans quelles conditions cette page a été trouvée et imprimée, même si elle est revêtue du cachet de l’huissier ;
qu’en outre, à la différence de la seule recherche effectuée par l’huissier, la recherche sous le nom « Boscoffice » a été réalisée sur le site Google anglais et non français ; que la méthode est différente et corrobore le fait qu’elle n’a pas été effectuée par l’huissier, mais dans des conditions totalement inconnues ; qu’enfin la page du site n’a pas davantage été imprimée ;

Attendu enfin, concernant l’ensemble des constatations réalisées le 27 août 2004 au sein de la société Activis, que l’huissier ne précise pas s’il a vidé la mémoire cache de l’ordinateur ayant servi à établir le constat ; qu’il n’affirme pas davantage avoir vérifier si la connexion au réseau internet se faisait ou non par un serveur proxy ;

Attendu que l’ensemble de ces incohérences ou omissions ôtent toute valeur probante aux constatations réalisées ;

Attendu en revanche que la société MMT justifie par la production d’un constat d’un agent assermenté de l’Agence pour la Protection des Programmes, parfaitement régulier, qu’à la date du 1er mars 2005, soit quelques semaines après l’assignation, les termes « bosc » ou « bosc office » n’ont pas été trouvé dans le document source du site http://www.shiva.fr ; qu’il ne peut être reproché à la défenderesse ne pas avoir fait établir ce constat avant, n’ayant eu connaissance des faits allégués par la demanderesse que par le biais d’une assignation et ayant diligenté ce constat presque aussitôt après ;

Attendu en conséquence que la société Groupe Philippe Bosc, nouvellement dénommée société Viadom Group, ne rapporte pas la preuve de la matérialité des faits qu’elle invoque ; qu’elle sera en conséquence déboutée de l’ensemble de ses demandes, tant au titre de la contrefaçon que de la concurrence déloyale ;

Attendu au surplus qu’il convient d’observer que l’action en concurrence déloyale n’est recevable qu’à la condition de s’appuyer sur des faits autres que ceux accusés de constituer une contrefaçon ; qu’en l’espèce la société Groupe Philippe Bosc, nouvellement dénommée société Viadom Group, fonde ses demandes tant au titre de la contrefaçon que de la concurrence déloyale sur les mêmes faits et les mêmes constations ;

Attendu par ailleurs que l’action en concurrence déloyale trouve son fondement dans les articles 1382 et 1383 du code civil qui impliquent non seulement l’existence d’une faute commise par le défendeur, mais aussi celle d’un préjudice souffert par le demandeur ;

Attendu en l’espèce que la société Groupe Philippe Bosc, nouvellement dénommée société Viadom Group, ne justifie d’aucune perte de clientèle ou de bénéfice, se contentant d’indiquer son chiffre d’affaires, sans préciser s’il existe une perte directement imputable aux hypothétiques actes de concurrence déloyale ; qu’elle ne justifie pas davantage d’un trouble commercial ; que qui plus est en 2004 elle a procédé un changement de nom de communication en adoptant celui de Viadom ; que si un préjudice était établi, ce qui n’est pas le cas, celui-ci serait en tout état de cause minime ; que la somme sollicitée, à savoir au total 1 500 000 €, est tout à fait disproportionnée avec les faits reprochés, à supposer que ces derniers soient réels, ce qui n’est pas prouvé ;

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que, en tout état de cause, la demande ne peut être que rejetée ;

Sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive

Attendu que la société MMT sollicite la condamnation de la demanderesse à lui payer la somme de 5000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Attendu cependant que l’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits ne peut constituer une faute ; qu’en tout état de cause la société MMT ne rapporte pas la preuve d’un préjudice ; qu’elle sera par conséquent déboutée de sa demande à ce titre ;

Sur les dépens et l’article 700 du ncpc

Attendu qu’en application de l’article 696 du ncpc, la société Groupe Philippe Bosc, nouvellement dénommée société Viadom Group, succombant à l’instance supportera les dépens de celle-ci, y compris les frais liés à l’établissement du procès verbal de constat en date du 1er mars 2005, sur production de la facture ;

Attendu qu’en application de l’article 700 du ncpc la société Groupe Philippe Bosc, nouvellement dénommée société Viadom Group, sera condamnée à payer une indemnité de 4000 € à la société MMT ;

Sur l’exécution provisoire

Attendu qu’en application de l’article 515 du ncpc, l’exécution provisoire apparaît compatible avec la nature de l’affaire et nécessaire au regard de l’ancienneté du litige ; qu’il y a donc lieu de l’ordonner ;

DECISION

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort,

. Déboute la société Groupe Philippe Bosc, nouvellement dénommée société Viadom Group, de l’ensemble de ses demandes ;

. Condamne la société Groupe Philippe Bosc, nouvellement dénommée société Viadom Group, aux dépens, y compris les frais liés à l’établissement du procès verbal de constat en date du 1er mars 2005, et à payer à la société MMT la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du ncpc ;

. Déboute la société MMT de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

. Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement ;

. Rejette toute autre demande.

Le tribunal : Mme Marie Liesse Guinamant (président)

Avocats : Me Thierry Burkard, Me Olivier Iteanu

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